Burnt lungs, sour taste
Light's gone, day's end
Struggling to pay rent
Long nights, strange men
And they say
She's in the Class A Team
Stuck in her daydream
Been this way since eighteen
The A Team – Ed Sheraan

Il y a un autre côté au monde de la magie, un côté que personne n'avait présenté à Lily Evans quand elle avait découvert qu'elle était une sorcière, un côté dont on ne parle pas quand on raconte les aventures de Norbert Dragonneau ou des frères Peverell, un côté qu'elle aurait préféré ne jamais découvrir.

Si l'un de ses camarades de classe l'avait vue ce jour là, il ne l'aurait pas reconnue. Lily Evans avait changé. Elle n'était plus la même depuis qu'elle avait quitté Poudlard, depuis que tout s'était compliqué.

Ses parents étaient tous les deux décédés dans un accident de voiture lorsqu'elle avait dix-sept ans, et sa sœur avait vendu leur maison. Lily, encore en septième année à ce moment là, avait vite compris ce qui l'attendait, elle avait vite compris que la vie ne serait plus aussi douce qu'elle l'avait été jusque là.

Ses amies l'avaient compris aussi. Elles lui avaient proposé de l'héberger pendant les vacances d'été, le temps qu'elle trouve un appartement, et Lily avait bien volontiers accepté l'aide de Mary McDonald avec qui elle avait toujours été très complice. Ce n'était que plus tard que les choses s'étaient gâtées.

Elle n'avait pas voulu profiter de la bienveillance de son hôte trop longtemps, alors elle s'était jetée sur le premier appartement du chemin de traverse qu'elle avait trouvé. De l'extérieur, il ne ressemblait qu'à un vieux tas de bois. De l'intérieur, ce n'était pas beaucoup mieux malgré les efforts de la jeune femme pour le décorer un peu.

Cela faisait maintenant plus d'un an qu'elle y vivait et les dettes commençaient à s'accumuler. Ce n'était pas simple, pour une fille de moldu, de trouver du travail dans le monde sorcier. Elle avait pourtant décroché de bonnes notes aux ASPICs, mais ce n'était pas suffisant. Elle n'avait pas eu les opportunités, ou alors, elle n'avait pas su les saisir, et elle se retrouvait maintenant à renouer avec ses vieux démons, ou plutôt avec son vieil ami.

Elle avait croisé Severus Rogue par hasard, un soir, alors qu'elle rentrait chez elle après avoir postulé dans toutes les petites boutiques sorcières qu'elle avait déniché. Elle n'avait pas eu besoin de lui faire part de ses difficultés, il avait tout de suite compris, en la voyant, qu'elle s'était laissée piéger par la vie.

Il lui avait proposé de travailler avec lui. Il l'avait prévenue. Il lui avait dit qu'elle n'allait pas aimer, mais elle aurait fait n'importe quoi, n'importe quoi, pourvu qu'elle gagne un peu d'argent, pourvu qu'elle ne se retrouve pas à la rue. Alors elle l'avait fait. Elle avait commencé à travailler avec lui.

« C'est un petit business de potions », lui avait-il expliqué, et elle avait rapidement compris de quoi il s'agissait en fait. Fournir des gens dépendants, leur vendre des potions d'hilarité, les regarder se faire exploser la cervelle, au figuré, avec des philtres de vertige, et des breuvages bien pires dont elle n'aurait jamais imaginé l'existence avant, lorsqu'elle n'était qu'une gentille petite préfète candide.

Elle avait réussi à ramener un peu d'argent avec ça. Pas assez parce qu'elle avait, par la même occasion et guidée par une curiosité maladive, commencé à goûter ses propres potions. Les ingrédients n'étaient pas donnés, et elle avait rapidement créée une dépendance dont elle essayait maintenant de se débarrasser.

Malheureusement, il était compliqué de redevenir celle qu'elle était avant quand toutes les offres d'emploi auxquelles elle postulait ne recevaient que des refus. Elle avait développé l'idée, la conviction même, que sa vie était un échec, et qu'elle resterait un échec.

Elle était perdue. Peu importe le chemin qu'elle prendrait, elle était perdue. Plus les jours passaient, plus cela devenait une certitude. C'était ancré en elle. Visible même sur son visage émacié, pâle, dans ses grands yeux hagards et voilés, et sur son corps maigre et pourtant si lourd à porter...

Chaque heure de plus dans ce monde était un fardeau. Elle avait même commencé à se faire peur en pensant qu'elle gagnerait certainement plus de gallions en vendant son corps, et précisément à ce moment là, alors qu'elle se faisait cette effrayante réflexion, quelque chose bougea derrière elle.

Le Chemin de Traverse était généralement désert ces temps-ci. La guerre avait eue raison de toutes les animations que l'on voyait habituellement, de toutes les jolies lumières des enseignes qui clignotaient comme des guirlandes de Noël, de tous les éclats de rire des sorciers et sorcières, et même des battements d'ailes des hiboux. Il n'y avait plus rien, la nuit, pour prouver que le quartier n'était pas mort avec les victimes de Voldemort.

« Les gars, il faut l'intercepter maintenant, entendit-elle. »

A ce moment là, elle sut qu'elle était foutue, et la peur qu'elle pensait ressentir ne fut rien à côté du soulagement qui l'envahit. Severus l'avait prévenue. Les aurors étaient sur les dents. Une brigade entière était chargée de capturer tous ceux qui vendaient des potions dans l'illégalité. Il lui avait dit de faire attention, de ne pas se promener la nuit, que l'on était jamais aussi invisible aux yeux de la justice que lorsque l'on se baladait en plein jour, mais elle ne l'avait pas écouté. Pas ce soir là, en tout cas.

