Bonjour, bonsoir à tous !
Je me lance aujourd'hui dans la publication de "Side to side", un projet qui a mit du temps à voir le jour ! Je voudrais, avant toute chose, remercier la fanfiction qui m'a particulièrement donné envie de poster celle-ci, j'ai nommé "My Beautiful Beast" de Easyan. Si ce n'est pas déjà fait, je vous conseille vivement d'aller voir son travail de qualité, elle est vraiment très douée, et malgré la longueur qui pourrait en faire reculer plus d'un, je vous assure que ça vaut le détour. Si il y a des ressemblances, je m'en excuse par avance.
Évidemment, les personnages utilisés dans cette histoire appartiennent tous à Hajime Isayama. Je ne fais que les modeler à ma manière.
Enfin, je ne ferais pas durer cette petite note plus longtemps et vous laisse à la lecture de ma fanfiction, en espérant qu'elle vous procurera autant de plaisir à lire qu'elle ne m'en a donné à écrire.
« Oh bordel. »
Les deux silhouettes se distinguaient parmi les débris. L'intégralité de la zone avait été dévastée, seul un bâtiment avait survécu à la catastrophe et c'est sur le toit de ce dernier que se trouvaient nos deux protagonistes. Il y avait des cadavres à moitié calcinés sur la moitié ouest du secteur, des flaques de sang un peu partout et surtout une grande cavité en plein milieu de ce qui était la place centrale de la ville.
« Comme tu dis, répliqua un grand blond. » Il s'humecta les lèvres, comme s'il cherchait les bons mots et poursuivit finalement : « Bon Levi, on n'a pas de temps à perdre, on doit mettre la main sur l'émetteur. Tu n'as qu'à retrouver l'Escadron en bas de l'immeuble et à commencer à fouiller les décombres. Je m'occupe du reste de l'équipe, on va se répartir sur la zone. »
Levi acquiesça puis se recula. Il était habitué à gérer les désastres qui régnaient dans sa ville depuis plus de dix ans maintenant, étant le sous-chef du Bataillon Ailé. Il avait commencé jeune, très jeune. Mais jamais il n'avait eu diriger une opération aussi risquée. Le plus grand ennemi de la cité, le clan H, semait le chaos auprès des citoyens. Erwin, le major de l'Escadron, avait remué ciel et terre en compagnie de son équipe pour les retrouver. Malgré cela, le caporal ne laissait transparaitre aucun signe de frayeur ou d'indécision. Son visage avait toujours cet air ennuyé.
« Arrête de t'en faire Erwin, on va les trouver ces fils de pute.
- Ce n'est pas le but. On les cherchera plus tard. L'important aujourd'hui, c'est l'émetteur, il nous est indispensable. S'il tombe entre leurs mains... tout sera foutu, souffla-t-il.
- Je sais Erwin, j'ai lu le rapport. Ça sera vite fait, bien fait. Je prends Hanji avec moi.
- C'est tout ? Emmène au moins Mike avec toi. Je me sentirai plus en sécurité si vous n'étiez pas que tous les deux. On ne sait jamais sur quoi vous pourriez tomber.
- C'est amplement suffisant, je n'ai pas besoin de Mike. Tu sais bien que cette… femme, a l'énergie et la puissance d'une dizaine de recrues. Ce soir, on revient au bureau et on règle ça. Et on l'aura, ton putain d'émetteur. »
Sur ces mots, le soldat se retourna dans un mouvement rapide, faisant voler l'arrière de son long manteau noir, avant de s'engouffrer dans l'escalier de service. Il se hâta jusqu'au rez-de-chaussée, son équipement tridimensionnel battant contre ses cuisses. Avant de retrouver son Escadron composé d'une petite dizaine de personnes. Dans leurs locaux ils avaient un peu plus d'effectifs, mais seule une petite partie avait les qualifications nécessaires pour aller sur le terrain de missions aussi importantes.
« On y va, cracha-t-il en tirant sur la manche de la jeune femme. »
Cette dernière était à moitié endormie contre le mur à attendre les indications. Elle sursauta suite à ce contact.
« Hein, maintenant ? Mais, et Erwin on en fait quoi ?
- C'est pas nos affaires. » Elle ne semblait apparemment pas décidée à se dépêcher plus que cela, il allait lui falloir un coup de pouce : « Magne-toi quatr'yeux, on n'a pas que ça à foutre.
- C'est parce qu'il m'adore qu'il dit ça ! claironna-t-elle en lui ébouriffant les cheveux, comme pour justifier le langage de son camarde devant les autres membres de l'équipe. Allons-y mon petit Levi ! »
La jeune femme l'entraina un peu plus loin en sautillant vers le quartier sud. Il se dégagea brusquement de son étreinte et lui grogna alors qu'ils étaient enfin seuls :
« Écoute moi bien Hanji, la prochaine fois que tu me ridiculises devant le reste de l'équipe, je te fais bouffer tes lunettes, pigé ?
- Ce que tu peux être ronchon Levi… marmonna-t-elle, plus tu vieillis plus tu ressembles à Grincheux, tu sais l'affreux nain dans Blanche-Nei... » Le petit brun la transperçait du regard : elle ne put retenir un frisson de peur lui parcourir les bras. En lui assignant une petite tape sur l'épaule elle bougonna : « …c'est bon, je plaisantais. »
Ils s'avancèrent vers les décombres d'un bâtiment abandonné. De larges traces de balles recouvraient l'un des seuls murs encore intacts. Hanji dansa jusqu'à ce dernier, un sourire étrange aux lèvres. Elle effleura la cloison et regarda derrière : deux cadavres gisaient sur le sol. La demoiselle réajusta ses lunettes avant de sortir une sorte de machine, elle appuya sur le bouton du milieu.
« Alors ?
- Rien dans le secteur. »
Levi s'approcha doucement des cadavres et regarda leurs visages. Il fronça les sourcils :
« Leurs gueules ne me disent vraiment rien. Ils doivent faire partie du gang... je ne comprends pas qui ils pouvaient combattre. Peut-être des civils armés ? Mais honnêtement, ça m'étonnerais. T'as une idée ?
- Quelqu'un qui possédait l'émetteur, un gars qui jouait au héros, une vieille dispute… Je ne suis pas plus avancée que toi à vrai dire.
