walibizero, je ne me souviens pas si je t'ai envoyé un PM pour te remercier de ta review. Dans le doute, je le fais maintenant ! Merci beaucoup, et j'espère que voir un nouveau chapitre te fera plaisir, même des mois après !

Et Sayo-sis... joyeux anniversaire :3 Plein de bisous !

Daisy et ses compagnons s'écartèrent juste à temps sur le passage du monstre qui les chargeait, mais ça devait être un réflexe de combat de sa part, car il n'avait pas besoin d'utiliser sa force physique pour les atteindre. Ses pouvoirs étaient d'une force impressionnante, les quatre amis eurent l'occasion de s'en rendre compte lorsqu'une puissante tornade les frappa de plein fouet.

Un pouvoir de vent... il ne devait pas être sensible à ce type d'élément, alors Daisy se concentra plutôt pour envoyer dans sa direction des lames de glace effilées comme des rasoirs. Blaisephème les encaissa avec les solides plates qui le recouvraient, puis il lança une deuxième offensive magique. Daisy entendit Bram et Calipso pousser un grognement de frustration et courir en direction du monstre pour le frapper. La jeune Célestellienne leur emboîta le pas sans regarder ce que faisait Loris, mais elle eut l'occasion de sentir une espèce de magie de renfort envelopper ses pas d'une lueur verte. Un sort de protection ? Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage, car elle atteignit la créature et, à sa grande surprise, sa lame sembla à peine égratigner sa carapace. À côté d'elle, Bram et Calipso connurent le même résultat.

"Un sort de protection, marmonna la jeune voleuse en frictionnant son poignet endolori. Je ne pense pas qu'on l'endommagera de sitôt."

Les trois guerriers s'écartèrent quand sa queue à aiguillon frappa le sol décoré de runes et les déséquilibra au passage. Une nouvelle attaque de vent, et Daisy comprit qu'ils devraient se débarrasser de lui le plus vite possible.

"Attendez ! cria-t-elle quand ses deux amis firent mine de s'élancer à nouveau. Ne bougez pas ! Restez en défense !"

Une lueur perplexe traversa les yeux de Bram et de Calipso, mais ils obéirent, s'abritant l'un derrière son bouclier de cuir, l'autre derrière son bras replié.

Et maintenant, voyons donc cette technique de troubadour que j'ai apprise.

Respirant profondément, la jeune Gardienne se remémora rapidement les quelques pas d'encouragement qu'on lui avait enseignés et s'appliqua à sautiller sur place en levant les bras en accompagnement pour augmenter la tension de ses deux amis et leur attaque par la même occasion. Cette stratégie eut pour second mérite de les protéger tous deux des offensives de Blaisephème, qui se faisaient de plus en plus fortes. Le monstre tourna donc son attention vers Daisy et Loris, qui faisait preuve d'une robustesse surprenante pour sa vocation. La jeune Célestellienne l'avait laissé derrière eux pour s'assurer qu'il prenne le moins de coups possible, mais quand il commença à vaciller, affaibli, elle faillit lui crier de se mettre en défense lui aussi. Cependant, elle n'en eut pas besoin, car au redoutable sort électrique que Blaisephème lança, Bram bondit devant lui et para l'attaque avec son bouclier.

"Je crois que son sort de protection perd de son effet, remarqua le jeune prêtre en stabilisant le Célestellien qui s'était mis à vaciller.

-Bon, dans ce cas, je vais lui en mettre plein la carapace, grommela celui-ci en se redressant, et il fonça vers le monstre."

Calipso lui emboîta le pas et, cette fois, Blaisephème poussa un grondement de douleur sous leurs assauts.

"Encore un peu, je pense que c'est bientôt fini, leur cria la voleuse, même si elle commençait à faiblir elle aussi.

-J'espère ! rétorqua Bram en parant un puissant coup de queue avec son bouclier. Parce que ses attaques groupées ne vont pas rester soutenables très longtemps !

-Ne vous en faites pas pour ça, répliqua Loris en resserrant son étole, et foncez !

-Tu as déjà appris des sorts pour tous nous soigner en même temps ? s'enquit le jeune Célestellien en haussant un sourcil sceptique, mais il repartit en avant."

Mais, comme Loris l'avait promis, une lumière uniformément vert pâle et dorée nimba bientôt les quatre jeunes gens et les guérit tous en même temps. En jetant un coup d'oeil derrière son épaule, Daisy l'aperçut à genoux sur le sol, et elle comprit qu'il devait s'agir de Chœur des anges, le coup de grâce des prêtres.

