Et voilà celui que vous attendiez toutes !... XD Il m'a donné du fil à retordre... j'ai dû réécrire plusieurs fois ce chapitre !


Chapitre 61 : The Undertaker

Les vacances enfin !...

Et je les passe à Londres, en compagnie de mon paternel qui a rallié une troupe de forains. Mon père a entièrement retapé le carrousel familial en bois qui gisait dans un hangar. Ce carrousel, mon père l'a acquis lors d'une vente aux enchères. Il n'était passé que dans les mains d'une seule famille avant lui. Lorsque j'étais enfant, le manège trônait dans le parc et j'y passais mes journées. Il fonctionne entièrement à la vapeur et son orgue est un Hooghuys réputé. Aujourd'hui, le manège est couplé mi-vapeur, mi-électricité. Il a été entièrement restauré et repeint ; un véritable chef d'œuvre !... Mon père en est très fier, il l'appelle son "bébé".


"Place la traverse plus haute, Seb."

On s'active, sous les directives éclairées de mon père.

"Je pourrai sortir avec votre fille après ça ?"

"T-t-t-t-t !... fais d'abord le boulot correctement et après nous en reparlerons."


Le groupe de forains est très sympathique. Le doyen, Gilles Henry, m'a pris immédiatement sous son aile : "Si nos jeunes t'importunent, fais le moi savoir et je les remettrai à leur place !..." avec sa canne qui tournoie dans les airs. Pour ses 85 printemps, Papy Henry tient la forme, bon pied bon œil, comme disent les humains !... Ce n'est pas le cas de Louise, sa femme : très mal en point et alitée depuis presque trois ans... les médecins ont peu d'espoir. Le cancer semble avoir gagné la partie.


C'est par ce samedi matin d'août que la mort a choisi de cueillir Louise. Je me demande déjà par quel Juge elle passera...

"Un Juge ?... hahahaha ! vous êtes follement divertissante, young Lady !..." me murmure une voix que je suis incapable d'identifier. "Les Juges sont des personnages qui n'apparaissent que dans la version livrée par Hadès. Moi, je suis prêt à vous conter une toute autre histoire !..."


Mon père pousse la porte de la boutique. Aussitôt, une odeur tenace de lilas artificiel nous baigne les narines. La boutique mortuaire est sobre, articles présentés avec goût.

L'homme qui nous y accueille porte un costume trois pièces dans les ton sombres, gants blancs, souliers vernis. Ses cheveux longs, magnifiquement argentés, sont tressés sur le côté. Ses yeux sont camouflés par une lourde frange - un instant, je me dis que c'est Minos qui nous joue un tour à sa façon mais son aura n'est pas du tout celle d'un Juge : elle gronde en silence, imprimant des pics phosphorescents tout en retenue. Si je m'étais écoutée, j'aurai ordonné à mon père de quitter rapidement les lieux. Mais il est trop tard et je ne me sens pas suffisamment affirmée dans le groupe pour exprimer mon ressenti.

C'est le fils de Louise, Armand, qui choisi le modèle de cercueil. Nous nous concentrons sur les gerbes. Les funérailles seront luxueuses et tous les forains y participeront financièrement.

"Un excellent choix." confirme le gérant de la boutique.

Il est convenu que l'homme passe dans la soirée afin de récupérer le corps et le placer dans la chambre mortuaire pour la veillée.

Nous quittons la boutique, porte tenue par le gérant. Lorsque je passe devant lui, je peux entendre une voix susurrer : "Voici donc l'objet de toutes les convoitises des grands Juges des Enfers..."

Je stoppe le pas, tournant la tête dans la direction de l'individu. Ce dernier se contente de sourire. "J'espère vous revoir bientôt." souffle-t-il.

Pas humain. Définitivement pas humain.

Je quitte la boutique, sensation étrange à la gorge.


J'appelle Minos.

"Louise Henry, dis-tu ?... non, personne de ce nom là sur les listes en attente de jugement... tu es bien certaine de la date de naissance ?..."

Voilà qui devient de plus en plus étrange...


Un ancien modèle de voiture mortuaire se gare dans l'allée. L'homme en sort, toujours aussi élégamment vêtu, enfilant sa paire de gants blancs.

Les quelques chiens des forains viennent le renifler et se mettent à grogner. Leurs maîtres les rappellent.

