Bonjour toustes !

Bien sûr, MERCI pour toutes vos reviews, et promis je vous réponds un jour x) Elie, Mariloo, cousingaelle, Nuda Veritas, Tiky, admamu, Mimi, Electre, Zo et Elizabeth !

Merci à toustes d'avoir suivi cette histoire ! En voici le dernier chapitre (et je ne comprends pas à partir de quel moment il s'est lui aussi transformé en monstre de plus de 9000 mots. Vraiment.).

Bonne lecture :)


Chapitre 5

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« C'est ça, votre « quelqu'un qui pourrait faire partie de la maison », Watson ?

Il y a des agents secrets qui correspondent à un certain stéréotype. Grands, élégants, musclés, virils, habillés d'un marcel pas propre pour cause de sudation enrichie en testostérone, mais assez uniformément sale pour ne pas le paraître tout à fait, quand ils ne sont pas en costume trois-pièces ou en redingote ; le cheveu court et la mâchoire carrée qui viennent appuyer leur mâle démarche dans une attitude sérieuse voire sombre que quelques rares boutades pince-sans-rire servent à rendre sympathique. À sa propre façon, et avec l'argument de la taille en moins, John Watson entre dans ce stéréotype.

Et puis il y a ceux comme celui-ci, que Sherlock sait s'appeler Davids. Celle-ci, devrait-il d'ailleurs dire, mais comme le terme d'agente secrète n'a pas encore été validé par l'académie, il n'est pas sûr. Elle est petite, rachitique, se penchant avec des airs de rapace sur le bureau majestueux derrière lequel se tenait Mycroft, fut un temps, pour le détailler à travers ses étroites lunettes à la monture ronde en fin métal. Le menton inexistamment banal et le nez tout aussi spectaculairement acaractéristique dans la taille et la forme, elle promène sèchement sur eux des yeux couleur vase qui ne semblent savoir se décider entre le vert sale et le marron raté des enfants en classe de maternelle, après qu'ils ont mélangé toutes les peintures en espérant voir une nuance magique et encore inconnue apparaître. Ses cheveux eux non plus n'affichent aucune teinte définie, brun clair, châtains, blond foncé, souris... oui, souris comme l'air général de la quarantenaire. La seule étrangeté que Sherlock lui relève, et c'est entièrement contextuel dans une Angleterre aux administrations toujours tatillonnement réactionnaires sur des points qu'on aurait cru réglés depuis des lustres, c'est son teint hâlé qui indique que, fût-elle née une ou deux générations plus tôt, elle aurait respiré ses premières goulées d'un air qui aurait été marocain ou algérien plutôt que britannique.

Imaginer que ce genre de personnes physiquement insignifiantes risqueraient leur vie à chercher ou protéger des informations sensibles est si hautement improbable qu'elles en deviennent éminemment dangereuses sur le terrain. Sherlock en est un autre, même s'il ne partage de caractéristiques communes avec cette femme que son atypie générale, par comparaison à l'imaginaire populaire concernant les agents secrets.

S'il se retrouve face à cette femme aujourd'hui, c'est parce que, quelques jours plus tôt, il a dit à John : « J'ai besoin de faire quelque chose. Vraiment besoin. Vraiment quelque chose. » et John a arrangé l'entrevue. De ce que Sherlock a compris, réalisant du même coup que son existence est devenue une menace pour la carrière de l'agent Watson, ce dernier n'a pas osé trop en dire à son employeuse.

– Oui, c'est lui, répond John, sur ses gardes et presque réticent à ajouter : C'est aussi la source qui nous a apporté la liste des exactions de Fang. Je l'ai rencontré pendant ma mission chez lui. Il est… il est resté chez moi depuis qu'il m'a transmis ces informations.

– Et vous étiez qui, exactement, pour avoir toutes ces informations sur Eustace Ernest Fang ?

Ernest ? Tiens, ça, Sherlock l'ignorait.

Davids s'est tournée vers lui, cette fois. Elle lui parle avec un genre de mépris que Sherlock voudrait qualifier de masculin, parce qu'il n'est pas sûr qu'une femme se soit déjà adressée à lui de cette façon au premier abord. Pourtant, à part exister et se trouver sous son nez, il n'a encore rien fait pour s'attirer le moindre ressentiment de cette personne-là.

– Le conseiller en investissements de cet homme, répond finalement Sherlock après s'être raclé la gorge.

– Et au nom de quoi avez-vous pris la liberté d'héberger un individu comme lui, Watson ? s'attaque-t-elle cette fois à John.

– Qui j'héberge ou n'héberge pas chez moi est un aspect de ma vie qui me regarde entièrement, répond le médecin, sans hargne, mais avec un ton ferme qui ne souffre aucune remise en question.

John a de la chance qu'elle ne soit pas très jolie. Face à une jolie fille, Sherlock, puisque le médecin l'a obligé à marcher avec lui dans la rue une ou deux fois, a pu constater que John ne sait pas être ferme sans être paternaliste. Le pire advenant sans doute par le fait que, si la représentante du sexe féminin en question a du répondant, elle passe soudain du statut automatiquement attribué de « fille », quel que soit son âge, à celui plus ambigu de « femme », et John, alors, ne sait juste plus être ferme du tout. Les individus sexués et charmés dès le premier regard porté sur un être qui les intéresse potentiellement sont fascinants, se rappelle l'ancien prostitué chaque fois qu'il assiste à ce phénomène particulier.

À moins peut-être qu'à force de côtoyer cette femme-là et de lui parler d'homme à homme, comme sa personnalité l'exige manifestement, John ait compris qu'il est certaines situations où le sexe et le genre de son interlocuteur n'ont vraiment pas à influer sur son propre comportement.

– Vous êtes au courant que vous l'avez particulièrement mal conseillé, revient Davids vers Sherlock, comme si elle ne s'était pas tournée une seconde vers John, d'une façon légèrement déstabilisante, et avec le mépris qu'elle adresserait au conseiller en investissement le plus stupide sur lequel le monde aurait eu l'outrage de lui faire poser les yeux.

– Ce n'était pas ma mission principale auprès de cet homme.

– Et quelle était votre mission principale ?

– Me prostituer, répond Sherlock sans ciller.

John se tend à côté de lui, et plus encore quand la femme envoie un regard curieux vers le médecin, avant de s'emparer d'une feuille qu'elle avait manifestement préparée et d'annoncer :

– Oui, soit, Watson, vous savez bien qu'on recherche constamment le type d'individus qui seraient ouverts à jouer de ce genre de couverture.

Lentement, et en totale contradiction avec la sensation d'électrochoc résolument violente et écœurante qui l'a soudain émietté de l'intérieur sans qu'il ne l'anticipe une seconde, à cette phrase, Sherlock lève vers John un sourcil qui, s'il est mobilisé par la surprise, demeure globalement inexpressif.

– Madame, attendez, gronde l'interlocuteur du moment.

– Quand seriez-vous prêt à entrer en service ? demande-t-elle à Sherlock. Bien sûr, vous vous figurez que vous aurez un nombre conséquent de tests physiques, psychologiques et psychotechniques à passer, vous avez dû regarder des films d'agents secrets, tout n'y est pas une ineptie. Même si c'est Watson qui vous recommande, nous ne pouvons pas choisir nos recrues à la légère.

– Ce n'est vraiment pas… commence John, plus rouge que jamais.

