Bonjour ! :)

Je suis enfin en vacances, ce qui me donne le temps d'enfin publier cette fic qui date de février. Eh oui, une seconde comédie avec Severus et Sibylle. Que voulez-vous, je les aime bien ensemble, ces deux-là. :P

En tout, la fic compte 9 chapitres et ils seront postés, comme d'habitude, une fois par semaine. J'espère que cette petite histoire humoristique vous plaira.

(L'univers et les personnages appartiennent à JK Rowling ; l'inspiration provient du film "All of Me")

(Pour voir la bannière en entier de cette histoire, visitez Melfique sur DeviantArt)

Bonne lecture !


Chapitre 1 ― Le voyage astral

Severus Rogue se réveilla, un samedi matin, en maugréant. Comme d'habitude, en se levant du lit, ses pieds touchèrent un sol de pierre froid, il frissonna dans la pénombre humide de sa chambre privée de fenêtres, et grimaça en enfilant sa robe de chambre aux effluves de moisi. Sa petite vie grise et morne, engluée par la routine, sans passion, le rebutait. Il voulait bien continuer son rôle d'espion au sein de l'Ordre, se consacrer à la fois à l'enseignement et au Seigneur des Ténèbres, mais il ne pouvait s'empêcher de sombrer dans d'amères déprimes.

Il se sentait seul. S'il se passait plus d'action dans cette mission contre le Seigneur des Ténèbres, sans devoir mettre sa patience à l'épreuve chaque fois qu'il devait faire classe à une bande de cornichons, les semaines seraient déjà plus palpitantes. Hélas, il était prisonnier de cet ennui, de ces froids appartements aux cachots, de ses regrets et de son sort. Par conséquent, il se sentait seul jusqu'au tréfonds de son âme.

Mais naturellement, jamais il ne l'admettrait.

Après s'être douché rapidement, il s'habilla en se drapant de sa longue cape noire et sortit dans le couloir d'un pas ferme. Sur son chemin, il foudroya les élèves du regard, question d'entretenir sa réputation de professeur redoutable. Il pénétra dans la Grande Salle bondée, la traversa en semant dans son sillage des silences intimidés, puis s'installa, dans un raclement de chaise, à la table des professeurs, entre Albus Dumbledore et Minerva McGonagall. Celle-ci, tandis qu'elle se versait une tasse de thé, l'examina du coin de l'œil.

― Vous m'avez l'air d'avoir passé la nuit dans une essoreuse, mon jeune ami, dit-elle de sa voix sèche. Qu'est-ce qui se passe ? Encore levé du mauvais pied ?

Severus serra les mâchoires. Sans répondre, il attrapa le plat d'œufs brouillés et remplit son assiette. McGonagall continua de le scruter à travers ses lunettes rectangulaires.

― Dure semaine ? présuma-t-elle.

― C'est ça, parla-t-il froidement. Que Merlin soit loué, c'est le week-end. Passez-moi la cafetière, s'il vous plaît.

McGonagall jeta un coup d'œil à Dumbledore, qui pour sa part semblait perdu dans ses pensées, et attrapa la cafetière qu'elle posa devant Severus.

― Voilà, dit-elle. Mais si je peux me permettre, vous devriez essayer le thé. C'est plus apaisant. C'est également efficace contre l'insomnie. Moi, personnellement, je bois au minimum...

― Vous buvez au minimum cinq tasses de thé par jour, oui, je sais, coupa Severus, blasé. Vous m'en avez déjà fait part. Maintenant, excusez-moi, Minerva, mais je ne suis pas d'humeur à converser ce matin.

― Comme d'habitude, hum, répliqua McGonagall du tac au tac. Vous devriez sortir et briser un peu votre routine. Ainsi, vous seriez moins morose et je n'aurais pas à endurer tous les matins votre sale caractère.

Severus, qui était en train de se verser du café, reposa brusquement la cafetière en répandant des gouttes sur la table. Mais il ne put rien rétorquer. Dumbledore, en sortant de ses pensées dans un cillement, demanda :

― Qu'est-ce qui se passe ?

― Rien, marmonna Severus en dardant McGonagall d'un œil insulté. Tout va très bien.

― Parfaitement, enchaîna Minerva d'un ton naturel, indifférente à son collègue, tout va très bien. D'ailleurs, Sibylle Trelawney rayonne aujourd'hui. Je l'ai surprise dans le hall, alors qu'elle accueillait un certain Xenophilius Lovegood. Apparemment, elle s'apprête à expérimenter ― comment appelle-t-elle ça, déjà ? ― l'art subtil des voyages astraux.

