Quand la chouette de Marlène était venue piailler à la fenêtre de James, le jeune homme avait d'abord cru qu'il apportait une lettre à Lily. Puis, il avait vu son nom en gros sur l'enveloppe d'un rouge éclatant, et, à peine réveillé, il en avait libéré un court parchemin avant de donner un biscuit à l'oiseau et de retomber avec paresse sur son lit, la lettre à la la main.

« Cher James,
Ne lis SURTOUT PAS cette lettre à voix haute, et ne la montre pas à Lily non plus, du moins pas avant d'en avoir pris connaissance toi même. Elle va sûrement m'en vouloir... Mais... J'y ai réfléchi cette semaine, et je crois qu'après tout le mal que j'ai fait, la moindre des choses, c'est que je vous rende service.
Je suis certaine qu'elle ne t'a rien dit, et elle a fait promettre à Sirius de ne pas le faire non plus, ne lui en veut pas trop, d'ailleurs, car il a été là pour elle, plus que tu ne le penses. Cette semaine les a rapproché. Comme quoi, les miracles existent.
Enfin, ce n'est pas l'important. L'important, c'est Lily. Comment va-t-elle ? Elle ne m'a pas écrit depuis le début des vacances... je me doute qu'elle est bien occupée avec vous deux, elle était si heureuse de te retrouver... Elle ne l'a pas dit, mais je l'ai vu sur son visage.
C'est ce qui m'a manqué toute la semaine précédente, quand tu n'étais pas là. Il s'en est passé, des choses... Amy Lloyd et sa bande n'ont pas été tendres avec elle. Les autres non plus, d'ailleurs. Les rumeurs ont continuées à circuler, et elle a fait comme si rien ne l'atteignait, mais je connais Lily... Ils lui ont fait mal, James. Vraiment très mal. Elle ne te le dira pas, elle ne veut pas t'inquiéter, et c'est pour cette raison que je le fais moi-même. Je suis sûre qu'elle se torture l'esprit à cause de cette histoire et à cause des mots qu'elle a entendu sur son chemin et je te connais... Je sais que tu peux l'aider mieux que moi.
Avec toute mon amitié,
Marlène McKinnon.
»

James relut le parchemin deux fois avant de se résoudre à le ranger dans son bureau en soupirant bruyamment. Attiré par le bruit de la pluie sur sa fenêtre, son regard se perdit vers le dehors pendant une minute ou deux avant qu'il ne se reprenne.

Il avait juste envie d'aller serrer Lily dans ses bras, mais il savait que cela ne résoudrait rien. Le simple fait qu'elle ne lui ait rien dit lui donnait une véritable indication sur ce qu'elle avait vécu, et ce n'était pas bon. Il en avait mal au ventre. Il n'avait jamais vraiment eu peur pour lui même, mais il ne comptait même plus les fois où il avait eu peur pour elle, et c'était le cas ce matin là.

Après un rapide passage dans la salle de bain, il entreprit d'aller prendre son petit déjeuner et fut surpris de la croiser dans le salon plutôt que dans la cuisine. Elle lui lança un petit sourire quand il passa devant elle, mais il ne lui répondit pas. Il n'avait aucune idée de la façon dont il devait aborder le sujet, et cela le rendit froid et distant en apparence.

Lily s'en inquiéta rapidement, et il ne fut guère étonné de constater qu'elle l'avait suivi dans la cuisine. Il fut toutefois soulagé de voir que ni Sirius, ni ses parents n'étaient matinaux ce jour là. Avec un peu de chance, il aurait du temps pour parler avec elle plus discrètement que dans une chambre dont la porte doit rester entrouverte à son plus grand dam.

« Mal dormi ? lui demanda t-elle. »

Il était assis, mais elle restait debout à côté de lui, sa main posée sur la table près d'une assiette de biscuits de la veille que James fixait parce que c'était plus facile que de la regarder tout en sachant qu'elle lui avait avoué, le soir avant qu'il ne quitte Poudlard, qu'elle était terrifiée, et qu'il n'avait rien fait, mettant cela sur le compte de l'alcool.

Il soupira à cette simple pensée, et enfouit un instant sa tête entre ses mains, dépité. Il s'était juré de tout faire pour elle, et il s'était laissé distraire si vite qu'il en était écoeuré. Ce soir là, elle lui avait dit qu'elle voulait l'épouser et avoir des enfants avec lui, et c'était presque tout ce qui avait compté ces derniers jours. Il avait été obsédé par tout ça, et pas assez tourmenté par le reste, et il s'en voulait atrocement.

« Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas dit que les autres te faisaient vivre un enfer ? l'interrogea t-il après avoir pris une longue inspiration. »

Elle ouvrit la bouche et parut hésiter un instant. Il constata que ses doigts se crispaient sur la table, et du coin de l'oeil, il la vit faire volte face pour quitter la pièce, espérant probablement échapper à cette conversation, songeant sûrement qu'il la laisserait. Il ne le fit pas. Il lui attrapa adroitement le poignet et la força à revenir vers lui.

Elle essaya de se dégager de son étreinte, le prenant même au dépourvu lorsqu'elle lui intima de la lâcher, ce qu'il ne fit pas. Il était presque en colère contre elle, mais il l'était encore plus contre lui-même. Il aurait voulu qu'elle s'appuie sur lui. Il était là pour ça. Il était là pour qu'elle se repose quand elle était fatiguée et qu'elle guérisse quand elle souffrait, mais elle n'avait rien fait de tout cela.

« Pourquoi est-ce que c'est Marlène qui me parle et pas toi ? reprit-il.
- Parce que tu ne voulais pas savoir ! répliqua t-elle aussitôt, parvenant à libérer son poignet de l'emprise de James.
- Qu'est-ce que tu racontes ?! s'exclama t-il en se levant, pressentant une dispute qu'ils n'auraient jamais dû avoir.
- Regarde toi. Maintenant tu sais, et tu n'arrives pas à le supporter. Tu n'étais pas là, tu ne pouvais rien faire, tu ne pouvais rien contrôler, et maintenant tu t'en veux parce que si je suis dans cette situation, c'est parce que je suis avec toi, alors ne t'étonne pas. Ne t'étonne pas si je ne te dis pas ces choses là, s'énerva t-elle en s'efforçant de garder un niveau sonore minimum.
- Tu n'as pas à me protéger, bon sang, Lily ! pesta t-il à son tour.
- Tu aurais fait la même chose à ma place. Tu n'aurais rien dit. »

Il savait qu'elle avait raison, mais il secoua quand même rapidement la tête de gauche à droite. Il tenta de l'attirer contre lui, mais elle le repoussa et lui tourna le dos sans qu'il ne comprenne trop pourquoi jusqu'à ce qu'elle se mette à renifler bruyamment. Il resta impuissant pendant une seconde, anéanti. Il ne savait même pas ce qu'il pouvait faire pour l'aider, et c'était terrifiant.

« Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? »

Sa question se perdit dans le vide. Il ne savait pas s'il la lui avait vraiment posée, où s'il se l'était juste posée à lui même. Finalement, Lily se retourna vers lui, les yeux rouges et les joues trempées, et il eut l'impression de se prendre un violent coup de poing dans le ventre, l'un de ceux qui coupent la respiration.

« Est-ce que tu te dis, des fois, que ce serait plus simple si je n'étais pas moi ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ? La questionna t-il en fronçant les sourcils.
- Moi, je sais que ce serait plus simple si tu n'étais pas toi, si tu n'étais pas aussi populaire, si tu n'étais pas aussi admiré, si tu n'étais pas de sang pur, et si tu ne...
- Lily, est-ce que tu veux quelque chose de simple ? la coupa t-il, fébrile, nerveux, et crispé. »

Ils venaient de prendre la décision d'habiter ensemble, il avait envoyé la demande de location à Doris Crockford quelques jours plus tôt, et voilà que Lily se mettait à tenir un discours qui ressemblait affreusement à celui qu'elle aurait pu tenir si elle avait voulu rompre avec lui.

Pour toute réponse, ses yeux demeurèrent dans les siens, comme perdus, noyés dans l'angoisse folle qu'elle pouvait probablement y lire, et elle retira sa main de la sienne quand il voulut la prendre, mais il ne la laissa pas se dérober. Il l'attrapa par la taille et ne s'avoua pas vaincu quand elle appuya de toutes ses forces sur son torse pour l'éloigner. Au contraire. Ses deux mains enveloppèrent les siennes et elle pleurait encore et il en était malade parce qu'il savait à présent ce qu'elle ressentait.