Le gérant se laisse guider jusqu'à la caravane. Là, il procède à quelques traitements avant de transporter le corps dans son véhicule, en toute discrétion.


J'ai horreur des veillées funèbres !...

"Elles vous rappellent celle de votre défunte mère ?..."

Je me tiens en retrait du groupe qui invoque la bienveillance des dieux devant le cercueil ouvert. S'ils savaient...

"Ce devait être difficile pour vous qui n'aviez alors que quatre ans..." me murmure une voix grave.

Je me retourne d'un trait, regard furibond.

"Vos Juges ont omis de vous signifier que votre mère n'a jamais été jugée. Pour la bonne et simple raison que son âme n'est jamais parvenue jusqu'aux portes des tribunaux de Hadès."

Le sourire est... terrible.

"Qui êtes-vous à la fin ?!" agressive.

"Vous le saurez bien assez tôt, Young Lady." glissant une main gantée le long d'un pan de mes cheveux. Je m'écarte, vive, prête à endosser mon surplis.

"Je ne saurai que trop vous déconseiller pareil éclat sous des yeux témoins, Spectre du Léviathan."

Ça siffle comme une menace.

Mon père se retourne brièvement et m'adresse un regard noir. Je me tasse.

"Parfait, young Lady. Faites donc honneur à l'autorité paternelle." persifflant avant de s'en retourner dans l'arrière boutique.


Je piétine dans le cimetière, cherchant du regard la haute silhouette aux long cheveux argentés. Je l'aperçois lorsqu'il regagne son véhicule. Grrrr ! il ne perd rien pour attendre, deuil ou pas !...

Mon ardeur me pousse à me rendre jusqu'à la boutique funéraire. J'y effectue une entrée spectaculaire, revêtant mon surplis dans un éclat manifeste de cosmos.

"Bas les masques !..."

Le gérant quitte ses gants immaculés et se met à applaudir ma prestation. "Vraiment, très belle entrée, bravo !..."

Je hausse un sourcil avec l'envie de l'empoigner de ma force.

"J'ai une fournée de cookies qui n'attend que nous. Avouez qu'il sera plus agréable de nouer connaissance devant un thé que de nous battre sur le marbre, young Lady !..."

Son long index osseux, rehaussé, comme tous les autres ongles, de laque noire, m'indique l'arrière boutique.

"Par ici, je vous prie." soulevant la lourde tenture qui donne sur une porte dont il ouvre la serrure. Je plisse les yeux. Et si c'était un piège ?...

"Si j'avais voulu venir à bout de vous, vous seriez déjà à terre, young Lady."

Je pose mes mains sur les hanches. "J'aimerai beaucoup voir ça !..." bravache. "Pour qui vous prenez-vous ? un dieu ?..."

"C'est vous qui venez de le dire." me devançant.

Je m'approche, fascinée.

"Mettez moi dans votre sac si je vous fais peur. Il paraît qu'il y fait agréablement noir." lorsque je passe devant lui pour regagner l'arrière boutique.

"Vous..." méfiante mais amusée par la répartie.

Il me recule une chaise. "Par pitié, quittez donc ce surplis qui me pique les yeux."

Je le fais disparaître comme il est apparu et m'installe.

"Voilà qui est bien mieux, young Lady. Nous sommes entre gens civilisés ici." posant ses mains décharnées sur mes épaules.

Il prend place en face de moi, servant le thé avec de bonnes manières.

Le ballet de ses mains, à la peau ivoire et aux longs ongles noirs, est hypnotique. Je note le port d'une bague couleur émeraude sur l'index gauche et une cicatrice qui court sur le pourtour de l'auriculaire de la même main.

"Servez-vous, je vous en prie."

"Dites moi d'abord qui vous êtes."

Il écarte les mains. "An Undertaker. What else ?..."

Je plisse les yeux, sceptique.

Sur un mouvement de main, il repousse un pan de cheveux argenté qui vient de courir le long du bras comme autant de fils soyeux, me faisant découvrir une oreille dont le lobe est percé par deux boucles argent et un piercing industrial qui traverse le cartilage.

Par Hadès... ce qu'il peut me rappeler Minos... avec un je-ne-sais quoi d'intimidant et de supérieur.