– Watson, vous êtes déjà à deux doigts du blâme, puisque, si j'ai bien compris, vous aviez connaissance de l'existence de cette source au moins un mois avant de nous fournir des informations que nous aurions pu lui extorquer bien plus tôt, eussiez-vous eu l'obligeance de nous en parler. Je vous suggère de ne pas vous manifester plus. Nom ? exige-t-elle en se tournant vers ladite source, puisque celle-ci doit apparemment payer le simple fait d'exister.

Un stylo est apparu entre les doigts de Davids. Sherlock fixe d'un œil qu'il sent devenir définitivement vide le document qu'elle s'apprête à remplir et qui va à nouveau sceller son destin d'ici quelques secondes. Le papier ressemble étrangement aux contrats pour lesquels il laissait régulièrement Fang parapher à sa place.

Comme hors de cette réalité, il se souvient de la nausée qui l'a assailli lorsqu'il a rencontré John. Il s'en souvient, parce que c'est exactement la même qui s'installe à nouveau paresseusement en lui. Il la déglutit. L'oublie, en même temps qu'il opère un travail d'enfouissement qu'il connaît bien pour l'avoir pratiqué pendant plusieurs années. Il connaît bien, oui, il sait faire. Alors il creuse l'intérieur de lui-même et, à la place de ses organes vitaux, il enterre les ressentis, les sentiments et l'estime de soi qu'il a peut-être réussi à sentir à nouveau en lui, à force d'habiter avec John Watson. Enfin, une fois cette précaution prise, parce qu'elle sera nécessaire pour la suite, manifestement, il est prêt à répondre, ce qu'il fait d'une voix aussi blanche et neutre que ses pensées qu'il tait, qu'il tait très fort, à les étouffer :

– Holmes.

– Prénom ?

– Sherlock.

Les petites lunettes rondes envoient un éclair de lumière quand Davids s'immobilise brusquement, le stylo déjà planté dans la feuille pour commencer à écrire le S majuscule. Elle finit par relever des yeux légèrement exorbités.

– Pardon ?

– Sherlock Holmes, répète ce dernier et, au milieu de la brume qui orchestre mollement ses pensées, depuis une trentaine de secondes, il se demande si, cette fois, elle va le reconnaître.

Davids et lui n'ont jamais été les meilleurs amis du monde. Ils ont collaboré par le passé, cependant. Mycroft la considérait comme un agent à la hauteur de Sherlock, alors celui-ci se méfiait d'elle autant qu'il lui octroyait d'office une intelligence et une stratégie supérieures. Mycroft, et lui par extension, ne s'étaient pas trompés. Les missions réussies dans les meilleurs temps et sans le moindre dégât collatéral, c'était celles qu'ils avaient faites ensemble. Rarement en contact direct parce qu'ils ne se supportaient pas, ils travaillaient merveilleusement bien de concert à travers des technologies qui négligeaient la forme pour se concentrer sur le fond.

Elle et lui avaient des ambitions différentes, cependant. Elle visait le haut, hiérarchiquement parlant, et Sherlock sentait que le fait qu'elle était une femme dans un monde d'homme n'était pas pour rien dans cette volonté féroce et inflexible. Lui n'aurait visé cette place pour rien au monde. Pas pour le principe d'éviter la concurrence fraternelle, mais parce que depuis le temps que Mycroft y siégeait, il aurait fallu au moins incendier le bâtiment pour décontaminer la place qu'il occupait. Davids et lui ne se comprenaient donc vraiment pas. Leurs vues sur le monde sont à de tels extrêmes l'un de l'autre que, finalement, rien n'est plus logique qu'elle se retrouve chef aujourd'hui alors que lui n'avait plus trouvé sa place dans la structure, une fois Mycroft disparu.

– Bordel, Holmes, murmure-t-elle d'un ton bourru. T'as pris un de ces coups de vieux… Qu'est-ce que t'as foutu, pendant tout ce temps ?

Sherlock pourrait lui offrir son regard et son sourire qui le classent parmi les très jeunes adultes lascifs de ce monde. Sauf que John choisit ce moment précis pour exploser. Il déverse ce qu'il se retient manifestement de hurler depuis le début de l'entretien :

– Pendant tout ce temps, crache-t-il, pendant tout ce temps, il s'intégrait à un réseau de drogue puis de prostitution pour remonter jusqu'au commanditaire de l'assassinat de son frère, et aujourd'hui, il nous donne le résultat de la dernière mission qui lui a été soumise avant que plus personne n'entende parler de lui, Davids !

Ça, c'est quelque chose qui est sorti quelques semaines plus tôt. John qui était passé par le Club Diogenesis en rentrant de la clinique et qui avait attendu dans le bureau de Davids, y avait fouillé quelques archives.

« Ils t'ont mis sur cette mission-là ?! avait-il bouillonné dès qu'il avait fait un pas dans l'appartement. De tous les agents du service, c'est à toi, à TOI qu'ils ont demandé d'enquêter sur la mort de ton frère ?

– C'est moi qui ai insisté pour que ce soit le cas, s'est souvenu Sherlock après avoir contemplé pendant dix secondes le fait qu'effectivement, l'impulsion de ses primes recherches concernant l'assassinat de Mycroft provenait bien d'un nouvel ordre de mission, ce qu'il était parvenu à oublier également.

– Et alors !? Depuis quand on fait enquêter quelqu'un sur la disparition d'un membre de sa famille ?!

– Il n'y avait plus personne qui tenait réellement les rênes du service. J'ai créé la fiche de mission moi-même. »

John avait eu l'air très remonté contre l'entièreté du monde, Sherlock compris.

Dans la pièce où l'entretien a lieu, dans le présent, l'atmosphère a drastiquement changé quand Davids a tiqué sur son nom. Avec ce nouveau degré d'informations, tout semble encore différent.

– Tu as fait ça pendant six ans ? demande Davids d'une voix neutre n'indiquant que trop bien qu'elle aurait souhaité pour lui que les choses se passent autrement.

– Je ne suis pas certain que la liste que je vous ai fournie suffise à incriminer Fang, élude Sherlock. Pas pour Mycroft, en tout cas.

– Ça nous donnera la possibilité de mettre le nez plus en détail dans sa gestion de comptes présents et passés, dès que le département légal aura fini d'éplucher tous les angles d'attaque qui nous permettront de monter un dossier contre lui. La recherche est déjà assez avancée.

– Vous vous intéressez un versement en particulier, déduit l'ancien prostitué, la bouche sèche.

C'est étrange, réalise-t-il. En entrant dans ce bureau et en croisant le regard de son ancienne collègue qui n'avait pas su le reconnaître – et il sait qu'il a effectivement beaucoup changé en six ans – il avait eu l'impression de finir de disparaître de la surface de la Terre. Sherlock Holmes, oublié, mort et enterré puisque pas une personne de son présent n'était capable de le relier à son passé. Pire encore, quand il l'avait sentie sur le point de lui assigner à nouveau un rôle de prostitué, estampillant définitivement dans sa vie, même sans Fang, le fait qu'il n'était plus bon à rien d'autre que se dévêtir pour se vendre. Pourtant, des images de leurs missions communes traversent sans aucun doute l'esprit de la femme en cet instant. Et à présent qu'elle s'adresse à lui comme elle le faisait en ce temps-là, c'est comme si sa substance et sa moelle revenaient l'habiter petit à petit. C'est presque trop violent, ce retour à lui-même. Il en goûte chaque seconde, pourtant.

