En bonus, un petit extrait du carnet à spirales de Luna, un des textes qui pourraient s'y trouver. C'est un peu sombre, mais ça correspond à tout ce ressent Luna.
Bonne lecture
16 décembre, salle d'attente du Dr. Dumbledore
Imaginez seulement. Imaginez-vous au milieu d'un désert gigantesque. Devant vous, une étendue de sable. Sans fin. Sans autre âme qui vive que vous. Fermez vos paupières. Sentez la chaleur assommante sur votre nuque. Laissez-la vous brûler un instant, puis marchez. Ou plutôt, errez. Sans but. Droit devant vous.
Avancez. Pendant des heures, des jours, des semaines ou des mois. Des années entières, peut-être. Cela n'a strictement aucune importance. Ne vous arrêtez surtout pas. Continuez. Vous ne ressentez ni faim, ni soif. Soyez sans inquiétude. En fait, vous n'êtes pas vraiment vous-même. Vous êtes dans un lieu où les besoins nécessaires à votre survie diffèrent des conventions.
A chacun de vos pas, vos pieds laissent de légères traces sur le sol instable. Vous trébuchez. Relevez-vous.
Imaginez toujours. Vous arrivez dans un endroit bien singulier. Une place qui paraît plus vaste, alors que depuis votre « départ », les dunes n'ont cessé d'être semblables. Vous apercevez une porte. Ne soyez pas étonné. Restez maître de vous-même.
Ce n'est qu'à ce moment que vous êtes autorisé à réfléchir. Analysez-vous. Essayez de mettre un doigt sur ce qui a évolué, ce qui a changé en vous. Cherchez. Cherchez bien. Vous allez trouver, je vous l'assure. Mais surtout, soyez objectif. Ne vous jugez pas. Pas encore. Vous aurez tout le temps de le faire plus tard.
Vous avez trouvé ? Bien. Oui. Vos pensées sont claires. Organisées. Fouillez dans votre mémoire, désormais. Car pendant que vous vagabondiez, vous avez vécu pas mal de choses. Elles se font faites discrètes, vous étiez occupé. Maintenant, elles reviennent au galop. Analysez-vous de nouveau. Prenez conscience. Oui. Vous vous êtes battu. Vous avez vécu des moments difficiles. Au sein même de ce désert, oui. Et arrêtez de me regarder comme si j'essayais de vous rendre complètement fou.
Je vois que vous êtes un peu perdu. Asseyez-vous donc, à même le sol. Pour tout vous avouer, seul votre esprit un peu dérangé se trouve au milieu de ces dunes. Votre corps est, je vous le promets, bien à sa place. Où vous voulez qu'il soit. C'est là que vos moments difficiles se sont déroulés. Mais le lieu où gît votre enveloppe corporelle à proprement parler n'est pas vraiment le plus important.
Concentrez-vous. Redressez-vous. Vous êtes toujours seul. Vous vous remémorez ce que vous avez bravé, pendant ces heures, ces jours, ces semaines, ces mois ou même ces années. Vous pouvez vous sentir fier. Vous êtes... plus Grand. Un autre, en restant le même. Une version 2.0. Plus perfectionné. Plus apte à vous défendre. Cette... marche, appelez ça comme vous voulez, vous a donné les forces nécessaires pour vous blinder. Vous êtes solide.
Focalisez-vous de nouveau sur cette porte. Elle est plantée là, à quelques dizaines de mètres de vous. Elle est aussi stupéfaite que vous de vous voir, croyez-moi. Vous pouvez vous demander ce qu'elle fait là. Mais pas trop longtemps. Parce que la réponse vous apparaîtra comme une évidence. Cette porte représente vos rêves. Vos buts. Vos désirs. Non, encore mieux : vos rêves réalisés. Vos buts atteints. Vos désirs exaucés. Elle symbolise une partie de vous. Peut-être votre futur, si vous êtes chanceux et pas trop pessimiste. Vous vous sentez curieux. Envieux. Je ne vous blâme pas. C'est... dans l'ordre des choses. Alors avancez, je vous en prie. Cependant, soyez prudent.
Car oui, votre avancée se fait plus pénible. La lutte pour chaque pas est plus rude. Vous peinez. Jetez donc un coup d'œil vers le sol...
Deux fins liens vermillons enserrent délicatement vos chevilles. Vous vous débattez un peu. Ils restent néanmoins résolument noués. Vous froncez les sourcils. Vous êtes... contrarié. Un agacement que vous sentez ramper sur votre peau et s'incruster dans votre épiderme.
Mais vous êtes solide, ne l'oubliez pas. Votre version 2.0 peut désormais se battre contre vos peurs. Oui, ces liens personnifient vos phobies. Vos craintes. Celles qui vous empêchent d'atteindre votre But. Celles contre qui vous vous êtes battu. Montrez donc leur de quoi vous êtes désormais capable, voulez-vous ?