Avec des manières, il se saisit de la soucoupe qu'il place au niveau du menton, soufflant sur la tasse fumante, auriculaire relevé alors qu'il attrape l'anse de la tasse.

"Qu'en est-il de Louise Henry ? pourquoi son âme ne se présente pas devant les Tribunaux des Enfers pour y être jugée ?"

"Parce que j'en ai décidé autrement, n'en déplaise au grand Hadès." sirotant calmement.

"De quel droit ?" agressive.

"Du fait que je ne dépends nullement de son autorité."

"Un... dissident..."

Il a un joli sourire, flatté par le terme. "Mes oreilles se régalent lorsque vos lèvres prononcent ce terme. Oui, un dissident. Un rebelle. Qui préfèrerait qu'on lui crève les entrailles que de devoir ployer un genou devant le Seigneur que vous servez. A plus forte raison les deux... hihihihi !"

"Je savais que les dieux jumeaux ne partageaient pas toutes les convictions de notre Seigneur mais..."

"Les dieux jumeaux feignent la rébellion, young Lady. Ils demeurent néanmoins à la solde de Hadès dont ils portent le collier tels des chiens. S'ils s'opposaient ouvertement à leur Seigneur, Hadès les aurait bannis des Enfers mêmes." sec.

"Ce qui semble avoir été votre cas ?..."

"Finement observé, young Lady. Vous ne buvez pas ? Rassurez-vous, je n'ai encore jamais empoisonné personne."

"Si, si. Pardon." m'emparant de la tasse.

Il sourit. "Quel bien fou cela fait de pouvoir évoquer la situation avec quelqu'un qui comprend de quoi je parle !... c'est... un soulagement." se laissant aller contre le dossier de la chaise, mains jointes sur le devant.

"Je comprends. Je n'ai pas dit que je cautionnais."

"Oh, ne vous en faites pas ; je n'ai nul besoin que l'on soutienne ma position." jouant avec la cuillère sur le rebord de la tasse en porcelaine fine, l'y plaçant façon balançoire.

"Dans ce cas, pourquoi avoir choisi d'évoquer ceci avec moi ?..."

"Disons que vous avez eu votre petit effet sur moi."

"Votre but est de me dévoyer ?"

"Quel grand mot !..." outré. "Vraiment, je le pourrai ?..." amusé par le challenge.

"Cessez." sèche, terminant ma tasse.

Il prend une moue chagrinée.

"Expliquez moi plutôt le différend qui vous oppose à Hadès."

"Oh !... eh bien... je ne partage pas l'avis de tous qui consiste à reconnaître Hadès comme seul maître des Enfers. Et j'ai... une approche très personnelle concernant les âmes des défunts." remuant les doigts avec délectation.

"J'avais bien compris que vous leur évitiez le jugement par les Tribunaux."

"En effet. Je trouve la procédure parfaitement désuète." avec un geste explicite. "De plus, je tends à croire que la fin n'est pas celle énoncée par le jugement. Je suis... terriblement curieux de la nature humaine."

"Tiens, tiens, tiens... un point commun avec Hypnos." amusée par la situation.

"Il nous est déjà arrivés de tenir conseil, le dieu du Sommeil et moi-même. Nous avons présenté nos arguments à Hadès qui les a tous réfutés en bloc."

"Pourtant, il m'a semblé très ouvert... enfin..."

Le sourire gagne quelques centimètres en face. Il prend soin de compléter ma phrase : "... très ouvert du moment que cela ne porte pas atteinte à son autorité sur tout ce qui concerne l'organisation de son domaine."

"J'avoue ignorer totalement ce genre de chose. Je n'étais même pas au fait de l'existence de dieux rebelles. Enfin... plus rebelles encore que les dieux jumeaux !..." riant. "Et voilà qu'un superbe spécimen se présente à moi !..." plus détendue.

"Superbe ?... vous me flattez."

"J'espère que vous saurez prendre soin de l'âme de Louise."

"Du mieux que je le pourrai, soyez en assurée." croquant dans un cookie dont la forme évoque un fémur humain.

"Bon, alors, vous, dites moi..." curieuse.

"Uh ?... que souhaitez-vous savoir ?..."

"Vos hobbies, vos passe-temps ?..."

"Tout ce qui est susceptible de m'intéresser se trouve ici." ouvrant les bras pour désigner son royaume.

