Cette fois-ci, Lucius !

CHAPITRE 16 : Craquage

Des grandes portes en bois massif, encore une fois.

Hermione se souvenait avoir un jour été impressionné par tout cela, cet univers, cet grandeur, ce côté un peu austère.

Maintenant… C'était juste normal. C'était le manoir de Lucius Malefoy, un endroit dans lequel elle se rendait au moins un fois par semaine. Elle se prenait même à observer les jardins et à en apprécier la beauté, à considérer l'aspect artistique de certains tableaux, de certaines découpes de buissons.

La sorcière se sentait presque coupable de se sentir bien dans la demeure d'un ancien Mangemort.

Parce que c'était le cas, elle se sentait bien, inexplicablement. Elle se souvenait encore du jour où Lucius lui avait parlé de l'immense bibliothèque, loin des quelques étagères de la famille Black. Des lumières s'étaient allumées dans ses yeux et elle s'était promis de profiter de cette endroit autant qu'elle le pourrait.

C'était une pièce étrangement chaleureuse, très confortable et très lumineuse. Il y avait ce petit canapé qui se trouvait dans une grande alcôve, près d'une fenêtre et qui dans lequel elle s'était déjà assise maintes et maintes fois pour lire un livre. Et Merlin qu'elle avait eu l'impression d'être à sa place ce jour-là. Hermione avait l'impression que cette pièce était faite pour elle.

Parfois, elle y discutait également avec Lucius. Au début, il n'avait pas trop su comment se comporter vis-à-vis de sa présence ici et avait alors décidé de la laisser seule parmi les immenses étagères après s'être assuré qu'elle ne manquait de rien. Puis finalement, Hermione avait une fois amorcé une discussion entre eux. Et il avait longuement hésité, puis le sorcier s'était finalement résolu à s'assoir près d'elle sur le petit canapé, pour discuter d'un des nombreux sujets passionnants qu'ils pouvaient aborder – car le procès et Bellatrix Lestrange – étaient loin d'être leur seuls sujets de conversation depuis que la jeune femme avait découvert la bibliothèque. Oh bien sûr, il tenait ses distances scrupuleusement et restait bien droit, mais parfois, Hermione le voyait se détendre et perdre un peu de cette froideur de marbre qui avait l'air de composer sa personnalité.

Alors oui, Hermione se sentait bien en compagnie de Lucius Malefoy. Et oui elle culpabilisait – surtout les fois où elle avait oublié l'heure et fait attendre Ron qui était rentré à l'appartement depuis plus d'une heure. Mais pour rien au monde elle ne voudrait y renoncer.

A un moment, la jeune sorcière s'était dit qu'il suffisait d'attendre qu'elle n'ait plus besoin de lui et qu'elle pourrait fuir cet endroit et l'homme qui y vivait, qu'elle pourrait arrêter de ressentir cette culpabilité déconcertante envers sa famille et son petit-ami. Elle s'était dit que tout finirait bientôt. Et elle avait pesté contre Lucius Malefoy pour révéler les informations au compte-goutte car cela impliquait qu'ils devaient se voir plus longtemps.

Maintenant, alors qu'elle s'apprêtait à toquer à la porte, elle n'envisageait plus les choses sous le même angle. Au contraire. Elle avait peut-être l'impression de passer son temps à changer d'avis. Peut-être qu'à chaque qu'elle s'en allait elle considérait qu'elle n'aurait plus à revenir bientôt. Mais une chose était sûre, chaque fois qu'elle revenait, Hermione était certaine de se dire qu'elle adorait venir ici. C'était enfantin, sans aucun doute. C'était inconscient, irrémédiablement. Mais elle avait l'impression de se sentir tellement vivante.

Le battant s'ouvrir, après qu'elle l'ait frappé de toute ses forces. Etonnamment – et elle en resta coite un certain moment – ce fut Lucius Malefoy en personne qui vint lui ouvrir la porte, une première. Elle avait toujours affaire à Buddy. Ce qui lui laissait le temps de spéculer, sur le décor, sur où le maître de maison se trouvait exactement et sur tout un tas d'autres choses.