- On réfléchira à ça plus tard, il faut encore qu'on retrouve ce foutu émetteur. Plus tôt je serais rentré chez moi, plus vite je pourrais me reposer. »
Hanji pouffa et recueillit un peu d'ADN sur l'un des deux morts. Puis elle prit une photo de la scène morbide, dégainant son petit appareil comme par magie. Ils ne leur fallut pas bien longtemps avant qu'ils ne se mettent à courir dans tous les sens, leur récepteur toujours à l'affut du moindre signal de la part de l'émetteur. Leur quête fut plus longue qu'elle n'y paraissait. Ils déblayèrent la zone, la passant au peigne fin dans l'espoir indicible de déceler ne serait-ce qu'un faible signal.
Mais rien.
Ils n'avaient toujours rien trouvé.
Hanji souffla du nez bruyamment pour exprimer son mécontentement.
« C'est à se demander s'ils n'ont pas réussi à le récupérer finalement ! Sans déconner, ça fait quoi ? Deux heures qu'on court partout ?
- Trente minutes, rectifia-t-il calmement.
- Peu importe. Ça fait beaucoup trop longtemps qu'on se tanne à chercher un truc qu'on ne trouvera probablement ja…
- Ne parle pas trop vite, l'interrompit-il. »
Levi avait repéré le signal de l'émetteur sur la machine qu'il tenait entre ses doigts. Hanji tressaillit de nervosité et tapa des deux mains pour exprimer sa joie.
« Latitude 31 longitude 56. »
Elle n'eut pas besoin de se faire prier. En un instant ils se mirent à courir vers l'endroit précis. Les signaux augmentaient de plus en plus Hanji était fébrile, ses petites mains serraient avec fermeté son automatique mais son anxiété se manifestait par des clignements d'yeux incessants. Levi, imperturbable et en pleine forme malgré la grosse journée de travail qu'il venait d'accomplir, galopait avec une agilité inhumaine. On entendait à peine le bruit de ses bottes contre le goudron défoncé par les secousses qu'avait produit l'explosion. Après cinq minutes de course effrénée, ils arrivèrent près du point où le signal avait été repéré : c'était un champ de ruines. Une large trainée de sang formait une ligne droite vers les décombres. Le signal provenait de cet amas de rocs. Ils se lancèrent un coup d'œil rapide avant de s'atteler à retrouver ce foutu émetteur. Alors qu'ils enlevaient les rochers et autres vieux débris, ils déterrèrent une main en piteux état. La machine s'affola, Levi écarquilla les yeux.
« Putain de merde… »
Ils continuèrent en se hâtant d'autant plus. Ils découvrirent un jeune homme manifestement mort, et couvert de blessures. Sa jambe droite apparemment écrasée semblait ne plus pouvoir être digne d'accomplir le moindre mouvement, comme paralysée. Son visage avait la moitié brûlée et l'autre recouverte par ses longs cheveux collés par le sang. Ses vêtements étaient en lambeaux, et son bras droit laissait apercevoir une belle fracture ouverte qui ne manqua pas d'arracher une mimique de dégoût à la jeune femme pourtant habituée à voir ce genre de chose. L'os, délogé de son lieu d'origine, faisait du malheureux une pauvre poupée désarticulée.
« Est-ce qu'il est vivant ? chuchota-t-elle.
- Tu trouves un homme écrasé sous les débris, et tu penses réellement qu'il… »
Pendant qu'il s'exprimait, Levi vérifia dans le doute son rythme cardiaque en plaçant ses doigts sous sa gorge. Il laissa échapper un petit souffle de surprise. Il respirait et percevait un pouls. Très faible, certes, mais il était là.
« Il… il est vivant, balbutia le caporal.
Le présumé mort attrapa d'un coup le poignet de son sauveur. Le cœur de ce dernier manqua un battement. Son visage imperceptible prit une teinte légèrement plus blanche que d'habitude. Il se pencha sur le corps à peine animé, inquiet. Le blessé entre-ouvra son seul bon œil et murmura :
« Tue-moi... » soupira-t-il avant de perdre connaissance à nouveau.
Hanji jeta un coup d'œil paniqué aux alentours, pensant qu'une menace se trouvait derrière eux. Mais rien ne vint. Levi souleva le corps endormi et ankylosé comme s'il s'agissait d'une plume en prenant garde à ne pas lui faire plus de mal.
« On l'emmène au labo.
- Et... et l'émetteur ? On n'a pas le temps…
- T'as toujours pas compris ? C'est LUI l'émetteur, cria-t-il en lui montrant l'appareil qui s'alarmait. »
Une heure plus tard, ils étaient au laboratoire d'Hanji. Cette dernière était réputée dans son Escadron pour être polyvalente, bien qu'assez spéciale au prime abord, elle possédait de nombreuses cordes à son arc. Tantôt médecin, tantôt scientifique. Et enfin et surtout : une guerrière très compétente. Tous les autres la craignait, son air excentrique et ses manières sortants de la norme leur faisait peur. Seul son Escadron savait à quel point c'était une femme incroyable. Elle était d'ailleurs l'une des seules personnes au monde que Levi pouvait supporter (bien qu'il la menaçait sans cesse tant elle pouvait se montrer agaçante parfois).
Ils étaient tous les deux devant le corps du jeune homme. Sa respiration était régulière, comme apaisée. Il avait été soigné avec précaution, lavé, et déposé là. Levi interrogea du regard la jeune scientifique :
« J'ai fait ce que j'ai pu, il va s'en sortir… C'est, plutôt étrange, on dirait qu'il se soigne tout seul… »
Levi haussa un sourcil. Elle poursuivit :
« Alors que je m'occupais de son bras droit, la partie de son visage qui était calcinée s'est comme… régénérée. Il était brûlant, c'était à peine si je pouvais l'approcher sans suer à grosses gouttes. Je sais que ça paraît dingue, mais vous allez devoir me croire sur parole pour ce coup-ciJ Je me suis donc permise de lui faire une prise de sang et... »
Elle marqua une pause, semblant farfouiller au fond de la poche de sa blouse blanche. Levi s'impatientait, il fit claquer sa langue contre son palais :
« Et ?
- Ah ! Le voilà ! s'exalta-t-elle en brandissant le petit flacon. Je l'ai fait analysé. Nous attendons encore les résultats mais tu peux me croire qu'il y a un truc pas banal là-dessous.