Visiblement revigoré par ces soins, Bram poussa un cri de jubilation et se jeta sur Blaisephème, activant du même coup Critique systématique, son propre coup de grâce. Cette fois, le monstre poussa un cri de douleur et se cabra en arrière, avant de s'effondrer à genoux sur le sol. Les quatre jeunes gens attendirent quelques secondes, mais le monstre ne se releva pas. Il était vaincu.

Bientôt, une épaisse fumée noire et violacée se mit à jaillir du corps du monstre, et avec elle, elle emporta les pouvoirs de la fygg. Horrifié, Blaisephème se mit à hurler :

"Nooooon ! Mon pouvoir ! Mon tout nouveau pouvoir !"

En à peine quelques secondes, sa grande silhouette monstrueuse se tassa, diminua puis finit par disparaître pour laisser place au corps du Père Blaise étendu sur le sol.

"Mon père ! s'exclama Loris en se précipitant auprès de lui. Comment vous sentez-vous ?

-Argh..., marmonna le patriarche, sonné. Qu... Qu'est-ce que je fais ici ? Et pour... pourquoi n'es-tu pas à l'abbaye, mon enfant ?"

Il se releva avec l'aide du jeune prêtre et aperçut, en remettant sa coiffe sur sa tête, Daisy, Bram et Calipso qui le regardaient.

"Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?

-Nous étions à la recherche d'un fruit de lumière, expliqua la jeune Gardienne, étonnée qu'il ne se souvienne de rien. Et il était en votre possession, c'est pour ça que nous sommes venus jusqu'ici.

-Un fruit de lumière... ? murmura le Père Blaise. Mais bien sûr ! J'ai mangé un fruit de lumière et... je me souviens de très peu de choses après cela. Je ne me souviens que de la sensation terrifiante de... me désincarner...

-Le pire est passé, maintenant, mon père, le rassura Loris, inquiet pour sa santé. Daisy et ses compagnons vous ont aidé à reprendre forme humaine.

-Forme humaine ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

-Il se trouve que, sous l'influence du fruit sacré, vous vous étiez changé en monstre et avez entrepris d'entamer une nouvelle façon de mener votre troupeau : en utilisant la peur et la tyrannie, l'éclaira Daisy presque ingénument.

-Et c'est toi qui m'a sauvé de mon égarement ? Je comprends..., murmura le patriarche en se libérant doucement de la poigne de Loris."

L'espace d'une seconde, son visage afficha la honte la plus profonde, puis il se dirigea résolument vers la sortie de cette pièce si étrange et expliqua sans se retourner :

"Bon, il faut que je retourne à l'abbaye. Des âmes perdues y ont besoin de mon secours...

-Voilà quelqu'un qui reste pragmatique, remarqua Calipso en le regardant s'éloigner.

-Il aurait au moins pu avoir la décence de s'excuser, grommela Bram, et Daisy allait ajouter quelque chose quand un bel éclat brillant attira son attention."

Là, sur les dalles, une fygg luisait doucement. Avant même que la jeune Célestellienne ait le temps de réagir, Stella jaillit de son corps et rejoignit le fruit pour se pencher au-dessus.

"Regarde-moi ça ! s'exclama-t-elle. Nom d'une météorite, ce n'est qu'une fygg ! Mais ce pauvre vieil abbé a dit qu'il l'avait mangée...

-Je ne sais pas, murmura Daisy en se penchant pour ramasser la fygg, mais je ne peux que remercier le Tout-Puissant qu'il ne l'ait pas digérée."

Le fruit était vraiment d'un éclat à nul autre pareil. La Gardienne se sentit un peu émue en tenant dans cette main cette relique, sacrée entre toutes.

"Elle est encore plus belle que dans mon souvenir ! s'extasia Bram en la rejoignant. Je peux la toucher, tu crois ?

-Vous en faites une histoire pour un simple fruit, intervint Calipso, dont la tête rose jaillit à côté d'eux.

-Tu crois vraiment que c'est un simple fruit ? Regarde un peu comme elle brille, s'exclama Loris, émerveillé. Elles poussent vraiment à l'endroit d'où vous venez ?

-Guère plus qu'une fois dans une vie, éluda Daisy en faisant mine de la ranger dans son sac, avant de la tendre à son camarade célestellien qui la regardait avec des yeux suppliants. Rentrons à l'abbaye. Nous avons besoin de soigner un peu nos blessures, je crois."

