Chapitre 21 – Face à ses Pairs

Il était peut-être 5 ou 6h du matin quand les deux Aurors qui l'escortaient jusqu'au château, la placèrent dans une calèche du collège. Amalia était assise dans le sens de la marche, les Sombrals martelaient le pavé dans un rythme régulier. Elle pouvait voir à travers les ouvertures de la voiture, les premiers rayons du soleil percer au-dessus de la cime des arbres. Les derniers jours avaient été éprouvants, entre les interrogatoires et les diverses potions qu'on lui avait administré, l'isolement, les rumeurs, le manque de sommeil et surtout l'interdiction de se laver. La jeune femme avait été traitée comme une criminelle bien qu'elle ne se souvienne de rien. Rien, c'était ce qu'elle avait répété sans cesse alors que le tribunal des sorciers la questionnait : elle n'avait pas eu vent du plan de Drago, jamais son mari ne lui avait fait part d'une ambition particulière envers Dumbledore. Rien, c'était exactement ce qu'il restait dans sa tête après qu'on lui ait administré du Sérum de Vérité à plusieurs reprises. Amalia avait longuement déblatéré sur des sujets divers, incapable de retenir le flot de ses mots sous l'effet de la potion. Lorsqu'on l'avait interrogée sur la raison pour laquelle, elle était allée dans sa chambre à l'annonce du décès de Dumbledore, la sorcière répondit simplement qu'elle respectait la dernière volonté de son tuteur. Combien de fois lui avait-on demandé si elle avait été forcée à se marier ? Elle répondit que non et que la cérémonie avait été officiée par Dumbledore lui-même, ce qui surprit d'autant plus les fonctionnaires mais tous les papiers le prouvaient. Après être passée entre les mains d'une dizaine d'Aurors parmi les élites de leur profession, ils avaient dû se résoudre à la laisser repartir pour assister aux funérailles. Personne ne pouvait lui reprocher le crime de son époux.

Malheureusement, Lupin était d'un autre avis. Juste avant qu'Amalia ne soit raccompagnée, une main se referma sur son épaule et la poussa sans ménagement vers une salle d'interrogatoire. Debout contre un mur, Tonks se balançait sur ses pieds en évitant soigneusement de regarder Remus bousculer leur amie. La jeune femme se retrouva assise de force sur une chaise au milieu de la pièce, face à une table sur laquelle Remus prenait appui.

- Amalia, il faut que nous parlions, annonça-t-il d'un ton sec.

- Je t'écoute.

- Pourquoi protèges-tu Rogue ? Il a tué Dumbledore !

- Oui, je le sais. J'étais présente ce soir-là je te rappelle… répliqua-t-elle d'une voix morose.

- Je parle d'Albus Dumbledore, ton tuteur ! La dernière personne sur cette planète qui veillait sans arrêt sur toi !

Lasse, elle lui adressa un regard noir.

- Par tous les Dieux Amalia ! Réagis un peu ! Tu ne peux pas protéger un meurtrier ! S'il ne t'a pas contrainte à te marier avec lui, c'est que tu l'as fait de ton plein gré ! Comment dans ce cas n'as-tu pas su qu'il allait tuer votre directeur ?

- Remus, je te répète ce que j'ai dit à tous les collègues de Tonks : je n'en sais rien. La seule chose dont je sois certaine est que Dumbledore m'a fait venir dans son bureau il y a une semaine, pour me demander d'enfermer le chant de son phénix dans une boite ensorcelée s'il lui arrivait malheur.

- Et pourquoi t'a-t-il demandé cela ? Il pensait que quelqu'un en voulait à sa vie ? grimaça le loup-garou en refermant ses mains sur le bord de la table.

- Tu veux dire en dehors de Voldemort, de tous les Mangemorts et d'un nombre incalculable de personnes au Ministère ? lança-t-elle avec sarcasme.

- AMALIA ! hurla Remus, le bois du meuble craqua dans un grincement sinistre.

Tonks intervint d'une voix douce afin de calmer l'homme.

- Ça suffit, tu vois bien qu'Amalia ne sait rien. Jenkins l'a soumise à tous les sortilèges de Détection et même au Veritasérum. Si elle cachait réellement Rogue, ils l'auraient vu.

Elle tapota d'une main l'avant-bras de Remus, son geste tendre et leur proximité trahissaient la nature de leur relation. De rage, il finit par sortir de la pièce laissant les deux amies seules.

- Il n'arrive pas à comprendre comment tu as pu te marier à… enfin Tu-Sais-Qui, osa Tonks.