"Les corps ?... la fascination pour ce qu'ils deviennent une fois leur âme arrachée à la demeure charnelle ?..."

Le sourire vient encore de gagner. "Young Lady, vous faites de moi le dieu le plus heureux de la Terre !..." ravi de pouvoir partager tout ceci avec quelqu'un.

"Si Hadès s'occupe des âmes, vous vous occupez de la partie qu'il délaisse : les corps des défunts."

"Exactement."

"Ce n'est pas un choix par défaut, n'est-ce pas ?"

"Non."

"Bien. Dans ces conditions, il n'est nul besoin de vous opposer à Hadès."

"Les choses ne sont pas aussi simples, young Lady. Nous avons eu nos différends et nous nourrissons nos rancœurs."

"Certes. Mais si l'un s'occupe des âmes et l'autre des corps, la complémentarité est parfaite."

"J'imagine que vos raisonnements sont propres à votre récente entrée dans les rangs de Hadès."

"Voulez-vous solutionner le problème, oui ou non ?" ferme.

"Je serai très curieux de vous voir exposer la chose à Hadès. Vraiment très, très curieux." amusé.

"Je n'y manquerai pas."

"L'apanage de la jeunesse..."

"... dit le dieu dont le second passe-temps semble être le piercing."

Il fronce d'abord puis éclate de rire. "Vous êtes impayable !..."

Il se saisit délicatement d'un second biscuit qu'il scinde en deux avant de déguster.

"Et je n'ai même pas évoqué vos talents culinaires..."

"Huhuhuhu !..."

"En avez-vous d'autres ?"

"Des biscuits ?"

"Non, des talents cachés."

"Eh bien cela, young Lady, je vous invite à le découvrir. Attention cependant à ne pas fréquenter assidument l'arrière boutique sans y avoir été expressément invitée." dans une mise en garde à double sens.

"Vous avez dit que ma mère n'a jamais été jugée. Vous êtes-vous occupé de son âme ?"

"En effet."

"Est-elle heureuse là où elle se trouve ?"

"Le bonheur est à la fois si éphémère et abstrait, young Lady. Humain, en un mot." évasif.


Il m'a fait tenir la promesse de revenir le visiter. Je serai sans doute occupée le soir étant donné que je seconde mon père... mais une visite dans le courant de l'après-midi me paraît possible. J'ai très envie de le connaître, ce dissident à Hadès !... Si mes Juges venaient à l'apprendre !... l'excitation me gagne en même temps que la crainte.


L'oraison funèbre est magnifique, dans ce cimetière baigné par le soleil déclinant.

Il se tient là, en retrait, nous observant avec grand intérêt. On vient le féliciter pour son excellent travail. Il jubile. Nous nous croisons, regards explicites.


Je prends le manège en contresens, zigzaguant entre les chevaux et les carrosses, récupérant les jetons. Des parents accompagnent leurs tout jeunes enfants. Le spectacle est adorable.

Sébastien me garde à l'œil. Nous jouons à nous croiser et là, il me vole un baiser. Je le repousse doucement. "Hey !..."

"Bah, c'était pour plaisanter hein !..." rosissant adorablement.

Soudain, je sens une présence. Oui... oui, cette onde traversante... il est là. Je cherche parmi la foule massée autour du manège, sans grand succès. Mais je sais qu'il est là.

Alors que je demeure dans une zone inoccupée du manège, il vient me rejoindre. Je l'ai simplement vu apparaître devant moi tant ses déplacements sont rapides.

"Bonsoir."

"Young Lady." soulevant son chapeau haut de forme.

"Comme vous voilà élégant..."

"Merci. Je tâche toujours de soigner l'apparence lorsque je... hmm... rends visite, hors du cadre de mes attributions."

Je ris. "Je pensais que vous alliez dire autre chose..."

"Quoi donc ?..." souriant.

"... lorsque vous faites la cour."

"Vous aimeriez ?..."

"Quoi donc ?"

"Que je vous courtise ?..."

"Vous posez la question pour la forme ?..."

"En quelque sorte." souriant, soulevant un instant sa frange. Je distingue un magnifique regard phosphorescent absolument divin et surnaturel !... J'en ai le souffle coupé. Je note également la cicatrice qui court de l'œil gauche à la joue droite.