Tandis que les quatre amis prenaient le chemin de la sortie, Stella se porta une nouvelle fois à la hauteur de Daisy et lança :

"Je suis ravie pour toi que tu aies enfin trouvé une fygg, mais... Je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter en voyant les dégâts qu'elles produisent sur les humains, même les plus doux.

-J'imagine que les mortels ne sont pas faits pour supporter leur pouvoir, répondit son amie au moment où le fracas des monstres dans les pièces inférieures couvrait sa voix aux autres. Mais je n'aurais jamais pensé qu'elles pourraient être sources de maléfices.

-J'imagine qu'on n'y peut rien."

Stella haussa les épaules et disparut de nouveau.

/

La chef du groupe ne se donna même pas la peine de les faire entrer à l'Abbaye, ou même de les faire sortir de la Tour, en marchant et les téléporta directement devant l'escalier du prieuré. Le soleil s'était à moitié couché et nimbait d'orangé le ciel, les plaines alentour et les pierres des bâtiments. Les apprentis et les religieux étaient en train de se diriger vers les salles communes pour le dîner.

"Ah, vous voilà ! s'exclama l'intendant de l'Abbaye en accourant vers eux. Le Père Blaise est enfin revenu parmi nous ! Si vous saviez l'angoisse que son absence m'a causée... Nous vous devons un fier service, voyageurs ! Venez donc partager votre repas à notre table ! Toi aussi, Loris. Tu l'as bien mérité.

-Comment a fait le Père pour revenir ici aussi vite ? murmura Bram à l'oreille de Daisy tandis qu'ils lui emboitaient le pas.

-Peut-être avait-il des ailes de chimère sur lui ? proposa sa camarade sur le même ton."

L'espace d'une seconde, elle avait même oublié qu'elle en voulait à Bram.

L'odeur qui se diffusait des cuisines jusqu'aux salles à manger donnait l'eau à la bouche. Elles étaient composées de trois espaces distincts, mais séparées par des arches davantage que par des portes, et il s'y alignait plusieurs grandes tables de réfectoire recouvertes de nappes et éclairées par des chandelles pour prévenir la pénombre imminente.

"Prenez place, les invita l'intendant en leur désignant la plus petite table, où se tenaient uniquement le Père Blaise, deux cardinaux et deux voyageuses sûrement importantes, et qui comportait cinq chaises vides."

Galant, l'intendant tira le siège de Daisy et de Calipso et alla s'assoir à sa place. Autour d'eux, les novices regardaient Loris qui avec curiosité, qui avec étonnement ou même avec envie, et chuchotaient entre eux.

"On dirait que tu as un soudain succès, plaisanta Bram en commençant instantanément à s'intéresser aux plats qui se trouvaient sur la table.

-Je ne suis pas certain que ce soit un bon succès, rétorqua le jeune prêtre en jetant un coup d'oeil à ses camarades en vert et rose."

Le Père Blaise prononça quelques paroles sur le Tout-Puissant, la gratitude pour le repas qui leur était donné alors que tant mourraient de faim, et une prière à l'attention de Butio, leur Gardien. Bram et Daisy échangèrent un regard. Butio n'était plus là pour veiller sur eux, mais ils étaient incapables de le savoir... Et, cette pensée en entrainant une autre, est-ce que, un jour, ce serait Lynn qui recevrait les remerciements de ses mortels à l'heure des repas ?

"Oh, Tout-Puissant, qu'est-ce que c'est bon ! s'exclama Bram en mordant dans un pilon de poulet plein d'huile et de graisse. Je n'ai jamais rien mangé de pareil !

-C'est vrai que c'est succulent, approuva la jeune voleuse en prenant une cuillère d'écrasé de pommes de terre. Les gens d'Église mangent-ils toujours aussi bien ?

-À travers le monde, je ne sais pas, répondit Loris en souriant, mais ici, la nourriture est clairement l'un des points forts.

-Et des points faibles, y'en a ? demanda Bram, la bouche pleine de viande.

-Bien sûr que non, voyons, rétorqua le jeune prêtre en roulant des yeux."

Daisy, avec curiosité, prit une cuillère de sa purée de citrouille et dut admettre que c'était exquis. Le repas se déroula tranquillement et dans l'ambiance festive que provoquait un tel festin, mais les quatre voyageurs demeurèrent pratiquement silencieux. La conversation, après tout, était bien trop mondaine pour qu'ils puissent y prendre part.