- Severus, mon mari s'appelle Severus. Et je crois que vous êtes mal placés tous les deux pour critiquer mon choix lorsque l'on voit où vous en êtes après plus d'un an… Dois-je vous féliciter ? ironisa Amalia, un vague sourire se dessinait sur son visage fatigué.

- Hum…

Son amie examinait le plafond avec ferveur.

- Dora, il n'y a pas les numéros de la loterie des sorciers inscrits là-haut, regarde-moi.

L'Auror aux cheveux bleus souffla et reprit la parole.

- Oui ! On est enfin ensemble ! Il a même accepté que l'on parte en voyage ! Je crois qu'il va demander ma main car il a voulu voir mon père en tête à tête…

- C'est pas trop tôt !

- Oh ça va hein ! Il est franchement en colère contre toi ! Rogue ! Tu aurais pu trouver quelqu'un d'autre ! Et Sirius ? Qu'est-ce qu'il en aurait dit ? lui reprocha-t-elle.

- Je ne préfère pas y penser… Oh mon Dieu ! S'il était encore là j'en aurais entendu parlé pendant des semaines !

Tonks fixa à présent Amalia d'une expression triste.

- Le plus dur est devant toi. Tu vas devoir assumer le fait d'être mariée à un criminel.

- J'ai assumé pendant près de treize ans le fait d'être amie avec un soit disant meurtrier et responsable de la disparition de Lily et James !

- Sauf que là, il n'y a pas de doute sur la culpabilité du fuyard…

oOo

L'enseignante fut tirée de ses réflexions par l'arrêt brutal de la calèche, les Aurors ouvrirent à la volée la porte et la firent descendre sans ménagement. Ils étaient à présent devant le perron du château, en haut des marches le professeur McGonagall attendait, les mains serrées sur sa baguette. L'un de ses geôliers lui saisit les poignets afin d'ôter ses fers, les chaînes tintèrent au contact du sol et lorsqu'enfin Amalia fut délivrée, les deux hommes se retournèrent sans un mot. Pourtant, elle craignait plus l'accueil de sa nouvelle directrice que l'adieu aux fonctionnaires. Lentement, la jeune femme remonta l'escalier et osa enfin relever le menton une fois à la hauteur de sa collègue.

- Bonjour Minerva…

McGonagall ne répondit pas, ses lèvres pincées en une ligne mince semblaient se serrer pour qu'aucune injure ne sorte, c'était en tout cas l'impression qu'avait Amalia.

- Minerva ? répéta-t-elle d'une voix mal assurée.

Soudain, la directrice adjointe la serra dans ses bras.

- Oh comme je vous plains ! Quelle tragédie !

- Je vous demande pardon ?

Amalia se dégagea, interloquée par cette réaction.

- Venez, vous devez être épuisée et affamée. J'ai demandé aux elfes de maison de remettre en ordre votre appartement après la fouille du Ministère. En attendant souhaitez-vous prendre une tasse de thé ?

Le professeur de Métamorphose la conduit dans l'ancien bureau de Dumbledore qui devenait de fait, le sien puisqu'elle était directrice adjointe. La gargouille de l'entrée les laissa passer et Amalia découvrit une pièce familière. Rien ou presque n'avait changé, les effets de son tuteur étaient à leur place : les instruments d'argent bourdonnaient dans les armoires vitrées, des images flottaient dans la Pensine et se reflétaient au plafond. Seul le Choixpeau magique posé sur une étagère ouvrit ses yeux pour les observer, les portraits des anciens directeurs au mur faisaient tous semblant de dormir. Deux choses tranchaient avec l'ambiance habituelle du bureau. Elle remarqua qu'un nouveau cadre attendait de recevoir Dumbledore et que le perchoir de Fumseck était vide. Sur le bureau une tasse de thé froid était entamée, quelques lettres attendaient d'être consultées et un ouvrage de runes était ouvert, laissé en plan. Le temps s'était arrêté pour le quotidien de Dumbledore, comme une vie figée en plein mouvement. Cette sensation connue d'Amalia lui déchirait le cœur. Qui pouvait s'imaginer un matin partir au travail et ne pas revenir le soir pour achever un courrier ou nourrir son animal ? Ces vestiges d'existence renvoyaient aux vivants l'aspect éphémère de la vie.

Minerva versa l'eau dans la théière. La jeune femme laissa faire sa collègue, étonnée de l'accueil chaleureux qui lui avait été réservé.

- Quelque chose ne va pas, Amalia ? demanda une voix qui la ramena à la réalité.

- Hum, je dois avouer que je suis plus que surprise. Depuis mon départ de Poudlard je n'ai eu le droit qu'à des réactions de mépris.