- Tch, évidemment qu'il y a un truc pas banal : ce gamin s'est fait écrasé par plusieurs tonnes de caillasses et vu l'état dans lequel on l'a récupéré, il avait sacrément dû se battre avant. C'est un miracle qu'il soit en vie.
- Tu as prévenu Erwin ?
- Il est en chemin. »
Hanji faisait les cents pas dans la petite pièce close. La douce lumière du crépuscule remplissait la salle, Levi attrapa un tabouret et se plaça au chevet du jeune homme, posant son coude sur le petit matelas. Sa tête se plaça nonchalamment contre sa paume, il observait l'endormi. La porte s'ouvrit d'un seul coup, Erwin était haletant, comme s'il venait de courir un marathon.
« Que se passe-t-il ? J'ai fait aussi vite que j'ai pu ! »
Derrière lui se tenait une petite femme aux cheveux coupés courts. Ses petits yeux pétillaient de malice. Elle était d'une beauté rare et pure, comme sortie d'un conte de fée. Ils s'approchèrent du corps de l'inconnu.
« Vous avez retrouvé l'émetteur ? fit le major. »
Levi pointa le jeune homme du bout du nez. Le grand blond paraissait complétement perdu. Le caporal souffla lentement du nez avant de se prononcer :
« Lorsque nous le cherchions, notre détecteur s'est affolé. Il indiquait que l'émetteur se trouvait parmi les décombres d'une vieille bâtisse. C'est là que nous l'avons découvert. On pense qu'il l'a avalé pour éviter que le gang ne le récupère, avant de s'être fait ensevelis par les rochers. On n'a pas encore eu le temps de le scanner pour en être sûrs.
- C'est étonnant qu'il ait réussi à rester en vie, murmura la jeune demoiselle, effacée derrière Erwin.
- Pas tant que ça, ma petite Petra ! carillonna Hanji. On pense qu'il a certaines aptitudes de régénération. J'ai essayé de supprimer le fait qu'il émette ses rayons, afin que le gang n'ait plus autant de facilité à le poursuivre. C'était impossible, vraiment. Alors j'ai fait en sorte de brouiller le maximum de ses ondes.
- C'est du bon travail… Merci à vous deux. »
Hanji acquiesça. Leurs regards se portèrent vers Levi. Ses prunelles étaient vissées sur le jeune homme. Une curiosité maladive le forçait à scruter l'endormi. Ses traits étaient fins, ses paupières étaient délicatement fermées. Le médecin avait dit vrai : la moitié brûlée s'était complétement soignée. Comment était-ce possible ? Seule une petite entaille demeurait sur son arcade sourcilière droite. Il effleura cette dernière en penchant légèrement sa tête, inconditionnellement curieux de savoir comment un tel phénomène pouvait se produire. Ce gosse était particulier, et son étrangeté poussait à la curiosité. Comment était-ce possible ? Comment un-
« Levi ? fit-elle en se raclant la gorge.
- Quoi ? cracha-t-il, agacé qu'on l'ait interrompu dans ses pensées. »
Un léger gémissement se fit entendre. Tous se retournèrent vers le jeune homme. Il ouvrit un œil, puis l'autre. Le deuxième était légèrement engourdi et se refermait toutes les secondes, probablement la partie qui avait été calcinée. Erwin se précipita près de lui, posant un genou à terre pour se mettre à sa hauteur.
« Petit, tu m'entends ? »
Ce dernier acquiesça d'un léger mouvement de tête. Il papillonnait des yeux, apparemment il n'était pas encore tout à fait prêt à engager une discussion. L'inconnu eut un sursaut de panique, il releva son buste d'un seul coup, se mettant ainsi en position assise. La couverture qui le protégeait glissa, laissant apparaître son buste. Il s'observa et palpa sa poitrine au niveau de son cœur. Un léger renflement était sensible sous ses doigts. Le jeune homme souffla de soulagement avant de se laisser retomber sur son matelas.
« Comment t'appelles-tu ? »
Mais le garçon ne répondit rien, trop méfiant pour répondre quoi que ce soit. Il avait déjà bien du mal à garder ses yeux ouverts.
« Tu sais, lui dit-elle amicale, tu n'as rien à craindre ici. Nous sommes des soldats du Bataillon Ailé, nous ne te voulons aucun mal.
- Je... hésita-t-il. Je m'appelle Eren. »
Levi n'avait pas esquissé le moindre de geste alors que le reste du groupe était complétement affolé. Eren laissa trainer ses yeux dans chaque recoin de la pièce, comme s'il scannait chaque particule environnante. Son visage figé et concentré paraissait imperturbable. Il s'arrêta une seconde de trop sur les iris de son sauveur. Un léger frisson lui parcouru le long de l'échine : quel regard intimidant. Eren ne l'appréciait déjà que très peu, il ne supportait pas qu'on puisse l'observer de la sorte, ainsi qu'il eut été une menace. Par réflexe, il aurait dû baisser les yeux, mais ils se scrutèrent ainsi pendant plusieurs secondes qui parurent être des heures. Eren voulait lui faire comprendre qu'il ne se laisserait pas faire facilement. Et que ce n'était pas parce qu'il leur avait avoué son prénom qu'il fallait qu'ils estiment qu'il leur accordait sa confiance. Mais toiser cet homme était comme regarder un vieil album de famille, comme s'il le connaissait depuis toujours. Eren ressentit un picotement lui parcourir les joues. Il fut ramené à la réalité alors qu'Erwin continua son interrogatoire :
« Il va falloir que tu nous fournisses des explications. Je vais te poser des questions et il faudra que tu me répondes le plus…
- Pas la peine de vous fatiguer, je ne vous dirai rien.
- Pardon ? s'étrangla Erwin.
- Écoute gamin, ragea Levi. On représente la justice, alors non seulement tu peux mais tu dois nous dire tout ce que tu sais pour que nous puissions en savoir plus sur ce foutu émetteur. Et si tu as des infos concernant le gang responsable de l'attentat, ça ne serait pas de refus. Ne commence pas à jouer les rebelles de mes deux et crache le morceau.
- On m'a appris à ne rien dire à mon sujet. Surtout pas à des inconnus. Comment est ce que je peux être sûr que vous êtes de la justice ? suspecta-t-il les yeux plissés.