—Miss Granger. Je vous attendais.

Il se décala pour la laisser passer et Hermione ne fut pas si peu fière de ne pas avoir mis trop longtemps à réagir en passant le pas de la porte qui se referma derrière, comme un piège, en hochant la tête en sa direction.

—Monsieur Malefoy.

Lucius fit un geste en direction des escaliers.

—Souhaitez-vous que nous nous rendîmes dans la bibliothèque ?

Avec un sourire satisfait, Hermione approuva. Elle sentait d'avance l'excitation la gagner. Peut-être qu'elle aurait le temps de fouiller un peu les étagères et peut-être qu'elle pourrait emprunter un livre qu'elle pourrait lire ce soir avant de se coucher, alors que Ron s'endormirait à coup sûr sur ses deux oreilles à peine sa tête aurait-elle frôlé son oreiller.

—Oh ! fit-elle soudain, au milieu des escaliers. Avant que je n'oublie, pourriez-vous me garder ça, s'il vous plait ?

Il se retourna vers elle, les sourcils haussés.

—Quoi donc ?

Il avait l'air clairement perplexe.

—J'ai… rencontré Drago, hier.

Elle le vit se tendre, sa main agripper la rambarde fermement, jusqu'à ce que ses phalanges deviennent encore plus pâles qu'avant. Hermione comprit qu'elle avait eu raison d'appréhender de lui parler de ça, même si elle ne saisissait pas entièrement pourquoi cela avait l'air si problématique.

—Que fait-il là ?

Sa voix siffla, froide et coupante, comme cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas entendu.

—Il a tenu à ce que nous parlions en privé et a oublié sa veste chez moi, je veux donc m'en débarrasser, je ne tiens pas à avoir de problème… Et comme je ne sais pas comment le contacter…

—Et vous pensez que je sais comment le contacter peut-être ? Répliqua-t-il, méprisant.

Hermione leva le menton.

—Je n'ai pas dit ça, juste que je ne comptais pas la garder chez moi.

Lucius resta silencieux un moment. Puis, alors qu'ils arrivaient devant la porte de la bibliothèque – et Hermione trouva étrange de ne pas ressentir ce petit frétillement d'excitation au creux de son estomac – le sorcier se stoppa et se retourna vers elle. Son visage était rigide et froid, comme d'habitude, cependant, il y avait un petit quelque chose, comme de l'hésitation, qui déformait très légèrement ses traits.

—Que voulait-il ?

Sa voix ne trahissait pourtant rien de ses pensées.

Hermione hésita quelques instants. Comment présenter les choses à un homme aussi peu apte aux relations humaines, mais qui semblait aimer sa famille plus que de raison et s'inquiéter terriblement?

—Je… Je crois qu'il s'inquiétait pour vous, affirma-t-elle en plongeant son regard dans le sien.

Et c'était sans doute suffisant pour déstabiliser l'inébranlable Lucius Malefoy.

Ses sourcils étaient haussés bien hauts et il avait l'air légèrement incrédule. Hermione dut se retenir de ne pas sourire.

—Nous parlons de Drago… il ne s'inquiète jamais, pas pour moi en tout cas. (Il marqua une pause.) Il n'y a même pas regardé à deux fois avant de s'en aller.

Hermione haussa les épaules.

—Il venait d'échapper à une peine énorme, de sortir d'une guerre que… (Elle hésita.) qu'il n'avait pas choisi.

Son visage s'assombrit.

—Vous sous-entendez que c'est de ma faute, tout ça.

—C'est le cas, non ? Souffla-t-elle doucement, en haussant un sourcil.

Le jeune femme ne savait pas si c'était réellement une bonne idée de dire ça. Et pourtant, Lucius ne broncha pas, il se contenta de hocher la tête, calmement, comme si de rien n'était.

Puis il entra à l'intérieur de la bibliothèque, comme si de rien n'était.

