Hello Strangers !

Je suis de retour pour vous jouer un mauvais tour... euh... une nouvelle fiction. Elle a été imaginée et commencée par une autre auteur que vous connaissez bien du nom d'Onigiri's Face avant qu'elle me refile le bébé et que je reprenne le texte à ma sauce.
Le titre peut sembler étrange (c'est le cas de le dire), mais il y a une réelle réflexion derrière en vérité. Ce que l'on appelle la Life Line (aka. La ligne de vie ou la ligne de sécurité) est la corde utilisée par les marins quand survient une tempête ou une tornade. C'est également la corde qui sert à sauver quelqu'un qui perd son chemin et qui a besoin d'aide.

Sur cette étrange mise en bouche, je vous laisse lire ce texte.

Kiwi


Strange LifeLine

"I really believe there are things nobody would see if I didn't photograph them."
— Diane Arbus


- Toutes mes félicitations, mademoiselle Chase ! C'est une véritable réussite !

Victoria se contenta d'offrir un sourire à cette énième personne qui venait lui faire des éloges alors qu'elle reposait avec élégance sa coupe de champagne vide sur le plateau d'une serveuse. L'homme qui venait de lui adresser la parole était grand et malingre malgré un costume noir qui mettait son visage sciemment mal rasé en valeur. Elle le connaissait pour l'avoir rencontré à deux reprises le mois dernier. Tommy Danvers, journaliste au Times. Elle inclina légèrement la tête pour le remercier silencieusement et l'inviter à poursuivre la conversation. A cette vision, un grand sourire se dessina sur le visage de Tommy d'avoir droit à un moment en tête à tête avec la célèbre blonde. Elle n'accordait pas son temps à tout le monde. Il insista pour lui serrer la main afin de compléter ses félicitations. Quand leurs mains se rencontrèrent, Victoria en profita pour le remercier d'être venu et d'avoir écrit un article élogieux à son égard. Elle était passée maître en la matière de communication pour obtenir ce qu'elle désirait. Dans ce milieu, il fallait savoir garder de bons contacts avec la presse sans pour autant s'enticher d'amants collectionneurs. Et l'homme n'y vit que du feu. Charmé par son sourire de circonstances et ses manières gracieuses, il aurait été prêt à écrire un second article sur elle pour ne serait-ce que passer une minute supplémentaire en sa présence. Ce qu'il allait faire dès le lendemain pour couvrir l'évènement de ce soir.

Une fois leurs politesses échangées et son retour à la solitude, la star du moment tourna finalement son regard de jade sur l'immense galerie qui présentait ce soir ses plus belles œuvres. Vêtue d'une sublime robe noire échancrée dans son dos et qui descendait jusqu'à mi-cuisse signée Valentino, la blonde esquissa un sourire fier. Partout où son regard se posait, elle ne voyait que réussite. Le Chase Metropolitan, merveille d'architecture mélangeant pierres blanches anciennes et structure moderne, s'étendait devant ses yeux, brillant et lumineux. En cette soirée, la talentueuse photographe avait enfin atteint son objectif, son rêve depuis petite. Elle s'était émancipée de la réputation de sa famille pour se forger un nom dans le milieu de la photographie par ses propres moyens. Cette exposition n'était que la réflexion grandeur nature de son triomphe et de son dur labeur. Victoria réajusta avec précision une mèche de ses cheveux blonds. Aujourd'hui âgée de vingt-six ans, l'héritière Chase était à l'apothéose de sa carrière. Jeune, riche, admirée… Que demander de plus ? Tout ici lui appartenait. Et les convives n'avaient d'yeux que pour ses clichés, ou sa robe de soirée qui épousait ses formes à la perfection.

- Oh, tu me pousserais presque à te courtiser, fit une voix dans le dos de la photographe.
- Comment ça presque ? rétorqua Victoria d'un ton faussement outré en se retournant. Nate !

Un sourire radieux sur les lèvres, elle prit son meilleur ami dans ses bras. De tous ses anciens camarades de Blackwell, Nathan était le seul qu'elle côtoyait encore. Il était une constance dans sa vie, un des piliers fondateurs même. Elle imaginait difficilement son existence sans lui à ses côtés.

- Et toi, tu serais presque séduisant, railla la blonde en toisant son interlocuteur de la tête aux
pieds.

