Ploc.
Les sous-sols du château de Poudlard étaient à la fois un lieu détesté et apprécié détesté car il faisait bien souvent froid et humide, le QG de la maison Serpentard et l'antre de la bête maléfique qu'était le professeur de potions. Apprécié car en plein été il faisait assez frais dans les couloirs pour se reposer entre deux examens, parce que l'entrée des cuisines était cachée derrière un tableau représentant une corbeille à fruits et parce que les serpentards pouvaient se cacher du reste de l'école qui les détestaient.
Ploc.
Vergil, ou plutôt Adam Redgrave pour les mortels, inspira doucement, laissant les douces effluves mélangeant l'odeur des cuisines et de la mousse humide et fraîche, laissant son esprit s'apaiser. Son frère, Dante ou Tony Redgrave, était quelque part dans le château, dormant à point fermé une bouteille de whisky pur feu à la main. Il n'avait pas besoin de le voir pour savoir que son jumeau avait une hygiène de vie déplorable.
Ploc.
Une autre goutte d'eau tomba sur le sol. Vergil prit une autre inspiration. Assis en tailleur sur un tapis épais et doux, face à la fenêtre donnant sur le fond aquatique du lac, les yeux fermés, il faisait sa méditation quotidienne. Méditation qui n'avait été plus si quotidienne ces dernières années. Un léger frisson remonta le long de sa colonne vertébrale : un souvenir déplaisant lui traversa la tête, réveillant quelques unes de ses cicatrices. Par effet boule de neige, d'autres cauchemars réels l'assaillirent, le faisant retomber dans le cercle vicieux de douleur et le gouffre de terreur que Mundus et Voldemort lui avaient infligé.
Ploc.
Rouvrant brusquement les yeux, le souffle irrégulier, Vergil reprit pied avec la réalité. Frissonnant, il se rhabilla, cachant aux yeux du monde les cicatrices barrant son torse et ses bras d'une chemise noire. Se parant d'un gilet bleu et de sa cape, heureusement ouverte, donnant plus l'aspect d'un manteau de soie noire que d'une robe d'étudiant. Rattachant le col avec une fine chaîne doré, il s'assura une dernière fois que son amulette était bien posée sur sa poitrine mais ne tomba que sur du vide. Il avait oublié que son pendentif avait disparu avec le corps de démon qui servait de réceptacle pour son âme contrôlée par Mundus, tout comme Yamato, brisé dans son combat face au roi des démons.
Ploc.
Malgré le feu ardent dans l'âtre, l'humidité de la pièce n'avait pas fini de disparaître. La chambre et la salle de classe attenante n'avaient pas été utilisés depuis plus d'une centaine d'années. En effet, l'art subtil qu'était l'histoire et l' apprentissage des forces du Mal avait été interdit suite à une énième guerre sorcière, la matière considérée comme trop dangereuse pour être apprise à des étudiants influençables. Et, peu à peu, cette classe était tombée en désuétude, seul quelques elfes de maisons passaient une fois tous les sept ans pour retirer la poussière qui s'amassait sur les meubles.
Ploc.
Vergil rajusta les lanières en cuir de son porte-baguette attaché à sa cuisse. Il y plaça sa baguette d'if composé d'un cœur de cornes de serpent à cornes dans un geste machinal. Ramenant une dernière fois ses cheveux en arrière, il prit une longue inspiration et sortit de sa chambre, allant à la Grande Salle.
Dans cette même Grande Salle, Dante, ou Tony Redgrave pour les mortels excepté Dumbledore et quelques sorciers de confiance, dévorait la nourriture anglaise qui semblait être la moins étrange à ses yeux. Il écarta d'un revers de main la gelée rouge ou verte vivante, le thé et autres niaiseries anglaises, préférant le café, les croissants, le bacon et les œufs. Il n'aurait pas été contre une flasque de Whisky Pur Feu mais le regard perçant de McGonagall le fixait de manière un peu trop sévère à son goût.
