Il avait voulu le faire à l'ancienne, comme dans ces vieux policiers que l'on voit parfois à la télé, ceux du temps où les ordinateurs n'existaient pas encore. Mais il avait renoncé à écrire ces lettres à la main. Maquiller le tracé incisif de ses hampes en boucles plus rondes se révélait trop incertain. Et, bien qu'il trouvât les messages anonymes bariolés d'une certaine classe, il n'avait pas non plus tenté de découper les magazines pour coller les lettres adéquates sur le papier. Beaucoup trop laborieux. En plus, le manque de variété de ses lectures aurait sans doute conduit certains, plus malins ou plus fouineurs, à remonter jusqu'à lui. Et ça, il ne le voulait pas.

Alors, quitte à jouer au corbeau, il avait opté pour une version plus moderne et surtout plus simple : le copier/coller. Ainsi, chacune des enveloppes à fenêtre qu'il tenait dans sa main recelait la même feuille A4 avec ses deux lignes, Times New Roman, taille 12. Si l'adresse différait selon le destinataire, le message, lui, était le même pour tous. Une vérité et une question.

Grandir, c'est abandonner ses rêves de jeunesse. Quels rêves as-tu laissés derrière toi ?

Masqué par la foule de Shibuya, il lâcha ses lettres dans une boîte postale. Il n'avait plus qu'à attendre qu'elles touchent plein cœur.