« Tu existes, » lui avait dit John quelques deux mois plus tôt. Il peut soudain admettre sans conteste dans ce bureau, dans ce service, que c'est l'entière vérité.

Ce qu'il y a de bien, avec Davids, c'est que le sentimentalisme n'a aucune place dans ses paroles. Toute capable qu'elle est de reconnaître une situation injuste, elle n'en sera pas plus douce avec celui qui la subit qu'avec n'importe qui d'autre. Alors elle pose sans ambages :

– On sait qui a tiré, on l'a su quelques mois après l'assassinat. Mais on peine à trouver d'où provenait le versement qui l'a payé ensuite. Il y a eu deux opérations financières sur son compte : des… « arrhes », dirons-nous, puis les quatre cinquièmes d'une somme substantielle versée après coup. Depuis deux comptes différents appartenant à deux boîtes différentes que rien ne semble devoir lier et qui ont évidemment disparu sur le papier le lendemain même de chacun des versements. Leurs sièges sociaux, quand on y a envoyé quelqu'un, se sont révélés être des usines et terrains désaffectés depuis des dizaines d'années à Cuba et en Érythrée.

– Classique, souffle Sherlock dans un rire noir. Il n'est pas le seul à œuvrer ainsi, mais c'est effectivement un des jeux préférés de Fang. J'ai été payé par plus de sociétés-écrans que je ne l'aurais pensé imaginable, en l'espace de trois ans.

Le regard de Davids s'affine sur lui et, du pouce et de l'index refermés avec une précision acérée sur la tranche d'une branche de ses lunettes, elle remonte les verres sur son nez pour poser des yeux qui savent être perçants sur lui. Elle a la force de ne pas y aller par quatre chemins quand elle annonce :

– Ce service est toujours largement actif dans les causes qui étaient chères à ton frère, Holmes. J'imagine que tu as des informations qui nous intéresseraient, là aussi, et si ce que l'agent Watson m'a rapporté de cette soirée — en omettant habilement ton existence — est si outrageusement vrai, on ferait mieux de balayer notre propre palier avec d'aller dire à nos voisins comment marche la vie.

Sherlock a une pensée pour ses anciens collègues, à ces mots :

– Vous allez mettre beaucoup de personnes innocentes au chômage.

– Oui, grogne Davids. Et quand une loi a décidé que les enfants de douze ans n'avaient plus le droit de travailler dans des usines qui les exploitaient, ils se sont retrouvés au chômage, eux aussi. Il faut choisir ses combats, et le mien n'est certainement pas le plein-emploi, peu importe ce qu'en pense le gouvernement actuel.

Sherlock penche la tête en l'étudiant et la toise pendant trente secondes avant d'asséner :

– Je viens de me rappeler pourquoi je vous respectais, quand on travaillait ensemble.

– Eh bien, maintenant que j'ai su m'attirer les bonnes grâces du grand Sherlock Holmes, peut-être qu'on va pouvoir collaborer ?

– Cela dépendra de vos capacités, rétorque Sherlock. Vous étiez un bon agent de terrain, mais je n'ai aucune preuve de ce que vous valez autrement. Vous me permettrez d'en juger avant de décider avec qui je souhaite travailler.

– Certainement pas avec Watson, si c'est dans vos intentions.

– Pas sur cette mission-là, effectivement. Il peut réagir de façon absolument excessive quand certains sujets sont abordés.

– Euh… merci Sherlock ? grogne John, manifestement pas très ravi qu'on évoque son comportement de cette façon et dans ce cadre.

Sherlock lève les yeux au ciel et se tourne franchement vers lui, avec l'impression étrange de réutiliser pour la première fois depuis des lustres son corps en l'habitant, de façon volontaire et énergique.

– John, je refuse de travailler avec toi sur une mission comme celle où on s'est rencontrés si c'est pour que tu fasses les mêmes remarques insupportables que tu n'as pas arrêté de faire.

– Tu ne travaillais même pas à la mission ! s'indigne le médecin, alors que deux plaques rouges rampent de son cou à ses oreilles et commencent à colorer ses joues. Et si on pouvait parler d'autre chose que de cette soirée ici, j'en serais reconnaissant.

– C'est pour le Travail, John, s'étonne Sherlock. Tout comme tes manœuvres ce soir-là. Quel est le problème ?

– Il y a un certain nombre de choses qui se sont passées qui n'avaient vraiment rien à voir avec le travail, et qui n'ont vraiment pas besoin d'être rapportées ici, grogne son hébergeur.

Sherlock ouvre la bouche, s'interrompt avant de prononcer le moindre mot, puis la ferme en étudiant le médecin d'un regard minutieux.

– Et puis tu n'auras de toute façon pas le même rôle, reprend John avec un air buté.

– On ne peut pas en être sûr, pour autant que je préférerais effectivement que ce ne soit pas le cas. Mais si c'est nécessaire…

– Je refuse qu'on te mette dans la même pièce que cet homme à nouveau, le coupe le médecin avec véhémence. Bordel… je refuse de le revoir. Je ne suis pas certain de ce que je lui ferai si je le revois.

C'est Davids qui s'immisce cette fois :

– Vu ce qui suinte dans tout ce que vous ne dites pas dès que vous parlez ensemble, tous les deux, il paraît évident que vous êtes l'un et l'autre beaucoup trop affectés émotionnellement par les tenants et les aboutissants de ces missions, que ce soit celle qui porte sur Mycroft Holmes ou celle touchant au réseau de prostitution de Fang. Vous en êtes tous les deux d'office écartés. Merci de votre honnêteté à ce propos, Watson.

C'est sur elle que Sherlock pose des yeux scrutateurs à présent. Il tente de se souvenir d'une seule fois où Mycroft aurait prononcé les mots « affecté émotionnellement » en comprenant réellement ce qu'ils voulaient dire et sans en faire une insulte ou une faiblesse.

– Vous devrez être discrets, tous les deux, dit-elle ensuite.

– On essaie déjà de l'être, lui assure John. Sherlock ne sort pas de l'appartement, et je fais en sorte de réduire mes déplacements au minimum. Fang n'a pas donné de signes de vie dans mon quartier, apparemment, pour l'instant. Ça a l'air de fonctionner.

Elle le regarde quelques secondes puis envoie un regard interrogatif à Sherlock qui, lui, a compris le vrai sens de la remarque.

– On le sera, promet-il. Est-ce que vous pensez qu'il nous faudra deux appartements différents ? Ce qui est financièrement impossible à assumer pour moi, pour le moment. Celui que je loue m'est inaccessible à cause de Eustace Fang et me coûte les yeux de la tête.

– Je ne sais pas s'il est nécessaire que vous habitiez à deux endroits distincts… réfléchit-elle. Et même si vous aviez effectivement deux adresses différentes, est-ce que vous vivrez chacun chez vous ou est-ce que vous ne paierez pas deux loyers pour rien ? D'un autre côté, ça brouillera les pistes d'un point de vue administratif. Et il faudra que nous fassions quelque chose à propos de ton appartement actuel, évidemment.

Sherlock hoche la tête.

– Dans quelle mesure pourrais-tu graviter autour du réseau de Fang, quelle que soit ta couverture ?