Et Hermione se hâta de le suivre, peut sûre de réellement vouloir se questionner à propos de ça. L'homme ne s'était étonnamment pas mis en colère et elle considérait qu'il fallait qu'elle en profite et non pas continuer à tenter le diable pour que tout finisse par lui retomber dessus.

Les deux sorciers s'installèrent sur leur canapé habituel et restèrent silencieux un certain temps. Hermione s'était débarrassée de la cape de Drago en la posant sur le dossier en velours sur lequel elle comptait bien l'y laisser et elle mourrait d'envie de poser tout un tas de questions, de dialoguer et de débattre. Lucius lui… Il semblait juste attendre. Attendre qu'elle prenne la parole.

Elle n'en était pas sûre, mais elle aurait presque juré que son vis-à-vis était plus perturbé et touché par les événements qu'il n'en avait l'air.

Hermione se mordilla la lèvre inférieure, hésitante.

—Est-ce que…

Elle se tut. Que voulait-elle savoir ?

—Je…

Elle grogna et le fuit du regard. C'était complètement stupide. Elle avait l'impression d'être complètement stupide, qu'elle n'était qu'une gamine pas capable d'aligner trois mots.

—Qu'y a-t-il ? Vous n'êtes donc pas capable de finir vos phrases, Miss Granger ? Se moqua Lucius, avec son air narquois sur le visage, qu'il arborait si souvent.

Hermione s'empourpra.

—Non ! Enfin…

Elle se mordit la lèvre, puis elle inspira un grand coup.

—Ecoutez, loin de moi l'idée d'avoir l'air impatiente, mais je veux savoir le reste de l'histoire ! (Elle se pencha vers lui, sans s'en rendre compte.) Je veux que vous continuiez à me parler de Bellatrix Lestrange !

Il la fixa un long moment, à tel point qu'elle commença à se poser des questions, fronçant les sourcils. La jeune femme aurait pu jurer que son vis-à-vis avait presque l'air… mal à l'aise. C'était particulièrement étrange. Tellement, en fait, qu'Hermione se convainquit que ce devait être le produit de son imagination.

Elle sursauta en l'entendant soupirer. Ce n'était pas quelque chose qu'il faisait souvent.

Lucius plongea son regard dans le sien, comme il savait si bien le faire en général, la happant entièrement dans un monde orageux, dans lequel aucune fuite n'avait l'air possible.

—Hermione… Souffla-t-il doucement.

Elle frissonna, c'était la première fois qu'il l'appelait ainsi. Sa voix était toujours aussi froide, mais alors qu'il prononçait son prénom, cela avait l'air tellement plus délicat, tellement plus doux, quand bien même se faisait-elle des idées. Car il n'y avait pas d'autre explication : elle avait l'impression de devenir folle ces derniers temps quand il était question de Lucius Malefoy. Hermione avait l'impression de se perdre dans ses pensées, de s'imaginer tout un tas de chose, de s'imaginer tout et son contraire.

—Que recherchez-vous exactement ? Continua-t-il, toujours sur le même ton, attirant son attention de nouveau. Je vous ai déjà dit tout ce que j'avais à dire sur Bella, tout ce qu'il y avait à dire même. Je ne sais pas pourquoi vous vouliez que je vous parle d'elle exactement, je suis persuadé que cette raison me dépasse, mais si vous voulez des réponses, il va falloir me poser des questions clairement.

Maintenant Hermione en était persuadée, il parlait de façon définitivement plus douce.

Mais la jeune femme ne s'appesantit pas plus sur cet état de fait. Elle se concentra plutôt sur ce que Lucius venait de lui dire exactement. Ce n'était pas possible, il ne pouvait pas lui avoir déjà tout raconté.

Elle sentit sa respiration s'accélérer soudainement et la panique lui monter à la tête. Non… Il fallait qu'elle sache. Elle commençait seulement à se rassurer au sujet de son étrange ressemblance avec Bellatrix Lestrange.

