Hey vous ! Eh non, nous ne sommes pas mortes huhu ^.^'' Et vous, vous êtes toujours là ? Comment allez-vous ? En tous cas, voici enfin la suite ! Ce chapitre devrait faire avancer le scénario, en espérant que cela vous plaise !


Ce n'était vraiment pas le jour de Theon. A bien y réfléchir, c'était rarement son jour, mais ce jour-là était particulièrement pénible. On était vendredi soir, et le jeune homme s'affairait dans les cuisines de la crêperie familiale, Pykrêpes. Il venait de confondre deux recettes et avait fait n'importe quoi avec les ingrédients, et le patron (accessoirement son oncle) était justement en train de lui brailler à la figure en le secouant comme un prunier. Son tonton Euron adoré.

Dire qu'il était obligé de travailler avec lui tous les soirs afin de pouvoir lui soutirer tout juste assez d'argent pour payer des études qu'il allait de toute façon louper. Là comme ça, il était presque incapable de se souvenir dans quel domaine il étudiait. Au lieu d'aller en cours, il avait passé ce vendredi à récupérer la soirée de la veille, qui lui avait valu une gueule de bois magistrale. En plus, il s'était réveillé avec des textos furieux d'Osha, qui lui reprochait d'avoir soudainement disparu, de l'avoir plantée à la soirée alors qu'il avait promis de la raccompagner ; en vérité, Theon s'était avachi dans un coin des toilettes, beaucoup trop bourré. Et encore, il relativisait : la soirée de la veille n'avait pas été un total fiasco comme il avait pu en subir par le passé. Au moins, Ramsay n'avait pas répondu présent cette fois-ci, et Theon avait eu une paix royale. En temps normal, le foutu Bolton s'arrangeait pour se rendre aux mêmes soirées étudiantes que Theon et prenait un malin plaisir à lui pourrir la vie en lui renversant ses verres de tequila qu'il avait payés une fortune, lui mettant des claques derrière la tête et lui jetant ses mégots à la figure. Mais ce qu'il faisait encore le mieux était de l'humilier verbalement devant sa bande, ces derniers n'osant riposter, de peur de se prendre une lame acérée quelque part. Il l'humiliait devant Sansa, qu'il traînait toujours partout avec lui comme un trophée, et c'était ce qui faisait le plus mal à Theon. Il semait le chaos et la misère partout où il allait, et personne n'avait le courage de lui tenir tête, et surtout pas Theon. Ramsay se savait intouchable.

« Bon écoute, petit Theon. J'en ai marre de tes conneries, même ta sœur qui n'est pourtant pas fut-fut sait faire la différence entre la farine de sarrasin et la farine complète, rugit Euron. Encore une bourde ce soir et tu peux te le carrer au cul, ton argent du mois. Et tu sais très bien que tu peux plus compter sur les Stark pour te dépanner, vu qu'ils sont sur la paille, paraît-il. Alors fais bien gaffe ! »

Effectivement, toute la ville était au courant des déboires de Northerner Energy, dont le rendement était de plus en plus mauvais et les finances de plus en plus défaillantes, les investisseurs préférant parier sur The Crown, fleuron de l'énergie nucléaire au développement croissant. Tout de même, il ne fallait pas exagérer, la richissime famille Stark était encore loin de la ruine, n'est-ce pas ? Theon n'en était pas si sûr. En tous cas Robb évitait soigneusement le sujet. Il se murmurait en ville que les Stark n'étaient pas si richissimes que ça, qu'ils devaient épargner pour permettre à leurs enfants d'aller étudier à la prestigieuse et onéreuse King's Landing University tout en surveillant leurs dettes, qui disait-on, n'étaient pas négligeables.