« Excuse-moi. C'est stupide. C'est juste... Je... Je te veux toi sans le monde autour, souffla t-elle finalement.
- Qu'ils aillent se faire foutre, Lily. »

C'était la seule réponse qu'il avait en tête. Il comprenait parfaitement pourquoi elle lui avait dit ce qu'elle lui avait dit. Il savait qu'il avait des admiratrices et que les élèves de Poudlard s'intéressaient un peu trop à sa vie privée et à celles de ses amis. Il avait toujours été au centre de l'attention, et il avait longtemps cultivé cela, aimé cela, et soudainement, c'était tout ce qu'il détestait, parce que c'était la raison même pour laquelle Lily était en larmes devant lui.

Son pouce avait commencé à caresser le dos de sa main, et elle avait tremblé un peu mais n'avait pas fait le moindre geste pour s'éloigner de lui, et il lui avait bien fait comprendre, de toutes manières, qu'il ne la laisserait pas partir. Pas comme ça. Pas à cause des autres. Pas alors qu'elle ne le voulait pas.

« Regarde où on en est... Je ne peux même plus te repousser quand je suis énervée... murmura t-elle.
- Tu peux si tu veux, nia t-il.
- J'essaie, lui dit-elle en retirant sa main des siennes. Mais tu es là et tu me regardes avec ces yeux là...
- Parce que je veux te retenir, déclara t-il en fronçant les sourcils. »

Il se rapprocha sans lui laisser le temps de faire le moindre geste, et il posa sa main sur sa joue. Il n'y avait qu'un moyen de lui faire comprendre qu'il était et serait toujours là, et c'était de l'être physiquement. Lily n'était pas capable de penser à autre chose quand il la touchait, il le savait et le sentait, c'était la même chose pour lui.

« Je te l'ai déjà dit. Je serai toujours là pour toi.
- Tu ne peux rien faire contre des rumeurs, lui fit-elle remarquer alors qu'il s'approchait encore, la faisant reculer légèrement contre la table.
- Tu sais à quel point je suis doué en Métamorphose ? Je peux transformer tous les élèves de l'école en cloportes, si je le décide.
- Parfois tu es extrêmement effrayant, lâcha t-elle dans un souffle lorsqu'elle ne put plus reculer d'avantage et que sa bouche se trouva à quelques centimètres seulement de la sienne. »

Il hocha lentement la tête, lui sourit, et ne fut satisfait que quand il sentit ses doigts fins s'agripper à son sweat et ses yeux retrouver cet éclat qu'il aimait tant, celui que lui seul arrivait à leur donner.

« Ce soir, on va faire quelque chose de spécial, déclara t-il après avoir déposé un baiser bref sur ses lèvres.
- Tu es puni, lui rappela t-elle en essayant de retrouver sa bouche.
- Ils me laisseront sortir si c'est pour toi.
- Et Sirius ?
- Est-ce qu'on est supposé l'emmener partout, maintenant que tu as passé une semaine avec lui ? se moqua t-il gentiment.
- Ce serait la moindre des choses, intervint l'intéressé, les surprenant tous les deux sans pour autant qu'ils ne s'écartent l'un de l'autre.
- Je suis désolé Patmol, ce sera sans toi cette fois-ci.
- Très bien. Je rejoindrai Queudver et Lunard à Pré-au-lard et on fera une réunion de maraudeurs sans toi, alors. »

James secoua la tête et lâcha un rire semblable à un soupir avant de se pencher de nouveau sur Lily pour planter un baiser sonore sur son front.

« Est-ce qu'il y a seulement un moment où il te laisse respirer ? demanda t-il à Lily en jetant un coup d'oeil moqueur vers son meilleur ami.
- … Quand je dors, répondit-elle en souriant après avoir brièvement réfléchi. »

James les observa tour à tour d'un air faussement vexé, et se recula d'un pas en désignant de la main l'espace qui se trouvait entre Lily et en lui demandant si elle était contente maintenant, la faisant éclater d'un rire si doux qu'il ne put réprimer un sourire.

« Je plaisantais, lui dit-elle en se pendant à son cou.
- Et je suis supposé me laisser faire sans rien dire, maintenant ?
- Tu fais ce que tu veux, lui répondit-elle, calée contre son torse, les yeux fermés, bien décidée à ne pas le lâcher.
- Si je faisais ce que je voulais, l'un d'entre nous ne porterait plus ses vêtements maintenant.
- James ! On avait dit pas devant Lily ! s'écria Sirius en lui adressant un clin d'oeil suggestif et le rire de Lily s'écrasa contre James. C'était une sensation étrange, mais tellement réconfortante qu'il en perdit sa répartie.
- Black, je t'aime, gloussa t-elle. »

Elle avait laissé sortir les mots naturellement, dans l'impulsion du moment, et tout le monde savait que c'était amical, mais James jeta quand même un regard noir vers son meilleur ami qui passa sa main dans ses cheveux d'un air prétentieux.