Elle esquissa un sourire ironique, puis elle s'enquit :

― Avez-vous déjà entendu parler des voyages astraux, Albus ?

― Je réfléchissais justement à la question..., répondit Dumbledore en se replongeant dans ses songeries, caressant distraitement sa barbe. J'ai étudié divers sujets au courant de ma vie, mais les voyages astraux... Il me semble n'en avoir jamais entendu parler...

― Moi non plus, admit Severus qui écoutait en fronçant les sourcils. Je croyais que ça relevait d'un mythe... ?

― Évidemment que ça relève d'un mythe ! s'emporta McGonagall en roulant les yeux. Sibylle se nourrit tout le temps d'illusion ! On ne peut pas quitter le corps sous forme d'âme pour... pour aller voyager n'importe où et revenir ensuite dans ses chairs comme on revêt un manteau, c'est ridicule ! Si je n'avais pas pour principe de ne pas dire du mal de mes collègues...

― Sibylle est un peu étrange, je vous l'accorde, tempéra Dumbledore en baissant la voix pour ne pas être entendu des autres professeurs à l'écart. Mais je n'irai pas la renvoyer pour si peu si c'est ce que vous souhaitez.

― Je ne souhaite pas son renvoi, je souhaite simplement préserver ses élèves de ses folies. Déjà qu'elle prédit chaque année la mort de quelqu'un pour se rendre intéressante...

― Je vais lui parler, promit Dumbledore. Quant à vous, Minerva, vous devriez tempérer vos émotions à l'égard de Sibylle. Pourquoi tant de mépris ? Si vous preniez le temps de la connaître un peu, vous pourriez bien la trouver attachante.

McGonagall renifla d'un air incrédule, de même que Severus qui étouffa un rire dédaigneux dans sa tasse de café. Il était du même avis que sa collègue : Sibylle Trelawney avait toujours été et resterait une emmerdeuse de première classe.

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Après le petit-déjeuner, Severus s'apprêta à retourner dans ses sombres appartements miteux et à son ennui quotidien, quand Dumbledore l'arrêta dans le couloir.

― Severus, je peux vous demander un service ?

― Bien sûr, répondit aussitôt Severus. À quel sujet ?

Il espéra une nouvelle mission au sein de l'Ordre, qui lui serait fort plus intéressante à entreprendre qu'un week-end passé à corriger des travaux d'élèves stupides.

Hélas, c'était trop demandé à Merlin...

― Pourriez-vous vous rendre chez Sibylle afin de vous informer sur ce soi-disant voyage astral ? demanda Dumbledore. Je m'inquiète. On m'a déjà parlé de ce Xenophilius Lovegood et ce qu'on m'a appris sur sa personne n'est pas très rassurant. Il est souvent sujet à des délires, vous comprenez.

― Et qu'attendez-vous de moi, exactement ? interrogea Severus, rembruni.

― Assistez à la séance, suggéra Dumbledore. Assurez-vous que leur expérience n'est pas dangereuse. J'y serais bien allé moi-même, mais une affaire urgente m'appelle au quartier général. Je dois partir maintenant.

Severus écarquilla les yeux.

― Une affaire urgente ?

― Oui. Pouvez-vous vous rendre chez Sibylle ?

― Vous n'avez pas besoin de moi pour cette affaire urgente ?

― Non, pas pour l'instant.

― Ça concerne quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

― Je vous en parlerai plus tard, coupa Dumbledore. Pour le moment, veillez sur la sécurité de Sibylle.

« Rien à ficher de Sibylle », pensa Severus avec amertume.

― Pourquoi ne pas envoyer le professeur McGonagall ? proposa-t-il.

― Severus ! s'indigna Dumbledore.

― Quoi ? dit Severus en se composant un air innocent. Entre femmes, vous savez...

― J'ai confiance en vous ! Maintenant, allez-y, on se retrouve plus tard dans la matinée.

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Tout en grommelant des injures, Severus gravit des escaliers interminables en direction de la tour Nord. Qu'avait-il fait pour mériter d'aller voir cette folle au sommet de sa tour isolée ? Dumbledore avait intérêt à l'inclure dans cette affaire urgente à son retour, parce que, sinon, il faisait un malheur. Il y avait des limites à s'emmerder.

― Ah, ah ! s'écria soudain une voix tandis qu'il arrivait dans un couloir désert. Qui est ce maroufle qui ose déranger mon délassement ?