– Dur à dire. Aucune, auprès de lui, puisque c'est pour ne pas risquer de le croiser à nouveau que j'ai dû abandonner mon appartement. C'est pour ça que j'ai tenté ma chance vers le seul point de chute que je pouvais imaginer : John Watson. Auprès de mes anciens clients… Ça me paraît inutilement risqué. Ils ont tous un lien avec lui et sauf à m'utiliser comme appât, il n'y a vraiment aucune raison que je prenne ce risque-là.

Les marques du coquard et sur son cou ont eu le temps de disparaître, en deux mois. Sherlock, lorsqu'il observe son reflet, voit très bien l'ombre au fond de ses propres yeux, cependant. À dire vrai, cette ombre est là depuis toujours, pour autant qu'il s'en souvienne. Ses intérêts ont souvent été qualifiés de morbides par les adultes qui l'entouraient, enfant, et par ceux qui l'entourent encore aujourd'hui. Ça l'a amené à rencontrer ce que l'humain a de plus vil vraiment très tôt dans sa vie. Ce regard sur l'extérieur, il l'a porté dans ses yeux, et les missions qu'il a effectuées pour Mycroft ne l'ont très certainement pas adouci. Jusqu'à ces dernières années, il n'avait cependant jamais eu l'occasion de tant vivre dans sa chair tout ce contre quoi cette ombre grogne. Son visage creusé par l'héro le dit pour lui, John a su le voir immédiatement.

C'était une expérience, réalise-t-il soudain. Une errance de laquelle il devait sortir, mais une expérience néanmoins, et nécessaire, de plus. Il est en train de se rencontrer lui-même, dans ce bureau, il s'en rend compte alors que de plus en plus de souvenirs en rapport avec ses missions passées lui reviennent, mais concernant également les mois qui ont suivi la mort de Mycroft et dont il n'avait plus que quelques images éparses. Davids et John l'un en face de l'autre et qui discutent avec lui, c'est comme si quelqu'un s'occupait quelque part de suturer ce qu'il est aujourd'hui, quoi que ça soit, avec ce qu'il a été par le passé. Et il s'aperçoit qu'il n'est pas si différent du jeune homme qui travaillait pour son frère par conviction, finalement, l'ombre dans les yeux et sur ses joues mise à part. Il est toujours un être entier, avec ses pensées, ses souvenirs... Avec sa valeur, même si ses actions l'ont fait basculer vers le côté le moins reluisant de la société. Ce qui s'est passé, quand il cherchait Mycroft plus par désespoir que par mission, ce n'était que vivre de l'intérieur ce que ses yeux avaient déjà su voir et répondre à la douleur abjecte de perdre un être qui avait voué sa vie à combattre ces mêmes vicissitudes. Expérimenter par lui-même et dans son corps ce sur quoi il avait été amené, dans certaines circonstances, à enquêter. Il ne voudrait pas y revenir aujourd'hui, bien sûr, mais réécrirait-il l'Histoire, s'il le pouvait ? Pour faire revivre Mycroft, oui. Sans la moindre hésitation. Si ce point n'était pas négociable néanmoins et qu'il était obligé de vivre à nouveau la mort de son frère, il ne renierait pas ses choix suivants et referait sans doute les mêmes. Il se regarde en Davids, il se regarde en John, et il songe que cet instant n'aurait pas pu arriver plus tôt ni plus tard. Tout s'est déroulé exactement comme ça le devait, une fois le point temporel de la mort de son frère dépassé.

Il avait besoin d'un guide alors, d'un tuteur pour trouver une nouvelle voie dans laquelle s'engager en se reposant sur quelqu'un, puisqu'on ne lui a jamais appris à vivre correctement autrement. Il en avait trouvé une, et quelle chance il avait eu de tomber sur Irène, d'abord. Sherlock s'aperçoit qu'il n'a jamais su la remercier. Qu'il n'y a jamais pensé.

– J'ai dans mes connaissances, reprend-il finalement, une professionnelle qui sera enchantée de doubler sa mise en se vendant à deux clients à la fois, l'un physique et l'autre gouvernemental. Si vous êtes le second, attendez-vous à devoir aligner beaucoup d'argent et de garanties sur la table, mais elle est la meilleure que je connaisse. »

Davids le scrute, retourne la feuille qu'elle était sur le point de remplir avec sa candidature pour le service et, de sa voix sèche, exige le nom et les coordonnées de la femme en question.


Aucune mission n'a été explicitement confiée à Sherlock, lorsque John et lui sortent du bureau sur un « Bon retour parmi nous » sincère, mais sans le moindre sentimentalisme, de Davids, avant que leur supérieure ne claque la porte dans leur dos. Elle a évidemment été assez intelligente pour l'accepter à nouveau dans le service sans test ni examen pour le moment. Un végétal sur le point de mourir de soif aurait toutefois eu la même intelligence, alors Sherlock reste prudent sur le jugement qu'il portera à ses compétences. De toute façon, même si la femme a évoqué du bout des lèvres quelques affaires sur lesquelles l'ancien prostitué pourra se montrer utile, s'il est toujours aussi bon que six ans auparavant, le fait est que des sessions d'entraînement plus ou moins intensives seront absolument incontournables.

John et lui sont rendus au trottoir et à la lumière d'une rue proprette, alors que le bâtiment, qui a dû être repeint il y a moins d'un mois pour afficher une couleur crème si uniforme, envoie de sa masse imposante son ombre sur eux. Sherlock empêche globalement son cerveau de lui rappeler que, sans Mycroft, la bâtisse n'abriterait pas aujourd'hui cette organisation très définitivement gouvernementale. Mais s'il s'empêche d'y penser, c'est qu'il y pense un peu quand même.

Quand John et lui commencent à marcher en silence vers leur arrêt de métro, il tente de se projeter dans ces missions dont il garde finalement des souvenirs très vifs, lui qui les croyait érodés par l'inactivité mentale et le rouleau compresseur psychique qu'a été Fang. Un peu comme si… comme si pour survivre ces dernières années, il avait été nécessaire d'oublier qu'il avait été autre chose avant cela. Pour la première fois depuis des dizaines de mois, il parvient à imaginer reprendre le travail qui avait été le sien sans ressentir une boule d'angoisse irrationnelle qui l'étouffait presque et le paralysait tout autant. L'exultation fébrile d'avoir bientôt de quoi s'occuper n'est pas là, cependant, celle qui était un moteur quand il était… Oui, il est à un âge où il peut le dire : quand il était jeune. Mais c'est logique puisqu'il n'a rien à envisager pour l'instant que des séances de remises en forme et d'apprentissage de sports de combat pour ne plus se laisser dominer en une seconde et demie par les John Watson de ce monde.

« Qu'est-ce que tu en penses ? demande son John Watson dans son présent, vers l'habitation duquel Sherlock se dirige en cet instant comme si c'était la sienne, et qui pose des questions larges et imprécises dans le soleil couchant de Londres, pour lui seul.

– Que j'ai envie de t'embrasser, se surprend à répondre Sherlock, et c'est étonnant de savoir avec une certitude si viscérale de quoi on a envie, quand on n'a plus plus rien désiré depuis trop de temps pour pouvoir le dire. Est-ce que je peux t'embrasser ?

– Oh, bordel, oui...

John s'est arrêté de marcher net dès que Sherlock a répondu à sa question initiale, et le ton pressant qu'il utilise pour grogner sa propre réponse fait sourire l'ancien prostitué. Lui a besoin de prendre son temps pour s'approprier cet homme.

