Maybe there's a way out of the cage where you live
Maybe one of these days you can let the light in
Show me how big your brave is
Say what you wanna say
And let the words fall out
Honestly, I wanna see you be brave
Brave – Sara Bareilles

C'était ce samedi soir là, ce samedi soir là, que tout avait vraiment commencé, que Lily Evans avait fait un pas de travers, que James Potter l'avait encouragée à en faire un de plus, et qu'ils s'étaient mis à courir ensemble sur un sentier sinueux.

Elle n'était arrivée aux Trois Balais que vers vingt-deux heures. Ses yeux étaient rouges, et elle tenait un mouchoir dans sa main. Le bar avait beau être bondé, James l'avait aussitôt repérée. Elle tournait la tête à droite, à gauche, tendait le cou pour essayer, d'après le jeune homme, de trouver Mary ou Alice, mais ne semblait pas y parvenir.

Il y avait du désespoir dans ses yeux. De la rage, aussi. Elle se fraya un chemin parmi les fêtards déjà ivres qui avaient autrefois arpenté les couloirs du château à ses côtés, et elle s'arrêta au bar où elle trouva un verre qui ne lui appartenait pas, mais qu'elle vida d'une traite.

« Ouuuch... On dirait que je vais avoir de la compétition ce soir, commenta Sirius qui était arrivé juste à côté d'elle.
- Laisse moi tranquille, Sirius. »

Le maraudeur, pas offensé le moins du monde, servit un nouveau verre de whisky-pur-feu à Lily avant de remplir le sien. Il voulait continuer à discuter avec elle, mais Dorcas l'attrapa par le bras, un sourire jusqu'aux oreilles, et le fit monter sur une table à ses côtés. Elle pointa sa baguette sur le tourne-disque posé sur le comptoir et la musique devint assourdissante. Tout le monde sautait, hurlait, et ils dansaient tous les deux comme s'ils s'attendaient à mourir le lendemain. C'était possible, James le savait, et cette éventualité l'obligea à prendre les choses en main.

Il traversa avec difficulté la foule de convives qui acclamait Sirius en lui hurlant encore et encore « joyeux anniversaire » et s'accouda au bar à côté de Lily qui ne lui accorda pas un regard, engloutissant son troisième verre.

« Mauvaise journée ?
- Regarde moi, est-ce que tu peux croire ça ? S'exclama t-elle en se tournant vers lui. Je suis exactement le genre de fille que je ne croyais pas être, que je ne voulais pas être. Je pleure pour un garçon. »

Elle poussa un rire ironique et laissa retomber son verre sur le comptoir. La bouteille de whisky-pur-feu qu'elle avait ensorcelée se souleva pour la servir encore, mais James l'attrapa au vol et la posa devant lui, hors de la portée de Lily.

« Qu'est-ce qu'il a fait ?
- Rien ! Rien, il n'a rien fait ! C'est moi le problème. Je ne suis pas assez expansive, je ne suis pas assez affectueuse, je ne suis pas assez démonstrative, je fais tout de travers, je...
- Est-ce que c'est ce qu'il t'a dit ? La coupa t-il, curieux.
- Il ne l'a pas dit comme ça, mais je... De toutes façons, c'est juste une dispute de plus qu'il aura oublié demain... Merlin, je ne sais même pas pourquoi je te raconte ça, je suis désolée. C'est tellement humiliant. »

Elle enfouit sa tête dans ses mains et James resta immobile, à l'observer attentivement comme s'il s'attendait à ce qu'elle se mette à pleurer encore. A la place, elle essuya rapidement ses yeux encore humides, et les planta sur lui.

« Je veux être comme toi.
- Quoi ? L'interrogea t-il en riant à moitié.
- Je veux faire ce que je veux. Je veux avoir confiance en tout le monde. Je veux qu'on me remarque. Je veux être irresponsable. Je veux me trouver géniale !
- Je ne...
- Oh arrête, n'essaies pas de me faire croire que tu ne te trouves pas génial. »

Il haussa les épaules et se passa la main dans les cheveux, ce qui eut le mérite de la faire rire. Elle sembla se rendre compte que sans le moindre effort, il avait réussi à balayer la peine qu'elle ressentait juste avant qu'il n'arrive, et elle lui tapota l'épaule comme s'ils étaient amis depuis dix ans.

« Tu veux vraiment tout ça ? Lui demanda t-il.
- Je veux du changement, j'ai besoin de... Si seulement je pouvais être James Potter juste pour ce soir. Tu n'as pas inventé de sort qui nous permettrait d'échanger de corps, par hasard ?
- Si c'était le cas, tu serais nue devant un miroir, plaisanta t-il.
- Espèce de troll, répliqua t-elle avec un sourire à peine assumé.
- Hé, j'ai une idée. Viens. »

Il entama un pas vers la sortie et elle le suivit. Personne ne fit attention à eux, la plupart des invités acclamaient toujours Sirius et Dorcas qui mettaient le feu au bar, au propre comme au figuré. Ils s'amusaient à cracher de l'alcool sur le bout de leur baguette de laquelle émergeait une petite flamme qui se transformait en gigantesque brasier dès qu'elle rentrait en contact avec le whisky.

« Où est-ce qu'on va ?
- Tu veux être moi, non ?
- Mais, l'anniversaire de Sirius, il...
- Il en a déjà eu un cette semaine, et je suis prêt à parier qu'il ne remarquera même pas que nous avons filé. »

Elle ne protesta pas plus et s'arrêta lorsqu'ils émergèrent des Trois Balais. James lui attrapa le poignet, et sans qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, elle se sentit transplaner. Ils arrivèrent devant le manoir des Potter. Il était encore plus majestueux la nuit que le jour. Les éclairages lui donnaient une apparence noble qui cloua Lily devant le portail, bouche bée.

« C'est quoi, ça ?
- C'est là où j'ai grandi, expliqua t-il simplement en lui faisant signe de le suivre dans l'allée de gravillons.
- Je te déteste encore plus, affirma t-elle en trottinant derrière lui, les yeux toujours rivés sur la demeure. »

Il lâcha un rire, posa sa baguette sur la porte et elle s'ouvrit devant eux, les laissant pénétrer dans l'immense hall. James, pas le moins du monde impressionné par le monde dans lequel il avait toujours baigné, traversa la pièce à grandes enjambées avant de se rendre compte que Lily ne le suivait plus. Elle tournait sur elle même, la tête en l'air, à observer les moulures au plafond, la bouche grande ouverte.

« Viens, l'appela t-il. »

Elle baissa la tête vers lui et le suivit quand il disparut derrière une nouvelle porte. Ils traversèrent le salon, étonnement simple comparé au reste, arrivèrent dans la véranda, et les vitres disparurent au moment où James les traversait pour rejoindre le jardin. Il attendit que Lily soit à ses côtés pour agiter sa baguette, un sourire en coin sur son visage, sachant pertinemment qu'elle allait aimer la suite.

Le petit kiosque au fond du jardin s'éclaira d'un coup, et en même temps, une cinquantaine de minuscules lumières s'allumèrent au fond de la gigantesque piscine qui venait d'apparaître devant eux. Quatre jets d'eau colorés s'élevèrent chacun d'une extrémité du bassin pendant que des lucioles s'agitaient tout autour. Le spectacle était grandiose, et Lily était stupéfiée.

Elle ne réagit même pas lorsque James passa son pull par dessus sa tête, puis son t-shirt, retira son pantalon, et sauta dans l'eau sans même prendre la peine de tremper la main dedans pour évaluer la température. Quand sa tête en émergea, il constata que Lily avait bougé. Elle s'était rapprochée du bord et l'observait les yeux ronds comme des souafles.

« C'est magnifique, articula t-elle.
- C'est encore mieux vu d'ici, lui dit-il en nageant vers elle.
- Je ne crois pas que ça puisse. »

Pourtant, ça l'était. Il en était certain. Elle était debout à côté d'un des jets d'eau et la lumière se reflétait sur elle d'une manière époustouflante pendant qu'elle balayait le paysage des yeux comme si elle voulait le graver dans sa mémoire. Elle avait l'air de ne pas savoir ce qu'elle faisait là, mais James comptait bien lui en donner une idée.

« Saute.
- Je ne sais pas nager, souffla t-elle en plantant ses yeux dans les siens comme si un douloureux souvenir lui revenait en tête.
- Je sais, répondit-il en lui rendant son regard. »

Il écarta les bras mais elle secoua vigoureusement la tête et recula d'un pas, alors il s'approcha encore du bord jusqu'à s'y accouder, et il rejeta ses cheveux en arrière d'une manière qui la fit sourire.

« Tu voulais être moi, non ?
- Je n'ai pas dit que je voulais mourir, non plus.
- Je ne vais pas te laisser couler comme une pierre.
- Et comment je peux savoir si...
- Tu as dit que tu voulais avoir confiance en tout le monde. Pour une raison obscure, je pense que si tu arrives à me faire confiance à moi, on pourra dire que c'est mission accomplie, répliqua t-il.
- Mais on est en novembre, il fait froid et...
- L'eau est chaude. Tu n'as plus aucune excuse Evans. Saute.
- Je n'ai pas de maillot de bain.
- Moi non plus, on s'en fout, enlève juste ce que tu veux, mais sache que je n'émettrai aucune objection si tu décides de tout retirer, lui répondit-il avec un sourire malin.
- Très spirituel Potter, ironisa t-elle avant de soupirer lourdement. »

Elle hésita longuement, et il ne bougea pas d'un centimètre. Le menton posé sur ses deux mains agrippées au bord de la piscine, il l'encourageait du regard, et il afficha un sourire triomphal lorsqu'elle pesta et se débarrassa de ses chaussures, puis de sa veste, de son pull, et enfin de son jean.

« Irresponsable et géniale, souffla t-elle pour elle même en se rapprochant de l'eau, et inexorablement de James.
- Est-ce que c'est tout ce que tu comptes enlever ? La questionna t-il en s'écartant légèrement.
- Si je sors de cette piscine vivante, je te tue, répondit-elle simplement.
- Allez, saute, l'encouragea t-il en riant. »

Elle ne sauta pas. Elle s'assit, les pieds dans l'eau, et se laissa glisser doucement à l'intérieur de la piscine sans pour autant lâcher sa prise sur le bord. Elle observait le fond de l'eau avec à la fois une certaine forme de terreur dans les yeux, et aussi une pointe d'attirance. James ne l'avait jamais vue aussi désorientée.

« Viens, l'encouragea t-il après avoir nagé vers le centre de la piscine.
- Je ne peux pas.
- Si, tu peux. Allez Lily.
- Je te jure que je ne peux pas, insista t-elle.
- Irresponsable et géniale, lui rappela t-il. Je suis sûr que tu peux. »

Elle esquiva son regard, grimaça, prit une profonde inspiration, et osa lâcher le bord juste après s'en être aidée pour se propulser vers James. Il la vit flotter l'espace d'une ou deux seconde, et puis elle paniqua, perdit totalement le contrôle, et sombra la tête en avant vers le fond de la piscine. Il dut plonger pour la récupérer et elle s'accrocha tant à lui qu'il eut du mal à remonter à la surface.