« Elle ne me le dit même pas à moi ! s'offusqua James.
- C'est parce qu'on a dû plus se rapprocher en une semaine que vous deux en deux ans... chantonna Sirius. »

James tira rapidement sa baguette de sa poche et fit léviter le bol de lait de son meilleur ami jusqu'à ce qu'il se renverse sur son crâne.

« James ! s'exclama Euphémia qui pénétra dans la cuisine juste à ce moment là.
- James, comment oses-tu ?! Ajouta Sirius en prenant un air scandalisé. Moi qui ne suis qu'amour avec toi et ta petite-amie !
- Merlin, tu vas me faire le plaisir de nettoyer cela ! Et j'espère que tu vas présenter tes excuses à Sirius ! Le sermonna sa mère pendant que ce dernier gloussait derrière sa main.
- Plutôt mourir, marmonna James que Lily venait de lâcher en envoyant un coup d'oeil amusé vers Sirius.
- Pardon ?
- J'ai dit : avec plaisir, abdiqua James avec mauvaise humeur. »

Il dut attendre quelques heures avant de retourner voir sa mère pour lui demander la permission de sortir avec Lily dans la soirée, et comme il s'y attendait, elle le lui refusa dans un premier temps. Il monta alors les escaliers quatre à quatre puis redescendit avec la lettre que Marlène lui avait envoyé le matin même, et la tendit à Euphémia, assise dans le fauteuil le plus confortable du salon.

Sirius et Lily étaient en train de s'amuser dans le jardin. Ils étaient tous les deux assis sur un balai à quelques mètres du sol, et ils s'envoyaient un souafle. De là où il était, il sembla à James que son meilleur ami essayait d'entraîner sa petite-amie, et cela le fit sourire. Il aimait les voir s'entendre, malgré ce qu'il avait montré plus tôt. Il aurait été dévasté si l'inverse s'était produit.

« Elle n'en a parlé à personne ? l'interrogea Euphémia quand elle eut terminé de lire le parchemin.
- Non. Sirius et Marlène étaient constamment avec elle, donc ils entendaient et essayaient d'arranger les choses, mais... Lily n'est pas du genre à aller se plaindre.
- Il n'est pas question de se plaindre, juste de sanctionner ces élèves...
- Ça ne servirait à rien, répondit James en haussant les épaules. Ça ne ferait qu'envenimer la situation. Lily n'a pas besoin de ça. »

Euphemia dévisagea longuement son fils, soupira, et enroula une fine mèche de ses cheveux noirs et argentés autour de son index avant que James ne reprenne la parole.

« Tu as dit que tu ferais un effort, que tu n'interférerai plus... lui rappela t-il en lui lançant le regard qui faisait flancher n'importe qui.
- Où est-ce que tu comptes l'emmener ? Soupira t-elle après avoir levé les yeux au ciel. »

James se mit à réfléchir mais il ne parvint à trouver aucune réponse. Il avait rapidement pensé à Pré-au-lard, mais il s'était rapidement souvenu de leur dernière escapade, et de ce que son père avait brièvement évoqué quelques soirs plus tôt sur son entretient avec le ministre qui n'était pas encore très sûr de vouloir rapatrier les détraqueurs à Azkaban.

« Quand j'ai appris que j'étais malade, ton père m'a emmenée voir la mer, reprit Euphémia, constatant que son fils semblait un poil perdu.
- La mer ? répéta t-il en l'observant d'un air curieux. »

Elle hocha simplement la tête en souriant. Ses yeux d'un noir aussi intense que ceux de James étaient rivés vers la fenêtre, vers Lily qui riait avec Sirius, et elle paraissait à la fois affreusement triste, et définitivement heureuse.

« Lily a un sourire magnifique... murmura t-elle. Elle a vécu de terribles tragédies, et elle porte toujours ce si joli sourire... »

James ne pouvait qu'être d'accord avec elle. Son regard suivit le sien, et il fut captivé pendant un laps de temps indéterminé par sa façon de voler, tellement différente de la sienne... Un peu trop prudente, un peu trop sur la retenue, mais beaucoup plus sage. Elle se débrouillait très bien, et un sentiment de fierté s'insinua en lui alors qu'il n'arrivait pas à se détacher de cette image qui réunissait absolument tout ce qu'il aimait : Lily, Sirius, et le quidditch.

