Salutations tout le monde ! Eh oui, je reviens enfin pour poster mon chapitre 26. Désolé-e, maisj'ai eu pleins de problèmes, donc même s'il était corrigé, je n'ai pas pu le publier. Et je n'ai même pas encore commencé le chaitre 27. ( Bonne chance pour l'attente. )

Merci encore à Ahriall pour la correction et l'aide qu'elle m'approte. Ainsi qu'a mon-a chéri-e parce que sans ellui j'aurai sabansonné cette fic, lmao.

Je ne m'attarde pas plus.

TW : Il y a une mention de suicide, et les pensées noires de Caleb qui refont surface.


Caleb.


Le monde avait repris son cours dès que Caleb papillona des yeux, en face de Jude. Et Jude était là, ses mains posées sur ses épaules, sans savoir quoi faire sans doute - et d'un coup, il eut peur. Cette peur vicieuse, qui remonte jusqu'au coeur pour étouffer ses battements, fait bourdonner désagréablement les oreilles, empêche de respirer correctement.

Et quand il vut Caleb grimacer, reportant son regard qui s'était ancré dans le sien sur les clients derrière lui, Jude laissa ses bras retomber le long de son corps.

" Je dois y retourner. "

C'était comme une bombe, et Jude crut qu'elle allait exploser dans son être et l'anéantir pour de bon. Mais il ne fit rien, ne dit rien, se contentant de regarder Caleb. Ce dernier s'était éloigné de lui, lui tournant le dos pour rentrer dans le bar - mais alors que la porte allait se refermer sur lui, il la retint, et lança à Jude, sans un regard ;

" Mais si ce que tu dis est vrai, tu peux attendre que mon service se termine. "

Et il disparut dans le bâtiment.

Jude déglutit, passant une main dans ses cheveux, avant de balayer les tables du regard. Il en choisit une, un peu en retrait. En y faisant un peu plus attention, c'était ici qu'il s'était assit, quelques mois auparavant. C'était ici qu'il avait rencontré Caleb.

C'était ici, ce jour-là, que sa vie avait radicalement changé.

[...]

Caleb grogna quand Byron l'interpella - et au vu de son grand sourire, qui n'augurait jamais rien de bon, il décida de l'ignorer.

Même s'il savait que son collègue ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement, il n'avait pas envie de parler… de parler de ce qui venait de se passer.

Il soupira, reprenant un plateau complet, nota le numéro de la table, et alla servir les clients. Malgré le fait que le bar était bondé ce soir-là et qu'il n'avait pas une seconde pour souffler, trop de pensées emplissaient sa tête. Même lui n'avait rien pigé aux gestes de Jude. Pourtant, ces trois mots qu'il avait murmurés, tournaient en boucle, inlassablement, comme un chant mélodieux, doux et réconfortant.

Il ne comprenait pas ce qui se passait dans l'esprit de Jude, alors qu'ils étaient censés se haïr. Et au fond, il n'était pas sûr de vouloir savoir.

[...]

Caleb sortit du bâtiment, quelques heures plus tard, par la porte des clients. Il glissa ses mains dans ses poches, empêchant le froid mordant de les frigorifier, frissonnant, pestant mentalement contre le vent glacial de cette nuit d'hiver. Et bien sûr, Jude l'attendait, appuyé contre le mur, une clope au bout de ses lèvres, de son indifférence habituelle. Comme si rien ne s'était passé, qu'ils étaient toujours amis, que rien n'avait changé.

Caleb soupira, avant de sortir son propre paquet de cigarettes et d'en prendre une, protégeant la flamme aussi fragile qu'éphémère de sa main tremblante - et la première taffe lui fit tellement de bien. II avait juste envie d'oublier, mais le corps de Jude dans la pénombre lui rappelait sans cesse qu'il avait tout gâché - pour changer.

Ils auraient pu vivre comme dans un roman à l'eau de rose - mais non. Non, parce qu'ils avaient chacun trop de démons, le coeur trop déchiré par trop d'insécurités. Parce que Caleb était trop impulsif, avait trop de fierté.

Le silence se faisait de plus en plus pesant, emplissant la nuit de bien trop de non-dits orageux. Alors, Caleb risqua un regard vers Jude - et derrière ses verres fumés, il capta ses yeux grenats. Ce dernier se racla alors la gorge.

" Il faut qu'on parle, Caleb. "

Il le savait. Parler, oui, mais parler de quoi ? Est-ce qu'ils allaient encore s'engueuler, leurs voix pleines d'une colère amère ?

Caleb souffla la bouffée de nicotine, avant de hocher la tête, lentement. Il n'avait pas d'autres choix, de toute façon. Il vit Jude éteindre son mégot, et le jeter dans une poubelle, dans un même geste. Puis, il lui fit signe de le suivre en se redressant, et celui-ci obtempéra sans un mot.