Severus aperçut alors un grand tableau représentant une vaste étendue d'herbe. Un petit chevalier trapu, vêtu d'une lourde armure, se relevait maladroitement au milieu du pré, dans un bruit de ferraille.

― Arrière, pendard ! menaça-t-il en dégainant son épée. Je vous avertis, j'ai le bras sans faiblesse !

Severus le toisa pendant que le chevalier brandissait son arme trop longue pour lui. Il perdit l'équilibre et tomba à la renverse.

― Remarquable, commenta Severus.

Indifférent aux singeries du petit chevalier, il poursuivit son chemin à gauche et arriva au pied d'un étroit escalier en colimaçon, qu'il monta d'un pas vif, sa cape voltigeant derrière lui. Lorsqu'il arriva au minuscule palier, essoufflé et un peu étourdi, il leva les yeux et observa la trappe circulaire au-dessus de sa tête. Une plaque de cuivre indiquait le nom de Sibylle Trelawney, le professeur de divination.

Severus regarda autour. Pour avoir toujours pris soin d'éviter de venir dans cette partie du château, il ignorait comment atteindre cette trappe.

Il se racla la gorge.

― Sibylle ? hésita-t-il. Il y a quelqu'un ?

Le silence lui répondit. Il se reprit alors d'une voix plus forte :

― Sibylle ! C'est Severus Rogue ! Laissez-moi entrer, j'ai à vous parler !

Encore le silence. Severus sentit le sang affluer à son visage.

Sibylle ! cria-t-il avec impatience. Ouvrez tout de suite sinon je fais sauter cette porte !

― Elle ne vous entend pas, dit alors une voix de femme hautaine.

Surpris, Severus se retourna. Le fantôme de la Dame Grise flottait à un mètre de lui. Grande et mince, de longs cheveux tombaient jusqu'à sa taille et sa cape ondulait à ses chevilles comme si elle baignait dans l'eau.

― Que voulez-vous dire ? demanda-t-il en retrouvant son calme. Elle n'est pas là ?

― Si, elle y est. Sa porte est simplement soumise à un sortilège d'impassibilité. C'est pour éviter toute distraction susceptible de troubler son Troisième œil.

Severus eut un imperceptible grognement d'agacement et sortit sa baguette magique. Il jeta un sort sur la trappe qui s'ouvrit à la volée.

― Bonjour, Sibylle ! lança-t-il d'une voix contenue. Je peux monter ?

― Mais qu'est-ce que c'est que ça ? s'écria la voix indignée de Sibylle Trelawney. Je suis occupée !

― J'ai à vous parler ! C'est Dumbledore qui m'envoie !

Il y eut une exclamation étouffée. Des chuchotements précipités s'ensuivirent, si bas que Severus ne parvint pas à en percevoir les mots. Un instant plus tard, une échelle argentée descendit à ses pieds.

― Merci ! dit brusquement Severus.

Il émergea dans une pièce circulaire, submergée de lueurs rouges et étouffante de chaleur. Une bouilloire de cuivre, accrochée dans la cheminée, répandait un fort parfum qui donnait la nausée. Toussotant, Severus s'avança entre les tables rondes, entourées de fauteuils en chintz et de poufs moelleux, et chercha Sibylle du regard. Il la trouva debout entre deux étagères encombrées de boules de cristal, sa silhouette mince enroulée dans de nombreux châles, scintillante de bijoux. Ses lunettes épaisses agrandissaient ses yeux de sorte à la faire ressembler à un insecte géant. La tête haute, elle s'avança d'un pas glissé.

― Que veut Dumbledore, professeur Severus Rogue ? demanda-t-elle d'une voix vaporeuse.

― C'est au sujet de cette expérience, informa-t-il. Dumbledore veut que...

― Je sais ce qu'il veut, interrompit-elle. Je viens de le lire dans le fond de ma tasse.

― Alors, pourquoi poser la question ? s'agaça-t-il.

― Par politesse. Possédez le Troisième œil ne signifie pas d'oublier les bonnes manières.

Severus ferma un instant les yeux pour se concentrer à garder son sang-froid.

― Qu'est-ce que vous vous apprêtez à faire, au juste ? demanda-t-il avec lenteur. Ni lui ni moi ne comprenons vos intentions.

― Un voyage à travers les astres, expliqua Sibylle dont les immenses yeux étincelèrent derrière les verres épais. Mon don de clairvoyance ne sera que plus performant. L'avenir du monde entier se révélera à moi !