« Elle a peur, maman. Je n'ai jamais vraiment remarqué ça avant parce qu'elle fait toujours bonne figure, mais je le sais maintenant. »

Euphemia inspira profondément sans quitter la jeune femme des yeux, et ce avec une certaine tendresse, et James eut le sentiment que quelque chose les reliait. Il réalisa rapidement que c'était cette horrible chose qu'il venait d'évoquer : la peur. Elle était paralysante, sournoise, et cruelle. Elle s'en était pris à elles, ne daignaient pas les lâcher, et James ne savait pas comment faire disparaître un ennemi invisible.

« Emmène la voir la mer...
- Je...
- Elle oubliera tout là bas, le coupa t-elle.
- Je ne serai jamais capable de transplaner aussi loin, lui fit-il remarquer avec regret.
- Prenez un portoloin, suggéra Euphémia.
- Nous n'en trouverons pas pour rentrer si tard...
- Trouvez un endroit et passez la nuit là bas, bon sang, James ! »

Le maraudeur quitta Lily du regard pour le reporter sur sa mère, les yeux ronds comme des souafles. Il se demanda pendant une seconde si elle était bien consciente de ce qu'elle lui avait conseillé de faire, et puis il l'entendit marmonner « je suis une terrible mère » pour elle-même, et il réalisa qu'effectivement, elle savait très bien ce qu'elle avait dit.

« Je suis un peu perdu... Ca va à l'encontre d'absolument tout ce que tu m'as demandé de faire jusque là... pointa t-il.
- Je sais, et ton père va certainement se demander ce qui m'est passé par la tête quand il va apprendre que je t'ai laissé faire ça, mais par la barbe de Merlin, la vie n'a pas fait de cadeau à cette petite... Elle a besoin d'un moment de répit. Va vite la chercher pendant que je trouve un portoloin. »

James hésita à lui demander si elle était absolument sûre de son choix, mais il sut qu'elle allait lui répondre par la négative alors il s'empressa de rejoindre Sirius et Lily dans le jardin, et de leur annoncer la bonne nouvelle, ce qui les surprit tous les deux.

Une heure plus tard, ils descendaient les escaliers avec un gros sac sur le dos, et Euphemia semblait s'être rendue compte de la déraisonnable décision qu'elle avait prise, mais fut incapable de revenir dessus quand Lily lui tomba dans les bras et lui glissa un timide « merci » qui lui réchauffa le cœur.

« Écris-moi quand vous serez arrivés à bon port, et surtout, surtout, soyez responsables.
- Ce qu'elle veut dire, c'est protégez-vous ! lança Sirius à côté d'Euphémia qui tendait à son fils un parchemin contenant tous les détails sur le portoloin qu'ils devaient prendre. »

Il lâcha un rire tendu à la remarque de Sirius, et encore plus lorsqu'il vit le regard accablé de sa pauvre mère qui semblait penser qu'ils allaient revenir avec un bébé dans les bras, puis il quitta le manoir, la main de Lily solidement serrée dans la sienne.

« Prête ? lui demanda t-il après avoir jeté un bref coup d'oeil au lieu où ils devaient prendre le portoloin. »

Elle acquiesça seulement, un sourire radieux incrusté sur son joli visage, et il la fit transplaner dans un parking vide au milieu d'une zone industrielle. Il n'y avait rien, à part d'immenses bâtiments qui avaient l'air vides et abandonnés, mais James trouva rapidement l'objet qui allait les emmener loin. Il s'agissait d'une vieille canette de soda abandonnée près d'une benne à ordure. Il jeta un bref coup d'oeil à sa montre, et il attendit quelques minutes avant de faire signe à Lily de poser sa main dessus.

La seconde d'après, ils atterrissaient dans le Kent, au sud-est de l'Angleterre, dans la ville de Broadstairs. James se souvenait y être allé quelques fois avec ses parents quand il était un peu plus jeune, alors ce fut sans aucune hésitation qu'il entraîna Lily dans les rues peu peuplées à cette période de l'année, jusqu'à l'hôtel où ils avaient séjourné à chaque fois qu'il était venu là.