—Je… Non… Balbutia-t-elle difficilement, la respiration maintenant réellement saccadée. Ce n'est pas possible…

Lucius haussa un sourcil.

—Qu'est-ce qui n'est pas possible ?

—J'ai… J'ai besoin de réponses…

C'était presque une supplication.

Et il dut le sentir, car il s'approcha d'elle et s'agenouilla devant elle, ce qui était incroyablement étonnant. Et pourtant, elle ne le remarqua pas.

—Pourquoi ?

Hermione devait sans doute avoir l'air d'une enfant, elle le savait, cependant elle ne put retenir quelques larmes de faire leur chemin entre ses paupières. Ce ne furent cependant qu'un infime prémices aux torrents qui dévalèrent ses joues très peu de temps après.

—Je… Je ne veux pas lui ressembler, finit-elle par dire entre deux sanglots. Je ne suis pas un monstre ! Je ne veux pas en être un !

—De quoi parler vous ?

La jeune femme ne l'entendit pas.

—Je ne veux pas lui ressembler ! Tout sauf ça ! (Hermione étouffa un sanglot.) Je ne veux pas devenir une Bellatrix en puissance !

—Hermione… Souffla-t-il.

Elle eut l'impression d'entendre son nom, comme au loin, derrière un immense nuage.

—Hermione, répéta-t-il, plus fermement cette fois-ci.

Ce ne fut pas tant le fait qu'il reprononce son prénom, que le fait qu'elle sente un léger chatouillement sur sa joue qui la ramena à la réalité.

Hermione se calma presque aussitôt, arrêta de pleurer soudainement, et resta muette un instant, contempla ces deux orbes grises, qui la fixait, bien trop proche pour qu'elle réalise réellement que ce ne devrait pas être tant le cas. La jeune sorcière remarqua aussi les deux lèvres de son vis-à-vis, qui se mouvaient doucement devant elle pour prononcer des mots qu'elle n'entendait clairement pas.

Non, elle était trop concentré sur sa joue qui la brulait. Joue sur laquelle Lucius avait clairement posé délicatement sa main. Joue sur laquelle elle le sentait clairement faire des petits cercles, délicatement, comme si elle était un simple morceau de porcelaine.

Son cœur se mit à battre encore plus fort si c'était encore même possible.

—Hermione, répéta-t-il une nouvelle fois, et cette fois-ci leur regard se croisèrent et il eut réellement toute son attention.

Il le comprit immédiatement.

—Ecoutez-moi bien, je ne sais pas qui vous a mis cette idée en tête, mais c'est la chose la plus saugrenue que je n'ai jamais entendu. Vous… (Elle aurait juré qu'il avait hésité.) Vous êtes une sorcière très courageuse, et surtout, surtout, profondément bonne. Sans doute la personne avec le plus de bien en elle que je n'ai jamais rencontré. Il n'y aucune chance que vous tourniez comme cette harpie de Bellatrix. Elle avait le mal en elle, la folie, profondément ancrée au plus profond de sa personne. C'est impossible que vous puissiez suivre son chemin, car c'est le bien, la justice, l'amour que vous avez dans votre cœur. Vous êtes destinez à faire de grande chose, mais dans le bon sens du terme…

Hermione se mordit la lèvre inférieure, ne sachant que dire. Ce qu'il avait dit là l'avait incroyablement surprise, plus qu'elle ne l'aurait réellement cru possible. Et surtout, elle trouvait cela rassurant. Cela faisait un bien fou, d'avoir parlé, d'avoir enfin dit tout ce qu'elle avait dans sa tête et qu'elle gardait pour elle seule, d'avoir eu quelqu'un pour lui dire ce qu'elle devait entendre, réellement, pour lui dire qu'elle était quelqu'un de bien, et qu'elle le resterait.

Comme cela était étonnant par contre, que tout cela vienne de Lucius Malefoy.

Etonnant, certes, mais pas étrange.

Verdict ? C'est un cap qui vient d'être passé cette fois-ci !