Les lèvres de John Watson, quand il les caresse des siennes après avoir attrapé doucement son visage entre ses deux grandes mains blanches et avoir fermé les yeux pour ne rien faire d'autre que sentir, lui offrent la même texture et, nonobstant des pointes de saveurs alimentaires divergentes, le même goût que trois mois plus tôt. C'est très logique, mais c'est grisant tout autant. C'est grisant d'embrasser cet individu de sexe masculin parce qu'il a envie de ses lèvres, parce qu'il a envie de sa présence et de son aura. Il est le plus grand, il doit baisser la tête, alors, et c'est très logique aussi, il tombe en John Watson. Il ne se faisait aucune illusion : parfaitement conscient qu'il était déjà tombé en lui, très vite, trop vite, à s'arracher les viscères quand il a dû le regarder quitter la soirée de Fang ; à ne rien pouvoir faire pendant deux mois qu'écouter le cœur du médecin battre pour être sûr que le sien battait toujours également. Mais la chute, en cet instant, est aussi peu littérale qu'elle lui semble malgré tout plus physique qu'à l'époque, en terme de sensations, et plus mentale. Plus, réellement plus, comme tout ce qui peut être factorisé quand il n'est nullement question de client, d'honoraires ni de pourboires potentiels.

– Davids est stupide, édicte-t-il soudain contre les lèvres de John Watson.

– Vraiment pas, le contredit ce dernier. Elle est excellente. Bornée parfois, mais elle fait honneur à sa position, et Dieu sait comme elle était délicate à investir, cette position, pour qui que ce soit qui prenait les rênes après ton frère sans la moindre passation.

– Elle t'a menacé de blâme, accuse l'ancien prostitué.

– Mais elle n'a pas mis sa menace à exécution. Cette femme, celle de qui tu as laissé les coordonnées, elle est fiable ?

– Autant qu'une personne que tu paies pour te la rendre fidèle, si tu as la mauvaise idée de laisser d'autres la payer plus. Davids va adorer négocier avec elle, sourit Sherlock avec beaucoup d'ironie.

– Elle va te haïr de l'avoir mise sur son chemin.

– Bien sûr. Ça n'a aucun intérêt d'avoir un supérieur si ce n'est pas pour lui être une nuisance sur des points mineurs. Et puis elle va surtout me bénir sans jamais rien m'en dire quand elle verra ce qu'Irène peut lui ramener.

– Elle est si bonne que ça ?

– Plus, même. D'une intelligence rare, sait où sont ses intérêts et, surtout, sait se préserver.

– Mieux que toi ?

– Tout court. Je n'ai pas eu beaucoup de liens avec elle, ces derniers mois. Elle avait parfaitement compris l'impasse dans laquelle j'étais en train de me fourrer et, malgré une affection pour moi que je n'explique pas, elle a fait ce qu'il fallait pour ne pas m'y suivre, même de loin. Parallèlement, j'ai laissé le lien se distendre parce qu'il n'y a rien de plus agaçant quand tu fais quelque chose de stupide et toxique que d'avoir quelqu'un qui te le répète en permanence, peu importe qu'elle ait été parfaitement lucide sur la toxicité de cet homme.

– Je pensais que c'était tout le milieu qui l'était. Toxique.

Sherlock lui offre un sourire en coin qui n'en est pas vraiment un :

– Je te l'ai dit, John. J'ai su y évoluer en étant réellement indépendant et en tirant les ficelles, longtemps, si tu oublies le fait que c'est parce que j'avais besoin de payer ma coke puis mon héro que j'y suis franchement entré. Et c'est en étant dans ce milieu que j'ai fini par trouver de premières raisons de décrocher, quand je m'y suis élevé. C'est un de mes anciens clients qui m'a payé la cure de détox. Je me suis souvent foutu de sa gueule parce que ce n'était que par attachement à moi, une pute parmi d'autres, qu'il a fait cette folie, mais je lui dois ça. Et, pour ce qui est de la toxicité de la prostitution : l'aspect sexuel ne m'a vraiment jamais posé problème. Je n'avais pas l'impression de vendre ma dignité, dans les rapports… normaux avec les clients, disons. J'ai bloqué sur Fang sans comprendre pourquoi, il m'a fasciné, comme une araignée qui paralyse sa proie en lui injectant son venin pour l'enrouler tranquillement dans sa soie puis la manger de l'intérieur alors qu'elle est encore vivante et venir se servir quand elle en a envie. Il a été ma seule erreur et Irène avait parfaitement raison. Mais elle sait mener son business de façon saine, elle. Et elle garde des tas d'informations, preuves à l'appui, qu'elle a pu prélever à propos de ses clients pour garantir sa sécurité. Informations potentiellement exploitables par Davids.

Les bras de John sont chauds contre son dos. Sherlock laisse l'obstétricien reprendre les baisers que la discussion impromptue a interrompus. C'est comme si le médecin blond goûtait avec délicatesse et délectation sa bouche, sa langue, ses lèvres, et Sherlock ne peut s'empêcher de se demander si des passants les dévisagent ou pas, s'ils sont choqués ou approbateurs — puisque le droit à l'indifférence n'existe pas, il le sait bien, pour les couples homos et que toujours est apposé un Avis sur ceux qui… s'affichent — et, bordel, ce qu'il peut haïr ce verbe.

– J'ai cru que ça n'arriverait jamais, souffle John dans un sourire en picorant quelques baisers encore, avant d'écarter de quelques millimètres sa bouche pour accoler son front à celui de Sherlock, yeux fermés et l'air incroyablement serein. Depuis que tu es arrivé chez moi, j'ai eu peur du jour où tu allais m'annoncer que c'était trop compliqué de vivre dans mon appartement, que tu n'allais pas bien et que tu comptais partir. Je ne voyais pas du tout vers quoi tu pouvais aller, vu l'état dans lequel tu étais, alors je m'attendais à ce que tu disparaisses de la même façon que ton nom a disparu du service il y a sept ans.

Sherlock pourrait répondre beaucoup de choses à ça. Ce seraient toutes des choses absolument atrocement émotionnelles et sentimentales, alors il se contente d'un mince sourire qui n'a vraiment aucun sens, puisqu'il ne prend même pas la peine d'être contrit. Il ferme les yeux, lui aussi, puis caresse de son nez celui de John qui a monté ses mains à ses mâchoires pour l'attirer à nouveau dans un baiser long et paresseux.

– Quand est-ce que tu voudras passer à ton appartement ? Je dois voir Davids, demain, je pourrai lui dire quand préparer la descente si tu as une idée de date d'ici la fin de matinée.

– Je ne sais pas. Je ne suis même pas sûr que c'est encore mon appartement.

– Tu continues de payer. Peut-être que ton proprio est pote avec Fang, mais je pense qu'il sait que la loi protège suffisamment les locataires pour ne pas s'être débarrassé de tes affaires ni même y être entré. Il n'a peut-être pas envie d'avoir des problèmes avec la justice de cette façon.

– Sans doute. De toute façon, l'endroit est grand, mais essentiellement vide. Je n'ai pas grand-chose à y prendre. Juste des photos que j'aimerais récupérer avant que quelqu'un ne les trouve.

– Des photos compromettantes ? se réjouit John avec un clin d'œil.