McGonagall soupira puis s'assit dans son fauteuil.

- Il faudra vous habituer à cela. Vu de l'extérieur votre situation est incongrue. Pour ma part, je ne peux concevoir que vous ayez quoique ce soit à voir dans la mort de Dumbledore. Il comptait trop à vos yeux.

- Pourtant, vous avez aussi eu du mal à croire ce qu'Harry Potter disait au sujet de son assassinat. Qui aurait pu imaginer Severus le tuer ?

La vieille sorcière grimaça, il lui avait fallu plusieurs heures pour intégrer la nouvelle de la mort du directeur de Poudlard, même après avoir vu son corps inanimé au pied de la tour d'Astronomie. Alors admettre qu'une personne qu'elle estimait être un allié de choix, s'était retournée sans raison apparente contre eux, relevait de l'impossible. Pourtant, geste après geste, elle s'employait à organiser la vie du château et les funérailles de son collègue avec dignité et retenue.

- Vous devez savoir qu'au vu des circonstances, de nombreux parents ont enlevé de l'école leurs enfants. Je ne sais pas si nous les reverrons l'année prochaine…

- Minerva, je suppose que le Ministère va vous nommer directrice ce qui serait en tout cas assez légitime… McGonagall étouffa un hoquet d'étonnement. Je peux comprendre que vous décidiez de me renvoyer.

- Bien sûr que non voyons ! s'insurgea son interlocutrice. Nous venons de perdre Dumbledore et vous pensez que je vais me débarrasser de vous à cause de la trahison d'un homme ?

- Objectivement, les parents d'élèves vous le réclameront !

- Certainement pas ! Nous verrons bien en temps voulu… Elle redressa ses lunettes sur son nez aquilin. Avant de vous laisser vous reposer, j'aurais quelques questions personnelles à vous poser sur Dumbledore.

- Allez-y.

- Savez-vous quelles étaient ses croyances religieuses ?

- Il me semble qu'il était celte. N'est-ce pas indiqué sur son testament ?

- Le Ministre l'a amené avant que je n'ai pu le consulter.

Amalia réfléchit, ce n'était pas un sujet qu'ils abordaient ensemble mais en rassemblant les souvenirs de toutes les pratiques et petits rituels de son tuteur, cette religion lui apparut comme la plus proche de ses aspirations.

- Très bien, McGonagall prit une plume et traça quelques lignes sur un parchemin neuf. Accepteriez-vous de prendre la parole ? Le Ministre veut intervenir cependant, Dumbledore aurait certainement préféré que se soit vous qui terminiez sur une note plus intime.

Le visage de la sorcière se fronça entre ses sourcils.

- Oh, oui ! Je crois y parvenir…

- Bien, répéta la directrice adjointe. Vous pouvez disposer.

La jeune femme salua sa collègue et remonta aussi vite que possible les marches vers sa chambre. Les tableaux et autres habitants de Poudlard l'avaient déjà assez dévisagée pour aujourd'hui. Ce ne fut qu'une fois assise sur le bord de son lit, qu'elle laissa ses sanglots s'échapper. Pourtant, une curieuse bataille se livrait dans son esprit. Elle ressentait de la tristesse pour avoir perdu son tuteur mais également une plénitude étrange, comme si elle avait la certitude que Dumbledore était mieux là où il était. Amalia ne put trouver une explication à cette sensation, ni au vide qui pesaient sur son cœur. Quand elle eut enfin la force de se changer pour se glisser dans ses draps après une longue douche, c'était l'absence de son amant qui lui arracha les quelques larmes qu'il lui restait.

oOo

Les images de la nuit fatidique flottèrent devant ses yeux ouverts jusqu'à l'heure du déjeuner. Elle ne rejoignit pas ses collègues et élèves dans la Grande Salle. Devoir affronter tous ces regards tournés vers elle lui était une épreuve insurmontable. Péniblement, Amalia passa un tailleur noir et releva sa longue chevelure en un chignon. Les pointes étaient devenues si blanches qu'une fois enroulés sur elles-mêmes, le blond ne se voyait presque plus dans l'épaisseur de sa coiffure. L'enseignante sortit de son appartement et descendit avec peine les grands escaliers. Sur son passage, les portraits commentaient le crime de son époux et sa situation. Certains la plaignaient quand d'autres la traitaient d'idiote pour avoir fait confiance à un Mangemort. Enfin, elle entendit ce qu'elle redoutait le plus : il n'y avait pas à s'étonner, n'était-elle pas la digne fille de son père ? Amalia expira une bonne fois pour vider ses poumons et sa tête, puis elle reprit son chemin funèbre jusqu'au parc du château.