Que l'enfer lui ouvre ses portes.

[...]

A vrai dire, Jude ne savait absolument pas pourquoi il avait fait ça.

Dans la pénombre de la nuit, les lampadaires éclairant gentiment les rues vides, les bruits de leurs pas résonnaient. Ils marchaient à une distance raisonnable, comme s'ils n'osaient pas s'approcher l'un l'autre, de trop près. Jude avait cette démarche déterminée, sûr de lui - alors qu'au fond, il était perdu et peureux des évènements - et Caleb, lui, cette démarche lente, nonchalante, ses yeux se posant sur le paysage de béton s'offrant à lui - est-ce qu'il profitait du vent glacial, ou ces pas étaient simplement indécis, de ce flegme fatigué, effrayé ?

Jude soupira imperceptiblement, enfouissant ses mains dans ses poches. Tout à l'heure, le temps d'un instant, il n'avait plus eu le contrôle de lui-même. C'est comme si… Si son coeur et ses sentiments avaient éclaté dans sa poitrine, pour lui faire ouvrir les yeux, et accourir voir l'amour de sa vie.

En y repensant, ça lui faisait un peu peur, au fond. Mais malgré ça… Malgré ça, il ne s'en plaignait pas. Parce qu'il pourrait mettre les points sur les i avec Caleb. Même si tout ça avait un trop grand air de film romantique pour ado ; or, eux avaient la vingtaine, et étaient adultes, depuis bien trop longtemps.

Il songea à ce qu'il avait pensé, avant de perdre le contrôle de son corps. L'océan, la noyade, la bouée qu'était Caleb… ça aurait pu être n'importe qui. Cette bouée, ça aurait pu être Shawn, Mark, Axel, peut-être même… Peut-être même David.

Mais non. Celui qui le maintenait en vie, c'était lui - c'était Caleb.

Et rien qu'à voir son état dès qu'ils s'éloignaient l'un de l'autre, il pouvait comprendre qu'il l'aimait plus qu'il ne le laissait croire.

Pourvu que Caleb ne l'abandonne plus - et que lui non plus.

[...]

Caleb s'allongea dans l'herbe, toujours aussi silencieux. Il n'avait pas envie de voir le visage de Jude, pendant qu'ils parleraient - il n'avait pas envie de voir cette éclat de peur, de doute, d'amour, brillé dans ses yeux rubis. Parce qu'il était faible, et qu'au moment où il rencontrerait son regard, il retomberait dans ses bras.

Ainsi, la peur lui tordra le ventre.

C'était si paradoxale - mais leur relation toute entière était si paradoxale. Un jour ils s'aimaient, et le jour d'après, ils se détruisaient mutuellement.
Il se parvint alors à se demander si leur relation était vraiment saine.

Il soupira, attendant que Jude prenne la parole, son regard porté vers le ciel couvert de nuages, cachant les étoiles brillantes.

" La dernière fois… La dernière fois, tu m'as dit de me taire et de te laisser finir, de ne pas t'interrompre. Alors, je t'en prie, laisse moi parler jusqu'à la fin. "

Est-ce que c'était égoïste de refuser ? Très probablement. Il hocha la tête, lentement, attendant que l'épée de Damoclès de leur amour s'échoue sur lui - sur eux.

Il entendit Jude se racler la gorge, avant de reprendre la parole, d'une voix un peu tremblante, maladroite.

" J'ai peur. J'ai peur de tout ce qui nous entoure. De nous, de ce qui s'est passé avant, de nos démons, de notre avenir. Mais je n'ai pas non plus envie d'avancer sans toi. Parce que bordel, Caleb, c'est grâce à toi que je survis, chaque heure, chaque jour de plus sur cette maudite terre. Mais… Mais j'ai tellement eu peur, quand tu m'as jeté toutes ces paroles amères, la dernière fois. J'avais… J'avais l'impression de revoir David, et ça m'a détruit. J'avais l'impression, qu'à un moment ou un autre, tu allais me frapper, recouvrir mon corps de traces bleuâtres. Et pourtant, je sais que tu n'es pas comme ça, que tu ne feras jamais ça. "

Jude reprit sa respiration, lentement, et Caleb put remarquer qu'il tremblait légèrement. Et lui, allongé dans l'herbe, il avait envie de pleurer, de hurler, de s'extraire de son corps. Il était putain de toxique, surtout pour Jude. Il aurait du le rayer de sa vie, l'oublier, le haïr. Mais non, il était là, à lui dire à quel point il avait peur, peur de lui, peur du monde, de tout. Et le temps d'un instant, ses mots rassurèrent Caleb. Parce que Jude n'était pas si sûr de lui, qu'il avait aussi ses craintes - ses craintes par rapport à leur avenir, ensemble.