Elle réajusta un peu son sac sur son épaule, et les chaudrons tintèrent entre eux à l'intérieur. Quand elle entendit des pas se rapprocher, elle se mit à courir. Elle ne sut pas vraiment pourquoi elle cherchait à s'échapper, parce que tout en elle lui criait de s'arrêter. Tout en elle hurlait, lui martelait qu'elle avait envie qu'on l'attrape, que tout s'arrête une bonne fois pour toute, que ce cauchemar se termine, et ce, même si c'était pour en entamer un autre à Azkaban.

Les détraqueurs ne lui semblaient plus si effrayants que cela maintenant qu'elle avait vu à quel point la vie pouvait être cruelle. Elle lâcha son sac devenu trop lourd pour son corps frêle au détour d'une librairie, et elle continua sa course jusqu'à ce que les chaussures de ses poursuivants arrêtent de fouler les pavés de la rue.

Quand elle n'entendit rien d'autre que ses propres pas, elle ralentit l'allure pour se mettre à trottiner, tout en s'insultant mentalement. Elle avait fui. Encore. Elle avait fui tout ce qu'il y avait de mieux pour elle. Elle était perdue si elle restait là, si elle continuait à travailler avec Rogue, elle était foutue, et pourtant, elle était incapable de se laisser rattraper par le bien.

Elle jeta un dernier coup d'oeil derrière elle en hésitant un instant à rebrousser chemin, et soudain, elle percuta quelque chose. Quelqu'un. Là, enfin, elle sut que tout était terminé, car de larges mains l'avaient agrippée et ne semblaient pas vouloir la lâcher. Elle ne bougea pas, elle se laissa faire quand l'auror lui retira la capuche qui recouvrait partiellement son visage, mais quand ses yeux verts en croisèrent deux autres qui lui étaient profondément familiers, son cœur manqua un battement.

Il avait gardé le même visage enfantin qu'à Poudlard, avec cependant, cette espèce de grandeur, d'arrogance, et simultanément cette grande tristesse qu'elle n'avait jamais su comprendre. Sirius Black avait toujours été une véritable énigme pour elle, aussi loin qu'elle s'en souvienne. Comment pouvait-on être à la fois si terrible et si bienveillant ?

« Evans ?! S'exclama t-il, profondément dérouté. »

Elle ne répondit pas. Ses yeux restèrent figés dans les siens, fascinés. Il avait l'air de réfléchir à toute vitesse. Elle voyait presque toute leur vie se jouer derrière ses deux iris, ces souvenirs d'eux lorsqu'ils n'étaient que des enfants et qu'ils se taquinaient pour savoir lequel d'entre eux avaient les meilleures notes.

Ils s'était rapprochés en sixième année, pas jusqu'à être amis, mais ils avaient partagé une certaine complicité qu'elle avait chérie pendant longtemps. Elle s'était trompée sur Black. Elle s'en était rendue compte quand elle avait su ce qu'il faisait pour Rémus Lupin. Potter, Pettigrow, et lui étaient plus nobles que n'importe qui n'auraient pu l'imaginer.

Il était devenu digne de son respect, et elle se demandait maintenant si elle était digne du sien. Elle ne le croyait pas. Elle n'était plus celle qu'il appelait « préfète parfaite », celle qui lui donnait des retenues pour avoir métamorphosé un camarade en chaise de bureau et s'être assis dessus, ou celle qui pouvait lui hurler dessus quand il estimait approprié de faire un croche-pied à un serpentard dans les escaliers.

« Black, tu as quelque chose ? »

Une voix inconnue s'éleva à quelques centaines de mètres d'eux. Sirius bougea imperceptiblement les lèvres, mais aucun son n'émergea de sa bouche. Il fronçait les sourcils et balayait le visage de Lily à une allure folle, comme s'il espérait trouver une solution au problème qui se tenait juste devant lui.

Lily laissa filtrer un sourire face à l'ironie. C'était amusant, et cela aurait été hautement invraisemblable auparavant, de constater qu'elle était devenue son problème quand il avait été le sien pendant sept longues années d'étude. Elle le fixait avec une certaine forme d'encouragement quand elle prit la parole.

« Alors Sirius, qu'est-ce que tu vas faire ? »

Il desserra un peu son étreinte sur son bras, comme s'il avait fallu qu'elle parle pour qu'il comprenne que c'était bien elle, Lily Evans, qu'il venait de coincer pour ventes et détention de potions illicites, des potions qui pouvaient tuer, qui tuaient tous les jours, et qui allait certainement la tuer elle aussi si elle continuait à les consommer, et alors que les pas de ses collègues commençaient à se faire de plus en plus proches, ses doigts s'agrippèrent de nouveau fermement à elle, et elle se sentit transplaner.

Elle s'était attendue à tout, sauf à cela. Elle fut presque en colère, quand elle réalisa qu'il l'avait sauvée d'une arrestation certaine ainsi que d'un séjour à Azkaban, mais elle ne prononça pas un mot quand il la poussa à l'intérieur d'un grand appartement luxueux. Lui, au moins, il avait réussi. Rien d'étonnant. Qui avait-il de plus terrifiant dans le monde sorcier que le nom « Black » ? A part celui de Voldemort, bien sûr. N'importe qui l'aurait engagé pour ne pas avoir affaire avec ses parents.

Lily l'envia l'espace d'un instant juste le temps de parcourir des yeux le grand salon, et lorsqu'il se retrouva de nouveau face à elle, elle retrouva l'enfant triste et terrible qu'elle avait côtoyé à Poudlard. Elle ne s'était jamais sentie aussi connectée à lui qu'à ce moment là, alors qu'il la dévisageait avec curiosité, incrédulité.

Elle n'était pas celle qu'il pensait, exactement de la même façon qu'il n'avait jamais été celui qu'elle avait cru connaître avant leur sixième année. Voilà qu'ils étaient à égalité maintenant, deux énigmes réunies dans la même pièce, à se toiser sans savoir s'ils devaient s'étreindre ou se méfier l'un de l'autre.