« Je t'avais dit que je ne pouvais pas ! S'exclama t-elle en clignant des yeux.
- Je t'avais dit que je ne te laisserai pas couler.
- Tu m'as laissé couler.
- Je t'ai rattrapée ! Lui rappela t-il. »

Elle s'apprêta à répliquer quelque chose, mais elle ferma la bouche et il réalisa qu'il n'avait jamais été aussi proches, que c'était la première fois qu'elle le touchait comme ça, qu'elle se tenait à lui comme ça, et il ne voulait jamais que ça s'arrête. Elle devait s'en être rendue compte aussi parce qu'elle semblait un peu gênée et qu'elle desserra son étreinte autour de son cou pour poser ses mains sur ses épaules.

« Ne me lâche pas, lui dit-elle alors qu'il s'apprêtait à retirer sa main de sa taille, confus de l'avoir instinctivement mise là.
- Tu ne coulerais pas même si je le faisais. Tes ongles sont plantés dans ma peau, lui fit-il remarquer.
- Désolé, souffla t-elle en grimaçant. Je... J'ai juste un...
- Mauvais souvenir, je sais, compléta t-il, honteux. »

Rémus lui avait parlé de cette fois où il avait bousculé Lily dans le lac sans s'en apercevoir. Il n'arrivait pas s'en rappeler, mais il pouvait voir la peur dans ses yeux. S'il avait failli la noyer la dernière fois, il était tout ce qui pouvait la garder à la surface cette fois-ci, et il espérait qu'elle s'en rende compte.

« On va faire un tour ? »

Elle hocha la tête pour toute réponse, et elle le laissa la guider doucement aux quatre coins de la piscine. Peu à peu, elle se détendait et ses doigts se relâchaient, laissant apparaître des marques rouges vives là où elle avait planté ses ongles. James la vit se mordre la lèvre lorsqu'elle s'en rendit compte, et il eut envie de l'embrasser, mais il ne le fit pas.

Il se contenta de la ramener sagement jusqu'au bord auquel elle s'accrocha, et il retourna plonger un peu plus loin pour garder la tête froide, parce qu'elle voulait juste pouvoir lui faire confiance, elle ne voulait pas d'un adolescent en rut incapable de se contenir juste parce qu'une jeune fille en sous-vêtements avait posé ses mains sur lui, juste parce que ses yeux verts le fixaient comme s'il était tout ce qui la raccrochait à la vie.

« Pourquoi tu m'as amené ici ? Le questionna t-elle soudainement alors qu'il était à l'autre extrémité de la piscine.
- Tu as dit que tu voulais être moi, répondit-il en haussant les épaules.
- Tu as un appartement dans Londres. Pourquoi pas simplement là bas ? »

Il savait où elle voulait en venir. Il savait ce qu'elle voulait lui faire dire, ou au moins, il le soupçonnait. Il s'était évertué à essayer de la faire changer d'avis sur lui depuis que Rémus lui avait dit ce qu'il lui avait fait subir à Poudlard, et la piscine était juste une étape de plus, une marche sur laquelle ils devaient se tenir ensemble.

« Qu'est-ce que tu crois ? »

Elle détourna le regard, ouvrit la bouche, la referma, puis fronça les sourcils. Elle était toujours accrochée au bord, mais elle s'était retournée pour mieux pouvoir le regarder, et James se demandait si elle ne voulait pas simplement qu'il puisse lire sur son visage tout ce qu'elle n'osait pas dire à voix haute.

« On a fait des missions ensemble. Tu ne me faisais peut-être pas confiance, mais tu m'as laissé me battre à tes côtés. Je sais que je ne pourrais jamais rien effacer. Je sais que le passé sera toujours là, peu importe ce que je pourrais dire ou faire pour essayer de te le faire oublier. C'est là, c'est tout. J'ai beau détester ça, il faut que je fasse avec. »

Il s'interrompit, mais elle l'encouragea à continuer d'un seul coup d'oeil. Il hésita. Il ne savait pas vraiment où il mettait les pieds, mais il n'avait pas le choix. Elle méritait toutes les réponses qu'il pouvait lui fournir.

« Tu m'as pardonné, mais moi, je ne me pardonnerai pas, et ça... Je n'en sais rien. Je ne sais pas ce que j'imaginais. Je pensais que je pourrais t'apprendre à nager et que peut-être, ça rendrait mon attitude un peu plus excusable, mais je n'arrive pas... Je n'arrive pas à arrêter de m'en vouloir. »

Elle soutenait son regard avec une intensité étonnante. Il se sentait vulnérable comme il ne l'avait jamais été. Les rôles s'inversaient. Elle était en toute confiance, il perdait pied.

« Approches-toi, lui intima t-elle. »

Il s'exécuta sans réfléchir. Elle aurait pu lui demander de s'attacher un boulet autour de la cheville et de se laisser couler, il l'aurait fait. Elle ressemblait à un mirage. Ses cheveux roux étaient trempés et elle frissonnait, sa bouche était plus rouge que d'habitude, et de la buée s'élevait de l'eau tout autour d'elle.

« Il y a quelque chose d'insupportable, chez toi. Tout ce mystère, ces choses que tu ne dis pas et que je n'arrive pas à comprendre...
- Encore ça ? L'interrogea t-il, amusé. Il n'y a aucun mystère. Je t'assure.
- Si. Je n'ai aucune idée de ce que tu penses de moi. Je t'en ai toujours voulu parce que soit tu me faisais du mal, soit tu m'ignorais, mais maintenant tu ne fais plus ni l'un, ni l'autre, alors qu'est-ce que tu fais ? »

Il déglutit. Il n'avait pas l'habitude qu'on l'observe de cette façon, qu'on passe son visage au crible, et encore moins qu'on le prenne à un jeu qu'il n'aurait jamais dû jouer.

« Je ne suis plus aussi transparente qu'avant, si ? »

Son cœur battait trop vite. Il n'allait pas tenir la distance. Il n'y avait plus qu'un mètre entre eux, il pouvait voir chaque détail de son visage, chaque petits questionnements au fond de ses yeux verts, chaque tressaillement de sa bouche, et il savait que son côté mystérieux n'était déjà plus qu'un lointain souvenir parce qu'elle semblait lire en lui comme dans un livre ouvert.

« Qu'est-ce que tu vas faire si je te dis que tu ne l'es plus ?
- Ça n'a aucune importance, répondit-elle en secouant la tête. »

Ses jambes s'agitaient sous l'eau comme pour la maintenir à la surface, mais James savait que c'était ses bras qui faisaient tout le travail. De toutes façons, elle n'aurait pas coulé même si elle avait lâché le bord. Il aurait eu le réflexe de la retenir.

« Si, parce que ça te donnerait tout le pouvoir. C'est tentant, n'est-ce pas ? »

Elle ne répondit pas. Elle continuait à le regarder droit dans les yeux, et ce fut la seule réponse qu'il eue, celle à laquelle il s'attendait. Bien sûr que c'était tentant. Il avait fait d'elle ce qu'il voulait, à Poudlard, et voilà qu'il pouvait inverser les rôles, la rendre toute puissante et la laisser avoir toutes les cartes en main. Il suffisait simplement qu'il avoue qu'il ne pouvait rien contre elle parce qu'elle le rendait malade d'amour, et elle avait gagné. Elle méritait de gagner. Elle méritait vraiment de gagner.

« Je t'ai repérée dès que Fenwick t'a amenée dans le quartier général de l'Ordre. Je te voulais. Je ne veux jamais personne. Ca ne fonctionne pas comme ça, d'habitude.
- Tu me voulais ? Répéta t-elle avec un demi-sourire de conquérant. »

Il s'approcha et ses mains s'agrippèrent au bord de la piscine de chaque côté du visage de Lily. Lentement, il hocha la tête. Leurs regards se croisèrent plusieurs fois, mais aucun d'eux ne bougea.

« Tu n'as rien fait. Avant, tu aurais essayé quelque chose, mais tu n'as rien fait, lui fit-elle remarquer.
- Parce que ce n'était pas à moi de décider. »

Son visage s'était imperceptiblement rapproché de celui de Lily et son regard était presque devenu suppliant. Chaque nouveau mot qui sortait de sa bouche était une torture. Elle savait très bien ce qu'il voulait, et elle savait aussi très bien qu'il ne prendrait pas l'initiative lui même, mais elle s'obstinait à continuer de parler avec ce sourire malin.

« Tu m'as dit que j'étais jolie, une fois, lui rappela t-elle.
- C'était stupide. Tu vaux mieux que ça, répliqua t-il sans ciller. »

Elle détourna le regard et éclata de rire avant de planter de nouveau ses yeux verts dans les siens. Elle avait cette lueur de défi dans les yeux qui l'incitait à faire d'elle ce qu'il voulait, mais il s'y refusait. Il ne lui prendrait pas ce premier baiser. Il faudrait qu'elle fasse le premier pas.

« C'était minable, James, se moqua t-elle en affichant toutefois un sourire tendre.
- Je sais, mais c'était la vérité, avoua t-il avant de lâcher un léger rire.
- Tu as de la chance. La vérité marche sur moi. »

Il s'apprêtait à lui demander ce qu'elle voulait dire par là lorsqu'elle lâcha subitement le bord de la piscine pour passer les mains autour de son cou, puis dans ses cheveux noirs, et dans le même mouvement, elle l'embrassa.

Garder la tête froide alors qu'elle était en sous vêtements, contre lui, dans sa piscine n'étais pas chose aisée. Il aurait peut-être dû s'écarter, lui dire d'arrêter, la faire revenir à la raison, lui rappeler Fenwick et le reste, mais il ne pouvait pas, et il ne voulait pas. Il aimait se dire que si elle l'embrassait, c'était parce que quelque part au fond d'elle-même, elle l'avait voulu.

Il n'y avait pas de doute dans son regard quand elle rompit le baiser et que ses yeux accrochèrent les siens. Ses mains restaient nouées autour de sa nuque, et ses jambes avaient abandonné tout mouvement. Il était tout ce qui la maintenait à la surface de l'eau.

« Irresponsable et géniale, souffla t-elle de nouveau comme pour se convaincre. »

Ils ne restèrent pas très longtemps dans la piscine. La température était sacrément tombée et ils frissonnaient tous les deux, mais ni lui, ni elle ne voulaient donner une fin à cette surprenante soirée. Ils s'étaient séchés à l'aide d'un simple sort et avaient tous les deux remis leurs vêtements lorsque James guida Lily hors du manoir. Elle avait fait le premier pas de travers, et il s'apprêtait à faire le deuxième.