- Comme c'est attendrissant... fit-il, ironique. Papa t'as appris à ne pas parler aux inconnus et à ne pas monter dans les voitures des vieux messieurs qui te proposaient des bonbons ? » Il s'approcha de lui, les yeux dans les yeux et souffla un rictus aux coins des lèvres : « Le truc c'est qu'on ne te demande pas ton avis, morveux. »
« Raaah, excuse le Eren, loua la scientifique, il n'est vraiment pas très doué pour parler avec les gens. Bon, commençons par le commencement : moi c'est Hanji. Nous faisons effectivement partie du Bataillon Ailé, parole d'honneur, jura-t-elle la main sur le coeur. Voici Erwin Smith, notre major, précisa-t-elle en montrant le blond. Il a dirigé la mission qui a permis de te sauver la vie. Le clan Hakai-teki, ou « H », qui a essayé de te tuer, est notre cible depuis des années maintenant. On a bien réussi à déceler qui était leur leader, tout du moins nous l'espérons, mais leur base reste introuvable. Et tous les otages n'ont rien voulu nous dire et sont restés silencieux aux interrogatoires auxquels on les a soumis avant de rendre l'âme. Ils ne nous posaient jamais plus que des problèmes mineurs, quelques agressions par-ci par-là, mais rien de très grave. Ce matin, ils ont détruit en l'espace de dix minutes une grande partie de Shiganshina ce qui a entrainé la mort de dizaine de milliers de citoyens. L'Escadron est arrivé trop tard.
- Excusez-moi de vous interrompre, mais je suis déjà au courant de tout ça. Je vous rappelle que je faisais partie des décombres. »
Hanji replaça ses lunettes sur son nez, passablement agacé qu'il l'ait coupé en plein élan. Erwin prit le relais quant aux explications :
« Je vais essayer d'être bref. Nous savons que le clan H cherche depuis longtemps l'émetteur qui apparement réside en toi. Nous n'avons jamais compris à quoi il pouvait servir mais nous supposons qu'il est extrêmement puissant. Il serait donc insensé de le laisser aux mains de ces individus. Il faut de toute urgence le mettre hors d'état de nuire.
- Peut-être que cet émetteur leur appartient, vous n'y avez jamais pensé à ça ? Pourquoi vous ne les laissez pas régler cette histoire par eux-mêmes ? »
L'équipe fut bouleversée par cette réponse. Ils ne s'y attendaient pas du tout. Leurs regards devinrent tous suspicieux. Ne devraient-ils pas tuer ce garçon avant qu'il ne leur échappe d'entre les mains ?
« Oh non, je connais bien ce regard, prévint Eren. Pour répondre à vos interrogations : non, je ne suis pas membre du clan H. Je veux dire, vous m'avez bien regardé ? Ces malades m'ont tabassé pour cet émetteur jusqu'à ce que je me retrouve à moitié mort sous les décombres. Vous pensez que l'attaque vous était destinée ? Ils essayaient juste de me tuer une bonne fois pour toute.
- Ça fait sens, rétorqua Hanji.
- Donc l'émetteur leur appartient bel et bien ?
- Appartenait, rectifia Eren. Il est à moi à présent.
- Comment se fait-il que l'émetteur soit en toi ? »
Eren ne savait pas où se mettre. Il préféra rester silencieux. Levi, qui jusque là avait su rester plutôt discret, se releva de son tabouret si rapidement qu'il le fit tomber par terre. Il claqua la porte en grognant des mots incompréhensibles. Eren était effrayé, en colère contre ces gens qui ne comprendraient jamais ce qu'il avait pu vivre pour en arriver jusqu'ici. Il replia ses genoux contre son torse, replaçant la couverture sur son corps. Hanji lui tapota le dos :
« Petit, je sais que c'est dur pour toi mais c'est très important que tu nous dises ce que tu sais.
- Et puis ne fais pas attention à Levi, murmura Petra d'une voix claire. Il a toujours été comme ça.
- Je le trouve plutôt casse-pieds depuis que le petit est… »
Les yeux de Petra semblaient foudroyer Hanji. Dans un mouvement de fermeture éclair, cette dernière se passa ses doigts sur sa bouche. Erwin s'avança :
« On va te garder en surveillance. Tu as subi un traumatisme, avec des blessures assez graves, il est hors de question qu'on te laisse gambader dans la rue. Le clan H pourrait déjà être à ta poursuite.
- Pourrait ? Ça fait un bail qu'ils sont tous à ma poursuite, rit-il jaune. Ils ne leur faudra pas beaucoup de temps pour remonter jusqu'à cet hôpital et me saigner comme un porc.
- Ne t'en fais pas, tu seras en sécurité ici, sourit Hanji. »
L'horloge murale faisait un bruit agaçant. Eren se releva. Il était seul dans sa chambre. Il s'approcha de la porte de sa chambre et l'ouvrit. Deux soldats armés jusqu'aux dents gardaient l'entrée. Ils se retournèrent à la hâte :
« Retourne te coucher, petit. Tu n'as rien à craindre, dit gentiment l'un des combattants. »
Eren referma la porte :
« Tu parles d'une prison. »
Il chercha, parmi les armoires, des vêtements autres que sa blouse d'hôpital à se mettre sur le dos. Rien du tout. Il grogna d'agacement, quand une idée germa dans sa tête. Il s'approcha de la porte et toqua :
« Excusez-moi, chuchota-t-il d'une voix douce, j'ai besoin de l'un de vous.
- Pourquoi faire ?
- Disons que, c'est assez gênant. Vous pourriez rentrer s'il-vous-plait ?… »
L'homme à droite de la porte acquiesça sobrement et entra, toujours armé et appliquant une certaine distance de sécurité entre lui et Eren. Il referma la porte sur lui même et demanda avec bienveillance :
« Alors qu'est-ce que tu… »
Caché dans un coin, Eren l'assomma d'un coup de livre sur la tête. Dans le doute, il lui envoya deux ou trois coups supplémentaires craignant qu'il ne se réveille. Il se crispa, déshabillant le pauvre soldat qui n'avait fait que son devoir pour revêtir ses vêtements. Eren récupéra les armes blanches et le revolver du garde. Il ne pouvait décemment pas se promener dans les rues avec un AK-47 sous le bras. Mieux valait préférer la discrétion. Ce que redoutais le plus Eren, c'était que l'autre garde ne vienne voir ce qui retenait son ami, alors il se hâta de terminer ce qu'il avait à faire.
