La météo ne plaisantait pas, en disant qu'il ferait froid. Keiji attrapa son écharpe dans sa poche et l'enroula autour de sa nuque. Le nez dans la laine, les mains dans les poches de son manteau, il avait un peu moins froid.

Kuroo était étrange. Plus que d'habitude, en tout cas. Son attitude était changeante, parfois outrageusement. Akaashi n'arrivait plus vraiment à le cerner. Enfin, plus précisément, il lui arrivait parfois d'avoir l'impression de rater le coche, quand ils étaient ensembles.

Comme tout à l'heure, avant qu'il ne sorte. Qu'est-ce qui était arrivé pour qu'il change de ton et de posture toutes les deux phrases ? Autant Akaashi avait l'habitude avec Bokuto, mais ce n'était pas ce à quoi Kuroo l'avait habitué…

Le jeune homme enfouit son visage gelé un peu plus profondément dans son écharpe et s'arrêta au milieu du trottoir. Il marchait, très bien, mais où est-ce qu'il allait, au fait ?

Le froid étant trop insupportable pour qu'il reste planté dehors, il décida finalement d'aller se réfugier dans le bar, à quelques pas de leur appartement.

Un petit whisky, ça le réchaufferait. Peut-être que ça aiderait à décoller cette déprime qui s'accrochait, infatigable. Un peu d'alcool pour se remettre les idées en désordre. Ou juste pour se brûler un peu le palais. Il entra dans l'établissement, et alla se poser sur un tabouret haut. Il commanda un bourbon et s'accouda au bar, prenant sa tête entre ses mains. Comparé au froid du dehors, ici sa peau s'embrasait. L'odeur d'alcool, de bois et de tabac l'étourdissait et piquait son esprit ankylosé en même temps.

On déposa un petit verre à moitié plein de liquide ambré, encombré de deux énormes glaçons.

Akaashi sortit son porte feuille et paya sa consommation. La barmaid le remercia avec un sourire avant de s'éloigner. Il rangea son argent et s'accouda de nouveau au bar. Un coup dans le bras lui fit relever le regard.

« Excusez moi ! » S'exclama un homme, l'air concerné.

« Y a pas de quoi. » Répondit Akaashi, sans sourire pour autant, puis se concentra sur son alcool. Il sortit son téléphone et le déposa sur le comptoir.

« Un bourbon à dix sept heures ? » Demanda l'homme assis à côté de lui, qui lui avait donné un coup. Akaashi haussa les épaules.

« Ouais. C'est pas très net, hein ? » Fit-il en jetant un coup d'œil à l'inconnu.

« Je serais mal placé pour vous juger. » Rit celui-ci en payant le scotch que venait de lui apporter la barmaid. Keiji sourit, faiblement, et se tourna sur le côté pour faire face à son interlocuteur. Il tendit la main.

« Akaashi Keiji. »

L'autre sourit et prit sa main.

« Iwaizumi Hajime. »

Ils se serrèrent la main et se sourirent aimablement.

« Alors, » Commença Iwaizumi. « qu'est-ce qui vous a poussé dans ce bar si tôt dans la soirée? » Il prit une gorgée de sa boisson puis jeta un regard à Keiji.

« Eh bien… j'ai quelques problèmes personnels. » Répondit celui-ci en faisant tournoyer son whisky. Ce geste redondant du poignet avait quelque chose d'apaisant.

« Oh… Je suis désolé, je ne voulais pas être indiscret. » S'excusa Hajime, penchant la tête sur le côté en regardant son voisin.

« Pas de problème. J'ai juste… Des différents avec mon compagnon. »

Hajime fronça les sourcils puis reprit une gorgée de scotch. Il claqua le verre contre le comptoir, énervé malgré lui.

« Ah oui ? » Il jeta un coup d'œil au profil du jeune homme à côté de lui. Il était… Il était beau. Voir très beau. Son profil était fin, parfaitement dessiné. Ses yeux avaient une courbe impassible, mais qui en cet instant, avaient quelque chose de triste. Profondément, triste. Son cœur se serra. Pour une raison étrange, il voulait aider cet homme.