« Tu veux qu'on aille chez moi ?
- Pourquoi faire ? L'interrogea t-elle avec un sourire en coin qu'il arborait d'habitude.
- Rien, s'empressa t-il de répondre en esquivant son regard soupçonneux. Je... Tu as mentionné mon appartement un peu plus tôt, je pensais que... Je... »

Il sentait le rouge lui monter aux joues et les mots se bousculer dans sa gorge. Il s'était rarement senti aussi embarrassé, il avait rarement eu l'impression de devoir se justifier autant.

« Je te taquine, Potter, détends-toi, le rassura t-elle en lui tapotant l'épaule avec un sourire narquois. Allons-y, fais-moi voir où tu vis. »

Elle glissa sa main dans la sienne, et en un clin d'oeil, ils se retrouvèrent tous les deux sur le seuil de l'appartement du maraudeur. Il ouvrit la porte d'un coup de baguette et laissa Lily passer devant lui. Ce n'était pas aussi grandiose que le manoir, il s'était rendu compte qu'il préférait les petits espaces quand il avait commencé à habiter ici.

Tout était lui, dans cet appartement. Les couleurs de Gryffondor étaient partout, et il y avait beaucoup d'accessoires de Quidditch. Beaucoup de livres, aussi, et de magasines en tout genre. La pièce était parfaitement rangée, et Lily eut l'air étonnée lorsqu'elle passa son doigt sur le meuble de l'entrée et qu'elle n'y trouva aucune poussière.

« Ta chambre ? L'interrogea t-elle en se retournant d'un pas léger vers lui.
- Là bas, répondit-il simplement en faisant un signe de tête vers la porte au fond de la pièce principale. »

Elle hocha la tête doucement et recula en gardant ses yeux vissés aux siens. Il y avait quelque chose de bizarre, dans tous les échanges qu'ils avaient eu ce soir là. Tout avait semblé naturel, mais en même temps, forcé.

Ils auraient pu en rester là, oublier que le baiser dans la piscine était arrivé, qu'il les avait tous les deux réchauffés plus qu'ils ne l'auraient cru, mais aucun n'avait vraiment envie de s'en contenter. Pourtant, dès qu'ils ne se touchaient pas, ils devaient lutter pour éviter de s'encombrer des doutes qui les tiraillaient, et c'était là que rien ne semblait plus naturel.

James songea qu'il aurait peut-être dû en venir à la conclusion qu'il valait mieux s'arrêter là, la regarder reculer vers sa chambre sans la suivre parce que rien de bon ne pourrait découler de cela, mais le souvenir du baiser qu'ils avaient partagé ne lui laissait qu'un arrière goût amer d'inachevé. Il la voulait. Pas parce qu'elle était belle ou parce qu'elle avait décidé de le provoquer ce soir là, mais parce qu'elle avait fait surgir en lui des choses qu'il n'avait jamais ressenti.

Quand il la suivit dans sa chambre et qu'elle se débarrassa de ses vêtements en le fixant toujours droit dans les yeux, il réalisa que c'était sûrement ça. C'était la personne spéciale qu'il attendait depuis si longtemps. Elle était avec quelqu'un d'autre et tout ce qui se passait entre eux deux ce soir là était mal, mais en même temps, rien ne lui avait jamais semblé aussi justifié, aussi évident, aussi inévitable.

S'il avait réussi à se contenir toute la soirée, quand il la vit nue devant lui, toutes ses bonnes résolutions cédèrent. Il se rua sur elle et la fit basculer sur son lit. Son éclat de rire clair et chaud contre sa bouche lui grilla les neurones et ses mains plongèrent dans ses cheveux roux avant de descendre le long de ses côtes jusqu'à ses fesses.

Il n'y avait plus qu'eux, les doutes s'étaient évaporés. Comment était-ce possible ? Il ne savait pas. Il n'en avait aucune idée. Il s'en fichait. Il voulait juste goûter sa peau, l'entendre soupirer son nom contre son oreille, ressentir ses doigts sous son pull et éprouver la même envie qu'elle de tout foutre en l'air. Être irresponsable et génial.

Le tic-tac incessant des aiguilles de l'horloge lui fit ouvrir les yeux. Emmêlé dans les draps, il tâta la place vide à ses côtés en espérant y trouver Lily, mais ses mains se refermèrent simplement sur sa baguette, jetée là dans l'impulsion du moment.

« Lumos. »

Il la pointa en direction du mur opposé. Les aiguilles étaient bloquées sur trois heures. Il soupira et enfouit son visage dans son oreiller. L'odeur de Lily s'était déposée là et faisait ressurgir en lui une envie irrépressible d'amour. Il se retourna sur le dos, incapable de rester en place, et s'extirpa des draps, dans lesquels ses jambes s'étaient emmêlées, pour essayer de la retrouver.

Elle était assise sur le canapé du salon, la tête entre les mains, mais ce ne fut pas ce qui le frappa en premier. Elle s'était rhabillée. Il regretta brutalement sa nudité, les parties de son corps qu'il avait vénérées deux heures auparavant, et son sourire qui avait disparu.

Il avait une drôle d'impression, le sentiment d'être abandonné, de l'avoir perdue, et elle avait l'air de ressentir la même chose. Elle n'avait pourtant rien dit, elle n'avait même pas vu qu'il était venu la chercher. Il songea à aller se recoucher, mais il ne pouvait pas la laisser comme ça. Il ne pouvait pas garder cette image de deux orphelins, chacun à un bout d'une pièce, incapable de tendre la main l'un vers l'autre.

« Ca va ? »

La question était stupide. La réponse fut déchirante. Elle sursauta, bondit du canapé, et secoua la tête. Il y avait des éclairs dans ses yeux et de la pluie quelque part dans son cœur.

« Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? Lui demanda t-elle sur un ton froid.
- Quoi ? L'interrogea t-il en fronçant les sourcils, sincèrement perdu.
- J'avais bu, je... Elle s'interrompit et il comprit exactement où elle voulait en venir. »

Son accusation lui donna la nausée. Ce fut comme un violent coup de poing. Rien ne lui avait jamais fait plus mal. Sur le moment, il n'eut même pas le réflexe de se défendre car il ne s'était pas attendu à devoir faire face à sa colère, ni à de telles allégations. Il savait qu'il n'avait pas toujours été correct, mais jamais, jamais il n'aurait abusé de qui que ce soit. Le simple fait qu'elle puisse imaginer qu'il aurait été capable de lui faire une telle chose lui tira les larmes aux yeux.

Il ne pleura pas. Il resta figé comme une statue, à se demander comment elle pouvait se tenir là devant lui, à oser vouloir soulager sa conscience en essayant de lui faire porter le chapeau pour tout ce qu'ils avaient fait cette nuit là, mais encore une fois, y avait-il un coupable, quand il n'y avait pas de crime ?

Car s'il y avait une chose dont il était certain, c'était qu'aucun mal n'avait été commis. Elle semblait être prête à le nier, mais il ne l'était pas. Il ne l'aurait pas pu, en se souvenant avec précision de chaque endroits où ses doigts fins s'étaient attardés, de son sourire contre sa bouche, de ses murmures qui l'encourageaient à continuer jusqu'à ce qu'elle parvienne à entrevoir le ciel, le soleil, les étoiles et la lune.

« Tu n'as pas le droit, murmura t-il, la voix tremblante. Tu peux m'accuser de tout, mais pas de ça. Tu as bu deux verres de whisky-pur-feu. Deux, insista t-il.
- Qu'est-ce que tu crois ? Tu crois que je voulais de toi ? Toi ?! Lui cracha t-elle au visage.
- Oui ! Hurla t-il sans pouvoir se contenir. Ne fais pas ça. Ne te défile pas comme ça, juste parce que tu as peur de ce que tu ressens, juste parce que tu te sens coupable, juste parce que tu trouves ça anormal, juste parce que tu regrettes d'avoir été exactement ce que tu voulais être, ce que tu veux être !
- Ce que je voulais être ou ce que tu voulais que je sois ?! Cria t-elle à son tour.
- Quelle importance ? C'est la même chose, tu l'as vu toi même.
- Je n'ai rien vu, je n'étais pas dans mon état normal.
- Arrêtes tes conneries Lily, la supplia t-il. »

Elle détourna le regard, essuya une larme qui roulait sur sa joue, et attrapa son manteau avant de se retourner une dernière fois vers lui.

« Tu es la même personne qu'il y a dix ans. Tu n'as pas changé. »

Elle avança à grandes enjambées vers la porte et il garda les yeux rivés sur son dos. Toutes les vérités qu'ils s'étaient dites sans se parler dans la nuit, celles que leurs caresses avaient traduites, avaient disparu au profit d'un ignoble mensonge qu'il ne pouvait pas accepter.

« Espèce de lâche ! Lui lança t-il sèchement lorsqu'elle ouvrit la porte. »

Elle resta immobile un instant, dans l'encadrement de la porte, et il se demanda pendant quelques secondes si elle n'allait pas la refermer, se retourner, et simplement courir vers lui et lui sauter dans les bras comme si rien ne s'était passé, comme si, soudainement, tout son bon sens lui revenait, mais elle ne le fit pas. La porte claqua derrière elle, et il resta impuissant, abattu, touché à mort.

Le tic-tac de l'aiguille résonnait dans sa tête, le narguait, lui rappelait qu'elle était partie et que tout ce qu'il lui restait était cet horrible silence, la tombe des accusations qu'elle avait lancées pour ôter le lourd manteau de peur qui avait probablement recouvert ses épaules dès qu'elle avait réalisé qu'ils venaient de partager quelque chose qu'elle n'avait jamais partagé avec qui que ce soit, une confiance sans équivoque.

Soudain, il réalisa. La peur. C'était ça. C'était tout ce qui avait toujours guidé Lily Evans. La peur de faire un pas de travers, la peur de faire confiance et de se faire trahir, la peur de vivre comme elle le voulait, la peur de ressentir, la peur de ne plus être guidée par sa raison, mais par ses sentiments. La peur de tomber. La peur de tomber amoureuse.

Il enfila rapidement ses vêtements, plus vite qu'il ne l'avait jamais fait, et s'élança à sa suite. Elle était partie depuis trois ou quatre minutes, elle avait sûrement transplané, mais son instinct le guida quand même à l'extérieur de l'appartement, dans la rue. Il pleuvait, les réverbères étaient éteins, il faisait froid, il n'y avait pas un chat, et il ne savait même pas vers où il courait. Il n'avait aucune idée de ce qui le guidait, mais il la trouva.

Au détour d'une rue, il la trouva, gisant sur le sol trempé, la tête à moitié immergée dans l'eau. Il se rua sur elle et tenta de la redresser, de la prendre dans ses bras. Pas un instant il ne songea à regarder autour de lui pour voir qui lui avait fait cela, pas une seule seconde il ne songea à faire autre chose qu'à essayer de la ramener à la vie.

