C'était le vide qui l'avait réveillé. Comme toujours, cela avait commencé par un petit creux de rien du tout, minuscule mais néanmoins présent, ne cessant de croître, de devenir de plus en plus creux, de plus en plus vide, de plus en plus menaçant. La faim était désormais bien installée au plus profond de son être, campant, tenaillant, l'assujettissant au besoin impérieux d'être nourri.
Oui, il lui fallait être nourri, et ce au plus vite, car le vide le rongeait, le dévorait de l'intérieur. Et le seul moyen de lutter contre ce gouffre qui menaçait à chaque instant de l'aspirer, de le réduire à l'état de trou noir, c'était d'ingurgiter de la Substance.
Ah… précieuse Substance ! Il n'y en avait jamais assez, jamais. Les peuples des Sept Systèmes avaient beau s'unir et lui offrir leurs biens les plus précieux, ceux qui leur importaient le plus, cela ne suffisait pas. Toujours la faim revenait, même avec le sacrifice d'une Reine des Ans. Malgré son indéniable pureté, son inflexible dévotion envers lui, ses incommensurables connaissances, ce mets pourtant digne du Dieu Créateur qu'Il était ne le comblait pas indéfiniment.
Et cette péronnelle, qui ne serait absolument rien sans Lui, avait cette fois-ci l'outrecuidance de se refuser à Lui ? Pire, elle Le fuyait ? Il en bouillait de colère, d'une rage éruptive qui le secouait tout entier. Regard incendiaire, il détaillait le freluquet qui avait osé le priver de son festin en s'interposant. A son accoutrement, on voyait qu'il n'était pas coutumier des Sept Systèmes. Quel inconscient de croire qu'il puisse lutter contre un Dieu, qu'il puisse faire rempart au courroux solaire ! Quel prétentieux ! La peur se lisait au fond de ses yeux.
L'insensé poussa sa folie à L'apostropher, d'un discours aux accents accusateurs. Quoi ! L'arrogant le traitait, Lui, Grand Père, de vulgaire parasite, de jaloux, de prédateur profitant vies des autres ? Le fou avait raison, et il allait le payer.
D'un rai rageur, Grand Père fouetta la poitrine de l'insolent. Plein cœurs. Et l'autre se livra, sans retenue. Il lui offrit ses rares joies, ses innombrables peines. Les douleurs qui avaient vrillé ses corps, les dilemmes qui avait supplicié son âme. Les aventures qu'il revivait en mots, et ces maux qu'il terrait au fond de lui, taiseux. Des milliers d'années, des dizaines de vies, un Docteur – l'astre absorba tout.
Et regretta, au moment où les épaules du Gallyfréen se voutèrent, qu'il fût le dernier en-cas de son espèce.