― Grâce à mes connaissances approfondies sur le sujet, ajouta tout à coup une voix docte.

De la pénombre émergea un homme à l'apparence étrange. Vêtu d'une robe rose fuchsia, il arborait, sur des cheveux blancs semblables à de la barbe à papa, une coiffe des plus insolites. Deux cornets acoustiques dépassaient de chaque côté, dont la pointe s'enfonçait dans les oreilles. Sur sa tête, deux paires d'ailes bleutées scintillaient à la lueur de la cheminée et, à son front, il s'était collé un gros radis.

― Bonjour, dit-il en s'avançant entre les tables rondes, la main tendue. Je m'appelle Xenophilius Lovegood.

Il trébucha contre un pouf et atterrit face contre terre aux pieds de Severus.

― Enchanté, répondit froidement ce dernier.

Lovegood se releva péniblement en réajustant sa coiffe sur sa tête et retendit la main comme si rien ne s'était passé.

― Et vous, vous êtes Mr Rogue, le professeur de potions, n'est-ce pas ? Ma fille me parle de vous à l'occasion.

Severus lui serra la main à contrecœur, puis son regard se posa sur un gros grimoire qui reposait sur une table, parmi quelques tasses dépareillées. La couverture en cuivre était gribouillée de symboles indéchiffrables.

― C'est un livre de magie noire ? interrogea-t-il en s'approchant.

― Non ! s'exclama Lovegood en prenant des airs choqués. Ce livre traite des voyages astraux ! Mais l'auteur ne s'en rendait pas compte...

― Qu'est-ce que vous voulez dire ?

― Xenophilius est un génie, expliqua Sibylle dans un cliquetis de bracelets. Il a remis en ordre les informations de ce livre.

Severus se pencha au-dessus de l'ouvrage avec intérêt et ouvrit la vieille couverture râpée, barbouillée de graffitis.

― C'est un livre de magie noire, confirma-t-il en le feuilletant. On y parle d'âmes arrachées aux sorciers. Où avez-vous trouvé ça ?

― Ce n'est pas un livre de magie noire ! s'obstina Lovegood. Et l'âme n'est pas arrachée ! Elle est élevée ! Élevée au plus haut point, parmi les astres !

― Oui, parmi les astres ! répéta Sibylle en hochant la tête. J'ai toujours su que les voyages astraux étaient possibles et ce livre le prouve de façon irréfutable !

― L'incantation figure au dernier chapitre, continua Lovegood, animé de passion. J'ai tout préparé. Dans quelques minutes, Sibylle voyagera dans l'étendue de l'infini. N'est-ce pas fantastique ?

― Je pense surtout que vous vous apprêtez à commettre une grave erreur, dit Severus en se redressant, l'air sévère. Je ne sais pas où vous avez lu dans ce livre qu'il s'agissait de voyages astraux, mais...

― Il n'y a mention nulle part, l'auteur ignorait de quoi il parlait, dit Lovegood.

Severus plissa les yeux d'incompréhension.

― Je ne suis pas sûr de saisir ce que vous voulez dire...

― J'ai décrypté ce que l'auteur ne comprenait pas, reformula Lovegood qui louchait d'un œil. J'ai fait une grande découverte à travers ce livre. Vous savez, je suis assez brillant.

Et comme Severus ne changea pas d'expression, Lovegood soupira avec patience, puis afficha un air supérieur.

― Vous voyez ça ? reprit-il en pointant sa coiffe ridicule. Tout homme s'enrichit quand abonde l'esprit ! Ce diadème que vous voyez là, Mr Rogue, est ma plus belle création. Elle me permet d'élever mon esprit à un niveau supérieur. Et vous, mon pauvre monsieur, vous êtes clairement envahi de Joncheruines.

― Bon, ça suffit ! s'impatienta Severus. Je crois, au contraire, bien saisir la situation.

Il ramassa le grimoire qu'il cala sous son bras et se dirigea vers la trappe à grandes enjambées. Mais Sibylle s'élança et lui attrapa la cape pour l'arrêter.

― Je savais que vous viendriez perturber nos projets, Severus Rogue ! s'écria-t-elle d'une voix perçante. En revanche, je sais aussi que vous ne me priverez pas de mon voyage astral ! Vous allez me rendre ce livre !

― En aucune manière ! Ce type est cinglé ! Ce n'est pas les astres que vous visiterez, ce sont les ténèbres !