Il s'avança lentement jusqu'à un large bureau en bois noble, lisse et brillant, attrapa exactement trois parchemins, griffonna quelques mots sur chaque, et les attacha à la patte d'un hibou grand-duc posé sur le bord de sa fenêtre, puis il se cala bien au fond de sa chaise, soupira, et planta de nouveau ses deux yeux gris dans les siens.

« Tu as sûrement soif, après avoir autant couru. Tu n'as jamais été une très grande sportive... »

Il y avait un poil de moquerie dans sa voix, un petit quelque chose de familier auquel Lily se raccrocha quand elle acquiesça, la peur au ventre maintenant qu'elle était là, en face de quelqu'un chez qui elle pouvait clairement lire de la déception.

« Désolé, ce n'est pas aussi fort que ce que tu prends, lui dit-il en lui tendant un verre d'eau. »

Son cœur se serra quand il lui tourna le dos pour aller s'appuyer sur son bureau, les yeux rivés vers la fenêtre à travers laquelle il avait laissé partir son hibou. Elle n'avait jamais expérimenté cela, la déception. C'était la raison même pour laquelle elle avait passé l'année entière à éviter ses amies. Ni Alice, ni Mary, ni Marlène n'avaient eu de nouvelle d'elle.

Elle n'aurait pas pu voir son reflet dans leurs yeux. Elle n'y aurait pas survécu. Cela n'aurait été qu'une flèche de plus plantée en plein dans son cœur qui ne lui semblait être plus qu'une minuscule boule de pâte à modeler durcie, un corps étranger logé dans sa poitrine sans raison apparente.

Elle sursauta quand on frappa à la porte, le verre lui échappa des mains et se brisa à ses pieds. Sirius pointa sa baguette vers elle d'un geste désinvolte, et les morceaux brisés se recollèrent en l'espace d'une petite seconde, juste quand la porte s'ouvrit sur Rémus Lupin.

« Qu'est-ce que... »

Le lycanthrope s'arrêta net quand son visage pivota vers celui de Lily. Elle sut qu'il l'avait aussitôt reconnue, mais quand il s'avança vers elle en plissant les yeux, la bouche à moitié ouverte, elle réalisa également qu'elle devait avoir changé encore plus qu'elle ne l'imaginait. Elle avait passé l'année à éviter les miroirs de peur d'y voir son reflet.

« Mon dieu, Lily, que t'es t-il arrivé ? Souffla t-il. »

Elle ne répondit pas, se contenta de baisser les yeux sur son verre d'eau. C'était une chose, d'être une déception pour Sirius Black, c'en était une autre, d'être une déception pour Rémus Lupin. Il avait toujours été un exemple pour elle. Sa vie n'avait jamais été facile, et pourtant, il s'en était toujours sorti la tête haute.

« Patmol, qu'est-ce qu'il se passe ? Est-ce que quelqu'un lui a fait du mal ? Est-ce que les mangemorts sont à ses trousses ? Est-ce que c'est ce que tu n'as pas eu le temps d'écrire dans ta lettre ? »

Il posait les questions à son meilleur ami, mais il se retournait systématiquement vers la jeune femme dont le regard vide ne laissait rien paraître. Peut-être que ce n'était pas de la déception qu'elle avait lu sur son visage, peut-être que c'était juste de l'inquiétude. La méritait-elle seulement ?

« Je croyais que tu traquais les allumés qui vendent des potions, qu'est-ce que tu... »

Le regard de Sirius dévia une fois, une seule fois vers Lily, et ce fut tout ce qu'il fallut à Rémus pour comprendre.

« Non ?! Chuchota t-il. Non. »

Lily déglutit, immobile, ses grands yeux cernés toujours figés sur son verre d'eau. Elle espérait pouvoir s'y noyer maintenant, mais elle leva la tête un peu contre sa volonté, comme si par la simple puissance d'un regard, Sirius la forçait à faire face à des choix qu'elle n'avait jamais voulu faire.

« Je l'ai trouvée en premier. Ils ne l'ont pas vue. Je l'ai ramenée ici, marmonna simplement Sirius.
- Tu as enfreins la loi, pointa Rémus, inquiet pour son meilleur ami.
- Et qu'est-ce que j'étais supposé faire ? S'exclama t-il, soudainement agacé. La laisser là bas ? Les laisser la prendre ? C'est Lily Evans ! Lily Evans, bon sang ! Il... Il ne m'aurait jamais pardonné si je... »

Lily avala difficilement sa salive. Elle savait qui était ce « il ». Elle le savait pour avoir trop souvent pensé à lui. Plus qu'elle n'avait cru qu'elle le ferait. Le soleil ne s'était pas couché une seule fois sans qu'elle ne revoit son sourire illuminer la salle commune. Son cœur en pâte à modeler venait tout juste de se ramollir.

« Merlin, je ne me le serais jamais pardonné, reprit Sirius en tournant en rond comme un lion en cage. Regarde la. On dirait une épave. Une putain d'épave.
- Merci, commenta t-elle en resserrant nerveusement ses doigts tremblant sur son verre.
- Qu'est-ce que tu as pris aujourd'hui ?
- Rien. J'ai ce physique de rêve naturellement, plaisanta t-elle sans savoir comment elle y parvenait. »

Elle n'avait pas menti. Sirius et Rémus le savaient, mais ils étaient décontenancés, troublés par ce qu'était devenue celle qui représentait autrefois toute la droiture d'un gryffondor, celle qu'ils étaient fiers d'appeler leur préfète, le parfait exemple de la sagesse qu'ils étaient certains de ne jamais atteindre eux-même.

