Voici le dernier chapitre de cette histoire. J'espère qu'elle vous a plu, et un grand merci à toutes les personnes qui ont pris le temps de me donner leur avis au cours de leur lecture ! Joyeux Noël :-)

Fiddle


Emma sous-louait une chambre dans un quartier où Regina était heureuse qu'Henri n'ait jamais eu à mettre les pieds. Regina elle-même n'était pas trop enchantée de voir son taxi disparaître dans la nuit et la laisser seule sur le trottoir, l'étui de son violon en bandoulière. Elle trouva l'immeuble d'Emma – pas de porte sécurisée pour accéder au hall – et monta les escaliers – pas d'ascenseur. Devant la porte d'Emma, elle hésita et prit une profonde inspiration, le bras levé pour frapper.

A l'instant où sa main allait rencontrer le panneau de bois, la porte s'ouvrit et Regina se retrouva nez à nez avec Emma en tongs, collant et débardeur, qui tenait une pile de magazines.

― Oh, fit Emma en sursautant légèrement, mon dieu Regina, vous avez failli me faire avoir une crise cardiaque !

― Eh bien, répondit Regina avec un sourire en coin, vous vous souvenez de la fois où vous m'avez surprise dans mon studio ? A présent nous sommes quittes !

― Qu'est-ce que vous faites là ? Il est arrivé quelque chose à Henri ?

Les yeux d'Emma s'assombrirent tandis qu'elle attendait une réponse. Elle déposa les magazines sur le palier par-dessus un tas de choses à mettre au recyclage.

― Henri va bien, la rassura Regina. Il, hem, pense que vous et moi avons des « trucs » à discuter, figurez-vous… Mais je me suis dit que vous aimeriez peut-être finir notre dernière séance de musique… Vous êtes sans doute trop occupée de toute façon. Ce n'est pas le moment. Je suis navrée, je n'aurais pas dû venir.

Emma considéra Regina sans rien dire pendant un instant, puis s'effaça et lui fit signe d'entrer.

― Non, c'est bon, dit-elle. Mes colocataires sont sortis et j'ai fini de faire mes bagages.

Emma fit entrer Regina dans le salon, où celle-ci s'assit sur le canapé pour sortir son violon tandis qu'elle-même disparaissait dans sa chambre pour aller chercher sa guitare. Elles s'accordèrent.

― A vous l'honneur, proposa Emma.

Regina hocha la tête, cala son violon sous son menton, et joua une chanson d'amour. Apparemment c'était donc bien cela qu'elle avait en tête. Elle soupira et ajouta quelques appogiatures à sa langoureuse ballade.

Emma eut un sourire radieux et joua une variation exaltée sur la ballade. Enhardie, Regina se fendit d'un long et sensuel gémissement mélodique en ré mineur. Emma répondit par une série de croches caressantes qui firent frissonner Regina d'anticipation. Elle sentait la température monter entre elles à chaque note supplémentaire. Quand elles avaient commencé à jouer, Emma était assise sur le canapé et Regina debout face à elle à l'autre bout de la pièce, mais sans même que Regina y ait pris garde, elles n'étaient plus séparées à présent que par la longueur d'un violon. L'archet de Regina caressa amoureusement la corde de sol de son violon dont elle tira des sons extatiques, et son regard s'attarda sur les lèvres entrouvertes d'Emma.

Et puis, avant même d'avoir réalisé ce qu'elle faisait, Regina qui prenait toujours un tel soin de son précieux instrument le balança littéralement sur la table basse, et sa bouche fut sur celle d'Emma, brûlante et exigeante. Emma, fondant à son contact, laissa sa guitare glisser au sol à l'aveuglette et lui rendit son baiser comme si sa vie en dépendait.

Le salon, parsemé de vêtements balancés n'importe où, devenait moins présentable de minute en minute, et poussées par un vague reste de décence à la perspective du retour des colocataires d'Emma, elles titubèrent jusqu'à sa chambre, accrochées l'une à l'autre. Elles claquèrent la porte et poussèrent sans ménagement les bagages d'Emma hors du lit pour s'écrouler dessus. Les mains et la bouche de Regina étaient partout et prirent bientôt possession du corps entier d'Emma, une de ses jambes impatiemment glissée entre ses cuisses. C'était délicieusement enivrant, et Emma si incroyablement en phase avec le moindre de ses gestes…

Soudain Regina se figea. Emma, la tête nichée au creux de son cou, gémissait :

― Je vous aime.