À la fin du dîner, cependant, alors que les novices et les religieux avaient quitté les lieux, le Père Blaise se tourna vers eux :

"Je te remercie, Daisy, et vous trois qui l'avez accompagnée, de m'avoir tiré de la situation délicate dans laquelle j'étais. Au nom du Tout-Puissant, je me demande encore ce qu'il pouvait y avoir dans ce fruit étrange ! Je ne cherchais que le moyen de mieux guider mon troupeau. Ce fruit possédait des propriétés extraordinaires, mais je n'ai pas pu contrôler son pouvoir. Il s'est emparé de moi.

-Je crois simplement, mon Père, le rassura Daisy, que ce fruit n'était tout simplement pas fait pour toucher les lèvres des mortels.

-Si tu ne m'avais pas arrêté, j'aurais peut-être détruit entièrement ce monde, acquiesça le Patriarche."

Daisy en doutait forcément, mais elle hocha la tête.

"Je te suis redevable et j'espère que mes pouvoirs pourront t'aider dans tes aventures, conclut son interlocuteur. En tant que père de l'Abbaye des Vocations, il est de mon devoir d'aider les gens à changer de vocation et à élargir leur horizon.

-En parlant d'élargir notre horizon, mon Père, l'interrompit Loris tout soudain, si vous le permettez, je...

-Oui, mon enfant ?

-Si Daisy et ses amis sont d'accord, j'aimerais les accompagner dans leurs aventures."

La jeune Célestellienne se tourna vers lui, étonnée.

Se joindre à nous ? Pourtant, nous nous connaissons depuis quelques heures à peine. Et je croyais que sa formation n'était pas finie. Aurait-il par hasard envie de changer d'air ?

"Il est rare que des novices veuillent quitter l'Abbaye si près de terminer leur formation, remarqua le Patriarche. Es-tu certain de ton choix, mon enfant ? Tu sais que tu devras reprendre ta dernière année depuis le début si tu décides de revenir.

-Je le sais, mon Père. Mais je pense aussi que ce voyage pourrait m'aider à grandir et à mieux comprendre les fidèles qui m'entourent."

Le Père Blaise hocha la tête, puis il se tourna vers la jeune Gardienne.

"Qu'en penses-tu, Daisy ? Acceptes-tu ce jeune prêtre parmi vous ?

-Bien sûr, mon Père, répondit-elle sans vraiment réfléchir. Je suis seulement étonnée... Notre aventure d'aujourd'hui t'a-t-elle à ce point marqué, Loris ?

-C'est ta quête, surtout, répondit son nouveau coéquipier en lui jetant un regard qui ne lui parut pas équivoque.

-Dans ce cas... tu es le bienvenu parmi nous. Bram, Cal ? Je ne pense pas que nous pourrons continuer encore longtemps sans soigneur dans notre équipe."

Elle avait complètement laissé tomber l'idée que les mortels devaient le moins possible participer à son voyage. Qu'ils soient deux ou dix à connaître son histoire, ça ne changerait pas grand chose, au fond. En fait, à cause de la pression et de la confusion dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de Bram, elle n'arrivait plus à se soucier de ce genre de chose.

"Ça me semble une très bonne idée, acquiesça Calipso avec sympathie. D'autant plus que tu sembles très expérimenté dans ton domaine, Loris.

-Bon, puisque c'est une décision unanime, marmonna Bram à cause du reste de tourte aux fruits qu'il avait encore dans la bouche."

Mais il échangea un regard avec Daisy qu'elle ne put pas entièrement décoder, à part qu'il avait dû lui aussi remarquer le coup d'oeil que Loris lui avait lancé.

"Dans ce cas, tu as mon autorisation, mon enfant, conclut le Père en se levant de son siège. J'ai toujours senti en toi une force un peu différente de celle de tes camarades. Si tu penses que là est ton destin, je ne t'empêcherai pas d'aller à sa rencontre. À présent, si vous voulez bien m'excuser, je vais me retirer. Des lits sont à la disposition des voyageurs derrière le bar de l'Abbaye. Que le Tout-Puissant vous apporte de beaux rêves."

Et il quitta la salle en compagnie de l'intendant et de ses invités. Comme le personnel du prieuré débarrassait la salle, les quatre aventuriers l'imitèrent pour ne pas les déranger et se retrouvèrent dans le couloir.