« Tu crois que c'est drôle ? L'alpagua Sirius avec une agressivité qu'il ne dissimulait pas et qui effaça immédiatement le léger sourire qui était apparut sur le visage de Lily. Tu crois que j'ai envie de me marrer, là, Evans ?
- Je... Je...
- Tu as toujours été très intelligente, trancha t-il sèchement, est-ce que toutes tes potions de merde ont grillé tes neurones ?
- Sirius... Intervint Rémus en lui jetant un regard dissuasif.
- Ça fait six mois que je suis à tes trousses, je m'attendais à tout. A Avery, à Mulciber, à Rogue, Merlin, je commençais même à penser que ça pourrait être Dorcas Meadowes, et je tombe sur toi. Evans. Lily Evans ! Répéta t-il comme s'il voulait s'assurer qu'il n'était pas complètement dingue en prononçant le nom à voix haute.
- Je suis désolée.
- C'est tout ce que tu trouves à dire ? »

Elle ne l'avait jamais vu comme ça, elle ne l'avait jamais entendu comme ça. Il n'était pas seulement furieux, il était épouvanté. Rémus restait silencieux, mais il semblait tout aussi confus que son meilleur ami, et Lily ne savait pas quoi leur dire. Elle n'avait pas d'excuse à leur donner, elle n'arrivait pas à formuler une seule phrase pour justifier les erreurs qu'elle avait commises.

« Que s'est-il passé ? Lui demanda Rémus. »

Elle ne répondit pas, les yeux à nouveau rivés sur son verre d'eau à moitié vide. Sirius s'était pris la tête entre les mains et avait donné un violent coup de pied dans son balai, posé contre son bureau.

« Bon dieu, réponds ! Lui hurla t-il en se retournant rapidement vers elle. »

Au même moment, la porte s'ouvrit à la volée, et Peter Pettigrow apparut sur le seuil. Lui non plus, n'avait pas changé. Rondouillard, la bouille joviale, il la salua avec un grand sourire sans immédiatement ressentir la tension qui régnait dans la pièce, sans même se demander ce qu'elle faisait là jusqu'à ce que ses deux camarades portent un regard grave sur elle.

« J'ai tout perdu, murmura t-elle d'une voix à peine audible. »

Les trois maraudeurs restèrent interdits. Les jambes de Lily tremblèrent un peu, et une chaise se glissa sous ses genoux avant qu'elle ne s'effondre. Elle ne sut lequel des trois l'avait empêchée de s'écraser sur le sol, mais son instinct se dirigea droit sur Sirius.

Il ne lui en fallut pas d'avantage pour fondre en larmes. La dernière fois qu'elle avait pleuré comme ça, c'était lorsque ses parents étaient morts. Encore une fois, elle pouvait mettre les mots sur ce qu'il se passait : Elle n'avait plus rien. Cependant, cette fois-ci, un mince espoir se forma dans son esprit. Ils étaient là, une partie de sa famille d'adoption était là, les gryffondors étaient là.

Aveuglée par les larmes, elle ne vit pas Rémus Lupin s'agenouiller devant elle et dégager ses cheveux roux de son visage livide avec une douceur qu'elle lui avait toujours connue. Elle l'entendit murmurer des mots qu'elle n'écouta pas vraiment mais qui eurent le mérite de l'apaiser malgré la colère de Sirius qui tranchait l'air.

Elle l'entendit expliquer vaguement la situation à Peter qui demeura muet comme une carpe, et elle put sentir leur deux paires d'yeux la sonder. Elle savait qu'ils se demandaient comment elle avait pu tomber si bas, mais elle leur était intérieurement reconnaissante de ne pas poser encore une fois la question. Elle ne pouvait pas leur répondre.

« Tu ne sortiras pas d'ici, affirma fermement Sirius quand les sanglots de Lily cessèrent. Donne moi ta baguette. »

Elle hésita un instant, mais Rémus tendit la main devant elle, et si Rémus tendait sa main, Lily savait que c'était parce qu'il avait une bonne raison de le faire. Soudain, elle réalisa. Elle n'avait pourtant rien oublié de leurs années d'étude, mais elle comprit seulement à l'instant où ses yeux verts se posèrent à l'intérieur de la paume de la main du jeune lycanthrope qu'elle était la prochaine que Sirius sauverait.

Après avoir tout donné à Rémus, après avoir enfreint toutes les lois pour lui, il allait faire de même pour elle, et cela même s'il devait aller contre les règles. Elle aurait voulu refuser qu'il fasse un tel sacrifice pour elle, mais elle n'en eut pas la force, et elle déposa soigneusement sa baguette magique entre les doigts de celui en qui elle avait toute confiance.

Rémus lui adressa un semblant de sourire qui la conforta un peu dans son choix, et puis il se leva pour tendre le morceau de bois à son meilleur ami qui le glissa dans sa poche. Il avait toujours l'air contrarié, mais Lily pouvait lire une certaine forme de détermination dans ses yeux et c'était tant mieux, car c'était celle qu'elle n'avait pas la force d'avoir pour sauver sa propre personne.

« Maintenant, viens ici, lui ordonna t-il en pointant son bureau du doigt. »

Elle s'aida du dossier de sa chaise pour se lever, puis elle s'avança et se laissa tomber sur un grand fauteuil en cuir avant que Sirius ne lui mette une plume entre les doigts, et dépose un encrier à sa droite, ainsi qu'un tas de parchemins devant elle.

« Tu vas écrire à toutes les personnes que tu fournis et leur dire c'est terminé et que tu les dénonceras au ministère s'ils reprennent contact avec toi d'une quelconque façon. Je n'en ai rien à cirer, s'il faut y passer la nuit entière. Tu vas le faire immédiatement. Et tu vas écrire la même chose à ta petite équipe, si tu en as une.
- Rogue, prononça t-elle simplement.
- Bien sûr, Rogue, répéta t-il en lâchant un rire ironique. »

Elle savait bien ce qu'il pensait. Elle savait aussi ce que pensaient Rémus et Peter. Rogue avait été odieux avec elle à Poudlard. Il avait fait voler leur amitié en éclats en la traitant comme une moins que rien, et ils se demandaient comment elle avait pu renouer avec lui. Ils commençaient à réaliser qu'elle avait perdu tout le respect qu'un être humain est supposé avoir pour lui même.