― Loin de là ! Xenophilius maîtrise parfaitement l'art des voyages astraux !

Severus fit volte-face et la surplomba de toute sa hauteur.

― Si vous procédez à cette expérience, Sibylle, reprit-il d'une voix doucereuse et basse, vous perdrez votre âme sans garantie de la retrouver. En d'autres mots, ce timbré vous tuera ! C'est ce que vous souhaitez ?

― Je ne mourrai pas ! répliqua Sibylle, le visage buté. C'est vous qui ne connaissez rien à rien !

― Exactement ! approuva Lovegood. Pourquoi ne pas vous mettre au front, comme moi, une Prune Dirigeable ? Vous serez alors plus enclin à accepter l'extraordinaire !

Severus tourna des yeux noirs vers Lovegood avec l'intention de lui faire ravaler ses conneries. Mais Sibylle profita de son inattention pour agripper le grimoire à deux mains et le lui arracher. Puis elle lui assena un coup de pied qui le fit reculer jusqu'à la trappe, au travers laquelle il bascula en poussant un cri de stupéfaction. Il atterrit durement sur le dos, au milieu du petit palier, tandis que l'échelle argentée remontait en vitesse.

― Et restez à l'écart de nos projets, minable inculte ! jeta Sibylle avant de refermer la trappe dans un claquement sonore.

Severus regarda longuement les étoiles danser devant son regard, à reprendre graduellement ses esprits. Comment avait-elle osé ? Sibylle Trelawney était folle. Ce n'était pas une révélation, il l'avait toujours su. Cependant, jamais il ne lui avait soupçonné une stupidité aussi conséquente.

Grimaçant, il se releva et se frotta la nuque. Du sang s'était écoulé dans ses cheveux. Furieux, il leva les yeux vers la trappe et hurla :

Idiote ! Vous auriez pu me casser le cou !

Il se sentait surtout insulté. Personne n'avait le droit de l'humilier de la sorte.

― Finalement, allez-y, tuez-vous, grommela-t-il en sortant sa baguette magique. Ça m'est égal. Poudlard n'en sera que mieux. Ce sera un bon débarras.

Il se lança un sort pour guérir sa blessure à la tête, nettoya le sang d'un second sortilège, puis s'engouffra dans l'étroit escalier en spiral, sa cape flottant derrière lui.

― Ah, ah ! s'écria le chevalier dans le tableau vert, tandis que Severus repassait devant. Vous revenez vous battre, marauds ?

― Fermez-la ! répliqua Severus sans s'arrêter.

Il parcourut les couloirs en direction du bureau de Dumbledore. Ce dernier était peut-être revenu du quartier général avec de nouvelles informations à lui transmettre. Severus avait hâte de s'occuper d'une affaire sérieuse, digne de lui. Quant à Sibylle, il avait fait tout son possible. Que Merlin ait son âme !

Il arriva devant la gargouille laide qui masquait l'entrée du bureau directorial. Elle fit un pas de côté lorsqu'il prononça le mot de passe et il emprunta l'escalier qui tournait lentement devant lui, comme un escalator. Il déboula si brusquement dans le bureau que Fumseck, le phénix sur son perchoir, lâcha un cri d'effroi.

― Dumbledore ? appela Severus en balayant la pièce circulaire du regard.

Les étranges instruments sur les tables bourdonnaient en émettant de petits nuages de fumée.

― Dumbledore, vous êtes là ?

― Non, répondit le portrait austère de Phineas Black, la barbe en pointe. Il est encore là-bas. Il sera de retour dans une heure, environ.

Severus soupira de dépit.

― Et vous ne savez pas ce qu'il fait là-bas ? demanda-t-il.

― Ce qui se passe là-bas reste là-bas.

Severus lui jeta un regard irrité, puis s'en retourna.

Une fois dans le couloir, le remords monta soudain en lui. Il n'éprouvait aucune sympathie à l'égard de Sibylle, mais sa possible mort finit par le rendre mal à l'aise. Non seulement elle allait mourir à cause de lui, mais Dumbledore avait eu confiance en lui. Et il ne pouvait pas trahir sa confiance.

Il s'élança alors à la course. Avec un peu de chance, Lovegood n'avait pas encore prononcé l'incantation. Quitte à basculer une seconde fois à travers la trappe, il devait l'arrêter.

― Ah, ah ! s'exclama le chevalier en revoyant Severus. Cette fois, vous ne me fuirez pas ! Je vais vous faire mordre la...