– En un sens, sourit Sherlock. Des photos de mes parents, de Mycroft…

– Oh. C'est pas très excitant.

– J'en ai quelques-unes de moi qui datent d'il y a dix ans, si tu y tiens vraiment, Monsieur le Voyeur, s'amuse Sherlock. Et si tu veux celles qui sont réellement compromettantes, elles sont très largement accessibles sur internet. Elles sont parfaitement publiques.

Le sourire joueur de John disparaît. Il détourne les yeux, rapidement, après ce qui ressemble à une profonde réflexion.

– J'ai l'impression que je n'arriverai jamais au bout de ce que j'ai à apprendre sur toi, fait-il alors remarquer d'une voix basse en tripotant l'échancrure de la chemise de Sherlock, là où le deuxième bouton rentre dans son œillet.

– Excuse-moi, murmure cette fois l'ancien prostitué en baissant les yeux.

– Ne t'excuse pas. Il faut juste que je m'y fasse. Et comme on n'en a absolument pas parlé depuis que tu es chez moi…

Sherlock se tourne à nouveau vers le trottoir. Il avance, suffisamment lentement pour que John n'ait aucun doute sur le fait qu'il doive le suivre, en direction du soleil couchant qui passera d'ici peu derrière les bâtiments. Il a plu pendant leur entretien avec Davids. Une violente pluie à la limite de l'orage, aussi rapidement finie qu'elle est arrivée. À cette heure-ci, les trottoirs sont encore humides, de même que les arbres et, sous la chaleur du soleil revenu, même alors que ce dernier va bientôt disparaître, la rue est pleine de vapeur d'eau qui retourne vers le ciel. Les rayons dorés, rosés, s'y diffractent et une lumière qui tendrait vers le surnaturel — le divin, même — semble occuper palpablement l'atmosphère. Ça ressemble à de l'or sublimé, qui n'a rien d'une prison ni de la solidité métallique de ce qui est capable d'attacher un poignet.

Malgré la douceur de ce paysage large et sans murs pour boucher son horizon, sur un air de Camille Saint-Saëns dans son esprit, danse macabrement la boîte à chaussures qui a contenu, il y a vingt-cinq ans, les Richelieu de son père. Alors il pose doucement :

– Tu n'es pas le premier ni le seul à avoir posé la main sur moi.

– Je le sais bien. Mais je ne sais pas dans quelle mesure, ni dans quelle mesure tu veux bien que je sache.

– Je n'ai rien à cacher. Surtout pas à toi, soupire Sherlock. Demande-moi.

Le médecin lui envoie un regard en coulisse.

– Tu t'es prostitué, commence-t-il après quelques secondes de réflexion, comme une demande de confirmation, comme pour entamer une liste délicate par un item qui recevra un « oui » en réponse, en guise d'encouragement.

– Tu le sais déjà.

– Tu as manifestement posé pour des photos de cul… Pour des magazines ?

– Pour des magazines ou pour alimenter des bases de données sur internet. Érotiques et pornographiques, les deux. Certaines photos sont réellement belles, esthétiquement parlant.

– Bien sûr puisque tu es dessus. Ça paraît évident.

Sherlock sourit du ton de John qui semble aussi spontané que fermé à la moindre contradiction sur ce point. Sa voix est beaucoup plus incertaine quand il demande :

– Tu… Tu as tourné dans des films ? Dans des boulards, je veux dire.

– Non.

– Ouf, rit John. Je t'avoue que je n'ose plus en regarder de peur de te trouver dedans, depuis trois mois.

– La prostitution et la pornographie n'ont vraiment pas grand-chose à voir ensemble, John.

– Je sais, je sais… Mais tu as le physique pour. Je me suis demandé si tu étais acteur, quand on s'est rencontrés, tu ne te rappelles pas ?

Sherlock lui envoie un petit regard en coin. Il réprime la bouffée désagréable qui voudrait bien se manifester à l'arrière de sa gorge, comme chaque fois qu'il a rejoué dans sa tête chaque portion de cette soirée et de ses rapports qu'il avait eu la stupidité de croire sincères avec John Watson. Il pose délicatement d'une voix qu'il espère plus forte que ce qu'il se sent lui-même en cet instant :

– Depuis, j'ai pensé que me dire ça n'avait été qu'une autre ruse de ta part pour me faire croire que tu ne savais effectivement pas dans quel genre de soirée tu allais te retrouver.

John, régulièrement, est obligé d'accélérer sa vitesse sur trois pas pour se maintenir au niveau de Sherlock. Il lui attrape la main pour l'obliger à ralentir et, marchant lentement à ses côtés, il semble réfléchir à sa réponse.

– Mh… Je suis arrivé là en sachant que l'homme sur lequel je cherchais à me renseigner devait avoir un rapport avec la prostitution, quel qu'il soit. Je ne m'attendais pas à en voir une vérité si… crue ce soir-là, ni avec ce niveau de mépris pour la dignité humaine. Mais je l'ai compris très vite au cours du repas. Je me suis demandé si, au-delà d'un prostitué, l'homme qui m'était apparu comme un acteur potentiel n'était pas, du coup, un autre type d'acteur.

– Je vois. Ça n'a aucune logique, mais soit. En tout cas, tout va bien, tu peux te remettre à regarder des films à caractère pornographique.

La main de John est toujours dans la sienne quand la question suivante met un peu plus de temps à venir.

– La prostitution, c'était pendant le genre de soirée que j'ai vu, donc. Façon orgie ouverte entre deux bouchées de caviar… Il y en avait d'autres types ?

Sherlock réfléchit. Il n'est pas certain de ce que John cherche comme réponse avec ça, alors il déclare :

– Il y en avait avec des femmes, des fois. Je veux dire : uniquement des clientes de sexe féminin. De riches femmes, divorcées ou veuves, qui découvrent à un moment de leur vie qu'elles ont tout loisir de se divertir comme le font les hommes.

– Des femmes !? s'exclame John.

– Ça te choque qu'elles prennent cette liberté ? s'étonne Sherlock.

– Non. Non, pas du tout, enfin je crois pas, même si j'ai du mal à imaginer la scène… C'est de t'imaginer toi avec des femmes qui me choque.

Sherlock glousse.

– Et pourtant, c'est arrivé. Avec des clients mixtes, des fois, aussi. Des couples qui voulaient… corser ? leurs rapports. Mais c'était plus rare. Les hommes sont étrangement pudiques quand il est question d'être avec un autre homme pour coucher avec une femme, surtout si c'est la leur.

– Ne me dis pas que tu ne comprends pas pourquoi…

– Je ne comprends réellement pas pourquoi, confirme Sherlock avec un froncement de sourcils.

– Oui, bon, c'est facile pour toi : tu as un très beau corps. Mais quand on doit se comparer à quelqu'un d'autre… Enfin, je veux dire… C'est comme si ces mecs disaient à leur femme : « Regarde, je mets dans notre lit un type plus jeune, plus beau, plus rayonnant et manifestement plus libre que moi, et en plus je ne peux pas te garantir qu'il n'en a pas une plus grosse. »

Sherlock le dévisage avec une bouche légèrement bée. Avant de secouer la tête en montant les yeux au ciel.