« Enfin, disons qu'il est… Irritable, en ce moment. Et souvent absent… » Akaashi rit, désabusé, avant de reprendre : « Je sais bien qu'il travaille, mais enfin... »

Il se tut pour prendre une gorgée de whisky, puis regarda Hajime et s'excusa, le visage toujours impassible :

« Navré, je doute que mes histoires vous intéressent. »

« Oh, si ça vous soulage de parler… Ça ne me dérange pas le moins du monde. »

Akaashi le scruta un instant, hésitant, puis trempa encore ses lèvres dans le whisky, sans prendre une gorgée. Il se décida à parler. De toute façon, au point où il en était.

« J'ai l'impression qu'il se détourne de moi. Alors que… En fait, j'ai l'impression qu'il s'ennuie… Il faut dire que je suis pas très spontané. »

Iwaizumi but à son tour. Il comprenait mieux, au final. C'était ce que devait chercher Kuroo chez Oikawa, la spontanéité. Mais plus il côtoyait cet homme, plus les deux amants lui semblaient être des connards finis.

« Quand il est absent… Enfin, je me sens mieux quand il est avec moi, évidemment. Et j'aimerais être plus impulsif, pour… Qu'on soit de nouveau comme avant. »

Iwaizumi se mordit la lèvre. Il l'aimait, indéniablement ce gars aimait son compagnon. Il voulait faire des efforts pour aider leur relation. Et Kuroo le trompait. Il le trompait, et osait le désigner comme « l'amour de sa vie » ? »

« Excusez moi, j'ai trop parlé. »

Non, on pouvait pas dire non, pensa Hajime. Après tout, avec Oikawa, il avait l'habitude.

« Non, non, excusez, c'est juste… J'aimerais pouvoir vous aider. »

Akaashi lui jeta un coup d'œil, leurs regards s'accrochèrent.

« Ce n'est pas si terrible, vous savez. » Fit-il, interdit.

Iwaizumi hocha la tête, puis sortit un ticket de caisse et un stylo de sa poche. Il nota son numéro de portable sur le papier et le tendit à Akaashi.

« Tenez, si vous avez besoin de parler, ou juste l'envie de prendre un verre. »

Keiji prit le ticket et fixa Hajime du regard quand il finit son scotch et se levait pour remettre son manteau. Ils se serrèrent la main, puis Iwaizumi quitta le bar, laissant un Keiji intrigué, seul face à son verre de whisky.


« Hey. » Fit platement Akaashi en entrant dans l'appartement. Kuroo arriva en courant de la cuisine et prit son compagnon dans les bras.

« J'suis désolé, Kei d'amour ! » S'exclama-t-il en déposant un baiser bruyant sur la tempe d'Akaashi. Celui-ci essuya sa tempe du revers de la main et esquissa un semblant de sourire. Il se dirigea vers le salon et se laissa lourdement tomber sur le canapé. La fatigue, le stress, la frustration, la honte, l'agacement et la rancœur. Ça faisait lourd pour ses petites épaules. Kuroo n'aidait pas franchement. Il passait surtout son temps à râler parce que Keiji refusait le moindre contact. Mais bon, le brun avait autre chose à penser, et un horrible sentiment de dépression qui lui collait comme une seconde peau. Alors fatalement, le temps n'était pas aux câlins, ni aux petites attentions.

« Je suis désolé de t'avoir poussé à bout tout à l'heure, ma princesse. »

Keiji jeta un regard blasé au chat. Princesse ? Sérieusement ? Et ce sourire en coin… Il poussa un soupir. Au moins, il retrouvait son chaton, c'était déjà ça. Un bras passa derrière sa nuque puis l'obligea à reposer la tête sur le torse de son propriétaire.