A le regarder d'aussi près, elle devait admettre que Nathan avait fait un effort particulier pour être à la hauteur ce soir. Il était des plus élégants dans son costume beige et ses chaussures marron bien cirées. Malgré son aspect « homme d'affaires », il réussissait comme toujours à conserver un soupçon bien dosé de voyou petite frappe des années 40. Ses cheveux ramenés en arrière sur une coupe courte autour de ses oreilles et de sa nuque lui donnaient un charme indéniable. Pas étonnant que les femmes faisaient la queue pour son joli minois et ses sourires narquois qui leur faisaient tourner la tête. Et si cela ne suffisait pas à faire de lui un homme convoité, Nathan avait accepté de se ranger, au bonheur de son père. Le futur dirigeant d'Arcadia Bay assumait parfaitement les fonctions dont il hériterait entièrement plus tard et prenait même les devants sur les actions à mener; bien qu'il lui arrivât encore de faire des siennes pour le plaisir de faire hurler son géniteur et lui rappeler qu'il n'était pas un larbin.

- À quand les fiançailles ? demanda un homme qui paraissait avoir un peu trop forcé sur le
champagne.

Cette remarque déplacée s'avéra pourtant sans surprise pour les deux jeunes gens. Comme à chaque fois que les anciens leaders du Vortex Club de Blackwell se réunissaient à une soirée, les ragots allaient bon train. Et les personnes aux alentours tendirent l'oreille afin de guetter la réponse à cette question récurrente. On voyait cette union comme un fait inévitable et, bizarrement, cela les amusait. Ils n'avaient jamais éclairci la situation à dessein depuis leurs années à l'académie. À croire qu'ils étaient encore deux adolescents qui aimaient faire la misère aux autres par pur plaisir de domination. Or, ce soir, sachant que certaines femmes convoitant Nathan se trouvaient dans l'assistance, Victoria décida de s'amuser un peu. Elle se colla contre le châtain en laissant sa main descendre le long de son torse. D'un air enjôleur assorti d'un sourire en coin, elle annonça :

- Ce ne sera pas pour tout de suite. J'aime laisser croire aux autres qu'il est encore disponible.

Quelques rires ainsi qu'un bon nombre de regards assassins accompagnèrent sa déclaration tendancieuse. Mission accomplie, se dit-elle. Il ne lui en fallait pas plus pour avoir la satisfaction de ne pas avoir perdu sa soirée. De son côté, le fils Prescott n'en prit aucunement ombrage, bien au contraire. Il appréciait paraître inaccessible aux yeux du monde, cela ne le rendait que plus désirable tout en lui évitant d'être trop importuné par la gente féminine assoiffée d'argent. De toute manière, il en faisait de même pour sa meilleure amie. L'un comme l'autre, ils aimaient jouer le jeu de leur pseudo-relation et les retombées leur convenaient parfaitement.

.

Plus tard dans la soirée, les deux riches héritiers s'éloignèrent discrètement de la foule.

- Eh bien ! Tu sembles avoir réussi ton coup, concéda Nathan en passant la main dans ses cheveux. À croire qu'ils ont de la merde dans les yeux pour rester subjugués devant tes œuvres.

- Écoutez-moi ça, rit la blonde, moqueuse avec son sourire arrogant. Ne serait-ce pas de la jalousie que j'entends ?

- Tu entends la voix de l'unique personne ici qui est dotée de la vue… et qui ne veut pas terminer dans ton lit !

Dans un rire partagé, Victoria donna un coup de coude dans les côtes de son camarade pour lui faire payer son affront. Ce dernier, très mauvais acteur, porta une main à sa blessure en gémissant :

- Aaaah je suis touché ! C'est la fin… L'avenir d'Arcadia Bay sombrera avec moi... Sois maudite, Victoria…

- Heureusement que tu n'as jamais fait de théâtre, soupira la blonde dans un roulement d'yeux entendu. On a évité le drame.

- Malheureusement, on n'a pas pu éviter ta naissance, par contre.

Victoria s'apprêtait à rebondir sur la réplique, bien trop habituée à ces joutes verbales avec lui,
mais un homme interpella Nathan au loin. Bien que grimaçant, celui-ci n'eut pas d'autre choix que d'aller à la rencontre de l'importun. Il lui offrit tout de même un signe comme quoi il n'en avait que pour une minute et revenait tout de suite. Il laissa ainsi son amie sur le balcon extérieur dans la fraîcheur de la nuit. Victoria leva les yeux en quête d'une autre forme de beauté, mais le ciel qui s'offrit à elle était peu étoilé, pollué par les lumières de la ville et les nuages qui s'amoncelaient lentement.