– Les hommes et leur pénis… Vous avez conscience que c'est juste un petit bout de votre corps, qu'il n'a pas une identité à part entière et qu'il n'y a aucune raison pour que sa prégnance passe avant tout le reste dans votre vie ? Et que le but du sexe à trois ou plus, ce n'est pas de comparer, juste de se faire du bien ?

– Tu ne peux pas avoir un avis éclairé sur la question, Sherlock, c'est tout, c'est comme ça. Tu n'as pas les mêmes complexes que les autres hommes.

– Et il n'est jamais venu à l'idée des autres hommes qu'ils investissent peut-être trop et mal la chose, s'ils en viennent à concevoir leur phallus comme une source de fierté indue ou d'angoisse ?

– Je ne comprends pas de quelle planète tu viens, soupire le médecin après un regard perplexe à l'ancien prostitué.

– De la même que toi. J'ai juste une capacité d'observation et d'analyse plus fine que l'ensemble des hominidés mâles de notre société, manifestement, qui m'indique que le fait que je possède un pénis apte à bander ne fait certainement pas de moi un être plus méritant ou meilleur que ceux et celles qui n'en ont pas. Ni que la taille de mon engin indique mon degré de domination sur les autres pénis érigés autour de moi. L'expérience m'a montré que j'avais parfaitement raison et, si elle ne peut être rien d'autre qu'empirique, elle n'en demeure pas moins vérifiée.

John le fixe trois secondes. Se marre brièvement, mais s'abstient de répondre. Avant de lancer :

– Et Irène ?

– Irène est un parfait exemple : aucun phallus, mais une domination totale d'elle-même et de ceux qui ont le malheur d'entrer dans son aura, si elle le souhaite.

– Non. Non, ce n'est vraiment pas ma question, grimace John en secouant la tête — et Sherlock voudrait, lui, grimacer de voir son rapport néandertalien à l'idée qu'une femme domine des hommes.

– Quelle était ta question ?

– Si tu as couché avec des femmes… Irène… ?

– Nos rapports étaient purement professionnels.

– Euh… mais encore ? demande John, incertain, et ça fait sourire Sherlock.

– Platoniques, se corrige-t-il. Je ne suis effectivement pas spécialement attiré par les femmes, d'un point de vue romantique ou sexuel.

– Et il t'arrivait de travailler pour… je sais pas, pour des clients en privé ? Je veux dire, pour un client que tu voyais seul… Enfin, la représentation basique qu'on a des gens qui font le tapin, quoi.

La main de John est ferme autour de la sienne. Sherlock est surpris qu'ils soient toujours en train d'évoquer son passé trouble. Il s'était plutôt attendu à ce que John se ravise bien vite sur son envie d'en savoir plus et diffère les aveux, plutôt que de tout apprendre d'un coup. Mais le médecin tient bon, à côté de lui, et Sherlock se rappelle que John est en relation professionnelle avec beaucoup de personnes qui monnaient leur corps contre de l'argent. Impressionnante, cette capacité du cerveau à banaliser l'habitude, même quand elle est violente et crue.

– Oui. Oui, bien sûr. C'était mon activité principale. Pas de… faire le tapin, comme tu dis : beaucoup trop dangereux, pas très efficace quand on est un homme et presque d'autant plus risqué. Mais de voir des clients en sessions privées, évidemment. C'était la base de mes revenus.

– Mais tu brassais combien de fric !? s'exclame John qui, manifestement, se rappelle parfaitement leur discussion sur ses pourboires dantesques d'une seule soirée orgiaque.

Sherlock se fend d'un sourire énigmatique.

– Assez pour en garder en épargne pendant un moment. La pute que je suis peut t'entretenir, si tu le souhaites. À compter du jour où je n'aurai plus un loyer exorbitant à débourser tous les mois, évidemment, parce que tout sera rapidement siphonné par mon appartement à ce rythme… Dis à Davids que le plus tôt sera le mieux pour s'occuper de ça, d'ailleurs.

John hoche la tête. Avant de grogner :

– Tu n'as pas voulu, avec moi.

– C'était beaucoup trop risqué à deux, John. On n'a aucune idée de ce qui nous attendra dans cet appartement. De qui nous attend sur place. Et…

– Non. Non, pas ça. Les rendez-vous privés. Tu n'as même pas voulu en entendre parler une seconde avec moi quand je t'en ai parlé à la soirée.

Sherlock est positivement sur le cul de recevoir cette récrimination.

– Quoi, tu voulais que je laisse un agent qui avait bossé pour mon frère et qui était vraisemblablement encore en service se mettre à payer une pute pour du sexe ? Sérieusement ?

– Ça aurait été mon problème. Je ne dis pas que je l'aurais fait, mais tu ne m'as même pas laissé l'opportunité ni le choix.

Sherlock ne répond rien parce qu'il n'a vraiment rien à répondre à cette ineptie. Alors John, après quelques pas, reprend sur le ton de l'humour :

– Allez, avoue : tu te sentais trop attaché à cet agent infiltré qui t'avait séduit, et tu avais peur de tomber amoureux de lui s'il devenait un client régulier.

Comme les yeux bleu foncé gentiment moqueurs chauffent son profil, Sherlock se contente de lui jeter un regard neutre et d'estimer que John Watson ne vaut vraiment pas la peine qu'on lui réponde lorsqu'il a ce comportement détestable. Alors il continue de marcher, sans un mot, les yeux ramenés sur le soleil couchant qui mérite qu'on lui offre de l'attention, puisque l'astre, lui, a l'idée d'être silencieux en plus d'être beau.

– Oh, dit seulement John, doucement, comme s'il réalisait quelque chose, et il est définitivement une huître, Sherlock confirme : rien n'a changé en trois mois.

– Je ne pouvais pas te laisser ruiner mon business, tente-t-il finalement de lui sourire en essayant d'incarner le même ton amusé qu'a pris le médecin, mais il a plutôt l'impression d'y entendre une amère autodérision et il ajoute d'ailleurs, sans même parvenir à feindre un sourire : Je n'avais pas encore réalisé que c'était de la comédie. Toi. Ce que tu voulais.

Le médecin, à ça, s'arrête net et tire sur la main de Sherlock pour l'obliger à cesser d'avancer, pour autant que l'ancien prostitué aimerait vraiment continuer pour ne pas avoir à le regarder en cet instant. Il l'oblige pourtant à pivoter vers lui. Et si ses doigts s'échappent ensuite de ceux de Sherlock, c'est parce que John a levé les deux mains pour les poser sur ses joues et l'attirer dans un baiser profond.

– Tu as vraiment essayé de me couvrir auprès de Fang.

– Oui, confirme Sherlock, si mal à l'aise d'en arriver à parler de choses qui l'ont tant mis en défaut et déstabilisé émotionnellement et durablement qu'il n'arrive pas à garder son regard dans celui, franc et ferme de John. Ça n'avait aucun sens de le faire, je ne te devais absolument rien, au contraire. De toute façon, avant même qu'on couche ensemble, ce soir-là, je savais que c'était une erreur absolue de continuer à te parler. Dès que tu t'es excusé après m'avoir rejoint dans les toilettes. Je savais que c'était une catastrophe en devenir. Je ne savais juste pas à quel point.

– Pas du tout, s'insurge John. Ça n'avait rien d'une catastrophe. C'était ce qu'il fallait pour que tu te bouges le cul et que tu sortes de ta léthargie.

– C'est une façon de voir les choses, pose Sherlock sans en penser un mot, le regard toujours baissé et sa main caressant distraitement la ligne qui fut noire d'ecchymoses sur son cou.