Les cours et les examens avaient été annulés jusqu'à nouvel ordre, les élèves souhaitant assister aux funérailles attendaient en rang à l'extérieur, qu'on les autorise à rejoindre le lieu de la célébration. Le ciel clair semblait narguer les vivants après un début de mois pluvieux. Au loin, la jeune femme vit le carrosse bleu et or de BeauxBâtons. Madame Maxime serait là. En rangs serrés, d'autres voitures et attelages patientaient dans l'enceinte du château, déversant un flot continu de sorciers et sorcières de tous âges et origines. Dumbledore était connu et respecté, cela n'étonna donc pas le professeur d'Histoire. Bill Weasley serait parmi eux et même à l'heure puisqu'il était encore hébergé par Madame Pomfresh dans l'infirmerie.

Le jeune homme avait reçu une terrible attaque de la part du loup-garou Greyback. Malgré l'intervention d'Amalia, il garderait à vie les horribles cicatrices qui zébraient son visage juvénile. A l'inverse, elle s'attendait à apercevoir Harry, Ron et Hermione mais aucun d'eux n'étaient arrivés à l'endroit où des centaines de chaises avaient été alignées. Une longue allée séparait en deux l'assistance au bout de laquelle, un pupitre en marbre et une table étaient placées. Tant d'ordre aurait pu être l'œuvre d'Ombrage si elle avait encore eu son mot à dire. A ce sujet, une petite femme replète avec un affreux nœud noir dans ses cheveux grisonnants, s'était postée dans une rangée exclusivement composée de personnel du Ministère.

La tête baissée, Amalia parcourut l'allée entre les chaises et s'installa tout près de McGonagall qui venait d'arriver avec les Gryffondor. Les murmures et exclamations de réprobation accompagnèrent les pas de la jeune femme mais elle s'en moquait, personne ne viendrait gâcher l'au revoir qu'elle réservait à Dumbledore. Tout l'Ordre du Phénix était regroupé dans un coin : Kingsley, Maugrey avec Tonks, elle tenait discrètement la main de Remus qui ne regarda même pas Amalia, Mr. et Mrs. Weasley accompagnés de Bill soutenu par Fleur. Un carton d'invitation à leur mariage avait été déposé dans l'appartement de l'enseignante. L'un et l'autre avaient pris leur plume pour remercier chaleureusement le geste courageux de cette dernière, sans quoi Bill ne serait plus de ce monde. Fred et George adressèrent un signe de la tête poli à leur ancien professeur. Un peu plus loin, les commerçants de Pré-au-Lard ainsi que quelques figures emblématiques du chemin de Traverse, se détachaient des nombreux chapeaux en velours et soie qui teintaient de mille couleurs ce rassemblement. Même le barman de la Tête de Sanglier était là, un air renfrogné et ses magnifiques yeux perçants. Tous les sorciers présents avaient fait un effort vestimentaire, les jumeaux avaient même épinglé à leurs vestes en cuir de dragon un badge « Vive l'A.D. », en souvenir de la rébellion à laquelle ils avaient participé sous le règne d'Ombrage. Ils faisaient tout pour que cette dernière lise l'inscription en bombant leurs torses. Les êtres de l'eau étaient remontés à la surface pour assister à la cérémonie ainsi que les centaures qui se tenaient à bonne distance.

Enfin, parmi les étudiants, Amalia observa le trio de Gryffondor : Hermione avait les yeux rouges et gonflés, de grosses larmes tombaient sur ses poings fermés Ron passa son bras autour des épaules de son amie pour la réconforter et Harry fixait Rufus Scrimgeour avec une expression froide. Elle eut un pincement au cœur à l'idée que son filleul venait à nouveau de perdre une personne qui lui était chère et malheureusement, il en avait été encore le témoin direct. Son incapacité à protéger le fils de ses amis lui était insupportable et plus encore de ne pouvoir tout lui dire sous peine de le mettre en danger.

Les visages se tournèrent vers Hagrid lorsqu'il fit son entrée, le corps de Dumbledore dans les bras. Il remonta la longue allée alors qu'un chant mélodieux venant des sirènes du Lac Noir retentit. Le demi-géant retenait ses larmes et son frère le suivit sans réellement saisir l'esprit solennel de ce moment. Une fois devant la table en marbre, il déposa son fardeau et réajusta le drap blanc qui cachait le corps. Scrimgeour se redressa alors pour entamer un long discours ponctué par les banalités que chacun était en droit d'attendre : « Noblesse,… Dignité,… Immortel dans nos cœurs,… » Cela était rendu comique par la position de celui qui les prononçait. Combien de fois le Ministre avait-il user des journaux pour clamer haut et fort la sénilité du défunt ?