Lily contre lui, il transplana à Sainte-Mangouste, et les choses s'enchaînèrent rapidement. Il s'entendit à peine parler au guérisseur qui se planta devant lui pour lui demander ce qu'il s'était passé, et on la lui retira des bras. Il se rappelait de la douleur et du déchirement lorsqu'il l'avait vue partir.

Ensuite, il avait atterri chez Sirius. Il ne savait pas vraiment comment il s'était retrouvé à frapper à sa porte comme un dingue, mais il savait ce qui l'avait guidé là. Son meilleur ami était la seule personne à être capable de l'aider, l'unique personne vers qui il pouvait toujours se tourner, et quand la porte s'ouvrit devant lui, que son regard fou croisa celui de Dorcas Meadowes et de Rémus Lupin, il sut qu'il avait beaucoup plus de soutient que ce qu'il pensait. Pas un mot ne franchit le seuil de ses lèvres, et il s'effondra sur le sol, anéanti.

J&L&J&L&J&L&J&L&J&L&J&L&JJ&L&J&L&J&L&J&L&J&L&J&L&JJ&L&J&L&J&L&J&L&J&L&J&L&J

L'Ordre avait trop peu travaillé pour la mission que Benjy, Lily, et James avaient accepté d'effectuer. Ils le savaient tous les trois, mais ils s'étaient quand même lancés dans la fosse aux lions. Ils avaient reçu des informations concernant l'anniversaire d'un oncle éloigné de la famille Black via Sirius qui avait lui même appris la nouvelle par sa cousine Andromeda.

Elle était la seule de la famille à qui il faisait encore confiance, alors quand elle lui avait fait parvenir l'invitation, il avait directement su ce qu'il devait en faire. C'était une occasion en or de faire pencher la balance, de coincer quelques mangemorts là où ils s'y attendaient le moins, et peut-être de ramener des informations cruciales.

Les trois gryffondors s'étaient donc retrouvés au milieu du genre de soirée bien précise à laquelle ils n'auraient jamais voulu participer. Tout était à vomir, du groupe de musiciens qui animait la soirée en aboyant des paroles anti-moldus, jusqu'aux verres d'absinthe en forme de crâne, mais ni Benjy, ni Lily, ni James ne grimacèrent. Il fallait se fondre dans la masse.

Les trois collègues avaient englouti une petite dose de polynectar pour se changer en trois moldus qui avaient croisé leur route à Londres, et les membres de l'Ordre qui travaillaient au bureau des aurors leur avaient construit une identité magique solide pour qu'ils puissent se faufiler dans le genre de soirée mondaine dans laquelle ils s'affichaient ce soir là afin de recueillir des informations tout en passant inaperçu.

C'était ce qu'ils avaient fait pendant une heure, mais les choses avaient rapidement dégénérées. Fenwick avait manqué de griller leur couverture en bousculant un riche sorcier Australien connu pour ses prises de position extrémistes concernant les moldus parce qu'il s'était approché trop près de Lily, et James avait dû intervenir pour éviter que les deux hommes n'en viennent aux mains et n'attirent donc encore plus l'attention sur eux.

C'était à ce moment là que Lily lui avait glissé discrètement que le polynectar commençait à ne plus faire effet sur lui. Il avait donc essayé de se ruer vers l'extérieur du bâtiment, mais il avait rapidement été rattrapé par l'Australien qui ne voulait pas lâcher l'affaire et qui souhaitait l'inciter à aller témoigner de l'incident auprès du Ministre lui même.

Il s'était retourné pour lui répondre et son regard avait croisé celui d'Evan Rosier. A ce moment là, il sut que tout allait mal tourner. Il avait presque retrouvé tout son corps, et le mangemort l'avait reconnu, il n'y avait pas de doute. Il était en train de sortir sa baguette de sa poche. Il le vit même glisser quelques mots à l'intention du groupe d'hommes avec qui il discutait, et tous tendirent le cou pour le regarder.

« Il faut que tu sortes d'ici, dit Lily en passant à côté de lui l'air de rien. »

Mais il n'eut pas le temps de bouger le moindre membre, il se retrouva pétrifié, et personne ne sembla s'en formaliser. C'était sûrement une habitude, pour tous les gens présents ici, d'en voir d'autres subir des sorts de la main des partisans de Voldemort. Lily elle même ne cilla pas, même quand Fenwick la rejoignit.

« Tirons-nous, lui murmura t-il discrètement.
- James est...
- Potter est déjà foutu, et nous le serons aussi si nous restons. »

Fenwick avait raison. Si James avait pu parler, il aurait dit la même chose à Lily. Rosier et ses copains se dirigeaient vers lui et il savait que c'était terminé. Il voulait juste qu'elle s'en sorte, qu'elle parte avant que le polynectar ne s'évacue aussi de son système.

« C'est l'un des nôtres, répliqua t-elle.
- Je sais Lily, mais on a pas le choix. C'est soit lui, soit nous trois.
- Ils vont le torturer. Tu sais ce qu'ils vont lui faire.
- Il a été entraîné pour ne pas nous trahir. Allez, viens.
- Je me fiche de ça, Ben ! Je ne peux pas le laisser là !
- Tu n'as pas le choix ! Ca ne me fait pas plus plaisir qu'à toi ! Dépêches-toi, la pressa t-il en commençant à se diriger vers la sortie.
- Non, répondit-elle fermement. »

Ce fut le dernier mot qu'il l'entendit prononcer ce soir là. James, immobilisé à terre, reçut un doloris en pleine poitrine, et Benjy quitta les lieux non sans avoir lancé un dernier long regard à sa petite-amie.

James avait l'impression que la douleur allait le tuer, mais il savait que ce ne serait pas le cas, et c'était presque pire que d'être ignorant. Il aurait voulu dire à Lily de s'enfuir, mais il ne pouvait pas prononcer le moindre mot et bientôt, Evan Rosier fut trop près de lui pour qu'il ne puisse risquer de faire voler en éclat la couverture de Lily.

« Tiens bon, souffla t-elle simplement avant de s'éloigner. »

Il fut soulagé de la voir partir, se fichant presque de se voir lui même traîner sur plusieurs mètres par les pieds comme s'il n'était qu'un vulgaire tapis. On lui prit sa baguette puis on l'emmena dans une nouvelle pièce dans laquelle il faisait atrocement froid. Le sol sur lequel on le traîna sentait la mort. James songea que c'était le dernier endroit qu'il verrait, et une boule commença à se former dans sa gorge.

Il n'avait pas fait tout ce qu'il voulait faire. Il n'avait pas accompli ce qu'il s'était juré d'accomplir. Il n'avait pas aidé à mettre fin à la guerre, il n'avait pas éradiqué l'injustice et la discrimination, il n'avait pas eu le temps de prouver à Lily que faire confiance à quelqu'un pouvait faire toute la différence. Il n'avait pas eu assez de temps.

« Potter. Depuis le temps que je veux te mettre la main dessus, voilà que tu viens directement à moi, lui dit Evan Rosier. Finite. »

James se sentit revenir à lui même, mais il ne s'en réjouit pas pour autant. Il se hâta de se lever, chancelant légèrement, et Rosier lui adressa un sourire moqueur. Il l'invita à s'asseoir sur un fauteuil comme s'ils étaient deux vieux amis, mais le maraudeur déclina avant de se retrouver forcé à le faire grâce à un sortilège impardonnable.

« Je n'ai pas tes talents en Métamorphose, mais je sais faire d'autres choses, commenta Rosier.
- Impero, vraiment ? L'interrogea James avec une moue arrogante. Ça doit être frustrant d'être obligé de jeter un sort aux gens pour qu'ils nous obéissent, non ?
- Dis-moi, tu es venu seul, Potter ? Ou est-ce que tes autres petits copains se cachent aussi parmi nous ? Le questionna le mangemort sans prendre en compte sa remarque.
- Qu'est-ce que tu crois ? Qu'ils m'auraient laissé là ? C'est toi qui est du côté des lâches, Rosier, est-ce que je dois vraiment te le rappeler ?
- Tu devrais faire attention à ce que tu dis, Potter. Je pourrais te faire pleurnicher encore.
- Encore ? Répéta James en lâchant un rire ironique. Tu veux faire allusion à la crise de rire que j'ai eu quand je te regardais brouter l'herbe de mon jardin ? »

Rosier eut un tic nerveux au coin de la bouche, puis il se déplaça lentement dans la pièce, ses pas faisant écho sur le sol en pierre, jusqu'à ce qu'il se retourne, sa baguette toujours étroitement serrée dans sa main, prêt à l'utiliser à tout moment.

« Non, en fait, je parlais de cette fois où tu as trouvé ta petite sang de bourbe dans le caniveau, exactement là où est sa place, lâcha t-il avec satisfaction. »

La mâchoire de James se crispa. Il était là. Il était devant lui, le coupable, et il ne pouvait rien faire. C'était lui qui avait blessé Lily, et il ne pouvait pas l'atteindre. Il n'avait plus sa baguette et le doloris l'avait trop affaibli pour qu'il puisse avoir l'inconscience d'essayer de se battre en corps à corps. Et puis il n'était pas totalement fou. Rosier aurait le temps de l'abattre dix fois s'il tentait de se ruer sur lui.

« Laissez-moi passer ! Entendirent-ils derrière la porte. »

James aurait reconnu cette voix entre toutes. C'était celle de Bellatrix Black. Il était perdu. Rosier pâlit probablement autant que lui. Elle terrifiait même ses collègues, visiblement, et quand elle pénétra dans la pièce avec Lily entre les bras, en hurlant presque sur les deux gorilles qu'Evan avait placé à l'entrée, James réalisa qu'il se fichait d'être perdu.

Il pensait qu'elle s'en était tirée. Il n'aurait jamais cru la voir ici, avec lui, les cheveux collant à ses joues à cause des larmes qui s'y agglutinaient. Elle avait retrouvé son apparence et il savait que cette fois, ils ne la louperaient pas. Il aurait fallu un miracle pour qu'ils s'en sortent, et il n'avait plus aucun espoir.

« Dehors, Rosier ! S'exclama Bellatrix.
- Mais... J'ai capturé Potter, je m'apprêtais à l'interroger et à le livrer au maître.
- J'ai dit dehors, répéta t-elle sur un ton acerbe sans tenir compte de son commentaire. Et donne moi sa baguette.
- Oui. Oui, bien sûr, s'empressa t-il de répondre. »

Il baissa la tête et quitta la pièce en trombe après avoir lui avait confié la baguette de James. Juste au moment où la porte se ferma derrière lui, Bellatrix lâcha son emprise sur Lily et lui donna docilement la baguette du jeune maraudeur qui avait l'impression d'être en pleine hallucination.