Alors qu'elle trempait sa plume dans l'encrier de Sirius, elle se demanda brièvement pourquoi elle lui obéissait aussi docilement et pourquoi elle ne songeait pas le moins du monde à l'embobiner en écrivant des fausses lettres à des personnes qui n'existaient même pas. Il attrapa une chaise, s'assit juste devant elle, l'observa avec attention, et cela fit toute la différence.

L'attention. Il faisait attention. Personne n'avait fait attention à elle, ces derniers temps. Pas même Rogue. Personne ne lui avait montré que sa vie valait quelque chose. Personne ne s'était énervé contre elle parce qu'elle la fichait en l'air, personne, sauf Sirius Black dont les yeux gris ne semblaient pas réussir à se détacher d'elle.

« Bon sang, il va devenir fou, murmura t-il pour lui même. »

Les sourcils de Lily se froncèrent imperceptiblement, sa mâchoire se serra, et ses doigts se crispèrent sur sa plume qui frottait faiblement le parchemin. Ce « il » la rendait malade. Son estomac semblait faire des galipettes dans son ventre. James Potter allait arriver d'ici peu. Elle le savait, Sirius avait envoyé trois parchemins. Un pour chacun de ses meilleurs amis.

Elle sentait qu'il n'était plus très loin. Il était déjà un peu là, dans Rémus, dans Peter, dans Sirius, dans les mots qu'ils utilisaient, dans la façon dont ils se tenaient, dans l'expression de leur visage... Elle n'avait jamais remarqué avant, à quel point il y avait du James chez eux. Elle ne pouvait pas mettre le doigt sur un détail en particulier, mais ils étaient lui.

« Où est Cornedrue ? Demanda finalement Peter. »

Elle n'avait pas entendu ce surnom ridicule depuis plus de deux ans, et Merlin, elle réalisa soudainement à quel point il lui avait manqué. C'était terrible. C'était comme recevoir un coup de poing en plein dans le ventre et en avoir la respiration coupée. Il n'était plus un simple souvenir de sa vie d'autrefois, un secret qu'elle avait découvert par hasard et que Rémus lui avait confié un peu plus tard, Cornedrue était à la fois son présent et son futur, et tout devint brutalement à la fois très angoissant et très rassurant.

Elle se souvenait avoir ressenti la même chose un après-midi de juin, en septième année, juste avant les ASPICs. Cette journée là avait été la plus chaude de l'année, et après le déjeuner, Lily avait décidé de faire un crochet vers les toilettes des filles pour s'asperger le visage d'eau fraîche. Elle voulait avoir les idées claires pour le dernier cours de Métamorphose de l'année, et ceux qui suivaient un peu plus tard.

Elle était en train de se passer de l'eau sur le visage lorsque la porte s'était ouverte derrière elle. A sa grande surprise, James Potter avait fait irruption dans un territoire qui lui était pourtant interdit. Elle s'était contentée de rouler les yeux. Il n'avait jamais vraiment accordé d'importance aux règles et elle doutait qu'un sermon à quelques jours seulement de la fin de leur scolarité ne l'atteigne, mais elle lui avait tout de même demandé ce qu'il fichait là.

Il lui avait répondu que le cours de Métamorphose avait déjà débuté et que le professeur McGonagall, s'inquiétant de ne pas la voir débarquer, avait décidé d'envoyer le préfet-en-chef à la rescousse au cas où quelque chose lui était arrivé. Il avait bien insisté sur son titre, qu'il portait fièrement depuis le début de l'année. Cela avait beaucoup amusé la jeune femme qui n'en avait pourtant rien laissé paraître.

Elle lui avait répondu que tout allait bien, et puis elle était passée à côté de lui et s'était avancée vers la sortie, mais la porte avait claqué juste devant son nez et quand elle avait voulu actionner la poignée, elle n'était pas parvenue à l'ouvrir. Quelqu'un les avait enfermé.

James Potter avait essayé aussi, sans succès. Ils avaient rapidement sorti leur baguette et tenté tous les sorts de déverrouillage qu'ils connaissaient sans pour autant parvenir à un résultat probant, alors ils avaient abandonné en songeant que quelqu'un finirait par s'inquiéter de leur absence. Ils étaient restés cinq heures dans ces toilettes. Cinq heures. Cinq heures qui avaient tout changé, ou plutôt, tout confirmé. Elle doutait qu'il s'en souvienne, mais elle n'avait pas oublié.

« Il ne devrait pas tarder, lui répondit Rémus qui semblait toutefois se poser la même question.
- Il y avait une réception pompeuse chez ses parents, leur appris Sirius. Avec le ministre et tout le gratin. Pas facile de s'extirper de ce genre de mondanité. »

Il surveillait attentivement Lily qui continuait à écrire sans montrer de réaction malgré sa panique intérieure. Il allait la voir comme ça. James Potter allait la voir comme ça, après avoir passé la soirée avec le ministre en personne. Quel changement d'ambiance... ! Il n'allait certainement pas être déçu du voyage.

Elle osa à peine imaginer la façon dont il allait la regarder. Avec pitié ? Compassion ? Pire, allait-il la prendre pour une œuvre de charité ? Plus les minutes passaient, plus son rythme cardiaque s'accélérait. Le regard de James Potter l'effrayait d'avantage que tous les autres. Elle avait beau essayer de ne pas y penser, de continuer à écrire comme un automate, sans réfléchir, il refaisait toujours surface dans sa tête à un moment ou à un autre.