-… Je laisse enfin la parole à celle qui l'aura certainement le plus côtoyer dans l'intimité, Miss Amalia Richards, sa pupille.

L'annonce de Scrimgeour arracha à l'assemblée un cri de stupéfaction et tira la jeune femme des pensées où elle s'était réfugiée pour contenir son chagrin. Elle adressa un regard hagard au Ministre qui l'invitait à se présenter au pupitre, le même que celui qui se peignait si souvent sur le visage de Luna Lovegood. Dans l'assemblée, les murmures devinrent des discussions, Rita Skeeter était présente et grattait à toute vitesse un calepin posé sur ses genoux. Même les enseignants parlaient à voix haute.

- Hum hum, débuta Amalia avec une parfaitement imitation d'Ombrage qui fit sourire ses élèves et beaucoup moins l'intéressée. Je vous remercie Monsieur le Ministre pour cet émouvant discours…

Les lèvres de Scrimgeour s'ourlèrent d'un sourire ravi, il n'avait pas compris l'ironie de la phrase.

- Albus à toujours été à mes yeux une sorte d'oncle un peu loufoque qui m'offrait des bonbons alors que mon père venait de me les refuser avant le repas. Autant vous dire que lorsque je suis arrivée ici pour enseigner à sa demande, les mots de passe pour accéder à son bureau ne m'ont pas étonnée.

Les visages des professeurs et étudiants se fendirent d'une expression attendrie.

- Je pourrais vous dire à quel point il était intelligent, perspicace, courageux, téméraire ou persuasif… A quoi bon ? Tous les manuels d'Histoire vous le raconteront bientôt aussi certain qu'il était un grand homme. Je réserve donc cela pour mes élèves… A la place, j'aimerais partager avec vous la nature profonde de celui qui m'a en partie appris la magie. Il a pu avoir des différents avec certains d'entre vous car il n'hésitait jamais à prendre position lorsqu'un combat lui paraissait juste. Soyez assurés qu'il ne vous en a jamais tenu rigueur. Il respectait le fait que nous ayons tous un libre arbitre et appréciait que nous prenions notre destin en main. J'aime à penser qu'il a transmis ces valeurs à ses étudiants.

Elle s'arrêta pour regarder les anciens membres de l'Armée de Dumbledore.

- Aussi, n'oubliez pas ce que ce sorcier vous a apporté de bons comme de mauvais souvenirs car il vous a légué le plus précieux des héritages : l'expérience. Ne pleurez pas son départ, notre directeur a simplement pris de longues vacances et attend sur le quai de la gare que nous arrivions à notre tour !

Le professeur McGonagall étouffa un rire dans le mouchoir qui lui servait à tamponner ses yeux.

- Je terminerai donc sur un poème que ma mère chérissait beaucoup et qui représente assez bien l'image que je conserverai d'Albus Dumbledore.

La jeune femme s'éclaircit la voix et tenta de ne pas dérailler, les sirènes reprirent leur mélodie.

- « Il restera de toi ce que tu as donné, au lieu de le garder dans des coffres rouillés.

Il restera de toi de ton jardin secret, une fleur oubliée qui ne s'est pas fanée. Ce que tu as donné en d'autres fleurira. Celui qui perd sa vie, un jour la trouvera.

Il restera de toi ce que tu as offert entre les bras ouverts un matin au soleil.

Il restera de toi ce que tu as perdu que tu as attendu plus loin que les réveils. Ce que tu as souffert en d'autres revivra. Celui qui perd sa vie un jour la trouvera.

Il restera de toi une larme tombée, un sourire germé sur les yeux de ton cœur.

Il restera de toi ce que tu as semé que tu as partagé aux mendiants du bonheur. Ce que tu as semé en d'autres germera. Celui qui perd sa vie un jour la trouvera. »[1]

A travers les arbres, Fumseck entonna un ultime hommage à son maître, accompagnant la longue procession qui le conduit jusqu'à son tombeau. Les murmures au sujet de sa pupille s'étaient tus et tous respectaient les derniers instants qu'elle consacrait à son recueillement. Tous sauf Rita Skeeter. La journaliste aux dents longues lui bondit dessus, son calepin à la main. Les longs ongles rouges qu'elle arborait au Tournoi des Trois Sorciers étaient maintenant courts, irréguliers et trahissaient un manque d'entretien.