L'adolescent se posa quelques secondes et se demanda s'il ne valait mieux pas assommer le compère de celui au sol afin de s'enfuir en toute sécurité. Seulement, il lui manquait de renseignements. L'hôpital devait sûrement appartenir à ces gens qui s'étaient prétendus sauveurs, et vu comment l'homme étendu sur le sol était constitué, il ne préférait pas s'imaginer combien d'autres comme lui pouvaient l'attendre en bas.
Non, il était préférable de sauter par la fenêtre. Avec un peu de chance, Eren pourrait se jeter dans le feuillage d'un arbre non loin, ou descendre prudemment le long d'une gouttière. Mais ce n'était pas le moment de jouer aux apprentis acrobates. Il fallait qu'il soit discret, rapide, efficace.
Il zieuta les recoins de sa petite chambre dans l'espoir de n'y trouver aucune caméra, mais il faisait trop sombre pour déceler quoique ce soit et Eren redoutait d'allumer la lumière. Il se rappela que le deuxième garde ne tarderait pas à venir jeter un coup d'œil s'il ne voyait pas son ami revenir. Il fallait se dépêcher.
Ce dernier ouvrit la fenêtre avec toute la douceur du monde. Le petit clic lui indiquant que la lucarne s'ouvrait résonna en un écho dans la pièce. Le coeur d'Eren se pétrifia. Il crut entendre des pas venant de l'extérieur de sa chambrée, mais c'était seulement son cerveau qui lui jouait des tours. Fausse interprétation ou réel bruit pouvant potentiellement causer sa perte, il n'en fallut pas plus pour que l'inconscient se décide à passer par la fenêtre.
Il balança ses jambes dans le vide, s'appuyant sur le rebord. C'était moins haut que ce à quoi il s'attendait.
Heureusement, sa chambre se trouvait au deuxième étage, il put donc sauter sans trop se faire mal. On voyait que ce dernier avait des aptitudes en combat. Il se réceptionna en roulade, ses muscles se raidissant sous l'impact, mais il tint bon. Il se débrouillait franchement bien pour quelqu'un qui était dans un état lamentable il y a peu.
Ne voulant échapper a personne puisqu'il s'enfuyait en douce, sa curiosité le poussa à toiser l'édifice qui l'accueillait. C'était un énorme bloc de béton, scindé par une large porte d'entrée en verre qui laissait passer les rayons blanc des néons à travers la clarté blême de la nuit. On aurait dit un hôpital tout ce qui a de plus normal, aucun matériel militaire aux abords. Eren se demanda même un instant s'il n'avait pas rêvé le danger qu'il fuyait mais il s'observa et se rappela ce garde armé jusqu'aux dents.
Il entendit des éclats de voix venant de la porte principale. Ni une, ni deux : il sprinta comme si sa vie en dépendait jusqu'aux rues voisines.
Il fallait absolument qu'Eren trouve un moyen de passer la nuit. Pour l'instant, il ne savait vraiment pas quoi faire. Il avait refusé de se laisser interroger par ces prétendus soldats. Il ne voulait pas se retrouver à avoir à vivre au crochet de la justice. Eren avait un passé très, atypique, dont il ne se souvenait pas très bien maintenant qu'il y réfléchissait un peu davantage. Il ne pouvait pas se confier à des inconnus, aussi courageux soient-ils... il ne pouvait pas se confier tout court.
Leurs intentions pouvaient sembler louables mais il n'était pas dupe.
L'adolescent tremblait de froid. La veste du militaire était restée à l'hôpital et trainait sur son dos un simple tee-shirt blanc et le pantalon du soldat. Les motifs camouflages le faisait se confondre parmi les arbres ce qui n'était pas plus mal, puisqu'Eren n'avait aucune envie de se démarquer du paysage. En fait il voulait paraître le plus « normal » possible, chose ardue pour le garçon le plus étrange du pays. Mais comment allait-il poursuivre sa nuit ? Que faire maintenant qu'il était de nouveau voué à vivre seul, à se protéger de tous ?
Il fouilla les poches du pantalon : trois billets de vingt. « Merci mon Dieu. » pensa-t-il. Il pourrait au moins avoir de quoi manger pour quelques jours.
Cela faisait plusieurs heures qu'il errait dans la rue. Il avait tellement marché qu'il ne sentait presque plus ses jambes. Il se laissa tomber sur le bord du trottoir, faisant choir ses jambes sur la route. Il n'avait même pas conscience de l'heure qu'il était ; à vue de nez, il devait être environ cinq heures. Les derniers instants de la nuit donnaient au ciel une teinte moins sombre et plus axée entre le bleu et le rouge. Eren n'avait plus de force, sa régénération l'avait épuisé mais sa marche nocturne l'avait achevé.
La tête vers les étoiles, Eren commençait à s'assoupir quand il entendit un son inhabituel. Un groupe de jeunes s'approchait de lui. Ils étaient sans aucun doute alcoolisés (ça se sentait d'ici). Son coeur s'emballa ; fallait-il se cacher et attendre qu'ils passent ou devait-il se cacher ? Il n'en avait pas la force, il ne serait pas assez rapide pour ne pas qu'ils le voient. Il posa sa main là où il avait rangé son couteau, prêt à en découdre. Le groupe s'avança. Ils marmonnaient des paroles incompréhensibles. Finalement, Eren se releva malgré sa fatigue ; c'est comme s'il flairait un danger :
« Hé mon gars, où est-ce que tu crois aller ? le railla l'un des hommes en le pointant du goulot de sa bouteille vide. » Eren préféra ne pas les provoquer d'autant plus. Il n'était pas dans son état normal, il n'était pas sûr de pouvoir tous les tuer, ou au moins les réduire au silence. L'homme reprit : « Hé, je te parle !
- Et moi je t'ignores, alors trace ta route ! explosa-t-il finalement.
- Qu'est-ce que tu viens de me dire ? »
Eren ne redoutait plus l'altercation, ses forces lui étaient revenues comme à chaque fois qu'il se trouvait dans une situation dangereuse. Il s'avança d'autant plus :
« Trace. Ta putain. De route. T'as compris ? Ou t'as besoin que je me répète ? le menaça-t-il.