"Nous ne savons pas exactement combien de temps cette aventure durera, annonça Daisy à leur nouveau coéquipier. Es-tu vraiment sûr de toi ? Nous ne te connaissons pas, mais le Père a laissé entendre que tu avais bientôt terminé ta formation. Es-tu certain de vouloir abandonner tout cela ?

-Je pense que ce voyage me permettra de vraiment compléter cette formation, répéta Loris, et tu dégages quelque chose de particulier... qui me donne envie de t'aider dans ta quête.

-Bien, alors..."

La jeune Gardienne ne chercha pas à en savoir plus. Elle sentait confusément que le jeune prêtre, d'une façon qu'elle ne connaissait pas, l'avait peut-être percée à jour. Mais après tout... que pouvait-elle y faire ? En fait, pour l'heure, elle était surtout fatiguée.

Elle rejoignit la partie auberge de l'Abbaye pour obtenir une chambre, qui se situait à l'étage au-dessus de celle que Bram et Calipso occupaient, pendant que Loris leur souhait bonne nuit et regagnait le dortoir des novices. Ils avaient, tous les quatre, pas mal de nouvelles choses à assimiler, aussi ne tardèrent-ils pas à se coucher. Pourtant, Daisy ne parvint pas à trouver le sommeil.

"Tu es sûre de ton choix d'intégrer ce prêtre à ton petit groupe ? lui demanda Stella pendant qu'elle faisait machinalement les cent pas dans la pièce. Ce n'est pas n'importe qui. C'est un représentant du Tout-Puissant ! Il sentira peut-être qui tu es vraiment.

-C'est ce que je crois aussi..., répondit la Gardienne en se tournant vers elle. Ce serait pour ça qu'il a décidé de nous accompagner... Et ce "quelque chose de particulier" dont il a parlé...

-Qui sait ? En tout cas, il a l'air plus fin que ta copine la tire-laine. Il a tout de suite vu que la fygg avait quelque chose de spécial !

-Cal est loin d'être sotte comme tu le penses. D'ailleurs, il y a quelque chose qui me porte peine avec Bram et elle depuis que nous nous sommes retrouvés... On dirait qu'ils partagent quelque chose que...

-Ah ! Ils sont amoureux ! claironna la petite fée. Il va falloir t'y faire, ma vieille ! Tu ne peux pas toujours être l'objet de la vénération populaire !

-Je n'ai jamais prétendu le contraire, grommela son amie. Il me semble que je n'arrivai pas à dormir. Je vais faire un tour au bar en attendant le sommeil..."

Évidemment, les couloirs étaient déserts, mais la salle de restauration des voyageurs et le bar étaient encore largement éclairés. Il y avait un groupe de marins, deux jeunes femmes qui ne paraissaient pas avoir sommeil, et... une silhouette pâle et nimbée de lumière.

"Hmm... bonsoir ? lança Daisy à mi-voix en s'asseyant sur un tabouret près de l'esprit.

-Eh ! Bonjour, ma fille ! Tu es une troubadour, à ce que je vois ! J'en étais un aussi, dans le temps. Je m'appelle Tom Foolery. Ça te dit de suivre un vieux routier comme moi au sommet de la gloire ?"

Le fantôme paraissait jovial et enthousiaste, alors la jeune Gardienne se laissa gagner par son sourire. Et puis, elle était curieuse de savoir quelles autres aptitudes elle pouvait apprendre dans sa vocation de ménestrel.

"D'accord, ça me dirait bien, acquiesça-t-elle.

-Tu m'étonnes, Simone ! ... Euh... Mmm... J'ai pas vraiment de plan pour l'instant, mais... Oui, tiens...

-Oui ?

-Pourquoi tu ne places pas cinq fois un Accompagnement sur tes équipiers ? Après tout, c'est le rire et la joie de vivre qui font tourner le monde, pas vrai ? T'es partante ?

-Toujours, répondit la Célestellienne en souriant.

-Ouais ! Bien joué ! s'exclama Tom Foolery en essayant de lui taper dans la main, avant de se souvenir que ce n'était pas possible. Rigole comme une baleine et le monde est à toi ! C'est ma devise."

Puis, sans doute très satisfait, il disparut pour aller hanter les autres pièces de l'Abbaye. Daisy fit un tour sur son tabouret et jeta un coup d'oeil par l'une des fenêtres de la pièce. Elle ne savait pas quoi penser. Une espèce de boule de stress, nouée au creux de son estomac, l'empêchait de se détendre et d'apprécier pleinement les nouvelles aventures qui s'annonçaient. Pourtant, elle aurait dû être rassurée. La quête de la première fygg s'était bien passée, et elle savait désormais qu'un mortel pouvait consommer un fruit sacré sans le détruire pour autant. Elle était heureuse d'être revenue sur le Protectorat, mais...