Mais Severus passa si vite devant lui que le chevalier tomba à la renverse.

Quatre par quatre, il escalada les marches étroites qui serpentaient en spirale jusqu'au palier et il s'arrêta, haletant, sous la trappe. D'un sort, il voulut l'ouvrir comme il l'avait fait plus tôt, mais cette fois, rien ne se produisit. Il réitéra son sortilège, mais toujours rien.

― Elle a protégé sa porte contre tout maléfice, expliqua alors une voix de femme hautaine.

Severus regarda la Dame Grise avec des yeux ronds.

― Comment ça ? s'écria-t-il.

― C'est pour éviter une seconde interruption.

― Mais c'est important que j'intervienne ! protesta Severus dont la panique grandissait en lui. Sibylle Trelawney est sur le point de mourir !

Un sourire froid étira les lèvres du fantôme. Severus sentit un frisson lui remonter dans l'échine. Il hurla de toutes ses forces :

Sibylle ! Ne faites pas ça ! C'est dangereux !

Mais c'était inutile. Elle ne l'entendait pas.

Découragé, Severus se frotta le visage d'une main, la baguette serrée dans l'autre. Il réfléchit à toute vitesse. Enfin, il se tourna vers la Dame Grise et lui montra la trappe du doigt.

― Courez l'arrêter, ordonna-t-il.

― Moi ? dit-elle en haussant un sourcil transparent.

― Oui, vous ! s'énerva-t-il. Vous pouvez voler et passer à travers le plafond ! Dépêchez-vous de l'avertir du danger qu'elle court avec cette expérience !

― Quelle expérience ?

Je n'ai pas le temps de vous expliquer ! Allez-y, arrêtez-la et c'est tout !

La Dame Grise le dévisagea en silence, puis se déplaça vers la trappe à travers laquelle elle disparut.

Severus patienta longuement sur le palier, à se ronger les sangs. La Dame Grise était son dernier espoir. Pourvu qu'elle parvienne à raisonner Sibylle.

Enfin, la trappe s'ouvrit doucement et l'échelle argentée descendit. Aussitôt, Severus se rua pour y grimper, quand il reçut une botte en plein sur le nez.

― Aaargh ! s'étrangla-t-il en retombant au pied de l'échelle.

Xenophilius Lovegood redescendait tranquillement avec le vieux grimoire sous le bras, sa coiffe un peu de travers sur ses cheveux blancs.

― Oh, pardon, s'excusa-t-il maladroitement. Je ne vous avais pas vu.

Severus le fusilla du regard par-dessus sa main qui frottait son nez et se rua à nouveau pour l'empoigner par le cou. Il le plaqua contre le mur.

― Vous l'avez fait ? demanda-t-il d'une voix tremblante de fureur.

― Si, répondit Lovegood avec un sourire victorieux en dépit du fait qu'il étouffait. Nous l'avons fait. En ce moment, Sibylle voltige parmi les astres.

― Espèce de crétin inconscient ! s'emporta Severus en resserrant sa prise sur sa gorge. Vous voulez dire que vous l'avez tuée ?

― Non..., râla-t-il, le teint virant au bleuâtre sous le radis collé à son front. Elle... elle... son corps dort paisiblement... son âme ne va pas tarder à revenir...

Dans un excès de rage, Severus le jeta au pied du mur.

― Je vais vous réduire en pâture ! hurla-t-il, hors de lui.

Il s'élança dans l'échelle et jaillit dans la pièce chauffée de parfums écœurants. Sibylle était effondrée dans un fauteuil près de la cheminée enflammée, les lunettes perchées de travers sur son nez. La Dame Grise ne se trouvait nulle part. De toute évidence, elle n'avait pas réussi à interrompre l'expérience. Il était trop tard.

― Sibylle..., articula-t-il d'une voix faible, en s'avançant. Sibylle, ne soyez pas morte, je vous en prie...

Il se pencha au-dessus d'elle et examina ses paupières fermées. Elle semblait dormir, sauf qu'aucun châle ne remuait sur sa poitrine. Elle ne respirait pas.

― Non...

Il lui attrapa un frêle poignet et chercha un pouls, sans succès. Il ne trouva pas non plus de pulsations au niveau de son cou. Son cœur avait cessé de battre.

Il s'écroula sur un pouf proche, le visage dans les mains. Il n'avait pas réussi à la sauver. Qu'allait dire Dumbledore ?


La suite, la semaine prochaine. Merci d'avoir lu ! :)