Les doigts de John viennent s'y perdre aussi, puis s'entremêler aux siens pour amener le dos de l'index et du majeur de Sherlock à ses lèvres et les embrasser.

– J'adore tes doigts, ronronne le médecin. Je me suis tant langui de tes doigts, ajoute-t-il en les regardant avec émerveillement, avant de porter ses yeux soudain singulièrement graves dans les siens et de lui demander, d'une voix tout aussi sérieuse : Tu as conscience que j'ai été exceptionnellement honnête avec toi, à cette soirée, à te parler de mes missions passées pour ton frère ?

– Je n'aurais pas utilisé le mot « honnête ». « Manipulateur », plutôt.

– Non. Non, c'est bien « honnête ». J'étais certain de pouvoir te faire confiance. Et tu as forcément pensé au fait que rien ne m'obligeait à te laisser t'en tirer si facilement à cette soirée, quand tu ne m'as pas donné les informations dont tu m'avais parlé. Tu sais que j'aurais pu — que j'aurais dû, même — faire en sorte de te neutraliser pour que tu sois transféré dans nos cellules où d'autres agents te les auraient arrachées. Davids te l'a bien fait comprendre tout à l'heure.

– J'y ai pensé, souffle Sherlock, et comme John a amené la main qu'il tient toujours jusqu'à son propre visage, l'ancien prostitué se permet de caresser ses lèvres, ses tempes et ses joues du bout des doigts, pour le découvrir comme il effleurerait avec émoi une stèle portant des inscriptions en étrusque sur la traduction desquelles des centaines de scientifiques, de linguistes et de chercheurs se sont cassé les dents. Je n'arrivais pas à relier le fait que tu me laisses libre de mes mouvements au reste de ton comportement ce soir-là. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment j'ai pu arriver chez toi et y rester alors que tu m'avais pris mon moyen de négocier quand j'ai eu l'idiotie de te le laisser. Je ne comprends pas tes motivations, John Watson.

– Crétin, souffle le médecin en secouant la tête, ce qui le soustrait quelques secondes aux caresses fascinées de Sherlock. J'enquêtais sur la mort de ton frère. S'il y a une personne pour qui ça avait une importance capitale, c'était forcément toi. Je n'étais vraiment pas prêt à t'obliger physiquement à me donner ces infos et j'avais bien la certitude que les choses ne se passeraient vraiment pas comme je le voulais si je faisais l'erreur de te révéler pourquoi je me renseignais sur Fang. Surtout, reprend John parce que Sherlock ouvre la bouche pour rétorquer, surtout, et je ne comprends pas comment tu peux être aussi obtus, je n'ai vraiment, vraiment pas couché avec toi pour que tu me fournisses ces informations. Tu étais prêt à me les donner avant ça. Au risque de me répéter : certaines choses qui se sont passées pendant cette soirée n'avaient vraiment rien à voir avec ma mission, Sherlock. Tu en fais partie. Le fait d'être curieux de toi et de te vouloir, autrement que sexuellement si ça avait été dans le champ des possibles, ça n'avait rien à voir avec ma mission. Merde, pourquoi je me retrouve à devoir te le dire à voix haute ? C'est évident, non ?

Sherlock prend quelques secondes pour s'imprégner de ces mots, puis envoie un sourire en coin très friable à John, le genre qu'il déteste et qui ne devrait pas exister, mais qui, apparemment, est devenu régulier depuis qu'il a John Watson dans son entourage constant.

– On ne s'attache pas à une pute, John. On la baise et on espère juste qu'elle sera toujours en service la prochaine fois qu'on viendra pour la baiser. Sinon, il y en aura une autre.

John soupire. Pas parce qu'il est excédé par Sherlock.

– Je ne me suis pas attaché à une pute. J'ai rencontré un être humain qui se trouvait être un prostitué, à une soirée répugnante en tout point, et cet être humain est parvenu par sa seule existence à me donner l'impression que je passais un moment agréable, et crois-moi que je n'aurais pas parié une seule seconde que ça relevait de l'ordre du possible dans ce genre d'endroit. Je savais que j'aurais envie de te revoir, Sherlock. Je savais que, contrairement à d'habitude, tout ne se résumait pas juste une cible dans une mission, un moyen de pression pour l'atteindre, et je savais qu'il n'y avait pas juste du désir pour un prostitué. Et la personne qui t'a mis en tête que tu n'étais rien d'autre qu'une pute et que tu méritais qu'on te traite de la pire des manières juste pour cette raison mérite, elle, de crever. On sait tous les deux qui c'est, et on est tous les deux d'accord sur la question.

La main de John va à la nuque de Sherlock et l'entraîne encore une fois dans un baiser. Ils auraient dû faire ça bien plus tôt, semble dire John dans sa voix et dans ses gestes. Ils auraient dû en parler plus tôt. Mais ils ont parlé, déjà, enfin, et Sherlock songe qu'il a effectivement été éminemment stupide. Ça va mieux, cependant. Ça va beaucoup mieux.

– Avoue : c'est parce qu'on a évoqué le danger de ta mission et de mon existence auprès d'un criminel notoire pendant le sexe que tu as aimé cette soirée, s'amuse-t-il, véritablement cette fois.

– À fond. Tu as été un concentré de premières fois, ce soir-là, et je peux honnêtement dire que ça ne m'était plus arrivé en matière de sexe depuis très longtemps. Discuter mission pendant une branlette en faisait partie.

– Avec tant d'oreilles potentielles pour nous entendre, en plus, renchérit Sherlock sur un ton bas et joueur.

– Tu parles. Ils étaient tous tellement occupés à te regarder en bavant qu'ils ne devaient plus être en mesure d'analyser ce qu'ils auraient pu entendre en étant plus proches.

– Tu te permets de leur faire un procès pour leur voyeurisme ? Toi ? se marre l'ancien prostitué.

– Hé, ho ! C'est pas moi qui me désape en public, hein. Oh ! s'exclame soudain John en se tournant face à lui comme s'il venait d'avoir une épiphanie. Tu as été stripteaseur ?

– Affirmatif.

– Tu danses, aussi, alors ?

– Pour ce genre d'occasions, effectivement.

– Tu le ferais de façon privée et non rémunérée ?

– Ah ? On serait pingre en plus d'être voyeur ?

– Crétin, se marre John. Exhibitionniste, ajoute-t-il en étirant une commissure.

– Toujours autant, confirme l'ancien prostitué avec un sourire carnassier.

– Quand ? le presse soudain le médecin en serrant ses doigts dans les siens.

– Quand quoi ? s'amuse l'autre, l'expression faussement innocente.

– Ce que tu veux.

Sherlock se donne trois secondes pour faire semblant de réfléchir. Puis déclare :

– Quand tu veux. »

Les mains sur les siennes se resserrent et John, qui est le plus proche de la route, semble oublier que le panneau ponctuant la bouche de métro est à deux pas puisqu'il lève soudain le bras et crie « Taxi ! » à la première voiture jaune et noir qui s'approche d'eux.

.

FIN


Eeeet voilà ! J'espère que ça vous aura plu jusqu'au bout, pour ceulles qui ont lu jusque-là !

Plein de mercis pour vos retours, et des bises et du chocolat pour vous tous en attendant la prochaine histoire !

xxx

Nauss