"Daisy. Je crois que toi et moi, nous avons besoin de parler, déclara soudain la voix de Bram dans son dos."

Il posa solennellement ses mains sur ses épaules et la jeune Célestellienne, sa garde baissée par l'heure tardive, ne se déroba pas. Mais elle ne se tourna pas non plus et continua de regarder par la fenêtre, bougeant la tête par réflexe quand son ami lui lissa les cheveux en arrière.

"Je ne suis pas certaine d'avoir envie de parler, marmonna-t-elle. Tout a déjà été dit quand nous nous sommes quittés à Bacili.

-J'aurais dû me douter que tu ferais ta mauvaise tête, soupira le Célestellien d'un ton théâtral forcé pour la faire sourire.

-Ce n'est pas amusant, Bram. Ce que tu m'as dit...

-Était dur. D'accord, je l'admets. Mais je ne peux pas aller contre mes véritables sentiments, même si, eh bien... je crois qu'ils n'étaient pas aussi catégoriques que j'ai pu le croire au premier abord."

Intriguée, interpelée par cet espoir, la jeune Gardienne tourna la tête de côté.

"Vraiment ? Tu veux dire que tu... n'accordes pas si peu d'importance à notre peuple, finalement ?

-Tu entends ce que tu veux entendre, Daisy, rétorqua Bram en lui gratouillant la tête. Je... je t'avais dit que je sauverais notre peuple mille fois s'il en avait besoin mais que je ne pouvais pas abandonner cette fille qui revêtait désormais une telle importance pour moi. Cependant, force est de constater que j'ai culpabilisé quand tu es partie, en m'apercevant que je ne pourrai pas retourner à l'Observatoire et que je ne reverrai pas les nôtres avant très longtemps...

-Avant très longtemps ? Tu veux dire que tu n'as jamais envisagé... que c'était pour toujours ?

-Non... Je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est comme quand les éclairs de magie noire ont frappé l'Observatoire. Notre peuple va avoir un répit. Pour le moment. Façon de parler, ajouta-t-il quand sa compagne ouvrit la bouche pour protester.

-Je suis désolée, répliqua Daisy en fixant le morceau de ciel au-dessus des promontoires rocheux. Notre peuple est la chose la plus importante du monde pour moi. Je ne peux pas comprendre qu'on puisse préférer une mortelle qu'on connaît depuis si peu de temps.

-Je ne te demande pas de comprendre. Seulement de ne pas oublier que je reste un Célestellien, Daisy. J'aime notre peuple, je l'aime énormément. Mais... j'ai de l'amour pour Calipso aussi. Toi aussi, il y a des mortels que tu aimes. Ça, en revanche... tu peux le concevoir, non ?"

Cette fois, Daisy renversa la tête en arrière pour croiser son regard. Elle se sentait un peu stupide, maintenant que son ami exposait les choses ainsi, de ne pas avoir compris que son attachement pour Calipso, finalement, était assez similaire à celui qu'elle portait pour les mortels qu'elle avait rencontrés durant son voyage.

"D'accord... Oui, Bram, je crois que je comprends... C'est difficile à admettre, mais...

-Tant que tu n'es plus fâchée, Daisy, tu peux me désapprouver autant que tu veux, répondit le Célestellien, soulagé, en posant son menton sur son crâne. J'ai craint de ne plus jamais voir ce froncement de sourcils réprobateur qui te fait tant ressembler à Aquila."

La jeune Gardienne rit et posa sa main sur l'une de celles que son ami avait sur ses épaules.

"À propos de mon maître... Ange et Colombe m'ont dit qu'il était descendu sur le Protectorat pour me retrouver. Mais nous ne l'avons jamais croisé, et je trouve ça étrange. J'aurais pourtant cru que Chérubelle serait le premier endroit où il me chercherait.

-Et comment vont les autres ? Les autres novices et... nos camarades ?

-Pas très fort, Bram. Si tu avais vu l'état de notre maison... les murs sont détruits et la végétation est morte... Il n'y a pratiquement plus personne sur l'Observatoire et ceux qu'il reste sont trop abattus et terrifiés par les évènements pour faire quoi que ce soit.

-Et... et Héphy ?"