Dommage, songea-t-elle en abandonnant le voile céleste avec une pointe de déception. Elle fit alors mine de tremper ses lèvres dans la flûte de champagne qu'elle tenait à la main, offerte par Nathan. Cela lui donnait une bonne excuse pour éviter de croiser le regard des autres convives qui auraient pu prendre ce simple contact visuel comme une invitation à converser. À ce stade de la soirée, la vedette de l'exposition désirait simplement un peu de tranquillité. Cela lui faisait du bien de seulement admirer les retombées de son travail en étant en marge de cet univers brillant et clinquant. La foule se mouvait, discutait, dansait sans qu'elle n'y participe. On aurait dit un film immersif dans lequel elle aurait été projetée. Elle pouvait regarder, sentir, ressentir, mais pas participer. Soudainement, alors que les robes de soirées et les costumes sur mesure se succédaient dans une farandole de luxe, ses yeux émeraude se posèrent sur une femme quelques mètres plus loin. Cette dernière, de petite taille, lui tournait le dos. Sa minuscule queue de cheval recouvrait à peine sa nuque parsemée de tache de rousseur. Etrangement, ce qui arrêta l'œil de Victoria sur cette inconnue fut que celle-ci paraissait coupée du monde, dans une bulle hermétique loin de la superficialité requise à ce genre d'événements. Et malgré le brouhaha des conversations qui la submergeaient, l'étrangère continuait de fixer intensément une photographie au mur, comme si plus rien n'existait autour. Intriguée, l'héritière Chase se rapprocha de la marginale. Cette dernière jurait avec le reste de ses convives de par sa chemise à carreaux rouge débraillée sur un jean slim noir troué par endroits. Victoria remarqua également que le cliché qui hypnotisait la jeune femme était celui du phare d'Arcadia Bay durant une journée pluvieuse. Pas l'une de ses meilleures prises, la blonde devait l'admettre, mais elle avait ressenti une forme de tristesse, de mélancolie devant un tel paysage.

Elle s'approcha encore, ses talons claquant sur le parquet alors que son rythme cardiaque accélérait la cadence et que sa gorge se nouait. Sans pouvoir se l'expliquer, les mots manquèrent à Victoria lorsqu'elle s'arrêta aux côtés de l'inconnue. En temps normal, habituée aux mondanités depuis l'enfance, elle était capable d'engager la conversation en toutes circonstances. Et pourtant, en cet instant précis, elle se retrouvait muette auprès de cette étrangère. Ses lèvres s'entrouvrirent pour essayer de prononcer un son, mais elle se figea lorsqu'elle vit une larme couler sur la joue de cette femme dont elle ne découvrait que le profil. Tétanisée devant l'expression d'une telle émotion, la vedette de la soirée réitéra sa tentative et ouvrit la bouche pour déclarer quelque chose – n'importe quoi qui puisse briser ce silence –, elle fut, contre toute attente, devancée par l'invitée à la chevelure châtain :

- La tempête se prépare.

Perplexe, Victoria tourna à nouveau les yeux vers sa photographie. Elle réétudia ce qu'elle avait elle-même figé dans le temps grâce à son appareil. Un lourd ciel gris chargé en nuages épais entourait le phare, écrasant la mer à peine agitée. Une tempête ? L'arrivée de la pluie était peut-être envisageable, mais pas une tempête. La blonde reporta alors son attention sur l'inconnue dont le visage se révéla d'une triste innocence perdue. Pourtant il lui parut familier.

- Excusez-moi, déclara l'héritière Chase avec politesse. Ne nous serions-nous pas déjà
rencontrées quelque part ?

- Si. Dans plusieurs réalités alternatives même, répondit la jeune femme en offrant un vague regard à son interlocutrice.

Victoria fronça les sourcils, autant parce qu'elle ne comprenait pas les paroles de son opposante, que parce qu'elle cherchait dans sa mémoire à qui pouvaient appartenir ces traits si particuliers. Un petit nez droit, entouré de taches de rousseur qui semblaient plus nombreuses que dans ses souvenirs. Un faciès doux et délicat. Et un regard bleu d'une intensité qui disait tant et rien à la fois. Ce ne pouvait être que...

- Tu es...

- Vicky ! appela abruptement Nathan.

Sursautant presque à ce rappel au monde réel, la photographe se retourna pour voir son meilleur ami lui faire de grands signes de la main. Lorsque son regard revint vers l'inconnue, celle-ci n'était plus là. Victoria se figea. Elle eut beau regarder tout autour d'elle, elle se rendit compte que l'objet de sa curiosité s'était tout bonnement volatilisé.

- Quelque chose ne va pas ? interrogea Nathan, une fois qu'il eut rejoint sa camarade.

- C'est juste que...

Victoria balaya une dernière fois la foule du regard avant de soupirer avec déception et de
reprendre :

- Non, rien... Rien du tout.


A suivre... (maybe)

Si ça vous a plu, faites le moi savoir. Ce texte est un peu particulier et je serais ravie de lire vos critiques dessus.
A la prochaine !