Vous tirez d'un coup brusque. Les liens gémissent. Vous tirez de nouveau. Les filaments rouges s'effilent. Une nouvelle tentative. Ils cèdent. Vous contemplez les cadavres de vos angoisses. Vous vous délectez de les voir vaincues.
Alors vous reprenez votre marche. Vous ne remarquez pas le ciel qui se couvre sournoisement. Vous êtes délicieusement insouciant. Vous êtes même sûrement imbécile.
Une douleur violente se fait soudain sentir au creux de vos omoplates. Comme un coup de talon haineux, cherchant à vous anéantir. Car oui, on veut vous détruire.
Votre souffrance est telle que vous tombez à terre. Votre souffle s'est coupé sous le choc. Vous grimacez, plus incertain. Vous décidez de ne pas prêter attention à la sensation de froid qui se fait maintenant sentir sur vos chevilles. Déterminé, vous poser vos mains sur le sol et vous vous redressez avec aplomb.
Vous ne pouvez pourtant plus faire un pas et chutez de nouveau. Vous commencez à paniquer. Jetez un nouveau coup d'œil vers vos jambes...
Oui. Les liens rouges et fragiles ont laissé place à de véritables chaînes. Revoilà vos phobies. Vous pensiez les avoir écrasées ? Et bien non. Elles sont là. Plus intenses, elles aussi. Il semblerait que le coup dans votre dos ait été... un nouveau coup dur. Un nouveau... passage difficile. Comme tous ceux que vous avez déjà vécus. Totalement semblable ? Non, pas vraiment. Celui-là a été décuplé. Pour vous simplifier la tâche, je pourrais affirmer qu'il s'agit d'un événement portant atteinte à vos facultés d'adaptation d'une manière plus doucereuse que tous les précédents. Celui-là vous brise en mille morceaux. Il anéantit d'un claquement de doigts vos barrières protectrices, se grave dans votre ADN et y place vos pires horreurs, vos pires effrois de façon définitive.
Ces derniers se matérialisent ici par de lourdes chaînes d'iridium. Elles vous enserrent. Elles font en sorte que vous ne puissiez plus jamais avancer. Si vous tendiez l'oreille, vous pourriez même les entendre ricaner.
Vous arrivez au point final. Vous êtes enchaîné. Vous gisez lamentablement sur le sol. Votre visage est enfoui dans le sable. Vous pensez à cette porte. Elle n'est pas si loin. Vos rêves ne sont plus si loin. Votre bonheur n'est plus si loin. Vous n'y arriverez pourtant jamais. Vous vous êtes vaillamment battu, je le conçois. Mais vous ne serrez jamais à la hauteur.
Les serpents de métal emprisonnant vos jambes commencent alors doucement à vous tirer en arrière. Vous protestez faiblement, raclant de vos ongles le sol sablonneux. Vous priez pour qu'aucun de vos proches ne vous voit. Parce que vous êtes dans un état pathétique. Vous restez finalement inerte lorsque les membres inférieurs de votre corps s'enfoncent dans le sable. Vous êtes dompté par ces chaînes. Elles font de vous ce qu'elles veulent. Vos peurs font de vous ce qu'elles veulent.
Ouvrez les yeux. N'ayez pas peur. Prenez conscience, une dernière fois.
Le sable n'est plus de son habituelle couleur jaune grisâtre. Il est devenu curieusement transparent. Vous sentez son poids sur votre thorax, mais il vous est désormais impossible de le distinguer. Vous pouvez contempler le ciel. Bleu, avec de légères teintes sombres. Vous restez immobile. La pression de l'importante quantité de matière poudreuse sur votre thorax fait de chaque inspiration une véritable torture. Mais vous respirez quand même. Sans savoir comment. Vous êtes condamné à rester ici, enterré mais visible, emprisonné par vos angoisses.
Le combat que vous avez mené dans le désert vous revient à l'esprit. Il n'aura servi à rien. Vous avez bravé ce que vous pensiez être des horreurs pour rien. Vous avez cru en vous. Vous pensiez pouvoir les avoir, les tromper, les détruire.
Vous grimacez. L'iridium vous blesse. Vos pensées vous blessent.
Elles vous ont eu. Elles vous ont trompés. Elles vous ont détruit.
Vos phobies, vos peurs, vos craintes, vos horreurs. Appelez-les comme ça vous chante, j'en ai vraiment rien à carrer. Elles gagnent TOUJOURS. Elles vous détruiront. Si un jour vous croyez avoir triomphé, vous cracherez cent mètres plus loin les morceaux de votre âme abusée.
« Vous contemplez les cadavres de vos angoisses. Vous vous délectez de les voir vaincues. » Détrompez-vous, abrutis. C'est vous qui êtes vaincu.
Et voilà,
A la prochaine,
CSalander