« Imperium, lui expliqua Lily en lui lançant sa baguette. Je déteste ça, mais je n'ai pas eu le choix. »

Elle avait aussitôt arrêté de pleurer et James l'observait, ahuri. Elle était douée. Il le savait, mais elle le surprenait à chaque fois.

« Est-ce que ça va ? Lui demanda t-elle alors qu'il se levait en grimaçant du fauteuil sur lequel Rosier l'avait obligé à s'asseoir.
- Ca va. C'est quoi, ton plan ? Je doute qu'on puisse transplaner d'ici.
- On ne peut pas, j'ai essayé d'aller chercher de l'aide. Tu as ton miroir ? »

Il fouilla dans sa poche et en sortit l'objet en question qu'il passa à Lily. Elle prononça le prénom de Sirius et le visage du jeune homme apparut immédiatement dans le verre.

« Lily ? Comment avance la mission ? Est-ce que James va bien ?
- Ca va mal. On a besoin de toi. En combien de temps est-ce que ta moto volante peut te permettre de venir ici ?
- Probablement cinq minutes si j'enfreins la réglementation.
- Très bien. Enfreins la. »

Elle lui donna leur localisation en fonction de ce qu'ils pouvaient apercevoir par la fenêtre, puis rendit le miroir à James. Il ne pouvait pas croire qu'il n'avait pas pensé au miroir ou à la moto volante.

« Empêche qui que ce soit d'entrer ici, dit-elle à Bellatrix en l'obligeant à sortir pour monter la garde. »

Elle resta ensuite figée devant la fenêtre, à regarder au dehors, à attendre que Sirius arrive, et son silence perturba James. Ils avaient peur tous les deux. Le contraire aurait été fou. Leur vie ne tenait plus qu'à un fil. Si quelqu'un pénétrait dans cette pièce avant que Sirius n'arrive, ils étaient morts.

« Tu aurais dû partir, souffla James.
- Est-ce que tu as oublié ce que je t'ai dit l'autre jour ?
- Tu me dis beaucoup de choses, répondit-il en fronçant les sourcils.
- A l'étage. Au quartier général.
- Oh, ça. »

Il n'aurait certainement pas dû sourire, pas tant qu'ils étaient encore en danger, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Lily ne le voyait pas, elle surveillait toujours le ciel avec attention, mais il était certain qu'elle sentait son regard sur sa nuque.

« Ce n'était pas des mots en l'air.
- Je n'ai pas pensé que c'était des mots en l'air, lui dit-il.
- Je sais, mais tu n'as pas non plus pensé que j'y avais réfléchi, n'est-ce pas ? »

Il avala sa salive et ne répondit pas. Effectivement, il s'était dit qu'elle avait prononcé les mots sous le coup de l'émotion, parce que ce qu'ils avaient partagé leur avait toujours fait dire des choses auxquelles ils n'avaient pas réfléchi. Depuis le début, ça avait été comme ça. Les pires mots avaient été lancés, et ils côtoyaient maintenant les meilleurs.

« Tu mérites beaucoup mieux que tout ce que je te donne. Ça me rend malade. »

Il avait entendu sa voix chevroter. Elle semblait profondément bouleversée, et il eut soudainement peur de ce qu'elle voulait dire par là, de ce qu'il était en train de comprendre.

« Est-ce que tu es en train de mettre fin à tout ça ? »

Elle se retourna pour lui répondre, mais quand elle ouvrit la bouche, aucun son n'en émergea. Ni le moment, ni le lieu n'étaient idéals pour avoir ce genre de discussion, mais James ne pensait même plus à la mort certaine qui les attendait derrière les portes closes que Bellatrix gardait. Il pensait juste à la suite, à ce qu'il pourrait bien faire si elle hochait la tête et à ce qui pourrait bien rester de sa vie si elle cessait d'y apparaître.

« James, je... »

La fenêtre s'ouvrit à la volée avant qu'elle n'ait eu le temps de prononcer les mots, et Sirius apparut devant eux sur sa moto volante. Une épaisse fumée grisâtre s'en échappait et James se demanda vaguement comment il avait fait pour ne pas se faire repérer.

« Dépêchez-vous de sauter là dessus avant que l'un de nous ne se prenne un avada ! Les pressa t-il. »

Ils s'exécutèrent et Lily ne prononça plus un mot durant le vol jusqu'au quartier général. Sirius ne cessait de poser des questions sur la mission et la façon dont tout avait dégénéré, et James avait beau ne pas avoir envie de parler, il s'efforça de lui expliquer qu'ils auraient certainement dû établir un meilleur plan au lieu de se jeter dans la gueule du loup juste parce que l'occasion se présentait, qu'ils avaient eu le tuyau sur cette fête seulement la veille et qu'ils n'avaient eu que quelques heures pour se préparer.

« Lily a jeté un imperium sur ta cousine, lui apprit-il.
- Sérieux ? Et vous l'avez laissée là bas ? S'exclama Sirius.
- Pas le choix. Elle montait la garde devant la porte, on ne pouvait pas risquer de se faire attraper en l'emmenant avec nous. On l'aura la prochaine fois mon vieux, et on la capturera avec Rosier, le rassura t-il en tapotant son épaule. »

Sirius ne répondit pas. James savait qu'il était profondément dégoûté. Il l'était aussi. Il aurait voulu lui offrir ça, une chance de se venger de sa famille, une chance d'avoir l'ascendant sur eux pour une fois, de leur prouver que leur cause n'était pas aussi perdue que les Blacks le pensaient en le méprisant.

« Et Fenwick s'est barré ? Je n'arrive pas à croire qu'il se soit tiré comme ça, pesta t-il.
- Il a eu raison. La situation était critique. Le polynectar arrivait à sa fin, il a suivi les consignes, répondit James.
- On s'en fout des consignes, putain ! C'est un gryffondor ! Il aurait dû rester ! S'exclama Sirius. Ou peut-être qu'ils auraient dû me mettre moi sur cette mission. »

Dès que la moto se posa dans le jardin du quartier général, il se rua à l'intérieur et attrapa Benjy Fenwick par le col avant de le clouer à un mur. Les membres de l'Ordre qui étaient présents durent s'interposer entre les deux jeunes hommes qui se hurlaient dessus et James emmena son meilleur ami à l'écart en espérant le calmer. Il n'avait seulement pas prévu qu'il ne serait pas le plus énervé.

Passé l'altercation avec le maraudeur, Fenwick s'était rué sur Lily et l'avait prise dans ses bras, mais elle n'avait pas bougé. Elle était restée aussi immobile qu'un bloc de glace, et quand il lui avait demandé si elle allait bien, elle ne lui avait pas répondu. James ne la quittait pas des yeux, il voyait la fureur monter en elle et la difficulté qu'elle éprouvait à la retenir, elle allait éclater d'une seconde à l'autre, il le sentait, et il se demandait comment Benjy faisait pour ne pas le voir.

« Lily, répond, est-ce qu'ils t'ont blessée ? Est-ce que tu as mal quelque part ? Comment est-ce que vous êtes sorti de là ? »

Il l'assommait de questions et tout le monde attendait ses réponses. Mary, Dorcas, Alice, Emmeline, Frank, Dedalus, Rémus, Peter... Les seuls qui n'étaient pas présents étaient le professeur Dumbledore et Maugrey Fol Oeil. James hésita à demander à Fenwick de la laisser respirer un instant, mais il sentait qu'il ferait mieux de ne pas intervenir. Quelque chose dans l'attitude de Lily lui laissait à penser qu'il avait tout intérêt à rester exactement là où il était, à côté de son meilleur ami.

Il n'était pas le seul à le sentir. Les autres ne bougeaient pas non plus. La pièce était chargée de tension. Mary et Alice échangeaient des regards équivoques. Elles aussi voyaient que leur amie bouillonnait et elles savaient, contrairement à Fenwick, que ce n'était pas le moment d'exiger des explications.

« Bouse, Lily ! Réponds ! S'exclama impatiemment Fenwick.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Demanda t-elle sur un ton sec. Je suis vivante, et ce n'est pas grâce à toi. »

Il ne s'attendait pas à une attaque aussi frontale, aussi directe. Il ne s'attendait pas à une attaque du tout, en fait. C'était évident. Il y avait juste à le voir reculer d'un pas, et cligner des yeux comme s'il n'était pas vraiment sûr d'avoir Lily en face de lui, sa Lily.

« J'ai... J'ai suivi les ordres. Si nous sommes compromis, nous ne sommes pas supposés rest...
- Bien sûr que tu as suivi les ordres, le coupa t-elle, acerbe. »

Elle s'était écartée de lui, lui avait tourné le dos et avait pris sa tête entre ses mains. Benjy avait l'air de ne pas comprendre ce qu'il se passait, et tous les membres de l'Ordre semblaient avoir envie de disparaître sur le champ. Seul Sirius se réjouissait de ce qui était en train de se passer.

« Il aurait donné sa vie pour la tienne ! S'écria t-elle soudainement en pivotant de nouveau vers son petit-ami et en pointant James du doigt.
- Lily, je ne sais pas si...
- Moi je le sais ! Le coupa t-elle. Il l'aurait fait. Il l'aurait fait pour toi, pour moi, pour n'importe quelle personne ici ! Je n'arrive pas à croire que... Je n'arrive pas à croire que tu sois parti ! Que tu l'aies laissé... Que tu m'aies laissé aussi ! Putain Benjy ! Je n'arrive pas à croire que tu aies été capable de nous condamner à mort sans te retourner !
- Je n'ai pas... Vous n'êtes pas morts. Vous êtes là tous les deux ! S'empressa t-il de lui répondre en s'avançant vers elle, et en jetant un regard suppliant à James, comme s'il implorait son aide. »

Elle ne répondit pas, mais elle sortit sa baguette de sa poche et elle la balança à l'autre bout de la pièce avant de se reprendre la tête entre les mains, tournant dans le salon comme un lion en cage. James savait que c'était parce qu'elle lui aurait jeté un sort, si elle l'avait gardé avec elle. Elle avait peur de ce qu'elle était capable de faire, et tout le monde avait peur avec elle. Elle n'était pas seulement furieuse, elle était remplie de rage, de courage, de fierté.

« Ne dis rien, articula froidement Lily en jetant un regard dissuasif à James qui avait commencé à ouvrir la bouche pour venir en aide à Fenwick qui commençait à sérieusement lui faire de la peine.
- Lily, s'il te plaît, on pourrait aller discuter à la maison, je...
- A la maison ? Répéta t-elle avec un rire ironique. Parce que ce sera tellement plus simple de ne pas avouer ta lâcheté devant tous les autres ?! Non, Benjy, je suis désolée, mais je ne bougerai pas d'ici.
- Lily, tu devrais relativiser, j'ai peut-être fait une erreur en partant, mais... Mais tout va bien, essaya t-il de la calmer en s'avançant vers elle et en esquissant un geste pour la prendre dans ses bras.
- Ne me touche pas, le prévint-elle en se reculant. Je ne peux pas. Je ne peux pas supporter tes mains sur moi.
- Lily... »

Il essaya une nouvelle fois de la toucher, mais elle posa ses deux mains sur son torse et le poussa violemment, manquant de le faire tomber à la renverse. Elle allait se ruer sur lui lorsque, sans réfléchir, James s'interposa entre les deux et l'attrapa au vol avant qu'elle n'ait eu le temps de se défouler sur Fenwick.