« M. Potter, vous avez grandi ! s'exclama une jeune femme minuscule derrière un comptoir.
- Heu... Bonjour, comment allez-vous ? répondit-il simplement sans pouvoir se rappeler de l'hôtelière.
- Bien, très bien, merci. Je suis ravie de vous revoir ici. Avez-vous besoin de votre chambre pour ce soir ?
- Oui, si possible, sinon je...
- Vos parents la loue à l'année, elle est toujours disponible pour vous, le coupa t-elle avec un sourire enchanté.
- Bon, alors très bien. Merci... Glinda, termina t-il lorsque ses yeux tombèrent sur le petit badge épinglé à son gilet laineux qui scintillait comme si elle avait passé des heures à le lustrer.
- Combien de temps souhaitez-vous rester ?
- Juste cette nuit.
- Pouvons-nous monter vos bagages ?
- Ce ne sera pas nécessaire, nous n'avons que le strict minimum, lui répondit gentiment Lily.
- Dans ce cas, dois-je vous faire parvenir le dîner dans votre chambre ? »

Les deux préfets-en-chef se jetèrent un regard interrogateur avant que James ne se retourne vers la dénommée Glinda.

« Nous allons à la plage et nous risquons de rentrer tard, je ne suis pas sûr que...
- Vos parents ne seraient pas contents si je vous laissais y aller le ventre vide, le coupa t-elle en sortant une plume et un petit bloc note dont les pages se tournèrent rapidement sans qu'elle n'y touche. Nos elfes de maison ont toujours quelque chose de prêt dans la cuisine, au cas où le Ministre débarquerait... Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?
- Lily, qu'est-ce qui te ferait plaisir ? Répéta James en se tournant vers sa petite-amie.
- Peu m'importe, je n'ai pas très faim, répondit-elle en haussant les épaules. Il suffirait d'un petit quelque chose à grignoter...
- Nous avons un gâteau aux fondants du chaudron, très en vogue en ce moment, les clients l'adorent, proposa t-elle. »

Connaissant l'amour de Lily pour le chocolat, et la voyant avaler sa salive avec envie, il sourit et s'empressa d'acquiescer.

« Mettez une bouteille d'hydromel avec, s'il vous plaît Glinda, reprit-il
- Monsieur, je ne suis pas certaine que vos parents soient très d'accords avec cela... »

Il l'observa en arquant un sourcil et pencha la tête, ignorant le rire étouffé de Lily à ses côtés, et puis il s'appuya sur le comptoir en bois noble et lui lança son sourire le plus charmeur.

« Mais je suis majeur, Glinda, mentit-il.
- Je n'en doute pas, s'empressa t-elle de répondre en rougissant, mais Monsieur et Madame Potter m'ont déjà demandé de ne vous servir de l'alcool sous aucun prétexte... »

James retint un soupir et leva les yeux au ciel. Bizarrement, il n'était pas vraiment étonné par cette requête, mais cela ne l'arrêta pas le moins du monde. Glinda était une jeune femme tout à fait charmante et il s'était bien rendu compte, quand elle avait rougi, qu'il pourrait obtenir exactement ce qu'il voulait, alors il insista un peu, lui fit les yeux doux et passa sa main dans ses cheveux dans un geste qui se voulait désinvolte et naturel.

« Vous pensiez que c'était pour moi ? la questionna t-il en lâchant un rire. Merlin, Glinda, non ! Mes parents m'ont bien élevé ! Je voulais juste leur ramener un petit cadeau en rentrant demain, reprit-il.
- Mais...
- Vous ne croyez pas qu'ils m'ont bien élevé ? la coupa t-il en prenant un air faussement abattu qui manqua de faire glousser Lily à côté de lui. »

Elle avait comprit son manège, et quand il lui donna un discret coup de coude, elle se retourna immédiatement pour éviter d'éclater de rire devant la réceptionniste.

« Si, si, bien sûr ! Lui assura t-elle aussitôt avant de reprendre avec une pointe d'hésitation. Mais...
_ Maman va être si déçue quand elle verra que je ne lui ai rien ramené... ajouta t-il en se redressant et en affichant une moue triste. »

Glinda le considéra un long moment pendant lequel il prit soin de paraître le plus triste et le plus adorable possible. Il savait très bien le faire. Quelques instants plus tard, il la voyait noter « 1 hydromel » sur son petit carnet, et dix minutes après, il repartait main dans la main avec Lily, un gros gâteau au chocolat et une bouteille d'hydromel dans son sac.