L'agonie de l'attente dura un moment. Un long moment. Une heure, ou deux. Elle n'en savait trop rien. Les garçons étaient restés muets, mais à chaque fois que Lily levait les yeux vers eux, elle constatait qu'ils semblaient pris dans une profonde discussion silencieuse.

Elle posa sa plume au moment précis où l'on frappa à la porte. Son regard vert se figea aussitôt dans l'entrée. Les secondes étaient interminables. Elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer, de ne plus savoir respirer, et ce fut pire quand James Potter actionna finalement la poignée et qu'il pénétra dans l'appartement de son meilleur ami.

« Désolé les gars, Harold Minchum a essayé de me caser avec sa fille, j'ai dû métamorphoser discrètement la lampe à pied de maman en dragon pour réussir à les mettre dehors. »

Il retira son manteau et le jeta sur le canapé d'un geste désinvolte, sans avoir remarqué la présence de Lily, partiellement dissimulée derrière le grand bureau, et puis il pointa sa baguette vers le buffet qui rejeta quatre verres.

« Alors, c'est quoi l'urgence ? Demanda t-il en attrapant une bouteille de whisky-pur-feu qui vola dans sa direction dès qu'il eut agité sa baguette. »

Lily n'avait jamais été autant consciente qu'elle avait des veines. C'était comme si son sang s'était changé en espèce de courant électrique qui s'amusait à la faire tressaillir à intervalles réguliers. Aucune potion au monde n'aurait pu lui faire ressentir cela, aucune potion au monde ne se rapprochait du sentiment qu'elle ressentait à cet instant précis.

Trois ans plus tôt, elle était tombée amoureuse d'un garçon qu'elle connaissait à peine, et elle avait eu la sensation que la passion qu'elle éprouvait pour lui s'était atténuée avec les années pour ne devenir plus qu'un vieux trésor qu'elle gardait précieusement enfoui au fin fond d'elle-même, mais il venait de le déterrer sans même à avoir à donner un seul coup de pelle.

« On a une invitée en plus, lui souffla Rémus. »

James se retourna alors, et enfin, ses yeux bruns tombèrent sur Lily. Elle les vit s'agrandir subitement sous le coup de la surprise, et puis ses sourcils se froncèrent, et il pencha légèrement la tête sur le côté sans cesser une seule seconde de la regarder.

Elle ne pouvait pas détourner les yeux non plus. Elle n'y arrivait pas. Il n'avait pas tellement changé. Il avait l'air plus sage, peut-être, sans pour autant avoir perdu cette étincelle de folie dans le regard, celle qui l'avait rendue malade d'amour pour lui.

Elle respirait à toute allure. Jamais elle n'avait respiré si vite de toute sa vie. Le garçon était devenu un jeune homme et elle était toujours éperdument amoureuse de lui. C'était ahurissant, surprenant, de voir que rien n'avait changé et que les années ne gommaient pas les sentiments.

C'était étonnant, de voir qu'il suffisait qu'il pénètre dans la pièce pour qu'elle redevienne l'adolescente candide qu'elle était à Poudlard, lorsqu'il l'avait connue. C'était prodigieux qu'il puisse avoir ce genre de pouvoir sur elle, celui de lui donner l'impression de redevenir une personne décente.

Il ne la regardait ni avec pitié, ni avec compassion. Il n'avait pas l'air de vouloir faire d'elle une œuvre de charité non plus. Il était étonné, troublé, peut-être un peu ému, mais ce qui frappa le plus Lily fut la chaleur de son regard. Elle n'avait plus besoin d'avoir peur, il était là, et son petit cœur en pâte à modeler était en train de doubler, de tripler de volume.

Il ne prononça aucun mot. Elle non plus. Il s'approcha, elle l'observa sans vraiment savoir ce qu'il allait faire. Elle pensait qu'elle aurait honte de ce qu'elle était face à lui, mais ce n'était pas le cas. Pas à ce moment là, au moins. Elle se demandait simplement comment il avait pu lui faire oublier la présence de Rémus, Peter, et Sirius.

Il contourna le bureau et ses doigts glissèrent sur les parchemins qu'elle avait entassé à côté d'elle. Il en prit un et le lut silencieusement pendant qu'elle étudiait son visage parfait, et quand il eut terminé, il en lut un deuxième. Puis un troisième. Et là, seulement, il s'arrêta et ses beaux yeux accrochèrent encore les siens.

Il savait maintenant qui elle était devenue et ce qu'elle faisait là, mais il n'y avait toujours aucune trace de pitié chez lui. Il y avait de la douleur. C'était comme s'il s'était emparé de celle qu'elle ressentait avant qu'il ne déboule dans l'appartement, parce qu'elle avait l'impression que toute la sienne s'était transformée en paix.

La sérénité, c'était ce que James Potter lui avait apporté ces dernières années. C'était étonnant, quand on avait fréquenté le personnage à Poudlard. C'était un héros. Celui qui ramenait les coupes à Gryffondors, celui qui permettait à la maison de se transcender, de s'inscrire dans la légende, et comme les autres héros, il avait un goût du risque sur-développé.

James Potter aurait été capable de se jeter dans la gueule d'un dragon juste pour prouver qu'il le pouvait, si quelqu'un lui avait demandé de le faire. Il n'y avait rien de très paisible chez lui, on ne pouvait pas le décrire comme quelqu'un de calme et raisonné, et si Lily n'avait autrefois vu chez lui qu'une énorme propension à se faire mousser dès qu'il en avait l'occasion, elle avait fini par distinguer quelque chose de plus aux alentours de leur sixième année.