« C'est pas simple, pour toi en ce moment. J'vais faire des efforts. Arrêter de te charrier, même si ça va me démanger... »

Akaashi s'autorisa un sourire. Là, il se souvenait de pourquoi est-ce qu'il vivait avec cet énergumène.

« Mmh... » Marmonna-t-il en fermant les yeux. La dispute de tout à l'heure, bien que très peu violente, avait été éprouvante. Kuroo avait encore changé d'attitude, une vraie girouette.

« Où est-ce que tu es allé ? » Demanda le noiraud en caressant son cuir chevelu.

« Au bar… » Akaashi s'allongea de façon à pouvoir voir le visage de son bien aimé. « J'ai discuté avec un type là bas. C'est bizarre, j'avais l'impression qu'il me connaissait. »

Kuroo passa une main sur sa joue en souriant.

« Ah oui ? »

« Mmh. Je crois qu'il s'appelait Hajime Iwaizumi. Il m'a donné son numéro. »

Keiji ferma les yeux. Il avait trouvé cet homme, qu'il ne connaissait pourtant ni de nom, ni de vue, bienveillant, agréable… Ça avait sans doute été la plus étrange des rencontres connues à ce jour, mais bon… Qui ne tente rien n'a rien, disait on. Akaashi penserait à rappeler, éventuellement.

Kuroo, lui, avait tiqué au nom d'Hajime Iwaizumi. Mais qu'est-ce qui lui prenait d'un coup, à celui là… Il disait toujours ne pas vouloir se mêler à ça, que ça ne le concernait pas et qu'il ne cautionnait pas. Et il venait tranquillement taper la discute avec Akaashi, d'un coup, sans raison ? Tetsurou avait de sacrés doutes. Ou bien c'était un parfait hasard. Mais Iwaizumi connaissait l'apparence physique de Keiji. Il avait vu sa photo dans le porte-feuille de Kuroo, quand celui-ci l'avait oublié chez Oikawa.

Le chat se dégagea doucement de sous la tête de Keiji, déposant avec tendresse sa tête sur un coussin. Le jeune homme ouvrit les yeux et lui lança un regard interrogateur.

« J'ai un coup de fil à passer pour le boulot. Je reviens. »

Kuroo sourit, passa une main sur la joue de son compagnon et déposa un baiser sur son front.

Il alla s'enfermer dans la salle de bain et composa le numéro d'Oikawa sur son portable. Il ne l'avait pas enregistré, comme ça, aucun problème avec Akaashi. Par contre, l'apprendre par cœur… Déjà qu'il avait du mal avec le sien, de numéro.

« Coucou mon p'tit chat… T'as envie d'un coup par téléphone mon chou ? »

« Ferme ta gueule, Oikawa. »

« Ouhlà… J'aime quand t'es autoritaire comme ça… »

Ce gars était franchement épuisant. En temps normal, Kuroo aurait sûrement sourit et apprécié la voix sensuelle de son interlocuteur à travers l'appareil, mais là, l'heure était grave.

« Oikawa, faut qu'on discute avec ton pote. »

Un silence.

« Iwa-chan ? Pourquoi ? »

« Il semblerait qu'il ait fait la rencontre de Keiji. »

Nouveau silence.

« Oh... » Souffla Tôru.

« Faut qu'on ait une conversation. » Conclut le noiraud, avant de raccrocher sèchement.

Il passa une main sur son visage et respira un instant, profondément, les yeux fixés sur le carrelage.

Il se redressa avant de retourner dans le salon auprès d'Akaashi. Ok, calme. Tout allait bien se passer, Keiji ne ferait jamais le lien. Et surtout, Hajime ne dirait rien. Rien.


Bon. On ne fera aucune remarque sur cette absence de douze million d'années, hein...

Voilà hein, j'suis un boulet c'est pas nouveau T_T J'essaie pourtant en plus XD Bref la vie a fait que ça a été plus compliqué que prévu... Mais here we are !

Merci de me lire (alors que je suis pas une auteure de confiance x)) Bisouille :3