Regina ne releva pas – il arrive qu'on dise ces choses-là au lit – mais peut-être pour se venger mordilla-t-elle et enfonça-t-elle les ongles un peu plus fort que de coutume dans la peau douce d'Emma tandis qu'elle la conduisait peu à peu au bord de l'orgasme. Lorsqu'Emma jouit et reposa haletante sous elle, sourde à ce qui l'entourait pour un instant, peut-être les joues de Regina étaient-elle un peu mouillées – ce n'était rien, juste une ridicule réaction involontaire. Elle s'essuya hâtivement la figure du dos de la main puis roula sur le côté et tourna le dos à Emma, luttant contre l'envie de se rhabiller et de s'en aller sur-le-champ.

Quelques instants plus tard, Emma plaqua timidement son corps encore brûlant contre le dos de Regina, et lui murmura dans la nuque :

― Vous ne me croyez pas, n'est-ce pas ? Je pensais que vous ressentiez la même chose. Je suis navrée si j'ai mal compris. Je pensais que c'était de ça dont il était question dans notre musique.

Regina se raidit. Bien sûr que c'était d'amour dont il était question dans leur musique. Il avait fallu être deux pour jouer à ce jeu. Mais à présent… Elle était terrifiée de le reconnaître devant Emma, au cas où elle la perdrait. Quelque chose tournait toujours mal quand elle aimait quelqu'un. Mais tu aimes Henri, fit remarquer la petite voix dans sa tête, et ça tourne bien après tout. Grâce à Emma, pensa-t-elle, mi-amère, mi-reconnaissante.

Regina se retourna et recula légèrement pour regarder Emma, qui la contemplait et attendait son verdict en silence.

― Je vous déteste, dit-elle d'une voix qu'elle maudit de trahir tout le contraire. Et puis à quoi bon ? Vous partez demain.

― En effet, répondit Emma en la poussant sur le dos et en se mettant à cheval sur elle. Mais je reviendrai, promit-elle. Elle se pencha en avant pour lui mordiller le menton et ses seins nus frôlèrent délicieusement ceux de Regina.

― Vous avez intérêt, grommela Regina en réprimant un soupir de contentement. Henri compte sur vous à présent.

Les pupilles d'Emma étaient dilatées par le désir, mais ses mains cessèrent ce qu'elles étaient en train de faire et qui avait pour effet de faire perdre rapidement à Regina le fil de la conversation.

― Regina Mills, déclara-t-elle sobrement, Henri sait qu'il peut compter sur moi à présent. Comment se fait-il que vous ne le sachiez pas aussi ? Je veux revenir, pas seulement pour Henri, mais pour vous. Le tout est de savoir si vous, vous le voulez.

Regina n'admettrait jamais une chose pareille. C'était trop de faiblesse à exposer, et elle ne pouvait décemment pas se fier assez à quelqu'un pour lui en révéler autant sur elle-même. Confier son cœur à quelqu'un – elle ne pourrait plus jamais s'y risquer. C'était absolument exclu. Elle était mieux seule de toute façon.

Emma attendit quelques instants, puis soupira et se rapprocha d'elle, les jambes entremêlées avec celles de Regina et une main légèrement posée sur sa poitrine, par-dessus son cœur qui battait la chamade.

Sans réfléchir, Regina tendit la main pour caresser tendrement la joue d'Emma. Elle ne pouvait pas supporter l'idée que celle-ci se dégage pour toujours de son étreinte, pas plus qu'elle ne pouvait imaginer sa vie sans musique. Qu'elle le veuille ou non, Emma n'était plus une simple appogiature qu'elle pouvait aisément omettre ou remplacer, elle faisait étroitement partie de la mélodie intérieure de Regina à présent – une mélodie bien plus joyeuse, semblable à un mouvement en sol majeur qui finit par retentir après une vie entière en sol mineur.

― Oui, s'entendit-elle dire, je le veux.

Et c'était vrai.

FIN