C'était à ce moment là que la guerre avait pris des proportions énormes, que des moldus avaient commencé à tomber, que Voldemort avait commencé à revendiquer la supériorité des sangs-pur. James Potter avait subitement cessé de se comporter comme un héros, et elle doutait qu'il s'en soit rendu compte. Gryffondors était en pleine puissance, personne ne pouvait arrêter les élèves rouge et or, il leur avait donné la force de mener son combat à ses côtés sans même le leur demander. Il arborait un air grave quand elle le surprenait seul dans la bibliothèque, et un sourire malicieux lorsque Sirius Black apparaissait à ses côtés.

Elle avait mis du temps à comprendre où il avait pu caser toute l'énergie qu'il dépensait habituellement à s'encenser, et finalement, elle avait trouvé. Un papier était tombé de sa poche alors qu'il se levait de sa chaise un jour. Elle s'était penchée pour le récupérer, elle avait voulu le lui rendre, mais lorsqu'elle s'était redressée, il n'était plus là.

Guidée par sa curiosité, elle l'avait déplié pour y découvrir une liste de noms, dont le sien. Certains étaient rayés, d'autres suivis d'un point d'interrogation, mais il n'y avait rien en face de Lily Evans. Rien du tout. Elle avait froncé les sourcils, puis ses yeux étaient tombés sur des mots griffonnés à la va-vite probablement par Sirius Black.

« Voilà ceux qui pourraient nous aider. Dis-moi ce que tu en penses. Je ne sais pas pour toi, mais l'idée qu'Evans botte le derrière de ce cher Voldy me réjouit assez. Il ne sait pas à qui il à affaire. D'ailleurs, à propos, est-ce qu'on devrait trouver un nom à notre petite armée clandestine ? Que penses-tu de : Patmol's puppies ? »

A ce moment là, Lily avait cessé d'avoir peur. Il était là. James Potter était là, et il était le héros de Gryffondors. Il allait la sauver. Peut-être qu'elle aurait dû se sauver elle même, mais elle n'était pas encore capable de mener son propre combat. Elle avait beau lui avoir rabâché qu'il n'était pas mature au fil des années, elle s'était rendue compte à ce moment précis qu'elle était celle qui avait peur de se comporter comme une adulte, car tout était beaucoup plus facile quand on agissait comme un enfant.

A partir de cet instant, à chaque fois que James Potter avait pénétré dans une pièce où elle était déjà, un profond sentiment de sécurité l'avait envahi. La sérénité. Elle l'accompagnait partout. Lily avait même fini par réussir à s'apaiser rien que par le souvenir de son visage, se rappelant qu'il serait toujours là pour se battre et qu'il gagnait toujours.

Il avait fini par venir à elle un jour, vers la fin de leur sixième année, et par lui demander si elle voulait se battre avec lui. Elle lui avait répondu qu'elle n'était pas prête, qu'elle ne s'était pas faite à l'idée de sacrifier sa vie alors qu'elle n'avait que seize ans, et il avait compris. Cela avait été la pire décision de sa vie. Elle aurait dû lui dire oui ce jour là, elle aurait dû accepter le deal. Sa vie n'aurait pas été la même. Elle aurait valu quelque chose.

Mais comment était-elle supposée le savoir ? Comment pouvait-elle se voir tenir tête à un si grand mage noir à seulement seize ans ? Comment pouvait-elle accepter l'idée même de mourir avant d'avoir quitté l'adolescence ? Elle était encore une enfant apeurée qui jetait un coup d'oeil sous son lit tous les soirs avant de se coucher, elle n'avait vraiment aucune idée de ce à quoi ressemblait la vie d'un adulte, mais elle voulait avoir la chance de le savoir un jour.

Et comme s'il n'avait pas oublié le regard navré et apeuré de l'adolescente qu'elle avait eue devant lui ce jour là, il fit un ultime pas vers elle, posa sa main sur sa tête, et la laissa appuyer sa tempe contre sa hanche dans une étreinte qu'ils n'avaient jamais eue mais qu'elle avait déjà imaginée un bon milliard de fois.

Elle aurait été incapable de se lever de sa chaise maintenant, et il avait l'air de le savoir. Sa large main caressait ses cheveux roux comme s'il se doutait que c'était absolument ce dont elle avait besoin. Sirius lui avait donné de l'attention, Rémus de l'affection, Peter ne l'avait pas jugée, et James faisait les trois à la fois.

Elle prit une profonde inspiration, respirant le parfum qui s'attardait sur les vêtements du jeune homme, cette odeur pure, la sienne, à la fois rassurante et euphorisante, et elle ferma les yeux un instant. Elle l'avait fait un nombre incalculable de fois, penser à lui les yeux fermés, quand elle était dans son lit miteux, et elle se demanda soudainement à quel point il l'aurait prise pour une dingue si elle le lui avait confié.

« Je veux faire partie de quelque chose. Je veux t'aider maintenant, dit-elle d'une petite voix. »

Elle savait que Rémus, Sirius, et Peter ne comprendraient probablement pas ce à quoi elle faisait allusion, mais elle était certaine que James saurait, lui. Elle regretta de le voir s'écarter d'elle, mais quand il fit rapidement pivoter la chaise roulante sur laquelle elle était assise, qu'il s'agenouilla devant elle et qu'il lui jeta un sourire à en tomber par terre, elle comprit qu'il n'avait aucune intention de l'abandonner là.

« Je crois que ce n'est pas à ton tour de m'aider, Evans. »

Ce nom. Depuis quand ne l'avait-elle pas entendu prononcer son nom ? Elle était incapable de s'en souvenir, mais le réentendre maintenant lui donna la sensation que son cœur en pâte à modeler s'était étalé dans tout son corps et que James prenait un malin plaisir à essayer de l'étirer le plus possible.

« Ah, tu fais sûrement référence à ma sale tête, plaisanta t-elle. »

Il fronça les sourcils et ses yeux parcoururent son visage à une lenteur qui aurait probablement dû la mettre mal à l'aise mais qui, à la place, attisa sa curiosité.