Il avalait un énième pain au chocolat quand son jumeau s'assit silencieusement à côté de lui, se servant une tasse de thé dans la foulée. Il salua d'un signe de tête les autres professeurs sans dédaigner le saluer lui, mais il n'en fut pas offusqué. Vergil n'avait jamais été une personne du matin, bien qu'il sache parfaitement le cacher aux yeux du monde. Les jumeaux étaient des oiseaux de nuit avant tout, sûrement à cause de leur essence démoniaque ils s'étaient toujours sentis plus en confiance au milieu des ténèbres.
Ils ne s'adressèrent pas une seule fois la parole lors du repas, préférant bavarder avec leurs collègues ou regarder les étudiants se morfondre sur leurs nouveaux emplois du temps. Du coin de l'œil, Dante aperçut le trio d'or discuter avec vigueur. La jeunesse était trop pleine d'énergie dès le matin, déplora-t-il en mordant dans un énième croissant. Il écouta d'une oreille distraite le professeur Gobe-Planche, la remplaçante d'Hagrid, discuter avec le professeur Sinistra tout en observant le ciel grisâtre. Une grande bourrasque de plumes le sortit de sa rêverie avec surprise : les hiboux chargés des lettres matinales venaient d'arriver.
Il jugea d'un œil inquisiteur la chouette effraie venue livrer la tristement fameuse Gazette du sorcier à son frère qui lui donna une Noise en échange du journal.
« La Gazette du sorcier ? Vraiment ? Je n'aurais jamais cru que tu lirais les tabloïds qui sortent plus de conneries que n'importe qui.
– Il faut se tenir informé des opinions du peuple Dan- Tony. Ce n'est qu'ainsi que l'on puisse comprendre dans quel monde fou nous vivons. »
Il ouvrit le journal en grand et se cacha derrière les pages, signalant à son jumeau qu'ils avaient fini de parler jusqu'à nouvel ordre. Dante soupira mais accepta l'explication de son frère. Il ne servait à rien de se battre alors qu'ils venaient de se retrouver. Il accueilli McGonagall avec un fin sourire quand elle revint s'asseoir à la table des professeurs après avoir donné les emplois du temps à ses élèves.
« Des conseils à me donner avant le grand bain ? Il demanda avec humour.
– Les poufssouffles et les serdaigles sont plutôt travailleurs, ils ne devraient pas poser trop de problèmes. Pour les serpentards, il faut leur faire comprendre que vous êtes le professeur et que vous êtes celui qui possède l'autorité, quel que soit votre sang. Et pour les gryffondors… Elle fronça les sourcils. Fred et Georges vont peut-être donner un peu de fil à retordre, ce sont des farceurs de première, une seule faille et s'en est fini jusqu'au prochain cours. Et je m'inquiète un peu pour Potter… Elle pinça les lèvres et regarda autour d'elle.
– A cause du faux dragée ?
– En effet, il a le sang chaud et elle risque d'aller le chercher dans ses retranchements.
– Diggory ?
– Diggory. Elle confirma d'un signe de tête. Si vous voulez bien m'excuser, je dois aller me préparer pour mes cours. »
Ils se saluèrent sobrement et Dante chercha dans les tréfonds de sa poche de robe pour ressortir son emploi du temps. Il constata avec soulagement qu'il avait deux heures avant d'improviser quelque chose pour les deuxièmes années qui allaient avoir cours avec lui. Le brouhaha disparut peu à peu et il constata avec étonnement que la Grande Salle s'était vidée en quelques minutes.
Il ne restait que son frère et lui, son jumeau continuait de lire la Gazette tout en buvant sa tasse de thé. D'humeur joueuse et sociable, Dante tenta une approche à base d'une pauvre tentative d'imitation de la voix sifflante et monotone du professeur Binns qui n'avait pas changé malgré toutes ces années. Il ne reçu en réponse qu'un semblant de regard courroucé et l'attitude habituelle de « retraite stratégique des gamineries de son frère avant de le couper en deux ». Dante avait cependant remarqué le léger sourire qui flottait sur ses lèvres et c'est d'une humeur nettement plus joyeuse qu'il partit trouver sa classe.