- Tu veux te battre, c'est ça que tu veux ? On est quatre, lui lança-t-il, la langue déliée par l'alcool. Tu vas tellement morfler que plus personne ne reconnaitra ta face. »
Son discours achevé, il s'approcha d'Eren et essaya de lui décocher une droite. Une simple esquive et un coup de poing bien placé mirent le délinquant à terre, complètement sonné. Eren sortit un couteau d'une des poches de son pantalon et leur murmura, un sourire carnassier ornant le bas de son visage :
« Barrez-vous avec votre abruti de pote et je ne vous ferez rien. Mais si vous essayez de me toucher, je vais vous montrer à quel point je sais m'en servir. »
Le ronronnement d'une moto se fit entendre. Les regards paniqués des jeunes se tournèrent vers celle-ci. Eren avait une lueur de défi dans ses yeux, ils pétillaient sous les phares de l'engin. Les assaillants redoutaient que cette moto soit celle de la police ; pour Eren, ce n'était qu'un homme de plus qu'il allait devoir abattre. Le conducteur, tout de noir vêtu, enleva son casque et cria :
« Eren ! »
Ce dernier reconnu la voix de Levi, celui qui l'avait sorti des débris, celui qui l'avait sauvé. Il eut un hoquet de surprise. Le groupe s'enfuit comme si sa vie en dépendait croyant Levi venant les arrêter. Mais ce n'était pas l'objectif du caporal. Eren commença à prendre ses jambes à son cou à son tour ; ça ne pouvait pas être pire ! Il fuyait le Bataillon et voilà que ce haut gradé impulsif venait de le retrouver. Levi le rattrapa alors qu'il n'avait fait que quelques foulées :
« Oh non mon gars, tu n'iras nul part ! Accroche-toi et n'envisage même pas de sauter de cette moto. » Mais Eren se débattait, il n'allait pas se laisser faire aussi facilement. Il ne voulait avoir à rendre de compte à personne et surtout pas à cet homme. Levi commençait à perdre patience : « Ça suffit maintenant !
- Jamais ! cracha Eren, les yeux injectés de sang par la colère. Plutôt crever que de partir avec toi !
- Tu crèveras dans les locaux du Bataillon si tu veux mais certainement pas dans cette rue !
- Lâche-moi ou je me mets à hurler ! lui dit-il, hurlant déjà à moitié.
- Oh, tu peux bien gueuler, ricana-t-il, je suis responsable de ces rues. Personne n'a l'autorité pour te venir en aide. »
Eren dardait un regard tellement mauvais à son égard que Levi eut un mouvement de recul involontaire. Eren n'avait d'autre choix que de se soustraire à sa volonté. Il connaissait les gens comme Levi, il savait qu'il ne le laisserait jamais partir, aussi fort soit-il. Il réfléchit et se dit qu'il ferait mieux d'attendre qu'il dorme pour le tuer et s'enfuir. Levi lui tendit son casque et se retrouva tête nue. Eren fronça les sourcils : est-ce que son détracteur prenait garde à ce qu'il soit protégé ? Il pouffa d'un faux rire :
« Pour quoi faire ?
- Prends ce casque, dépêche-toi.
- Tu ne voudrais pas me ramener auprès de ton chef tout cabossé par ta conduite ? fit-il, mauvais.
- Je n'ai pas le temps de jouer avec des gamins dans ton genre. Soit tu le mets par toi-même, soit je te l'enfonce de force. »
Eren le fusilla une fois encore du regard. Il était trop faible pour battre ce Levi, il n'avait pas assez d'énergie pour le mettre à terre. Il mit le casque en se demandant si en l'enfilant il ne refermait pas les portes de sa geôle. Pourrait-il seulement s'enfuir ensuite ?
La moto filait à présent à toute allure alors qu'Eren énumérait dans sa tête les différentes façons dont il disposait pour mettre cet homme hors d'état de nuire. Il allait falloir le tuer, il ne pouvait pas faire autrement. Mais l'objet de ses pensées interrompirent ses interrogations :
« Est-ce que t'es complètement inconscient ?! Qu'est-ce que tu foutais dehors à une heure pareille ? Tu devrais être à l'hôpital ! Pas à gambader en te battant avec les premiers types que tu croises !
- Et toi, qu'est-ce que tu fous là ? lui répondit-il en criant au moins aussi fort. Qu'est-ce que ça peut bien vous foutre que je me casse ?
- Qu'est-ce que je... ? Oh putain, t'es vraiment pas croyable... Je te promets que si c'était pas pour Erwin je t'aurais déjà buté, rumina-t-il. »
Apparement, Levi n'était guère plus enchanté de côtoyer Eren. Ils étaient furieux, l'un comme l'autre. Mais ils ne pouvaient se soustraire à vivre les prochaines heures ensembles. Le coeur d'Eren battait à tout rompre dans sa poitrine. Son combat, ce rapt, ses convictions venaient agrémenter son rythme cardiaque déjà effréné.
Le reste du trajet se déroula de manière glaciale. Pas une parole de plus ne fut prononcée. Levi tentait de ne pas foncer dans un arbre et Eren rongeait ses joues jusqu'au sang pour ne pas sortir son couteau et le tuer sur le champ. Tomber de cette moto le tuerait sur-le-champ, il fallait qu'il soit patient.
Ils arrivèrent devant un magnifique édifice bordé par des dizaines d'arbres grimpant jusqu'aux derniers étages. Les oiseaux nocturnes hululaient pour les dernières fois avant que le jour ne se lève. La mine d'Eren se renfrogna à la vue de ce bâtiment :
« Je ne vais pas rentrer là-dedans, si ?
- Non, je t'ai amené ici pour qu'on étudie l'architecture de mon immeuble. T'en a d'autres des questions connes, comme ça ? »
Il le poussa contre la luxueuse porte sans vraiment lui demander son avis. Le hall était d'une propreté et d'un luxe qu'Eren n'avait jamais eu l'occasion de côtoyer. Il resta bouche close devant tant de miroirs, devant tant de beauté. Il grinçait des dents, presque.
