Je décrypte la silhouette élancée qui me tourne le dos. J'ai beau ne pas les avoir vus depuis quelque temps, déjà, je reconnaîtrais ces cheveux blonds entre mille.

— Siana ! m'écrié-je, attirant l'attention de l'intéressée, qui se retourne brusquement.

— Maylin ? s'étonne-t-elle. Qu'est-ce que tu fais ici ?

Alors que j'ouvre la bouche pour répondre, peinant à cacher mon abasourdissement, je suis coupée par le sbire de la Team Aqua qui, visiblement, ne semble pas apprécier ne plus être le centre de l'attention.

— Poussez-vous, les gosses, vous gênez... Medhyena, Ecrapince, en avant ! s'écrit-il en lançant deux Pokéballs.

Le Pokémon chien et le Pokémon crabe apparaissent devant nous et prennent place, dans un air de défi.

Je plisse un instant le front, perplexe quant à son engouement, et surtout dubitative face à sa réflexion.

Les gosses ? Sérieusement ?

En plus, il n'a pas vraiment l'air plus âgé que nous...

Je me ressaisis, laissant mes problèmes d'égo de côté un instant, et mes yeux scrutent les lieux, comme à la recherche d'une raison à sa présence ici. Ainsi qu'à celle de Siana.

Alors que mes pupilles inspectent l'horizon, j'aperçois de la fumée, plus loin, à proximité du Tunnel Mérazon. Il ne me faut que quelques secondes pour faire le lien avec le bruit sourd que nous avons entendu, quelques instants auparavant, ainsi qu'avec la présence de cet individu qui nous jauge durement.

Une explosion.

Et il ne veut pas qu'on passe.

— Qu'est-il arrivé, là-bas ? interrogé-je, espérant, d'une certaine manière, que mon détachement et mon attrait pour la scène dans son dos le déstabilisent.

Cela semble marcher, et je ne peux retenir l'esquisse d'un sourire en le voyant se retourner, hésitant, pour constater avec effroi que leurs petites magouilles ne passent pas inaperçues. Il nous fait de nouveau face, le regard sévère, et fronce les sourcils à mon attention.

— Poussiiii ! s'écrit le Pokémon de Siana devant elle, en montrant d'un signe de tête le Medhyena et le Ecrapince qui nous dévisagent toujours.

— Vous commencez à me pomper l'air, souffle le sbire d'un air soudain moins hautain. Pourquoi n'êtes-vous partis comme tous les Pokémon, tout à l'heure ?

J'hausse les sourcils de surprise devant son relâchement, et je sens que, dans mon dos, Loys commence à perdre patience, tant je l'entends taper du pied.

Le petit Loys serait donc impatient. Dur à croire, pour un artiste.

Je note.

— Maylin, tu te joins à moi ? J'ai l'impression que ça fait une éternité que nous n'avons pas combattu ensemble..., m'annonce Siana d'un ton joueur.

Un large sourire se dessine sur mes lèvres face à ce sous-entendu, et je m'avance à ses côtés, imitée par Massko. Depuis le temps que nous nous connaissons, il est vrai que ça commence à faire un bon moment que nous n'avons pas combattu de la sorte.

— Avec plaisir, annoncé-je à l'attention de mon amie. Tu es prêt, Massko ?

L'intéressé me répond par un signe affirmatif de la tête, tandis que le Poussifeu de Siana s'avance à ses côtés.

— Medhyena, lance Vive-attaque sur Massko, et toi Ecrapince, Bulles d'O sur Poussifeu ! s'écrit notre adversaire avant même que nous n'ayons le temps de réagir.

Un râle de mécontentement sort, inconsciemment, de ma gorge face à l'empressement dont cet homme fait preuve, ne nous laissant pas le temps de comprendre, et, à l'unisson, nous ordonnons à nos Pokémon d'éviter l'attaque.

— Massko, attaque Lame-Feuille sur Ecrapince !

Le Pokémon plante s'exécute et les feuilles sous ses bras s'illuminent, pour venir durement trancher l'air devant le crabe, qui n'a pas le temps de réagir et se retrouve propulsé plus loin.

Je jette un rapide coup d'œil à Siana, pour constater qu'elle ne semble pas spécialement en grande difficulté.

— Esquive, Poussifeu ! s'écrit mon amie en voyant Medhyena s'élancer sur son Pokémon pour essayer de le mordre. Et maintenant, attaque Picpic !

Le petit poussin orangé la regarde brièvement avant de se jeter sur Medhyena, qui n'a pas le temps de le voir venir et se prend l'attaque de plein fouet. Le sbire laisse échapper un claquement de langue en réalisant qu'il n'a absolument pas l'avantage dans ce combat, et nous toise toutes les deux.

— Ecrapince, lance une nouvelle fois « Bulle d'O » sur Poussifeu ! lâche-t-il d'une voix agacée.

— Massko, contre le avec « Balle Graine » ! m'écrié-je.

Mon Pokémon prend appui sur ses pattes au son de ma voix pour s'approcher rapidement. Une pluie de graines sort de sa bouche pour venir transpercer une par une les bulles, jusqu'à arriver en rafale sur le Pokémon crabe, qui tombe K.O sur le coup.