« Je lui ai dis de ne pas essayer de faire de l'humour, mais visiblement, son esprit de contradiction est intact, commenta Sirius, appuyé contre le buffet, les bras croisés.
- C'est parfait, lui répondit James sans pour autant quitter Lily des yeux.
- Je me doutais que tu dirais ça, répliqua son ami en levant les yeux au ciel.
- Vraiment ? Toujours ? Intervint Peter en observant James avec étonnement. »

James laissa simplement filtrer un sourire. Lily n'avait absolument aucune idée de ce qu'ils étaient en train de se dire, les maraudeurs avaient toujours leur propre façon de communiquer que personne d'autre qu'eux ne pouvait comprendre, et elle avait appris à l'accepter.

« Il faut que je retourne au bureau avant que la brigade ne rapplique ici pour vérifier que je suis bien vivant, reprit Sirius en tendant la baguette de Lily à James. Elle est à toi maintenant. »

Il ne parlait pas de sa baguette, Lily le savait, et si elle l'avait ignoré, elle l'aurait deviné lorsque James s'avança jusqu'à son meilleur ami pour l'étreindre brièvement et lui glisser un « merci mon vieux » auquel Sirius répondit quelque chose que Lily n'entendit pas, mais qui lui valut une violente tape à l'arrière du crâne.

« Peter et moi allons y aller aussi, il est tard, ajouta Rémus en faisant signe à son ami de le suivre. »

Et juste comme ça, il ne resta plus que James. Il attrapa la chaise que Sirius avait occupé un moment plus tôt, juste en face d'elle, de l'autre côté du bureau, et il s'y assit confortablement, bien au fond, les jambes croisées, sa cheville reposant sur sa cuisse, son index passant pensivement sur ses lèvres, il fixait Lily.

« Je pensais que la prochaine fois que je te reverrai, tu serais ministre de la magie, commença t-il.
- Eh bien, je crois qu'on peut affirmer sans en trembler que tu n'as pas toujours eu un instinct incroyable, lui répondit-elle, ses doigts triturant nerveusement le bois du grand bureau. »

James lui sourit, pourtant pas amusé le moins du monde par sa déclaration. Il avait cet air énigmatique figé sur son visage qui troubla Lily plus qu'elle ne put se l'avouer.

« Il n'est jamais trop tard.
- Oh, oui, c'est exactement ce dont le monde magique à besoin, une ministre défoncée qui fait dans la vente de potions illégales, ironisa t-elle.
- Tu es défoncée ? L'interrogea t-il en la regardant attentivement.
- Non, pas maintenant, mais...
- Hier ne compte pas, la coupa t-il. Hier ne compte plus maintenant que Sirius t'a trouvée.
- Peu importe ce que tu pourras dire, hier sera toujours là. »

Elle avait baissé les yeux, un trou béant s'était formé dans la pâte à modeler alors qu'elle se sentait forcée de lui montrer à quel point elle avait merdé, à quel point tout avait dérapé, à quel point tout avait échappé à son contrôle. Elle ne le vit pas hocher la tête.

« Peut-être que tu as raison... Après tout, hier me rappelle à quel point j'ai déconné avec toi, admit-il. Jouer au con à chaque fois que tu passais devant moi juste pour que tu me remarques... Jeter des sorts à n'importe qui juste pour que tu puisses contempler l'étendu de mes talents... C'était pathétique. Hier me rappellera toujours les erreurs que j'ai commises, alors c'est sûrement une bonne chose qu'hier soit là, quelque part dans ma tête, pour m'empêcher de les reproduire. »

Elle n'avait jamais compris les choses de cette manière. Si James Potter jouait avec sa baguette au détriment des autres pendant la plupart de leur scolarité, elle en était venue à la conclusion que c'était parce qu'il adorait montrer au monde entier à quel point il était doué, à quel point il était le meilleur, elle n'avait jamais réalisé que ce comportement puéril n'était déclenché que par sa présence, alors maintenant, son aveu rebouchait doucement le trou dans la pâte à modeler.

« Quoi qu'il arrive, demain est plus important, reprit-il. Sirius a dû être clair avec toi, tel que je le connais, et je vais l'être aussi. Si tu es là, c'est qu'il a mis sa carrière en jeu pour toi, sa vie toute entière. Je ne te laisserai pas tout foutre en l'air. Tu resteras ici. Peu importe à quel point hier te manquera au fil des jours, tu ne retourneras pas d'où tu viens.
- Hier ne me manquera pas, affirma t-elle.
- Oh que si, crois-moi, hier te manquera, répliqua t-il en la regardant droit dans les yeux. Peut-être pas ta vie elle-même, mais ce que tu prenais pour oublier à quel point elle était misérable te manquera.
- Comment tu sais qu'elle était misérable ? Comment tu sais que je ne faisais pas ça juste pour m'éclater un peu plus ? Le questionna t-elle avec une pointe de défi dans le regard.
- Parce que je te connais plus que tu ne le penses, Evans. »

C'était la bonne réponse, celle qui la laissa interdite. Ses yeux sombres la transperçaient comme aucun ne l'avait fait avant, comme ceux de Severus Rogue n'avaient jamais pu, su le faire, et elle se laissa tomber à l'intérieur. La chute fut lente et agréable, douce et plaisante, plus satisfaisante que toutes les mixtures qu'elle aurait pu inventer.

Coucou à tous ! Je voulais remercier ceux qui me suivent, notamment les "Guest" à qui je ne peux pas répondre quand ils me laissent des reviews :(, s'il vous plaît, inscrivez vouuus. Certains d'entre vous m'ont mis des reviews tellement gentilles que j'étais frustrée de ne pas pouvoir les remercier en y répondant...

Merci à ceux qui vont se lancer dans cette fic en tout cas, et j'espère qu'elle vous plaira :)