Giulietta attendait. Non pas Roméo mais sa meilleure amie Laura. Et en cette nuit du 18 avril, il faisait frais, très frais. Assise sur un banc près du Palazzio dei Priori, la pauvre jeune femme guettait la moindre ombre qui pourrait correspondre à la silhouette de son amie. Malheureusement, Laura semblait avoir envie de se faire désirer ce soir... Certes, il n'était pas rare pour Giulietta d'attendre puisque sa meilleure amie semblait avoir un gros problème avec la ponctualité mais elle n'avait jamais eu à attendre aussi longtemps. Cela faisait déjà 1h30 qu'elle se frictionnait en vain les épaules dans l'espoir de se réchauffer. Elle se levait, faisait quelques pas et retournait s'asseoir. Si son téléphone avait encore eu de la batterie, elle aurait pu faire une partie de Candy Crush pour passer le temps ou appeler son amie jusqu'à ce que cette dernière décroche et se dépêche d'arriver. Mais son téléphone refusait de se rallumer. Laura lui avait peut-être envoyé un message pour lui dire qu'elle ne pourrait pas venir ce soir ? A moins qu'elle ait crevé un pneu en chemin ? Giulietta ne parvenait pas à décider si elle devait rentrer chez elle ou non. Elle habitait à une vingtaine de minutes à pied de leur lieu de rendez-vous. Ce n'était pas très loin… Mais le temps de faire l'aller-retour, tout en rechargeant le téléphone et en se trouvant un pull, cela lui prendrait plus de quarante-cinq minutes pour revenir au point de départ. Et si Laura arrivait pendant ce temps ?

Voyant une ombre au loin se dessiner, elle se pencha pour mieux l'apercevoir. La silhouette était grande, comme Laura, mais elle n'était pas assez près cependant pour déterminer la taille exacte. La personne était mince et avait une démarche particulièrement élégante. Giulietta se leva et fit quelques pas en direction de la silhouette. Elle ne parvenait pas à distinguer les traits de la personne, ni à déterminer s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Laura était danseuse étoile à l'Opéra de Firenze. Elle pouvait correspondre à cette silhouette mais une chose troublait Giulietta : jamais elle n'avait vu son amie avec une telle démarche. Pourtant, elle avait toujours été en admiration devant la grâce de son amie : son maintien, sa souplesse, sa délicatesse, son élégance et son port de tête… Mais cette fois-ci, il y avait quelque chose d'autre. Quelque chose de plus… Intriguée, elle s'approcha, sans même s'en rendre compte. Elle devait comprendre. Laura avait toujours été son modèle en terme de grâce. Alors pourquoi, soudain, Giulietta avait-elle l'impression de comprendre enfin ce que signifiait « être une personne gracieuse » ? Etait-ce parce que c'était la nuit et qu'elle l'attendait depuis longtemps que Laura avait une allure aussi souveraine ?

Elle s'approcha encore de la silhouette qui s'était figée et regardait dans sa direction. Alors Giulietta en profita pour bien l'observer. Elle avait de longues jambes, comme son amie, mais un pantalon cachait la forme de la jambe alors que Laura ne mettait que des jupes très courtes pour bien les exhiber. Les mains étaient longues et fines, tout comme celles d'un artiste. Le torse était caché par un long manteau noir, elle ne pouvait donc pas vérifier s'il s'agissait de celui d'un homme ou d'une femme. Toutefois, parce que le pardessus tombait parfaitement et sans être ondulé au niveau de la poitrine, Giulietta en conclut que la personne n'avait pas ou très peu de seins, comme son amie. Elle continua son inspection pour parvenir jusqu'au cou, encadré de longs cheveux sombres. La faible luminosité l'empêchait de bien déterminer la couleur de la peau mais elle lui permettait de savoir que son interlocuteur était très pâle, tout comme Laura. Heureuse, elle regarda enfin le visage de la personne qu'elle avait désormais en face d'elle et grimaça aussitôt. Elle hurla alors : « Ah ! Mais vous n'êtes pas mon amie ! »

Elle prit ses jambes à son cou, ignorant qu'elle venait de piquer la curiosité du plus redoutable être sur Terre : Aro Volturi, Roi des vampires !