Un coup de feu. Plein cœur. Puis un autre, un autre, un autre, un autre, un autre. Les cibles tombent sous la rafale. Aucune chance. Il n'y songe même pas. Il recharge son arme. Pas de pitié.

Tirer, esquiver, cogner esquiver, cogner, tirer et encore et encore et encore.

L'arme est vide. Pas sa rage. Il attrape un être, lui vole sa dague et la plante dans son ventre. Le sang se répand comme un coquelicot qui s'ouvre au soleil. A ses tempes, le sang pulse : plus, plus, plus. Irrésistible rythme. Plus, plus, plus. L'instinct agit. La dague quitte la fleur fanée, se plante dans un autre corps. Puis un autre, puis un autre, puis un autre. Inflexible, raide, la lame plonge dans les chairs. Toujours plus vive, toujours plus profond. Sa virtuosité brute tend les corps qui se rendent dans un râle, et s'affaissent, flasques, vaincus.

La dague tombe. Le sang quitte les tempes et reprend son cours. Satisfait, l'instinct se retire. Ne reste que le silence.

Un silence assourdissant, oppressant, subjuguant. Un silence qui enveloppe ces pantins et ces poupées de chiffon autour de lui. Un silence qui dévoile la noirceur de son être, le carmin sur ses mains et son costume.

Il n'a plus sa place ici, ni ailleurs. Alors Harry Hart se fraye un chemin hors de l'église, enjambant les cadavres dans les travées. Ici un homme… Là une femme… Il titube. Les décédés sont aisés à éviter. Pas la culpabilité.

Dehors, le soleil l'hébète tout autant que la présence de Valentine. Il le savait pourtant… Mais c'est une chose que d'aller se jeter dans l'antre du loup ; c'en est une autre que d'en ressortir pour affronter le Démon.

─ Je… je n'avais aucun contrôle…

Le constat est là, bredouillé. Le jugement reste sans appel.

Harry n'a pas besoin des explications de Valentine, Harry comprend. Le Démon a toujours été tapi à l'intérieur de lui-même, du plus profond de son enfance, quand il jouait au tyran surpuissant… Mais on ne joue plus, et l'enfant réalise l'étendue de sa bêtise.

─ … vous trouveriez une façon alambiquée de vous échapper…

La porte de sortie offerte par Valentine est aussi vraie que le Père Noël. Mais, acculé, l'enfant y croit :

─ J'aimerais bien, oui…

L'enfant entraîné à tuer compte. Un, deux, trois adversaires. Quatre, cinq, six gadgets de mort dans ses mains. Quelques gestes lestes, et les ennemis seront terrassés.

L'adulte compte aussi. Sept, treize, seize meurtres. Un million, un milliard de remords. Et le Démon restera. Il danse déjà dans sa tête.

Il existe une issue pour vivre. Mais aucune échappatoire à la Punition.

Il est trop tard pour réparer la faute. Il est encore assez tôt pour l'assumer. Alors, l'adulte saisit la main de l'enfant, se redresse et bombe le torse. Et Harry Hart accueille la balle rédemptrice tel un gentleman.