« Pourquoi est-ce que tu te mets dans un tel état ?! S'exclama Fenwick. »

Elle essaya très brièvement de se défaire de l'étreinte de James qui l'empêchait d'aller trop loin, mais elle n'y parvint pas. Il savait comment la retenir, il avait juste à capter son regard, un quart de seconde lui suffirait pour la faire redescendre sur terre, et c'est exactement ce qu'il se passa. Ses yeux verts croisèrent les siens, elle prit une profonde inspiration, et il eut l'impression qu'elle perdait un peu de sa rage pour gagner plus de courage.

« Parce que ta lâcheté a failli le tuer, dit-elle d'une voix claire. »

Fenwick fronça les sourcils, perplexe, tout comme Mary et Alice. Lily avait totalement changé d'attitude. Elle ne dissimulait plus rien. Elle semblait prête à étaler ses secrets les plus intimes devant l'Ordre tout entier, James le voyait sur son visage. Elle allait enfin être la personne qu'elle voulait être, la personne irresponsable et géniale qu'il lui avait appris à être, la personne assez courageuse pour être capable de dire les mots qu'elle n'avait pas pu dire avant, pour être capable de quitter une vie qui ne lui convenait plus.

« Et que je me suis rendue compte que j'aurais préféré mourir avec lui que continuer à vivre avec toi, termina t-elle la voix tremblante. »

Jamais le quartier général n'avait été aussi silencieux. Jamais. Le regard de Fenwick jonglait entre Lily et James et à chaque fois qu'il passait de l'un à l'autre, l'on avait l'impression que les choses devenaient de plus en plus claires pour lui.

Sirius laissa échapper un rire étouffé et Rémus lui lança un regard noir, le dissuadant de se mettre à glousser comme il l'aurait certainement voulu, puis Fenwick se rua à l'extérieur de la maisonnette sans dire un mot de plus. Il avait compris. Tout avait été dit. James ne s'était jamais senti aussi étrange de toute sa vie. Il avait à la fois envie de se recouvrir de sa cape d'invisibilité et d'embrasser Lily comme un malade, mais elle ne resta pas près de lui. Elle récupéra sa baguette puis disparut à la suite de Fenwick, non sans lui avoir lancé un dernier regard qui lui disait juste de l'attendre.

Il avait confiance en elle. Il y avait une discussion qui s'imposait, entre elle et Benjy, et elle avait le courage de ne pas vouloir l'esquiver. Elle allait tout lui expliquer, et James savait qu'elle ne le faisait pas tant pour elle-même que pour lui, pour le mal qu'elle lui avait fait le soir où elle avait voulu lui faire croire qu'elle n'avait pas consenti à une relation avec lui et pour le mal qu'elle lui faisait quand elle quittait ses bras pour rejoindre ceux de Benjy.

« Wow, commenta Sirius. Est-ce qu'Evans et toi, c'est devenu un truc régulier ?
- Un truc régulier ? Répéta Mary, complètement désabusée. »

James déglutit. Il était seul au milieu des autres maintenant, et ils avaient tous été témoins de l'altercation entre Fenwick et Lily, et ils avaient tous également entendu les derniers mots qui étaient sortis de sa bouche, ce qui signifiait qu'il était le seul à pouvoir leur apporter des explications et que, vu la tête qu'ils faisaient tous, ils attendaient impatiemment qu'il le fasse.

« Ce n'est pas... Ce n'était pas vraiment prévu au programme... Souffla t-il.
- Bon sang de bonsoir, James, j'espère bien que ce n'était pas prévu au programme ! S'exclama Mary. Parce que si tu as fait ça juste pour te moquer d'elle encore je te jure que je vais te tuer !
- On se calme, McDonald, la retint Dedalus Diggle. Ce que Potter et Evans font ensemble ne nous regarde pas.
- Oh que si, ça me regarde, à partir du moment où j'ai un doute sur ses intentions ! Tempêta t-elle en pointant un index accusateur vers James.
- Mary, je te jure que je ne fais pas ça pour m'amuser, lui certifia James. »

Il n'aimait pas ce qui était en train de se passer là. Il avait l'impression d'être en procès pour un crime qu'il n'avait pas commis. Tous les regards étaient braqués sur lui, mais Mary McDonald était la seule à dire ce qu'elle pensait vraiment. Il savait que d'autres avaient probablement la même opinion qu'elle, alors il avait du mal à se sentir soulagé du fait que ses trois meilleurs amis s'étaient dressés autour de lui, comme un bouclier.

Ni Rémus, ni Peter, ni Sirius n'auraient exprimé de doute à son égard. Ils le connaissaient bien trop pour cela. Ils savaient qu'il avait mûri, qu'il n'était plus l'idiot qu'il avait été à Poudlard, l'idiot qu'il était encore parfois avec la gente féminine et le fou qu'il semblait être quand il s'engageait tête baissée dans les missions les plus dangereuses de l'Ordre. C'était un mince réconfort, mais c'était un réconfort quand même.

« James, je n'ai pas vraiment envie de me mêler de tout cela, commença prudemment Alice Londubat, je ne sais même pas ce qu'il s'est passé entre vous, mais Lily est notre meilleure amie et je... Je sais que tu as changé ces dernières années mais... Elle est en train de briser quelque chose qu'elle a mis presque un an à construire avec Benjy alors... Si tu n'es pas sérieux, il faut le lui dire.
- Putain Alice, personne n'a demandé votre bénédiction ! S'écria t-il.
- Je sais, je sais ! S'empressa t-elle de rajouter avec douceur pour essayer de le calmer pendant que Mary tapait nerveusement du pied. Je dis juste que... Enfin... Tu as entendu comme moi, n'est-ce pas ? La phrase qu'elle a lancé à Benjy. Ça voulait tout dire. Elle va rompre avec lui pour toi, et je...
- Elle va rompre avec lui pour elle, la corrigea James.
- Peu importe, tout ce que je veux savoir, c'est... Seras-tu là pour la rattraper ? L'interrogea t-elle en s'avançant vers lui. »

Contrairement à Mary, Alice ne montrait aucune colère, aucune méfiance, juste une profonde inquiétude pour sa meilleure amie. Elle avait besoin d'être rassurée, et James savait qu'il le pouvait. Lily ne serait jamais seule. Elle l'aurait lui, aussi longtemps qu'elle le voudrait. Bien sûr qu'il serait là pour la rattraper, il serait toujours là. Alors il acquiesça, et il vit dans ses yeux bleus qu'elle l'avait compris. Elle lui sourit simplement, et le serra brièvement dans ses bras.

« Est-ce que je peux partir maintenant, ou est-ce que je suis encore en garde à vue ? Demanda t-il à l'assemblée, un poil agacé.
- Rentres chez toi Potter, tu l'as bien mérité, lui répondit Dedalus en lui donnant une tape amicale. »

James se retourna vers ses trois amis qui lui indiquèrent d'un simple hochement de tête qu'ils termineraient la soirée avec lui, et c'était exactement ce qu'il avait besoin de savoir, alors il transplana à son appartement et leur lança à chacun une petite bouteille de whisky-pur-feu.

« Ah, je comprends mieux pourquoi Evans nous fait confiance maintenant, plaisanta Sirius en lui lançant un sourire narquois.
- Patmol, je ne suis vraiment pas d'humeur, soupira James.
- Hmmm... Alors... Si elle quitte vraiment Fenwick ce soir comme semble le penser Londubat, est-ce qu'on peut s'imaginer qu'elle va devenir la future Mme Potter ? Continua t-il en ignorant délibérément sa remarque. »

Rémus, assis à côté de lui, lâcha un sourire, et James sentit son regard le transpercer. Il savait que son meilleur ami le taquinait, essayait juste de le pousser pour voir à quel point il devait être jaloux de Lily Evans, et cela le faisait rire intérieurement.

« Peut-être bien, répondit-il simplement. »

Sirius ne s'attendait pas à ce genre de réponse, il manqua de s'étouffer avec sa gorgée de whisky-pur-feu et Peter dut lui taper plusieurs fois dans le dos avant que le jeune homme ne reprenne enfin ses esprits, les larmes aux yeux.

« Rien ne changera, Patmol, ne t'en fais pas, le rassura t-il en lui tapotant l'épaule.
- Pourquoi est-ce que tu le fais souffrir comme ça ? Intervint Rémus en riant. Regarde le. Il va se rouler en boule et pleurer toutes les larmes de son corps.
- C'est moi qui vais être obligé de le consoler, ajouta Peter.
- Personne ne sera obligé de me consoler. Tout va bien. Je suppose que je vais devoir pa... Par... Pa...
- Partager, termina Rémus. C'était le mot que tu n'arrivais pas à dire, n'est-ce pas ?
- C'est ça, confirma Sirius avec un sourire amusé que lui rendit James.
- Je ne sais pas ce qu'elle va faire.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Lily. Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre là, je n'ai aucune idée de la façon dont elle voit les choses, je... J'avais l'impression qu'elle s'apprêtait à tout arrêter avec moi il y a quelques minutes et maintenant, je ne sais plus, expliqua t-il en se grattant l'arrière du crâne.
- S'il y avait quelqu'un avec qui elle semblait tout vouloir arrêter tout à l'heure, ce n'était certainement pas toi, lui confia Peter.
- Fenwick est probablement en train de se prendre des coups de pied au derrière, sur-enchérit Rémus.
- Pourquoi est-ce qu'elle resterait avec lui quand elle peut avoir un maraudeur ? Rajouta Sirius en lui donnant une tape derrière la tête comme pour le faire revenir à la raison. »

James ne répondit pas. Il avait peur que son meilleur ami se trompe. Peut-être que Lily était actuellement en train de rompre avec Fenwick, mais il se souvenait nettement des mots qu'elle avait prononcé lorsqu'ils étaient tous les deux en mission. Tout ressemblait à une rupture. Les termes qu'elle avait employés, et ses yeux à la fois tristes et coupables.

Il essaya de ne pas y penser de la soirée, mais à chaque fois qu'il jetait un coup d'oeil sur l'horloge et qu'il réalisait qu'il n'avait pas de nouvelle d'elle, il ne pouvait s'empêcher de se demander quelle décision elle avait apprise, si elle était toujours avec Fenwick, si elle allait bien, si elle n'était pas en train de pleurer dans les bras de Mary...