Ce fut avec horreur qu'il découvrit la harpie, et encore les harpies sont moins effrayantes, rose bonbon qu'était Dolores Ombrage dans SA classe, assise derrière SON bureau sur SA chaise. Son sourire niais lui donna brièvement envie de vomir mais il se retint et essaya une approche pacifiste de la chose. Que diable, il était un adulte responsable !
« Madame-
– Mademoiselle ! Elle le coupa brusquement avant de prendre un air mièvre. J'espère que cela ne vous dérange pas que je me sois déjà installée dans ma salle de classe ? Elle ne lui laissa pas le temps de répondre. Parfait, j'aimerais savoir ce que vous prévoyez de faire et que nous comparions nos plans de cours afin que l'année se passe le plus agréablement possible.
– Écoutez Dolores, je peux vous appeler Dolores ? Je pensais que vous étiez juste une représentante du ministère, pas une professeure en plus. C'était ce qui était précisé dans le contrat avec Dumbledore.
– Ce contrat, sa voix était plus aiguë, que vous avez passé avec Dumbledore, n'est qu'en partie valable. Le ministère m'a spécifiquement envoyé pour vous assister et vous remplacer si besoin est. Voyez par vous-même. »
Elle lui tendit une feuille tamponnée du sceau du premier ministre magique et Dante la prit de mauvaise grâce, sautant les familiarités hypocrites, lisant en diagonale les raisons de la présence du crapaud et s'attardant un peu plus sur son rôle. Un point bien particulier le fit tiquer.
« Des cours en alternance ? Et c'est vous qui commencez l'année ?
– Effectivement, ce sont les ordres du ministère.
– Et qu'est-ce que vous allez leurs faire faire ?
– Nous étudierons le manuel de Wilbert Eskivdur : Théorie des stratégies de défense magique tout au long de l'année, comme le recommande le ministère. Je vous conseillerais de faire de même pendant vos cours afin d'assurer une continuité.
– Vous prévoyez de leurs faire faire pratiquer ces sorts ? Il demanda avec suspicion.
– Voyons Monsieur Redgrave, il en est absolument hors de question, il ne faudrait pas que les élèves se blessent. »
Elle continua de minauder et d'essayer de lui retourner le cerveau pendant les deux heures qui suivirent, contredisant chacun de ses arguments. Au final, au moment de la sonnerie, elle réussit à avoir le dessus et elle récupéra tous les premiers cours de l'année, Dante s'occuperait des suivants. Ils devraient ainsi alterner chaque cours tout au long de la scolarité des élèves.
Sentant un mal de tête inopportun poindre, Dante tourna les talons et s'excusa à peine, sortant en trombe de la classe, le papier du ministère toujours dans la main. Il entendit au milieu de sa course la voix aiguë de Dolores qui invitait les élèves à entrer. Au lieu d'aller dans la tour du directeur, comme il avait prévu de faire initialement quand il avait vu le crapaud assis sur sa chaise, il se dirigea vers les cachots et plus particulièrement dans la salle de classe ouverte spécialement pour son frère et non loin du bureau de Rogue. Il croisa sur son chemin les gryffondors et les serpentards qui allaient en cours de potion, mais ne prit pas la peine de les saluer, trop énervé.
Il ne toqua même pas à la porte de la salle, entrant avec fracas en hurlant son faux prénom sous le regard médusé des élèves qui l'observaient depuis le couloir. Il trouva son jumeau assis sur un fauteuil confortable, lisant avec attention un des nombreux grimoires que recelait sa nouvelle bibliothèque. Dante était un combattant pur et dur, il avait certes un charme indéniable mais il savait bien que son domaine de prédilection restait ses armes démoniaques. Il n'avait jamais été bon avec les mots et son échec face à Ombrage en était une preuve suffisante. Mais Vergil, son frère qui avait toujours préféré les subtilités de la langue que de la force brute, pouvait peut-être l'aider. C'est pourquoi Dante lui tendit la feuille qu'Ombrage lui avait donné et que Vergil, intrigué malgré lui, la prit et la lu.