Daisy lui jeta un regard compatissant et répondit honnêtement :

"Je ne l'ai pas rencontré sur l'Observatoire, mais je pense qu'il a dû faire partie des Célestelliens qui sont descendus sur le Protectorat pour chercher les nôtres.

-D'accord. J'espère qu'il ne s'est pas perdu, ce tête-en-l'air.

-Tu es sûr que tu ne parles pas de toi, là ? répliqua la jeune Gardienne en pouffant de rire."

Elle ne vit pas si Bram souriait, mais il pressa une nouvelle fois ses épaules. La jeune Gardienne, en tout cas, sentit son corps se détendre. Allons, ce n'était pas la peine de se mettre martel en tête comme ça. Son voyage s'annonçait extrêmement long et ces aventures à venir n'étaient pas pour lui déplaire. Autant se relaxer, tout se passerait très bien.

"Alors, la relança Bram pour passer sur un sujet plus badin, que dirais-tu d'aller nous frotter à ces monstres qui doivent servir à prouver tes talents d'accompagnement au fantôme que tu as vu tout à l'heure ?

-Comment ? Mais, Bram, tu ne crois pas que ça pourrait attendre plus tard, non ?

-Pourquoi ça ? Je suis encore en pleine forme, et je sais que toi aussi ! Nous pourrons repartir plus tôt demain si tu boucles cette épreuve ce soir.

-Pas si nous dormons ensuite jusqu'à midi.

-De plus, un prêtre de l'abbaye m'a promis qu'il me permettrait de prétendre à la vocation de gladiateur si je tuais trois gluants d'une lame du dragon tout en étant sous tension élevée !

-Je te demande pardon ? Tu veux devenir gladiateur ?"

La jeune Gardienne se tourna vers lui, surprise.

"Tu as conscience que si tu fais ça, tu ne pourras plus pratiquer le combat à la lance ?"

Le jeune Célestellien haussa les épaules et sourit.

"Tout le monde n'est pas amoureux de sa discipline martiale, tu sais.

-Je ne suis pas amoureuse de l'escrime, protesta Daisy sans conviction. Mais ma foi, puisque tu y tiens... Allons-y. Je ne sais pas si j'arriverai à dormir, de toute façon."

En plus, la nuit printanière était vraiment délicieuse.

/

"Pourquoi serait-ce à moi de creuser tout seul ? râla Bram deux heures plus tard, tandis qu'il déblayait à la pelle une terre friable et meuble sous un buisson.

-Allons, Bram, ne veux-tu pas embrasser la vocation de gladiateur ? se moqua son amie, assise en tailleur derrière lui. Pour ça, il te faut développer davantage ta musculature !

-Peut-être, mais c'est un cadeau que Tom Foolery t'a fait à toi, que je suis en train de déterrer, grommela le jeune Célestellien en creusant plus profond. Ah, ça y est ! Je crois que j'ai quelque chose."

Là, sous la terre, il était tombé sur le bois d'un coffre en mauvais état. Il le remonta et, à la lueur d'une bougie, les deux Célestelliens découvrirent une robe, une chemise et un pantalon magnifiques à l'intérieur.

"Ohh ! s'émerveilla Daisy en soulevant le premier vêtement. Qu'elle est belle ! Je peux vraiment la garder ?

-Sans problème, ma grande ! répondit le fantôme du troubadour qui était apparu à côté d'eux. Que veux-tu que je fasse avec ça, de toute façon ? Porte-la et charme tout le monde avec ta dextérité hors du commun !

-Merci beaucoup, Tom. Mais je vais vous laisser le pantalon et la chemise. Je crois que nous ne sommes pas près de recruter un autre troubadour dans notre équipe.

-N'oublie pas de revenir me voir quand tu auras un peu plus d'expérience dans le domaine, conclut le fantôme en disparaissant de nouveau. Je te donnerai de super tuyaux pour la suite !

-Bon, maintenant que tout ça est réglé, j'ai hâte d'aller me coucher, grommela Bram en refermant le couvercle du coffre. Toutes ces histoires m'ont épuisé."

Il le recouvrit de terre et les deux Célestelliens regagnèrent l'auberge de l'Abbaye. Ils ne dirent pendant le trajet, mais une fois parvenus devant la chambre de sa camarade, Bram l'attrapa dans ses bras pour lui faire un énorme câlin.

"Je suis désolé de t'avoir fait de la peine, Daisy, murmura-t-il dans ses cheveux blonds. Ça me rend tellement heureux de te revoir.