- Miss Richards ? demanda-t-elle d'une voix nasillarde.

- Madame Rogue-Richards. Je n'ai pas repris le Ministre par politesse, articula-t-elle.

- Oh ! Je note ! s'exclama la journaliste en noircissant sa feuille. Avez-vous d'autres commentaires à faire ? Comme la manière dont le ténébreux professeur de Défense Contre les Forces du Mal vous a séduite ? Qu'est-ce que vous lui trouvez ? Beaucoup s'accordent pour dire qu'il n'est ni agréable à vivre ni à regarder ! C'est une fortune cachée qui vous a attirée ?

Steeker battait des paupières comme un papillon sur une fleur. L'enseignante soupira et tourna les talons, ignorant les voix qui l'interpellaient. Elle trouva enfin refuge sur le pallier de la tour d'Astronomie. Là, elle pouvait librement se rappeler les moments passés avec Severus à observer la lune et les étoiles loin du tumulte de la vie du château.

La jeune femme prit place dans le fauteuil à haut dossier, son esprit s'envola vite vers les absents à la cérémonie. Elle se demanda où pouvait être Drago Malefoy et s'il était en sécurité, auprès de sa mère. Quant à son mari, était-il retourné dans la maison lugubre de son enfance ? Elle eut un moment d'hésitation en s'imaginant l'état d'inquiétude de sa belle-mère avec qui elle ne pouvait échanger au risque de compromettre sa sécurité. Une à une, les larmes perlèrent sur ses joues, ce qu'elle avait refoulé pendant la cérémonie sortit d'un coup. La tristesse laissa place à la rage et Amalia donna des coups de poings sur les accoudoirs de son assise.

Un bruit de verre tombant au sol raisonna dans la pièce et son écho se répercuta plusieurs fois avant de disparaître. Une longue fiole contenant un nuage doré roula jusqu'à son pied. Amalia s'en saisit et déboucha la bouteille. Il n'y avait pas de doute, elle contenait un souvenir. Toute appréhension avait disparu. Le professeur d'Histoire se saisit de sa baguette pour extraire la mémoire vaporeuse de sa prison de verre. Les souvenirs reprirent leur place d'origine dans la tête de leur maîtresse et soudain, le puzzle se reforma. Ce vide étrange dans son cœur trouvait enfin une signification ainsi que le comportement de son époux et de son tuteur. Les images défilèrent, plus douloureuses à revivre maintenant qu'elles ne l'avaient été la première fois. La fiole tomba de ses mains et roula au loin. A cet instant, le courage légendaire des Gryffondor l'avait quitté.

oOo

Le Poudlard Express était annoncé à peine une heure après le départ des officiels. Élèves et enseignants devaient se presser pour rejoindre le train. La locomotive tira beaucoup moins de wagons qu'à son habitude. Entre les retraits de l'école et les enfants raccompagnés par leurs parents venus à l'enterrement, Hagrid termina l'embarquement des passagers plus tôt que prévu.

- Ça va aller avec Graup ? demanda Amalia en se penchant par l'une des fenêtres à l'arrière du convoi.

- Oui, ne t'en fais pas. Minerva nous autorise à rester ici cet été, je vais m'occuper des Centaures et de quelques travaux d'entretien. Mais toi, fais attention surtout ! Je ne sais pas pour quelles raisons tu rentres sur Londres ! Entre Rogue en fuite et le Ministère qui te surveille, je ne suis pas tranquille…

- Allons, Remus finira par ne plus me faire la tête et j'espère pouvoir aider Minerva depuis la capitale pour l'organisation de la rentrée. Quant à Severus…

Elle jeta un coup d'œil autour pour vérifier qu'ils n'étaient pas écoutés.

- S'il se présente sur le pas de ma porte, je sais déjà ce qu'il me reste à faire…

Le garde-chasse ne répondit pas au regard malheureux de son amie. Elle souffrait déjà assez d'avoir perdu son tuteur, il ne préférait pas s'imaginer les reproches qu'elle s'adressait le soir avant de s'endormir. La locomotive relâcha un long panache de fumée et Hagrid siffla le départ du train. Il lui fit signe de ses grosses mains et regarda le convoi disparaître au loin.