Yara lança un regard compatissant à son frère. Theon fut envahi d'une vague de reconnaissance, il fût un temps où elle se serait moqué de lui ; heureusement qu'ils avaient enfin décidé de se soutenir mutuellement face à leur oncle, aucun des deux ne regrettait l'époque où ils passaient leur temps à se chercher des poux. Tout en essayant de se concentrer sur une nouvelle crêpe, Theon songeait à sa famille de cœur chez qui il se rendait de moins en moins, las d'affronter le regard inquiet de Robb. Il songeait à Sansa, dont il n'avait plus vraiment de nouvelles. Il avait essayé de la rencontrer sur le parvis d'Harrenhal et éventuellement marcher avec elle jusqu'à Winterfell, mais elle s'était engouffrée dans la voiture de Ramsay et Theon n'avait pas eu le temps de lui dire un mot. Il avait également tenté de lui téléphoner plusieurs fois dans la semaine, mais elle n'avait pas répondu neuf fois sur dix ; la dixième fois, il était tombé sur l'autre taré, ce dont il se serait bien passé. Theon savait pertinemment que le Bolton gardait le téléphone de Sansa pour contrôler le moindre texto, mais il avait quand même tenu à tenter le coup. Il se mordait les doigts tous les jours d'avoir laissé son amie s'approcher du chien fou. Il espérait au moins qu'il la laissait réviser ses cours en paix. Theon savait à quel point Sansa convoitait la mention pour pouvoir entrer en sciences politiques. Il fut tiré de ses pensées par la voix préoccupée de sa grande sœur.

« Theon, figure-toi que y a ce connard de Ramsay Bolton qui demande à ce que tu t'occupes de sa commande, je l'enverrais bien se faire mettre mais ça reste un client. Je m'en charge ou… ? »

Le jeune homme manqua défaillir. A croire qu'il suffisait de penser à lui pour le convoquer instantanément. Merde.

« C'est bon Yara, je gère. »

Theon abandonna sa crêpe et se drapa dans ce qu'il lui restait de courage pour se traîner jusqu'à la salle de réception. Ramsay se trouvait effectivement là, avec son éternel sourire et ses yeux trop grands pour être nets. A ses côtés se tenait Sansa, droite comme un I dans sa robe élégante, le visage impassible. Theon reconnut également le père et la belle-mère de Ramsay. Le jeune homme prit la résolution de ne pas se démonter.

« Bonsoir ! Il doit nous rester une table pour quatre à l'étage. Je vous laisse vous installer et je reviens tout de suite avec les menus. »

•••

Alors qu'il montait les marches avec les menus à la main, Theon entendit d'ici la voix enjouée de Ramsay qui couvrait celles des autres clients. Vu les têtes dépitées de ses trois auditeurs, il devait encore raconter de belles conneries. Theon s'avança jusqu'à la table, la mort dans l'âme mais n'en laissant rien paraître.

« Ah, voilà ce brave Schlingue ! Tu peux remercier Sansa, c'est elle qui a insisté pour venir manger dans ta crêperie de pouilleux ! Au fait, puisqu'on est là, j'ai remarqué que tu avais supprimé tous tes réseaux sociaux, tu as eu un problème informatique ? s'enquit le fils Bolton en feignant une mine concernée. Il savait très bien pourquoi Theon avait été contraint d'en arriver là.

— Quand tu auras fini de faire l'intéressant, tu pourras indiquer ton choix de crêpe, s'agaça Roose. Pour ma part ce sera une complète. Walda, tu es décidée ?

— Je ne sais pas du tout quoi choisir, tout a l'air délicieux ! C'est combien les suppléments ?

— C'est vrai, pourquoi faire simple quand on peut s'engraisser ? » railla Ramsay.

Walda balbutia une quelconque réponse, Roose foudroya son fils du regard et Sansa étouffa un soupir d'exaspération. Elle se mit à chercher le regard de Theon, qui comprit qu'elle essayait de lui dire quelque chose.

Lorsqu'ils eurent tous les quatre passé commande et que les assiettes pleines furent apportées, Ramsay inspecta sa crêpe avec intérêt, avant de cracher littéralement dedans et de prendre un air dégoûté.

« Honteux, je vais de ce pas me plaindre au gestionnaire qu'un de ses cuisiniers a bavé dans mon plat ! Comme je disais, reprit-il à l'attention de Sansa qui le regardait comme s'il venait d'une autre planète, restau de pouilleux, aucun respect pour le client.

— Vingt-deux ans et toujours pas sortable, s'exaspéra Roose. Qu'est-ce que tu vas manger maintenant ?