Levi habitait au dernier étage. La présence de Levi le dérangeait au plus haut point. Lui qui avait passé ses derniers mois dans la crasse, dans la peur ; ce Levi menait la belle vie dans sa cage dorée. Il nota une raison de plus pour le tuer sans remords. Le regard vissé sur les boutons de l'ascenseur, Eren fulminait, la main automatiquement portée sur son couteau pour parer une éventuelle attaque de sa part. Levi remarqua son attitude à l'instant même où les portes se refermèrent. Il intercepta son couteau et son arme de poing à une vitesse telle qu'Eren n'eut même pas le temps d'esquisser le moindre geste :
« Là, c'est mieux. Je m'en voudrais que tu me colles un coup dans le ventre après tous les efforts que j'ai fait pour te récupérer. »
Eren n'eut même pas le temps de s'étonner de son désarmement brutal. Il lui était maintenant impossible de le tuer. Comme il s'en voulait de ne pas avoir frappé alors qu'il en avait l'occasion sur la moto ! Il ne fit pas un feste de riposte, il se contenta de le toiser de son air le plus mauvais possible. Lui montrer qu'il n'était pas à sa botte, qu'il ne se laisserait pas faire aussi facilement.
« Ne me regarde pas comme ça, ordonna-t-il. Tu finiras par me remercier de t'avoir empêché de me tuer sur un coup de tête.
- Je ne... je ne comptais pas-
- Mais bien sûr, le coupa-t-il en riant. Si tu crois que je n'ai pas vu ton petit regard de fou. Le truc Eren, c'est que tu ne pourras jamais me la mettre à l'envers. Tu auras beau essayer de toutes tes forces, tu n'y arriveras jamais.
- Qu'est-ce que t'en sais ? ricana-t-il.
- Suffisamment pour te prévenir avant que tu ne tentes la moindre bêtise. Je n'aimerais pas avoir à te casser le nez avant qu'on t'emmène aux locaux demain.
- Je trouve que tu me sous-estime beaucoup. C'est vrai, après tout, tu ne sais rien de moi.
- Oh, j'en sais assez crois-moi. Des gamins comme toi, j'en ai vu passer des dizaines. Le problème c'est que vous êtes un peu trop prévisibles dans votre impulsivité. » Il entendit Eren grincer des dents ce qui lui arracha un demi sourire. Ses provocations semblaient porter ses fruits : « D'ailleurs, je préfère te prévenir, je ne dors jamais véritablement. Ne tente rien de stupide non plus en espérant pouvoir m'étouffer dans mon sommeil parce que ça ne fonctionnera pas.
- Pourquoi est-ce que tu me dis tout ça ? Quel intérêt sauf me donner des indices pour te tuer plus facilement ? lui demanda-t-il avec une platitude déconcertante.
- Puisque je pars avec un avantage non négligeable, je préfère te mettre au courant. Ça s'appelle être fair-play. » Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Ils s'interrompirent naturellement, évitant de réveiller tout le voisinage. Un fois entrés, Eren resta le dos collé contre la porte. Levi reprit : « On peut savoir à quel moment est-ce que tu t'es dis que t'enfuir de l'hôpital était une bonne idée ?
- En quoi ça te regarde ?
- En quoi ça me regarde ? C'est la question que tu te poses ? Dis-moi Eren, t'es profondément con ou tu le fais exprès ? » Le ton de sa voix monta d'un cran, allant jusqu'à tendre Eren donc les ongles s'enfonçaient dans ses paumes : « Tu es recherché comme un bout de viande par le clan H, tu n'as nulle part où aller et tu as cru intelligent de fuir l'armée de la ville ?
- Je ne m'attends pas à recevoir de conseils de la part d'un mec vivant dans une baraque pareille, annonça-t-il calmement. Je fuis depuis longtemps, peut-être trop longtemps. Fuir c'est devenu comme une seconde nature. Alors, non ! s'écria-t-il soudainement. Je ne suis pas con ! Justement !
- Justement quoi ? Tu trouves que c'est une vie de faire tes magouilles dans ton coin ? De voler un émetteur aussi important, de fuir le monde ?
- Mais qui es-tu, toi, pour me donner des leçons de morales ? aboya-t-il. Tu ne sais rien de l'histoire de cet émetteur, et mis à part me traiter comme un gamin, t'as pas l'air de savoir faire grand chose !
- Mais parce que tu es un gamin, Eren ! La justice a besoin de toi pour détruire ces mecs et tout ce que tu trouves à faire c'est t'échapper… putain, les gosses comme toi ça me rends malade !
- Qu'est-ce que j'en ai à foutre de votre justice de merde ? Si je fuis c'est qu'il y a une raison non ?
- Eh bien il s'agirait de grandir ! Parce que tu vas vite te rendre compte que tu ne pourras pas passer toute ta vie comme tu le fais ! »
Levi avait l'air sur le point d'exploser. Il avait l'air de savoir parfaitement ce dont il était en train de parler. Comme s'il l'avait vécu. Eren le sentit dans sa voix, et c'est d'ailleurs ce qui le fit ne rien répondre, lui clouant tout à fait la bouche au point de se sentir mal à l'aise par la situation.
Levi s'approcha du comptoir de sa salle à manger et attrapa un paquet de cigarettes, les mains encore tremblantes de rage. Il en porta une à sa bouche avant de l'allumer sur le balcon. Eren resta contre la porte, les bras ballants, ne sachant plus que dire, ne sachant plus quoi faire. Il porta son regard sur le mobilier et l'appartement qui s'étendait sous ses yeux. Tout était impeccable, pas un grain de poussière, pas une tâche. Le noir et le blanc dominaient le salon. De splendides baies vitrées laissaient passer la lumière de la nuit et des étoiles. Eren observait du coin de l'œil la silhouette de Levi. Avait-il seulement connu ce qu'il vivait depuis tout ce temps ?
« Tu comptes camper dans mon salon ? Ramène-toi. »
Eren s'approcha doucement de la porte vitrée. La silhouette fuselée de Levi était adossée contre la rambarde.
« Écoute gamin, dit-il, un peu calmé, j'essaye vraiment d'être compréhensif. Pas pour toi, ça va de soi, mais pour le major, pour mon escouade. Ils comptent tous sur toi pour nous aider. On ne pourra pas avancer tant que tu ne coopéreras pas.
- Ce que vous ne comprenez pas, c'est que je ne vous serez d'aucune utilité. Je ne sais presque rien de cet émetteur. Tout ce que je sais pour l'instant, c'est qu'il m'attire un tas d'emmerdes.