— Petite..., marmonne le sbire en le faisant rentrer sa Pokéball. Medhyena, utilise « Jet de sable », ordonne-t-il.

Le chiot se retourne en direction de son dresseur et commence à gratter prestement la terre pour l'envoyer sur Massko et Poussifeu qui ne voient rapidement plus rien. Un nuage de poussière s'élève, et même avec Siana nous peinons à distinguer le terrain improvisé.

— Medhyena, morsure !

Massko, qui se cache les yeux avec les feuilles de ses bras, ne le voit pas arriver et laisse échapper un léger cri de douleur en sentant la mâchoire du Pokémon se resserrer sur lui. Le Pokémon plante étend brutalement son bras pour se dégager de l'étreinte du chiot, qui vole jusqu'à Poussifeu, laissant presque penser qu'il avait prévu le coup.

— Poussifeu, flammèche ! ordonne Siana dès que nos yeux recommencent à nous laisser la possibilité de nous rendre compte de ce qu'il se passe.

Medhyena, légèrement sonné par sa chute, n'a pas le temps de voir les petites flammes arriver et se prend l'attaque de plein fouet. Dans un faible couinement, le Pokémon tombe au sol, K.O à son tour.

La poussière retombe finalement au sol, pour laisser à notre adversaire le plaisir de découvrir son Pokémon hors d'état de combattre. Il a d'abord un mouvement de recul, face à la scène, mais se décide tout de même à le faire rentrer dans sa Pokéball.

— Bien, vous vous débrouillez, il faut le reconnaître, lâche-t-il d'une voix étonnement méprisante, pour quelqu'un qui vient de perdre. Dans ce cas, je peux au moins vous donner un conseil.

Je plisse le front, incrédule quant à sa soudaine assurance et, alors que je m'apprête à répondre, c'est Loys qui me devance.

J'avais oublié sa présence.

— Tu nous racontes quoi, là ? T'as perdu, c'est tout, laisse nous passer, on va pas camper là.

Le visage de notre adversaire se décompose à ces mots, et je dois réfréner l'éclat de rire qui menace de m'échapper, devant l'air ahuri qu'il arbore. Je me retourne pour observer Loys, et constate qu'il a gardé ses mains jointes dans sa nuque.

N'est-il pas un peu trop décontracté ?

De nouveau, le sbire face à nous a un mouvement de recul, puis termine par faire quelques pas en arrière.

— Ne- ne vous approchez pas du Tunnel Mérazon, c'est tout, indique-t-il d'une voix tremblotante, avant de faire demi-tour et de partir en courant.

J'arque un sourcil perplexe devant son courage, et nous nous lançons une œillade incrédule, avec Siana.

— Il est bête ? Je n'ai plus qu'une envie, c'est de m'en approcher, maintenant, indiqué-je en haussant les sourcils.

Siana laisse échapper un léger rire en approuvant, et nous regardons tous les trois la silhouette de cet homme disparaître au loin pour se rapprocher de la fumée, toujours visible.

— Que fais-tu ici ? demandé-je à mon amie en me tournant vers elle, tandis que Loys rejoint nos côtés.

— Je viens souvent m'entraîner ici, les après-midis, explique-t-elle. C'est plutôt à toi que je devrais poser la question...

Je la considère un instant. Elle n'a pas changé, en réalité, pourtant j'ai l'impression de ne pas l'avoir vue depuis des années.

Peut-être parce que c'est le cas, en fait.

Ses longs cheveux blonds lui tombent toujours en cascade sur les épaules, tandis que son regard coloré me transperce, aussi durement que si elle sondait mon âme, à la recherche de la vérité.

Nous habitions toutes les deux à Autéquia et nous étions toujours fourrées ensemble, lorsque nous étions plus jeunes. Mais Siana a quitté le village volcanique pour venir s'installer à Mérouville, il y a quelques années, et intégrer l'école des dresseurs. Je l'avais très peu revue, depuis, elle venait simplement rendre visiter à ses parents de temps à autres.

— C'est compliqué, avoué-je, partagée à l'idée de raconter mon histoire une deuxième fois en si peu de temps.

Pourtant, Siana n'est pas n'importe qui, et je sais que je peux lui faire confiance. Sans doute saura-t-elle trouver les mots justes, ou simplement m'éclairer sur la situation.

— Pas de ça avec moi, Maylin. Je croyais qu'on pouvait tout se dire, déclare-t-elle, accompagnant son large sourire d'un clin d'œil. Mais avant, tu me présentes à ce beau jeune homme ?

Je vois les pommettes de l'intéressé prendre une couleur rouge vif, et je ne peux retenir mon amusement face à la scène.

— Bien sûr ! Siana, je te présente Loys. C'est un artiste, ajouté-je avec un clin d'œil sous-entendu. Loys, Siana, une amie d'enfance.

— C'est ton copain ? glisse-t-elle discrètement à mon oreille, nourrissant l'incompréhension du regard de l'intéressé.

— Tais-toi, râlé-je entre mes dents. On s'est rencontrés il y a quelques heures seulement.

Elle rigole devant ma réaction de gêne et je laisse échapper un soupir. Le mélange risque d'être explosif.