Les appartements de Horace Slughorn étaient presque entièrement vides. De nombreuses malles et valises étaient entreposées au milieu de la pièce. Horace, Dumbledore le savait, ne reviendrait pas tant qu'il serait là. Il fallait pourtant bien qu'il lui parle. En l'attendant, le vieil homme s'installa sur un large fauteuil en velours et feuilleta l'album photo encore posé sur la table.
Narcissa anciennement Black vêtue d'une robe rouge pétante et Marlène McKinnon, qui pour une fois avait abandonné ses allures de garçon manqué le toisaient toutes deux d'un air narquois. Sur la photo d'à côté, Lily anciennement Evans agitait gaiement la main à coté d'un Severus Rogue plus réservé, mais néanmoins souriant. Plus bas, James Potter et Sirius Black posaient bras dessus bras dessous aux cotés de Remus Lupin et d'un Peter Pettigrow hilare.
Dumbledore se retint de fermer brusquement l'album.
Il était facile d'imaginer Narcissa Black offrir son sourire le plus mielleux à l'objectif juste après avoir envoyé l'un ou l'autre maléfice à une Bertha Jorkins trop bavarde ; ou Marlène McKinnon partir batte en main juste après la photo pour essayer de trucider les joueurs de Gryffondor parce qu'elle n'avait jamais été capable de faire la différence entre le terrain de quidditch et le reste du monde ; Lily Evans et Severus Rogue conspirer près du lac ; ou bien encore James Potter et Sirius Black, soigneusement cachés sous la cape d'invisibilité préparer un coup en douce sous l'œil désapprobateur de Remus Lupin et celui apeuré de Peter Pettigrow.
Il y aurait sans doute eu une certaine ironie, si ça n'avait pas été aussi tragique, à voir les Potter se faire livrer impitoyablement par Sirius Black et Severus Rogue le mangemort tout risquer pour les préserver. Mais enfin, ni Lily ni James n'avait su choisir leurs amis finalement. Au moins leur fils Harry était sain et sauf.
Dumbledore tourna la page. Marlène McKinnon, en tenue de quidditch cette fois, la batte sur l'épaule, et Avery, un coquard impressionnant à l'oeil droit, portaient sur leurs épaules un Regulus Black rayonnant, brandissant en l'air le vif d'or qu'il venait d'attraper.
Dumbledore plissa le front.
Il y avait tellement de zones d'ombres dans l'histoire du jeune homme. Avait-il vraiment enlevé et tenté de tuer Alice Londubat, comme le lui avait affirmé Frank ? Qui était donc le mystérieux informateur de l'auror, dont il n'avait jamais voulu révéler le nom ?
Rogue avait fini par lui avouer le sort subit par Regulus Black. Qu'avait-il fait pour déplaire à ce point à Tom ? Était-ce parce qu'il avait laissé échapper un prisonnier de grande valeur, comme le lui avait dit Frank ? Sirius Black, le traître, était-il impliqué d'une manière ou d'un autre ? Ils avaient toujours eu des relations conflictuelles après tout. Et qui était l'acolyte de Regulus au ministère et lors de l'attaque de James Potter ?
Qui avait sauvé Alice ? Qui avait ensuite tenté de le voir le même soir, effrayant au passage Hagrid et Mme Rosmerta ? Et pourquoi ?
Plus personne ne pourrait le lui dire maintenant. Mais au moins, Neville Londubat était sain et sauf.
Mais rien n'était fini pourtant, c'était juste un répit Dumbledore en était persuadé. La phrase de Bellatrix Lestrange lors de son procès tournait en boucle dans sa tête : «Le Seigneur des Ténèbres reviendra», c'est ce qu'elle avait dit. Et de nombreux autres mangemorts en étaient persuadés. Il aurait été tentant de prendre ça pour des élucubrations de fanatiques, de croire que la prophétie s'était accomplie dans son entier le soir du 31 à Godric's Hollow. Après tout, une prophétie n'était rien de plus que ce qu'on en faisait. Mais on n'avait pas retrouvé le corps de Tom. Et il y avait la lettre. Il la sortit de sa poche et la relut pour la énième fois.
Professeur Dumbledore,
Le maître ne peut pas mourir tant que
Et c'était tout. L'écriture était nerveuse, l'auteur avait écrit tellement vite que s'en était presque illisible, le dernier mot se terminait par une rature et l'encre avait un peu bavé comme si le parchemin avait été replié trop vite.
Dumbledore n'avait jamais su qui le lui avait envoyé. Il l'avait trouvé un jour, directement dans sa poche. Le plus curieux étant que le messager avait pu aller et venir dans Poudlard sans que nul ne le remarque. Élève, ou elfe ?
Et qui l'avait écrit ? Un mangemort c'était certain, puisqu'il appelait Tom « le maître ». Sûrement proche de Tom pour qu'il puisse être au courant d'une telle chose. Mais qui ? Était-il mort ? Faisait-il parti de ceux qui l'avaient renié sitôt sa chute annoncée?
Horace savait quelques chose sur les secrets de Tom, Dumbledore en était certain. Il fallait le faire parler. Puis remonter le fil, petit à petit reconstituer la vie de son ancien élève, essayer de comprendre. Et maintenant, il avait tout le temps de le faire.
Le maître ne pourra pas mourir tant que
Tom reviendrait, c'était une certitude.
Ce n'était pas fini, tout ne faisait que commencer.