- Ça, je veux bien te croire. Mais ce "presque rien" sera toujours plus que tout ce que nous avons pu apprendre après des années de recherche.
- Sauf que je ne pourrais jamais rien vous avouer. »
Levi lui souffla une bouffée de fumée au visage, exaspéré par son comportement. Eren toussa, espérant comprendre la motivation de ce geste tellement irrespectueux.
« Je ne sais même pas ce qui me pousse encore à essayer. T'es vraiment borné. »
Eren resta interdit. Un silence s'installa. Levi termina sa cigarette et en écrasa le bout contre le rebord de la rambarde. Il replaça ses cheveux à leur place. Le silence commençait à devenir gênant, Eren se permit alors de poser la seule question qui le taraudait depuis lors :
« Comment est-ce que tu as fais pour me retrouver aussi vite ?
- Il est marrant, lui... Eren, ici, c'est moi qui pose les questions. On t'a visiblement jamais appris le respect des ainés ou de la hiérarchie, non ?
- Pas vraiment. Tu vois, c'était plutôt moi qu'on respectait, qu'on écoutait fut un temps.
- Écoute morveux, je ne suis pas vraiment ce qu'on pourrait appeler quelqu'un de patient alors-
- Alors autant que je me tire d'ici, coupa-t-il. Comme je te l'ai dit, je ne serai d'aucune utilité. »
Le jeune homme se retourna. Il voulait paraître fort, dur, froid. En réalité, il était mort de peur. Qu'il reste ou qu'il parte, le danger l'attendait partout. Qu'il soit dehors ou avec ce Levi qui lui inspirait tout sauf de la confiance. Cependant, il était encore plus terrifié à l'idée de devoir tout révéler sur lui. Il continua à arborer cet air méprisant et hautain qui, pour être honnête, ne lui allait pas du tout. Levi lâcha :
« Tu dormiras sur le canapé.
- T'as pas l'air d'avoir compris, ricana-t-il. Je me casse, pigé ? »
Les pupilles de Levi se dilatèrent, il l'empoigna contre le mur, une main sur son col l'autre contre la paroi. Eren en eut le souffle coupé. Son cœur palpita de terreur, il tambourinait tellement fort qu'il avait l'impression que ce dernier allait s'extirper de sa poitrine.
« Bon , ça suffit maintenant, on ne joue plus. Je pense que j'ai été assez patient. Tu vas me faire le plaisir de fermer ta gueule, d'obéir bien sagement jusqu'à ce que je te remette à mon escadron demain. Les petits merdeux dans ton genre me donnent envie de gerber. Je pourrais aisément te fracasser le crâne contre le mur, mais tu sais quoi ? Je n'aurais même pas ce plaisir. Demain je te confie aux autres ; je ne reverrais plus ta sale tronche, tu ne reverras plus la mienne. Mais à présent, tu t'assoies sur ta fierté si tu ne veux pas que je finisse par te faire fermer ta gueule pour de bon. »
Eren avala difficilement sa salive. Levi l'avait plaqué si fort contre le mur que ses pensées s'embrouillaient. Vu l'état dans lequel il était, il serait incapable de lui envoyer le moindre coup. Il allait vraiment falloir qu'il patiente jusqu'à demain.
« Je vais vous attirer tellement d'ennuis, fit-il, acceptant son sort à contrecoeur.
- Ça, tu le réglera avec le major. Tout ce que je te demande pour l'instant, c'est de te tenir un minimum tranquille, de répondre à nos questions et de cesser tes petites crises de rébellion. Bon, je vais me pieuter. Tu m'as donné mal au crâne. »
Eren se sentait un peu fiévreux lui aussi. Sa tension chuta brusquement l'entrainant avec elle sur le canapé. Il se prit la tête entre les mains, mais qu'est qu'il allait bien pouvoir faire ? Tout était tellement compliqué. D'un côté le clan Hakai-teki le pourchassait comme un lion poursuivait une gazelle. De l'autre, le Bataillon le conservait sous son aile, offrant protection mais lui ôtant toute liberté. Ils voulaient absolument qu'il délivre des informations sur son passé. Chose qu'il s'était promis de garder secret jusqu'à la fin de ses jours. Tout était tellement flou, même lui avait du mal à démêler le vrai du faux.
« Attrape. »
Levi lui envoya une couverture et un oreiller en pleine figure. Eren eut le temps de rattraper le coussin in extremis mais la couverture le fit vaciller, ce qui lui valut un déséquilibre qui le fit tomber du divan. Il esquissa un rictus. Eren se redressa, remettant ses cheveux en place : Levi le toisait depuis l'embrasure de la porte. Il était torse nu, la carrure féline et sportive. Mince et musclé : un paradoxe à l'état pur. Ses réflexes devaient être remarquables. Surentrainé qu'il était, il allait vraiment être difficile de lui ôter la vie. Levi remarqua son regard appuyé :
« Tâche de dormir gamin, et n'oublie pas que je ne dors jamais. »
À vrai dire, l'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit. Il se contenta d'enfoncer sa tête au plus profond de son oreiller, celui-ci lui entourant le visage de toute part. Il enleva ses vêtements empruntés, mais conserva le tee-shirt ainsi que ses sous-vêtements.
Avant de s'endormir, le jeune homme se surprit à songer aux relations naissantes qu'il commençait à tisser et à la journée improbable qui venait de prendre fin. Il allait falloir rompre tout contact le plus rapidement possible, prévenir de la pire situation possible : s'attacher à ses ravisseurs. Il éprouva une once de culpabilité envers le soldat qu'il avait mis à terre. Cet Erwin compterait sûrement beaucoup sur lui, le décrivant comme étant quelqu'un qu'il n'était pas : un héros. Quelqu'un qui allait sauver la cité toute entière. Il devrait également remercier Hanji pour lui avoir sauver la vie… et Levi sans doute.
Oui, décidemment, Eren venait de passer la journée la plus démente de toute son existence. Exténué, il ferma ses paupières et en un instant il sombra dans un pur et profond sommeil.
Ouf, voilà la fin du premier chapitre ! Je suis plutôt curieuse de connaitre vos avis, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, je serai ravie de recevoir vos critiques (constructives). À la prochaine !