— Ne t'en fais pas, Schlingue va m'en faire une nouvelle après qu'il ait rapporté celle-ci à son oncle. Après tout, peut-être qu'il avait empoisonné mon repas, va savoir. Tu ne manges pas, Sansa ?

— Disons que voir les gens cracher dans leur assiette n'aide pas à ouvrir l'appétit, répondit la jeune fille.

Ramsay émit un petit rire et se mit à manger dans l'assiette de Sansa, qui n'avait pas l'air d'en avoir grand-chose à faire. Theon vit bien que quelque chose de plus important la tracassait. En attendant, le jeune homme entreprit de débarrasser l'assiette de Ramsay et de retourner en cuisine. Evidemment, il tomba net sur Euron.

« Qu'est-ce que t'as fabriqué, encore ? »

L'homme se pencha sur la galette et aperçut immédiatement le glairon qui trônait au centre. Theon tenta de se justifier, mais Euron beuglait déjà :

« T'as vraiment juré de me faire chier ! Je te rappelle que je suis le patron, que tes conneries me retombent dessus et que les ingrédients ça coûte cher ! Regarde-moi ce gaspillage ! Fous-moi ça à la poubelle et va faire la vaisselle, c'est ta sœur qui va s'occuper de rattraper ta merde ! »

•••

Le repas touchait à sa fin. Walda poussa un soupir repu. Il fallait maintenant digérer. Sansa se leva.

« Tu vas où ? demanda Ramsay.

— Aux toilettes.

— Attends, je t'accompagne.

— Non merci, je m'en sortirai très bien toute seule !

— Fiche-lui la paix, tu en as assez fait pour aujourd'hui » ordonna Roose.

Ramsay se rassit et jeta un regard suspicieux à Sansa, qui descendait déjà les marches. Elle disparut un temps aux toilettes et sortit quelques instants plus tard. Elle sonda rapidement le rez-de-chaussée, et repéra Yara qui servait une table. La rouquine se dirigea fébrilement vers elle.

« Dis à Theon d'aller voir le quatrième cabinet » glissa-t-elle simplement avant de retourner à sa table.

Intriguée, Yara retourna en cuisine et transmit l'information à son frère. Ce dernier s'empressa d'aller voir ce qui se tramait dans le dit cabinet, et y trouva quelque chose au sol. Un papier était joint.

Hey Theon ! Si tu lis ceci, c'est que 1) j'ai réussi à convaincre Ramsay de venir ici et que 2) nous avons tous survécu à cette horrible soirée. Je m'excuse par avance du comportement abject qu'il aura pu avoir et espère que tu tiens le coup. Ci-joint un sachet d'amphétamines, prends garde à le manipuler avec précaution, de manière à ne pas effacer ses empreintes digitales. Ça devrait être une preuve suffisante pour que les flics puissent faire une perquisition et trouver le reste. D'habitude son armoire à produits est fermée à clef, mais cet imbécile a dû oublier de la refermer hier soir parce que je l'ai trouvée béante ce matin. Evidemment j'en ai profité, une telle chance ne se représentera pas deux fois. Pitié, ne fais pas de bêtise. Bisous,

— Ta Stark préférée

PS : la prochaine fois que tu m'affirmes qu'une de mes idées est « à chier », je jure de t'écouter.

Le jeune homme eut du mal à ne pas hurler de joie. Comme la plupart des gens connaissant de près ou de loin Ramsay, Theon s'était toujours plus ou moins douté de l'implication du Bolton dans le trafic de stupéfiants qui gangrenait la ville de Westeros, mais jamais aucune preuve concrète n'avait émergé jusqu'à présent. Avec ses antécédents et son casier judiciaire bien fourni, ce sale enfoiré n'aurait pas la moindre chance d'échapper à la justice. D'autant plus que Theon comptait bien révéler du même coup à la police tous les méfaits qu'il avait subis de la main du tortionnaire. Cette fois, il lui serait impossible de plaider la maladie mentale. Il aurait droit à la prison ferme, sans le moindre traitement de faveur.

Theon attrapa délicatement le sachet de drogue par le bout des doigts.

Ils avaient enfin l'occasion de faire payer Ramsay Bolton, et d'en protéger la ville.