-Heu... moi aussi, répondit la jeune Gardienne, un peu surprise mais lui rendant son étreinte avec joie. Et je suis désolée tu sais... de t'avoir à ce point tenu rancœur..."

Ce câlin fit beaucoup de bien aux deux Célestelliens. Et puis, avec un grand sourire, Bram regagna sa chambre à l'étage pour rejoindre Calipso, et Daisy entra dans la sienne avec sa nouvelle robe sous le bras.

Le lendemain, quand elle se réveilla, la luminosité de sa chambre lui indiqua que la matinée était déjà bien avancée. Requinquée par la discussion de la veille, sa nuit de sommeil et cette magnifique odeur de printemps, elle se dépêcha de s'habiller, passant par-dessus ses genouillères en fer la belle robe de danseuse que Tom Foolery lui avait donnée. L'habit était véritablement magnifique, composé d'un haut violet à bretelles rembourré d'un tissu jaune qui se retrouvait aussi dans les grandes manches bouffantes qui tombait jusqu'aux mains de la jeune Gardienne. La longue jupe, violette elle aussi, était bordée de noir et entourée d'une étoffe jaune, d'une autre orange autour de la taille et de colliers de perles multicolores absolument splendides. La jeune Célestellienne était enchantée.

Après avoir fermé la porte de sa chambre, son bouclier accroché à sa taille et son épée dans le dos, elle mit son sac sur son épaule et rejoignit la salle de restauration de l'abbaye. Là, le barman, au courant de ses exploits comme tous les autres, lui offrit un bol de céréales sucrées noyées de lait et un jus d'orange qu'il avait gardés pour elle. La jeune Célestellienne sourit, le remercia et mangea son petit-déjeuner debout, avant de rejoindre la grande salle principale de l'Abbaye.

"Ah, Daisy, tu es enfin réveillée ! s'exclamèrent Loris et Calipso en courant vers elle depuis les chambres. Viens voir ! Bram s'apprête à changer de vocation.

-Vraiment ? marmonna Daisy, la bouche encore pleine, en se laissant entrainer."

Sur le long tapis bleu bordé d'or qui traversait toute la longueur de l'Abbaye, Bram était agenouillé et attendait la bénédiction du Père Blaise.

"Tout-Puissant, donne à Bram, ton serviteur, la force de suivre un nouveau chemin dans la vie, psalmodiait justement le patriarche devant la grande statue de Gardien et le bassin d'eau bénite."

Sous les yeux émerveillés des spectateurs, un grand rayon de lumière inonda la pièce et enveloppa le jeune Gardien. Quand il se dissipa, il paraissait différent. Plus fort, plus confiant... presque plus large ! Un grand sourire aux lèvres, Bram se releva et fendit la foule pour rejoindre ses amis sous une dernière bénédiction du Père Blaise.

"Vous avez vu ça ! s'exclama-t-il. Je sens que je deviens plus fort même sans rien faire !

-Point trop quand même, rétorqua Calipso en riant, où tu ne seras plus capable de passer les portes !"

Daisy sourit, et Loris arborait un air un peu triste. Une fois les effusions terminées entre les deux jeunes gens, le groupe battit naturellement en retraite vers la sortie du sanctuaire. La foule était devenue impressionnante, et Daisy dut attendre qu'ils aient descendu toutes les marches menant à l'Abbaye pour demander :

"Et maintenant, où allons-nous ? C'est bien vers un village côtier que vouliez aller ?

-Oui, à la pointe sud de l'île, confirma Calipso. Un marin qui est arrivé hier nous a dit qu'il se trouvait à trois ou quatre jours de marche.

-C'est pour ça que nous avons fait des provisions conséquentes en piochant dans le garde-manger de l'Abbaye, ajouta Bram avec une satisfaction manifeste. C'est une faveur que l'intendant nous a faite pour lui avoir ramené le Père !

-Je me demande si c'est vraiment une bonne chose, soupira Loris en jetant un dernier coup d'oeil au prieuré. Il va bien falloir que je m'habitue à la nourriture de voyage...

-Tu en auras bien le temps ! rétorqua Bram en lui donnant une tape compatissante dans l'épaule. On risque de manger beaucoup de viande séchée, dans les mois à venir."

Daisy sourit pendant qu'ils s'éloignaient dans les grandes plaines verdoyantes de l'Île Neuvie. En plus des provisions du sac de Bram, Calipso transportait dans le sien deux sacs de couchage et une toile imperméable en cas de pluie. Leur voyage s'annonçait comme un long et passionnant périple.