J'entends Sébastien m'appeler.

"Je vous laisse à vos occupations." avec une révérence. "Ce fut un plaisir."

"Plaisir partagé."

Il disparaît comme il était apparu.

Il décide de déambuler dans la place et jette son dévolu sur un stock de sucre et de friandises en tout genre.

Quant à moi, je regagne mon lit tard dans la soirée, ventre dans une belle pagaille !...


Je ne résiste pas et me voici entrant dans la boutique.

"Bienvenue, young Lady." avec une révérence.

J'en ris de bonheur avec une envie folle de me jeter dans ses bras ; chose que je m'interdis formellement.

Il sourit comme s'il venait de le deviner. "Je ne vous en aurai pas tenu rigueur." soufflé.

Il m'invite dans l'arrière boutique où attend son stock de friandises récolté la veille.

"Vous avez dévalisé tout le stand !..." amusée.

"Ce stock ne me tiendra pas plus de vingt-quatre heures." me reculant une chaise. "J'ai le palais extrêmement sucré."

Il s'installe en face de moi, récupérant une sucette colorée dont il défait le papier transparent avant d'y faire courir sa langue. Dans un éclat argenté, je devine sa langue percée et le bijou qui l'orne.

"Par Hadès, vous en êtes truffé !..." amusée.

"Cela vous gêne-t-il ?"

"Non. Je suis surprise. J'avoue avoir une idée bien rétrograde des dieux de la mort... j'étais loin de les imaginer percés !..."

Je me pince la lèvre, n'osant guère aborder la question.

"Vous... vous avez une idée déplacée derrière la tête..." agitant la friandise dans ma direction avant de poursuivre son léchage gourmand.

Je rosis.

"Est-ce que ça a... certaines vertus ?"

Il sourit, se penchant en avant, en appui sur ses avant-bras, faisant tournoyer le bâtonnet de bois entre le pouce et l'index. "... à ce qu'on dit."

D'un commun accord, nous laissons la question en suspens.

"Savez-vous que la fête foraine se conclue toujours par un bal costumé ?"

"Non." souriante, regard pétillant.

"Eh bien maintenant vous en êtes informée."

"Allez-vous vous y rendre ?"

"Je vous le laisse supposer."

Par Hadès, je dois me faire violence pour ne pas suivre des yeux les mouvements de sa langue percée sur la guimauve pastelle.

"Vous appréciez les personnes d'un âge certain, young Lady. Les Juges sont là pour en attester. Le joli complexe du père. Ne vous a-t-il point eu sur le tard ?... avec sa fort ravissante cinquième épouse dont vous possédez indéniablement les traits."

"Vous êtes très fort."

"Je n'ai aucun mérite. Je ne fais que lire ce que mes yeux se permettent de voir."


Sébastien m'aborde avec un sifflement. "Tu es..."

"Merci."

Je porte une magnifique robe victorienne.

"Tu es accompagnée ?..."

"J'attends quelqu'un, oui."

Il affiche un air déçu.

Je cherche mon cavalier des yeux et tombe sur une cascade de cheveux argentés. Ce ne peut être que lui !... je m'en approche.

"Monsieur."

"Young Lady." me positionnant devant lui, admirant ma tenue. "Eh bien... vous êtes à couper le souffle."

"Votre tenue est originale, elle aussi."

"C'est le costume portés par les croquemorts à l'époque victorienne. Nous sommes donc parfaitement assortis."

Il porte un long manteau sur une forme de soutane, des cuissardes aux multiples sangles, aux bouts remontés, le tout dans des tons sombres. Son chapeau haut-de-forme est orné d'un long pan sur l'arrière. Un collier de perles à double rang vient orner la tenue ainsi qu'une ceinture dorée dont la façon rappelle des cadres ovales. Sur une épaule court une écharpe en laine grise nouée sur la hanche opposée.

Nous nous isolons de la piste de danse, dans un parc à proximité.

Au loin, l'orage gronde.

"Voici venir Monsieur Orage et sa symphonie bruyante. Je suis armé." désignant son parapluie noir. "Et même si je suppose que l'humidité vous sied au teint comme au corps, je me vois contraint de devoir renoncer à ce principe."

C'est sous un ciel zébré et électrique que nous regagnons sa boutique.