Rapidement, ils prirent l'allure habituelle du Poudlard Express et les bruits familiers instaurèrent une ambiance réconfortante. Ici, les événements de l'école ne paraissaient plus avoir existé. Le professeur d'Histoire remonta à travers les wagons pour s'assurer que tout était en ordre, plus personne n'osait chuchoter sur son passage mais les moues indignées se peignaient sur tous les visages. Flitwick et Chourave ne l'invitèrent pas à se joindre à eux dans leur compartiment et Amalia perdit très vite patience, seule à observer les sangles de sa valise se balancer au-dessus de sa tête. La jeune femme se redressa et partit à la recherche de Harry. Ron avait suivi ses parents et seule Hermione avait raccompagné son ami dans le train. Pourtant, Amalia trouva dans le même compartiment deux autres visages connus, Neville et Luna étaient assis l'un en face de l'autre en silence. Sur le porte-bagage Hedwige hululait de contentement dans sa cage en la voyant arriver.

- Bonjour, lança la visiteuse. Puis-je me joindre à vous ?

Les élèves échangèrent un regard étonné et acquiescèrent sans prononcer un mot à l'exception de l'étudiante de Serdaigle.

- Professeur, ce que vous avez dit sur Dumbledore était très beau. Mais vous croyez vraiment qu'il nous attend sur le quai de la gare ?

Cette fois-ci, ce fut Amalia qui échangea un regard interloqué avec Harry et ses amis. Luna n'avait pas saisi sa figure de style et prenait au mot ses paroles ce qui provoqua l'hilarité générale dans le compartiment.

- Non Miss Lovegood, il nous attend quelque part mais cela ne sera pas à King's Cross !

- Ah bon ? Tant pis… répliqua-t-elle en haussant les épaules.

Dans le couloir, la dame aux friandises s'annonça par le bruit effrayant de son chariot brinquebalant.

- Dites Amalia… débuta Hermione d'une voix mal assurée. Vous connaissiez Dumbledore depuis longtemps ?

- Depuis toujours j'ai l'impression. Mon père avait trouvé protection auprès de lui avant son départ des Mangemorts pour qu'il prenne soin de moi. Je l'ai d'abord eu comme tuteur magique puis comme directeur à l'école.

- Wah ! C'est très classe ! s'extasia Neville.

- Pardon mais qu'est-ce que signifie ce titre ? interrompit la jeune Gryffondor.

- Qu'en somme, Dumbledore s'est chargé de mon éducation magique en plus des cours que je recevais. Mon père avait peur que je sois tentée par la magie noire et devienne un élément de choix pour Voldemort.

Une grimace se forma sur tous les visages lorsqu'elle prononça ce nom tant redouté, sauf sur celui de Harry.

- Est-ce que par hasard, vous connaîtriez une personne avec les initiales R.A.B. dans son entourage ? continua Hermione avec une expression curieuse.

- Hum… Il ne me semble pas. Dumbledore était assez discret sur ses amis et sa famille. Il a eu une enfance compliquée à cause du décès de ses parents et n'aimait pas aborder le sujet. Dans ses fréquentations il y a bien des sorciers célèbres mais aucun nom avec ces initiales ne me vient à l'esprit. Pourquoi cette question ?

- Par curiosité, c'est tout… Hé, Luna, Neville, on va se chercher quelque chose à grignoter ? proposa-t-elle pour changer de sujet.

Les deux élèves la suivirent, laissant Harry seul avec Amalia.

- Il vous aimait beaucoup Harry…

- Vous aussi Amalia mais vous le saviez déjà, répondit-il d'un ton amère.

- Qu'avez-vous à me dire ?

- Pfff… Ça aussi, vous le savez déjà.

Elle appuya son menton dans la paume de sa main et regarda le paysage défiler à toute allure. Les arbres disparaissaient à chaque battement de paupière et avec, les secondes douloureuses qui s'égrainaient.

- Je pense que non. Vous devriez vous exprimer à voix haute, bien fort. Remus était soulagé après m'avoir hurlé dessus, souffla Amalia sans détacher les yeux de ce spectacle éphémère.

- Je n'ai pas envie de crier, ce n'est pas contre vous que je suis en colère.

- Qu'y a-t-il alors ?

- Vous m'avez déçu.

- Pour quelle raison ? demanda-t-elle d'une voix lointaine.

- Vous vous êtes unie à un assassin, un moins que rien, une ordure…

- De votre part, je ne suis pas étonnée. Comment le fils de James aurait-il pu qualifier ce mariage ? James lui-même m'aurait fait ces remontrances.

- Comme Sirius, n'est-ce pas ? Malgré tout vous avez accepter d'être unie à Rogue ? gronda Harry.

La jeune femme détourna enfin le regard pour fixer son interlocuteur.