Il aurait pu lui écrire, mais il ne savait même pas où il devait envoyer son hibou. Peut-être qu'il l'aurait trouvé sans qu'il ne lui donne une quelconque indication, mais si Lily ne l'avait pas contacté elle-même, avait-elle envie qu'il la contacte ? Il détestait penser de cette manière. Il détestait réfléchir comme un garçon amoureux d'une fille. Rien n'était rationnel. Rien. C'était la première fois de sa vie qu'il se sentait aussi idiot.

Il s'était dit qu'il avait de la chance d'avoir les garçons avec lui, mais au bout de d'une heure, chacun rentra chez lui. La nuit était tombée depuis longtemps, et James se trouva bien seul. Il resta assis sur son canapé un long moment, à essayer de se concentrer sur un magasine de Quidditch que lui avait prêté Peter, mais chaque mot semblait être écrit en rune. Il n'arrivait pas à les lire. Son attention était figée sur Lily.

Il s'apprêtait à aller se coucher lorsque l'on frappa trois coups à sa porte. C'était elle. Il en était presque sûr, et pourtant, quand il ouvrit, il se trouva nez à nez avec Benjy Fenwick. A l'animosité qu'il lisait dans son regard, James sut immédiatement que Lily lui avait tout raconté.

« Est-ce qu'elle est là ? Demanda t-il froidement. »

James secoua la tête de droite à gauche, et s'effaça pour le laisser entrer en fronçant les sourcils. Benjy ne semblait pas décidé à le croire, de toutes manières, et il était déjà en train de balayer la pièce principale des yeux.

« Je croyais qu'elle était avec toi, lui dit James.
- Elle était avec moi, affirma t-il. Elle a récupéré ses affaires, et elle est partie. Est-ce que tu as vu le patronus de Diggle ?
- Non. Qu'est-ce que...
- Ils ont fait péter le quartier général. Ils vous ont suivi quand vous êtes revenus avec la moto volante de Black, et ils ont tout fait péter. »

James resta figé devant Fenwick et il réalisa soudainement que ce n'était pas de l'animosité qu'il lisait dans son regard, c'était de l'inquiétude, de la terreur. Il ne savait pas à quoi sa discussion avec Lily avait abouti, mais quelle qu'en soit l'issue, Benjy tenait à elle, c'était évident.

« Alice, Mary, et les autres...
- Ils vont bien. Ils sont partis juste après vous, heureusement, mais Lily...
- Elle était avec toi, répéta James d'une voix blanche, presque accusatrice.
- Je sais, mais elle est partie, et je pensais qu'elle serait chez toi. »

Le maraudeur était devenu livide. Il ne répondit même pas à Fenwick. Il se rua hors de son appartement et transplana au quartier général, peu soucieux de savoir si des mangemorts étaient encore là bas ou si l'endroit avait été sécurisé par les aurors.

Quand il débarqua sur les lieux, ce fut pire que tout ce qu'il avait pu imaginer. La maisonnette était complètement détruite, carbonisée, et quelques flammes s'élevaient encore de l'immense tas de bois et de gravas qui s'amoncelait. Il y avait une dizaine d'aurors sur les lieux, Kingsley, qui en faisait partie, vint à sa rencontre dès qu'il l'aperçut, mais James ne l'écouta pas lorsqu'il commença à lui expliquer ce qu'il s'était passé.

Son regard venait de tomber sur un sac qu'il connaissait bien, ce sac qu'il avait fait semblant de chercher à l'étage du quartier général, le jour où Lily avait découvert qu'il avait perdu sa virginité avec Alecto Carrow. C'était le sien. Celui de Lily. Elle était revenue ici.

Son cœur remonta dans sa gorge quand il l'attrapa. La douleur fut brutale et intense. Ils ne lui avaient laissé aucune chance. Ils avaient jeté un sort d'explosion sur la maison. C'était tellement plus simple, que de l'affronter elle. Elle était si forte, si douée en magie, plus douée que n'importe lequel d'entre eux ne le deviendrait jamais.

Il tenait le sac et le regardait sans réussir à réaliser que Lily était là, quelque part. Des morceaux d'elle, plutôt. Cette simple idée lui donna envie de vomir. Il aurait tout retourné sur son passage s'il avait songé une seule seconde qu'il y avait de l'espoir, mais la maison était tellement éclatée, tellement ravagée qu'il savait que tout ce qu'il pourrait trouver ne le consolerait pas.

Soudainement, ses forces le lâchèrent. Toute la journée n'avait été qu'un énorme ascenseur émotionnel, un rêve puis un cauchemar, et il n'y avait plus aucune issue pour lui. Pas maintenant qu'il avait la preuve que Lily était revenue au quartier général après que tout le monde en soit parti. Elle n'était plus là, maintenant. Elle n'était plus là, et il n'aurait plus d'autre choix que de vivre avec cet énorme poids accroché à son cœur, le vide que son absence causait déjà.

Il avait envie de hurler. Il avait envie de refuser ce deal, et d'en faire un autre à la mort, mais c'était trop tard. Elle avait pris Lily avec elle. Elle n'aurait jamais pu la lui rendre, même s'il lui avait proposé sa vie en échange. Alors il transplana de nouveau à son domicile. Fenwick n'était plus sur le pas de la porte. Il avait dû se résoudre, lui aussi, à l'évidence. James se demanda un quart de seconde pour lequel des deux cela était le plus difficile, et puis il s'insulta mentalement de s'être posé la question. La réponse était tellement évidente.

Il ouvrit la porte, pénétra dans le salon la mine basse, et laissa tomber le sac à main de Lily à ses pieds. Il y eut un tintement à l'intérieur, plusieurs livres semblèrent dégringoler, des objets s'entrechoquèrent, mais il n'y prêta pas attention. Il se contenta de se traîner vers la cuisine et d'aller se chercher une bouteille de whisky-pur-feu. S'il y avait bien un soir où il avait le droit de boire jusqu'à ne plus se souvenir de son nom, c'était probablement celui-ci, mais alors qu'il s'apprêtait à décapsuler sa bouteille, une voix le tira de sa torpeur.

« Tu m'ignores, maintenant ? »

Il leva brutalement la tête et son regard triste croisa celui de Lily, debout dans un coin du salon, sa baguette à la main. Il n'en crut pas ses yeux, et il la fixa jusqu'à ce qu'elle prenne une chaise à la table de la cuisine et qu'elle s'y assoit comme si de rien n'était, juste en face de lui.

« Je croyais que tu étais morte, parvint-il finalement à articuler, songeant qu'il devait avoir l'air d'un parfait idiot, à la regarder la bouche entrouverte.
- Ah, non, répondit-elle comme si elle venait de réaliser qu'elle lui devait probablement des explications. Ça a failli, mais ils m'ont loupée. J'arrivais juste au quartier général quand je les ai vu commencer à le démolir. L'un d'eux m'a repéré, et il a voulu me jeter un sort, mais j'ai transplané. J'ai juste lâché mon sac sur le coup de la surprise. Merci de me l'avoir ramené.
- Mais, je... Tu n'étais pas ici tout à l'heure, et tu n'étais pas là bas non plus, alors...
- Je sais, je me suis trompée dans ton adresse. Je me souvenais de la rue, mais j'étais incapable de me rappeler du numéro exact. J'ai atterri au bout, j'ai fait le reste du chemin à pieds. Tu en as une comme ça, pour moi ? Demanda t-elle naturellement en pointant du doigt sa petite bouteille de whisky-pur-feu. »

James hocha mécaniquement la tête, peu sûr de comprendre ce qu'il venait de se passer. Lily ne se rendait définitivement pas compte de la frayeur qu'il avait eue et qu'il avait toujours. Il avait juste peur que son esprit lui joue des tours et que son imagination l'ait créée là, avec lui, dans toute sa splendeur juste pour consoler son chagrin.

« Je suis désolée d'être venue ici, je... Je pensais rester au quartier général, je n'avais pas l'intention de débarquer chez toi comme ça, reprit-elle quand elle se rendit compte qu'il était complètement déboussolé.
- Non, non, tu as bien fait, s'empressa t-il de lui répondre. J'ai juste... Il y a cinq minutes, je pensais que je ne te reverrais plus jamais. Jamais, insista t-il en posant une autre bouteille devant elle. »

Lily grimaça et lui jeta un regard doux. Il avait vraiment du mal à reprendre ses esprits et il se demandait si l'ascenseur émotionnel allait bientôt s'arrêter. De préférence, tout en haut. Là où il était à présent.

« Oh... Je t'ai interrompu alors ? Tu comptais te saouler tout seul ? Je comprends. La perte aurait été tellement insuuurmontable, se moqua t-elle avec un petit sourire en coin.
- Ce n'est pas drôle.
- Je te sens tendu Potter. Tu as besoin d'un massage ? »

Il reposa sa propre bouteille de whisky-pur-feu sur la table et arqua un sourcil. Il s'était à peine remis de sa mort, qui n'avait pas eu lieue, qu'elle était déjà en train de lui faire des avances.

« Benjy est venu ici pour te chercher, lui aussi doit croire que tu es morte, lui annonça t-il. »

La phrase eut l'effet d'une douche froide sur Lily dont le visage se referma aussitôt. Elle esquiva son regard et laissa échapper un long soupir.

« Il sait que je vais bien. Nous nous sommes croisés sur le palier.
- Bien.
- Bien. »

Le silence qui enveloppait la pièce était étrange. James jetait des regards en biais à Lily mais elle ne les lui rendait pas. Il avait peur de ce qu'elle aurait pu lui dire, mais il n'avait pas vraiment la patience d'attendre encore la fin de cette phrase qu'il n'avait pas eue.

« Tout à l'heure, pendant la mission, tu voulais me dire quelque chose, commença t-il prudemment.
- Non, pas vraiment.
- Tu as commencé à dire que je méritais mieux et tu n'as pas terminé, lui rappela t-il.
- Bien sûr que si, j'ai terminé. Tu mérites mieux. Point final, déclara t-elle en buvant nerveusement une gorgée de whisky-pur-feu.
- Point final ? Répéta t-il, perplexe. »

Elle acquiesça et il l'observa sans vraiment comprendre. Visiblement, elle ne comptait pas l'aider à éclairer sa lumière, il allait falloir qu'il la pousse, comme il avait pris l'habitude de le faire depuis qu'ils se voyaient.

« Qu'est-ce que ça veut dire, Lily ?
- Ça veut dire que j'aurais dû faire les choses autrement. J'ai honte de t'avoir mis dans la position dans laquelle je t'ai mise. J'ai été égoïste, j'ai eu peur, j'ai oublié que j'ai été envoyée chez Gryffondor pour mon courage, et...
- Tu as été courageuse, la coupa t-il. Tout à l'heure, ce que tu as dit devant les autres, c'était courageux.
- C'était la vérité. »

Il lui sourit pour toute réponse, légèrement soulagé. Il songea qu'il était celui qui ne la méritait pas, mais il ne prononça pas les mots à voix haute de peur qu'elle s'en rendre compte. C'était ridicule, il le savait, mais il était comme ça avec elle. Il était idiot, inconscient, mais cela ne devait pas la déranger puisqu'elle était toujours assise devant lui, à le dévorer des yeux.