" Mais… Mais je t'aime trop pour rester loin de toi. Si je dois avoir peur, je préfère avoir peur à tes côtés, que loin de toi. "

Caleb déglutit, et sentit un frisson traverser son corps. Bordel. Il n'avait pas le droit de l'aimer. Ou de le lui balancer comme ça, en tout cas. Pas… Pas après tout ça, pas maintenant.

Bien sûr que ça lui faisait du bien d'entendre ça, de la bouche de Jude. Mais sa voix un peu tremblante de crainte, ça faisait tout aussi mal au coeur.

Et Caleb savait que c'était sa faute. Bien sûr que c'était sa faute. C'était lui qui avait tout gâché, comme si leur relation était une feuille de papier, qu'il avait froissée et jetée à la poubelle, sans un regard en arrière.

Mais cette feuille, il pouvait toujours la récupérer, non ? Il ne l'avait pas brûlée, après tout.

Il se releva en tailleur sur l'herbe fraîche, passant une main sur son visage.

" Pourquoi tu ne me hais pas ?

- Parce que je t'aime. "

Caleb déglutit à nouveau, et risqua un regard vers Jude. Là, dans la pénombre, le regard tourné vers les étoiles, il était magnifique. Il remarqua également que son… son quoi d'ailleurs ? n'avait pas ses lunettes, que ses yeux étaient visibles, par le monde entier, mais surtout par lui - et ça lui donna encore plus envie de pleurer.

" Tu m'aimes comme tu aimais David ? "

Jude se tourna vers lui, la peur aux yeux - et Caleb s'en voulut.

" Non ! Bien sûr que non. Je… C'est plus compliqué que ça. Notre relation est plus compliqué que celle que j'avais avec lui. Pas dans le même style, surtout. Je veux dire… Tu es tellement différent, mon coeur bat différemment pour toi. David, je voulais le fuir, toi, je veux rester à tes côtés pour entendre les battements de ton coeur. Quoi… Quoi qu'il arrive "

Caleb se laissa retomber en arrière - et grimaça en sentant son dos rentrer lourdement en contact avec le sol. Il s'en voulait, tellement. Mais il avait aussi peur que Jude, et il n'avait aucune idée vers quelle direction leur relation allait. Et il se détestait pour ça. Le destin lui en voulait, et quoi qu'il fasse, il gâcherait toujours tout, et Jude ne serait jamais heureux avec lui. Il aurait aimé lui offrir un monde fait de nuages vaporeux, emplis de douceur - mais son monde à lui était trop sombre, trop orageux pour quiconque. Mais surtout pour lui.

Et Jude ne méritait absolument pas ça.

" Tu… On peut pas."

Jude tourna de nouveau son regard vers Caleb.

" On ne peut pas quoi ?

- … S'aimer. Tu ne peux pas m'aimer. Tu n'as pas le droit."

Il vit la pomme d'Adam de Jude rouler sous sa peau, et Caleb détourna le regard. Il devait faire exploser la bombe. La bombe, leur bombe, qu'ils retardaient de faire exploser depuis le début.

La bombe de leur amitié. De leur relation.
Et finalement, de leur amour.

" Pourquoi tu dis ça ?

- Parce que c'est la vérité, Jude. On… Peut pas faire ça, vraiment… Je veux dire, on est trop différent pour ça. Regarde toi ! Tu es beau, tu brilles de milles feux pour cacher tes ténèbres, tu as un beau boulot, tu t'habilles avec des fringues à cinquantes euros pièces, un appart qui fait trois fois le mien, et des potes. Et puis il y a moi. Il y a moi qui dois me niquer la santé à servir des cafés à des cons de droites pour payer un mois de loyer dans un appart' beaucoup trop petit. Moi, qui suis toxique au possible avec tout le monde, à héberger ma meilleure pote qui s'est fait virer de chez elle parce qu'elle est putain de lesbienne, et qui cache ses propres démons derrière des rires cyniques. Moi, à fumer beaucoup trop de clopes au clair de lune. On… On est pas faits pour être ensembles, Jude, c'est tout.

- Tu mens. "

Caleb haussa un sourcil, se retournant vers son interlocuteur.

" Tu mens, parce que tu m'as sauvé. Tu mens, parce que ce n'est pas nos positions sociales qui doivent guider notre amour. Tu mens, parce que chaque jour de ta foutue vie, tu te bats pour y rester - pour rester en vie. "

Jude soupira, se tournant vers Caleb une ultime fois.

" Caleb, qu'est ce que tu ressens pour moi ? "

Ce dernier ravala difficilement sa salive - encore et toujours - et planta son regard orageux dans celui grenat et incandescent de Jude.

" Je peux pas dire ça, pas maintenant. Je-"

Et tout ce que fit Jude en retour, c'est de se pencher pour l'embrasser, pour poser délicatement ses lèvres sur les siennes - et pour la première fois depuis des années, Caleb se dit qu'il avait de la chance d'avoir une étoile aussi brillante à ses côtés.