- Est-ce le choix de la personne qui vous dérange ou ses actes ? Son comportement avec vous ? Harry, Severus n'est pas avec moi comme il l'est avec vous ou l'était avec votre mère par exemple…

- Oh non, j'ai vu la manière dont il s'est comporté avec ma mère ! Il était son ami et l'a traitée de Sang-de-Bourbe ! Il n'y a que les sorciers de Sang-Pur qui trouvent grâce à ses yeux ! Comment pensez-vous que lui et ses amis s'occuperaient de vous s'ils vous retrouvaient ? Cet hypocrite est issu d'un mariage mixte et ose se donner des airs ? Votre mari est un meurtrier Amalia ! UN MEURTRIER !

Harry était debout, les poings serrés, le rouge aux joues et avait crié sans le vouloir. Sa respiration était saccadée, il reprit son souffle lentement. Le professeur d'Histoire l'avait laissé faire sachant qu'il devait livrer ce qu'il avait sur le cœur. A l'extérieur du compartiment des curieux s'étaient amassés pour connaître la raison de ce vacarme.

- Effectivement, cela je le savais déjà, vous aviez raison, dit-elle d'un ton doux.

- Je suis… navré… Je n'aurais pas dû…

- Ne vous en faites pas. Reprenez place, je dois vous parler. Les choses ne sont bien souvent pas ce qu'elles semblent être. Ne vous fiez pas aux apparences et gardez l'œil ouvert. Avant que vos amis ne reviennent, je voudrais m'assurer que vous ne ferez rien de stupide en attendant que l'Ordre vienne vous chercher chez votre oncle…

- Comment ? On me renvoie chez lui ? s'emporta le jeune homme.

- Votre mère a lancé un puissant sortilège qui vous protège tant qu'un membre de son sang est présent auprès de vous. Alors oui, vous allez rejoindre votre tante et patienter. Ce ne devrait pas être très long, ils viendront avant le mariage de Bill et Fleur. Tenez-vous prêt et profitez de votre temps libre pour vous préparer à ce qui nous attend.

Amalia avait perdu son sourire tendre, Harry se rendit compte alors que ses yeux étaient étrangement éteints, ses paupières gonflées et rouges, ses traits tirés. Ce soir fatidique, elle avait perdu beaucoup. Le Gryffondor soupira et lui promit de rester à l'abri dans le confort sommaire de sa chambre au 4, Privet Drive.

- Bien. Si vous avez besoin de moi, vous savez déjà comment me joindre...

- Amalia, avant que vous ne partiez, est-ce que vous pourriez me rendre un service prochainement ?

- Si c'est dans mes cordes, oui.

- Depuis mon arrivée à Poudlard et dans le monde magique je n'ai cessé d'entendre toutes sortes d'histoire sur mon père surtout de la part de Sirius. Mais... Vous avez bien connu ma mère n'est-ce pas ?

- C'est exact. Et vous aimeriez que je vous parle un peu plus d'elle ?

- Oui, si vous le permettez...

- Avec plaisir Harry, sourit le professeur.

Neville, Luna et Hermione firent leur apparition quelques secondes plus tard, chassant bien malgré eux leur enseignante.

oOo

Londres se dessina dans la brume de fin de journée. L'air était moins frais qu'en Écosse et l'agitation des élèves annonça la fin du voyage. Amalia tira sa malle du porte-bagage et attendit devant l'une des portes de son wagon, la tête baissée. Les autres professeurs avaient pris l'autre sortie pour ne pas la croiser. La locomotive freina brusquement et lâcha un dernier panache de fumée dans la gare de King's Cross. Lorsque la jeune femme posa le pied au sol, elle fut étonnée par la quantité de brouillard qui s'était répandu sur le quai. Il y avait là un phénomène étrange et surnaturel, loin du fog de la Tamise. Il n'était pas possible de voir à plus de deux mètres devant soi, seuls les cris et acclamations des parents retrouvant leurs enfants lui donnèrent la direction à suivre. Avec précaution, elle tira sa malle et avança, sa baguette à la main. Amalia rencontra enfin le mur de la gare et le longea quand soudain, des bras l'enserrèrent et une douleur brûlante la fit basculer dans le noir.

[1] Il restera de Toi – Simone Veil


Note : Hé bien voilà, nous arrivons à la fin du tome III ! Merci de l'avoir lu jusqu'au bout !

Le tome IV avance, il y a 17 chapitres d'achevés et le 18 risque de tomber aujourd'hui car l'inspiration est là. Je laisse quand même à mes relectrices de l'avance alors je ne sais pas encore si je posterai mardi prochain le premier chapitre qui est prêt. Si vous souhaitez être informé(e)(s) je vous invite à vous abonner à mon compte :) A très bientôt !