« Comment est-ce qu'ils ont réagi, les autres, quand je suis partie ? L'interrogea t-elle.
- Plutôt bien. Mary m'a menacé de mort, lâcha t-il sur un ton léger.
- Quoi ? S'étouffa Lily.
- Elle a peur que je me moque de toi. Alice aussi. Elle a dit que tu allais rompre avec Benjy pour moi et que si je n'étais pas sérieux, je ferais mieux de te le dire.
- J'ai rompu avec Benjy pour moi, corrigea t-elle.
- C'est ce que je leur ai répondu. »

Lily inspira profondément, et ils continuèrent à se regarder, les yeux pétillants malgré l'horrible soirée qu'ils avaient vécu, sans rien dire pendant l'espace d'une minute. Leurs mains n'étaient plus très loin l'une de l'autre sur la table, et ce fut Lily qui attrapa celle de James en première.

« Tu viens de dire que tu as rompu avec lui, n'est-ce pas ? La questionna t-il, reprenant soudainement ses esprits. »

Elle hocha la tête. Lentement, un sourire discret se dessina sur son joli visage. James ne se souvenait pas avoir discuté aussi longuement avec elle depuis qu'ils se fréquentaient. Ils ne pouvaient habituellement pas tenir cinq minutes sans se toucher, mais il y avait une espèce de retrait poli dans l'attitude de Lily ce soir là qui les empêchait tous les deux de faire plus que de se tenir la main.

« Je veux que tu saches que je n'attends rien de toi. J'ai rompu avec lui parce que je n'étais plus amoureuse de lui et parce que je ne me reconnaissais plus dans notre couple, mais je... Je ne m'attends pas à ce que tu sois à ma disposition ou quoi que ce soit, expliqua t-elle.
- Tu ne veux pas que je sois à ta disposition ?
- Enfin, j'imagine que j'aimerais que tu sois à ma disposition autant que j'aimerais que tu aimerais que je sois à ta disposition, mais...
- C'est très confus, Lily, lui fit-il remarquer en souriant, amusé par son embarras.
- Ferme la, Potter, tu sais très bien ce que je veux dire, répliqua t-elle en lui rendant son sourire.
- Non. Je suis stupide. J'ai besoin de plus amples explications. »

Elle avait l'air si tiraillée entre l'envie de rire et l'envie de lui tirer les cheveux qu'il eut bien du mal à retenir son hilarité.

« Je sais que je ne suis pas parfaite, déclara t-elle en baissant les yeux. J'ai commis de grosses erreurs...
- Je ne sais pas lequel de nous deux en a commis le plus avec l'autre, lui fit remarquer James.
- Tu n'étais qu'un gamin à l'époque. Je suis une adulte. J'aimerais que tu sois capable de me pardonner pour ce que je t'ai dit et tout ce que j'ai fait qui a pu te blesser.
- Lily, tu n'as pas besoin de faire ça, lui dit-il en souriant.
- Si. Tu m'as donné foi en plein de choses auxquelles je ne croyais pas et je ne t'ai pas donné quoi que ce soit en échange jusque là...
- Bien sûr que si.
- Non, pas du tout. »

James ouvrit la bouche pour la contredire, mais elle le découragea d'un simple coup d'oeil.

« Ce que j'essaie de te dire, c'est que je t'aime et...
- Est-ce que c'est avec ça que tu espères me séduire ? La coupa t-il, les yeux pétillants.
- Tu ne peux pas rester sérieux deux minutes, n'est-ce pas ?
- Ça paraît compliqué.
- C'est pourtant très simple, lui expliqua t-elle sur un ton doux. Tu as juste à m'écouter te dire que je sais que tu m'aimes aussi, que tu m'aimes exactement comme je t'aime, et que c'est quelque chose de rare que je ne sous estimerai plus.
- Tu vas certainement réussir à me mettre dans ton lit.
- Dans ton lit, le corrigea t-elle. Je sais. Mais avant ça, je dois te dire quelque chose.
- Il y a plus ? S'étonna t-il.
- Oui. Je veux quelque chose.
- Mon corps ? Tenta t-il avec un sourire en coin.
- … Oui, répondit-elle en riant après avoir hésité une seconde, mais pas seulement. »

Elle se mordit légèrement la lèvre, et James la vit rougir de secondes en secondes. Il ne savait pas vraiment où elle voulait en venir, mais il voyait bien qu'elle déployait toutes ses forces pour avoir le courage de mettre cartes sur table une bonne fois pour toutes.

« Mon appartement n'est pas à vendre, reprit-il, la faisant glousser encore une fois.
- Je ne veux pas de ton appartement.
- Quoi ? Tu veux me dépouiller de ma fortune ?
- Bien sûr que non ! S'exclama t-elle aussitôt, presque offusquée par sa plaisanterie.
- Je n'ai rien d'autre, lui dit-il en haussant les épaules.
- Si.
- Quoi ?
- Je ne sais pas comment le dire, souffla t-elle, écarlate.
- Essaies en ouvrant la bouche et en laissant sortir des sons.
- Ce serait certainement plus simple si tu arrêtais de te payer ma tête. »

Il lui lança un regard désolé qui contrastait avec le sourire satisfait qu'il arborait fièrement pendant qu'elle faisait une tête de six pieds de long de l'autre côté de la table.

« Dis moi, Lily, l'encouragea t-il en retournant sa main dans la sienne, ses yeux figés dans les siens.
- Merlin, arrête de me regarder comme ça. Je ne peux pas parler si tu me regardes comme ça.
- J'imagine qu'il va falloir que je devine alors. Qu'est-ce que tu veux ? Demanda t-il songeusement. Habiter ici ?
- Non, répondit-elle un peu trop rapidement au goût de James.
- Non ? Répéta t-il, un peu décontenancé.
- Si. Enfin... Ce n'est pas ce que je voulais te dire, mais... Est-ce que ce n'est pas un peu précipité ?
- Et alors ? »

Elle cligna des yeux plusieurs fois avant d'éclater de rire pour toute réponse. Il avait l'air vraiment offensé, mais dès qu'elle déposa un baiser sur sa main, son visage s'adoucit.

« Je veux juste que tu saches quelque chose, mais je te préviens, ça va te paraître bizarre.
- Lily, tu commences vraiment à me faire flipper. Dis-moi juste ce qu'il y a, la pressa t-il.
- Ce n'est pas... Ecoute, je ne sais pas si c'est parce que nous avons failli mourir pendant la mission ou si c'est parce que j'ai failli exploser en même temps que notre quartier général, mais je veux que tu saches que j'ai changé d'avis par rapport au mariage, souffla t-elle d'une traite. »

James, loin de s'attendre à l'entendre aborder ce sujet précis à cet instant précis, lâcha sa main sous le coup de la surprise, fronça les sourcils, pris une profonde inspiration, et changea d'expression faciale probablement une bonne vingtaine de fois alors qu'un silence troublant venait de s'installer entre eux.

« Oh merde. Oh merde ! Je n'étais pas en train de... James je ne suis pas en train de te demander en mariage ! S'empressa t-elle d'ajouter en le voyant aussi impassible. Je ne suis pas en train de te demander de me demander de t'épouser non plus. Je... Merlin. Je savais que ça sortirait de ma bouche bizarrement. Je le savais ! Je... Je voulais juste dire que... Tu te rappelles de cette fois au Trois Balais où on a vraiment discuté ensemble pour la première fois ? Je me suis moquée de toi quand tu as pointé le fait que le mec qui draguait Mary portait une alliance et que ce n'était pas correct de sa part d'aller voir ailleurs.
- Je m'en souviens, mais ce n'était pas ce que...
- Je sais, le coupa t-elle. Maintenant, je comprends ce que tu voulais dire ce jour là. Je ne savais pas, avant, mais là, je sais. Je sais pourquoi les gens se marient, et je sais que c'est parce que quand on a trouvé la personne qui nous convient, on ne veut de personne d'autre. Personne, insista t-elle en accrochant son regard. Heu... J'ai l'impression que tu crois que je suis devenue cinglée.
- Non, nia t-il en laissant échapper un rire nerveux. Je me demande juste comment tu as fait pour me dire il y a deux minutes qu'habiter avec moi était un peu précipité, pour finir par me parler de mariage.
- Je ne... Je ne parlais pas spécialement de notre mariage ! S'exclama t-elle en rougissant brutalement.
- Notre mariage ? Reprit-il avec un sourire malin. »

Elle poussa un long soupir et étouffa des gémissements honteux en enfonçant sa tête dans ses mains.

« James, ce que j'essaie de dire, c'est que... J'ai trompé Benjy avec toi, ce n'était pas glorieux, je... Je n'aurais pas dû faire ça, j'aurais dû rompre avec lui dès le début, ne pas te mettre dans cette situation, et j'essaie juste de... Merlin, je voulais juste te dire que j'ai compris. J'ai compris ce que c'est de se consacrer à quelqu'un. Je voulais que tu saches que je te serai fidèle. Toujours. Toujours.
- Est-ce que tu es déjà en train de me lire tes vœux ? Se moqua t-il.
- James ! Tempêta t-elle, à la fois contrariée et embarrassée.
- C'est bon, c'est bon, j'arrête, la rassura t-il en poussant un léger rire. »

Elle semblait profondément gênée, mais il ne l'était plus. Il l'avait comprise plus qu'elle ne pouvait décemment l'imaginer. Il savait que leur histoire n'avait pas commencée comme elle l'aurait dû, qu'ils n'avaient pas fait les choses dans l'ordre, qu'il aurait probablement dû attendre qu'elle rompe avec Fenwick avant d'aller plus loin, et qu'elle aurait dû le faire bien plus tôt, mais ce n'était pas de cette façon que cela s'était passé, et ce n'était pas grave.

Ce n'était pas grave parce qu'il savait ce qu'elle ressentait pour lui, et qu'il savait ce qu'il ressentait pour elle. Il n'avait aucun doute. Elle ne le tromperait pas. Il ne le ferait pas non plus. Elle n'avait pas besoin de lui jurer quoi que ce soit, c'était évident. Il avait mis la main sur sa personne spéciale, celle qu'il cherchait depuis longtemps, et il avait réussi à lui faire réaliser qu'elle aussi, elle le cherchait.

C'était ainsi qu'ils s'étaient trouvés. Les histoires d'amour ne sont pas toujours ce qu'elles devraient être, le garçon n'est pas toujours parfait, la fille n'est pas toujours irréprochable, et les choses finissent souvent mal, mais elles valent toujours, toujours la peine d'être vécues.

THE END.