nda : Désolée vraiment 'avoir mis tant de temps à publier cette suite ! Je vais essayer d'être un peu plus régulière, merci à tous ceux qui suivent encore cela et commentent, cela me fait vraiment plaisir. x

Ou : Harry a retrouvé un sens à sa vie, mais ne s'en trouve pas moins malheureux - mais peut-être n'est-il pas seul...

Les romantiques

Ils prenaient la rosée pour du rosé d´Anjou
Et la lune en quartiers pour Cartier des bijoux
Les romantiques

Il semble à Harry qu'il s'est réveillé d'un long sommeil. Que ce rêve pâlot qu'était devenu sa vie a retrouvé une substance. L'air a un goût âcre dans sa bouche. Chaque respiration se ressent de la pesanteur des nuages. Le ciel n'est plus bleu sans raison. La pluie n'a plus ces allures d'écran opaque, chaque goutte d'eau est comme un couteau aiguisé. Ses gestes fendent la matière.

Lorsqu'il court, il ne traverse plus le monde, il s'y débat.

Il est prisonnier d'une mélasse collante, contre laquelle il faut chaque jour, chaque instant, chaque seconde, combattre, combattre, combattre.

Mais Harry est prêt. Il est debout, il est droit, et il est vivant.

Harry se tient aux côtés de l'ordre.

Harry protège la paix, les faibles, ceux qui ne haussent pas la voix, ceux qui préfèrent parler sans mot dire.

Harry a retrouvé le sens de sa vie.

C'est drôle comme ça se perd facilement, ces choses-là. Un jour, on rentre du boulot, on oublie, on pose ses convictions sur la table, et en repartant le lendemain matin, elles y sont encore, et puis, on ne s'en rend même pas compte, qu'elles manquent, c'est comme si elles n'avaient jamais été là, elles s'effacent, et pourtant, on les voit, tous les matins, tous les jours de la semaine, et quand bien même il n'y aurait plus ni de jours ni de semaines, elles seraient toujours là, posées sur la table.

C'est si facile, d'oublier pourquoi, et de continuer au nom de l'habitude.

C'est si facile, d'accepter, de dire oui sans chercher à savoir, sans chercher à comprendre.

C'est si facile qu'on le fait sans y penser.

C'est si facile d'arrêter de penser.

Ils mettaient des tapis sous les pattes du vent
Ils accrochaient du crêpe aux voiles du printemps
Les romantiques

Harry a eu de la chance. Ses convictions sont venues le chercher. Elles se sont incarnées, un moment, dans les cheveux roux d'une fille, la sienne, dans des pancartes en bois bricolées par des mains trop jeunes, dans des enfants qui ont voulu cesser de jouer au train et à la poupée, qui ont brisés leurs jouets avec fracas, dans ces enfants qui n'ont pas compris que les marionnettes ne se meuvent pas d'elles-mêmes. Qui n'ont pas compris que oui, oui, il faut que quelqu'un tienne les fils.

Que c'est aussi cela l'ordre.

Les manifestations ne sont pas un évènement isolé.

Elles se propagent dans toute l'Angleterre. Les jeunes sont les plus mobilisés. Eux et les extrêmes qui gueulent depuis des années que rien ne va plus, qu'il faut faire sauter la constitution, que la démocratie se meurt, que le monde s'en va, que les gens, les gens ne sont plus comme avant.

Harry et ses collègues ne savent toujours pas au juste comment ils conviennent de se retrouver, comment ils s'organisent, mais le fait est que ça marche.

Leurs leaders sont invisibles.

Ce n'est plus seulement contre le Ministère d'Hermione qu'ils protestent, c'est contre l'idée même de Ministère. Ils veulent la fin des hôpitaux, des forces de l'ordre, des palais de justice et des cours, la fin de tout Etat. Ils veulent que la société se régule seule. Que la société, enfin, tue l'Etat. Ils ne veulent plus d'intervention du Ministère. Ils ne veulent plus de lois, ils ne veulent plus de règles. Ils haranguent la foule en criant « Liberté ! Liberté ! » et ne parlent que de droits individuels. Ils disent « Moi, Toi, Vous, Ils » mais jamais « Nous ».

Et Harry les hait.

Ce ne sont pas des libéraux, ce ne sont pas des combattants de la société civile, ce ne sont pas des partisans du libre-échange, ce ne sont pas des modernistes, ce ne sont pas des visionnaires.

Ce sont des destructeurs.

Anarchistes.

Révolutionnaires.

Ils sont le Chaos.

Mais ce chaos n'accouchera d'aucune étoile dansante.

Ils brûleront la terre par le feu.

Pour la purifier, diront-ils.

Mais ils ne sont pas le Christ.

Ils sont des hommes qui jouent à être Dieu.

Comme un goût amer de déjà-vu.

Et les hommes font couler le sang, et les hommes détruisent sans prévoir, et les hommes sont imprévisibles, et pécheurs, et condamnés, et leur baptême ne sera jamais qu'un baptême de sang, ils ne connaissent pas la sensation de l'eau qui coule doucement sur le front, ils ne renaîtront jamais, ils portent la marque du Python, la marque invisible de l'âme corrompue, et Harry, Harry s'il le faut les mettra tous sous le joug de l'Imperius, parce qu'Harry, lui protège, protège ce qui a pris tant d'années, tant de siècles à apparaître. Harry protège ce monde fragile qu'on a pu nommer parfois civilisation, culture, Etat ou République.

Il est le défenseur de la Cité.

Et il attend les barbares qui se sont promis de la mettre à genoux.

Ils vendaient le Brésil en prenant leur café
Et mouraient de plaisir pour ouvrir un baiser
Et regarder dedans briller le verbe "aimer"
Et le mettre au présent bien qu´il fût au passé

Il écrit des lettres à James. Lui dit qu'il est content qu'il ne soit pas là pour voir ça. James ne répond jamais à ses missives mi-alarmistes mi-virulentes. Ce qu'Harry ne peut pas savoir, c'est que là-bas, à l'autre bout des océans, James aussi va à des meetings.

James aussi parle de liberté.

James aussi parle d'individu.

James aussi frissonne quand il entend les mots « collectivité » et « société » , James aussi dit que le société n'est que la somme des intérêts particuliers.

Ils ont le mal du siècle et l´ont jusqu´à cent ans
Autrefois de ce mal, ils mouraient à trente ans
Les romantiques

Ils ont le cheveu court et vont chez Dorian Guy
S´habiller de British ou d´Italiâneries
Les romantiques

Harry se rend bien compte qu'ils ont pieds et mains liées en tant qu'Aurors pour intervenir.

Il essaye bien sûr, d'en surprendre un ou deux en état d'infraction, mais ça marche rarement.

Ils présentent tous bien, bon chic bon genre, petits ensembles et maquillage soigné, cheveux légèrement gominés, sourires ravageurs, dents de requin, dents de requin, dents de requin.

Ils sont dangereux, pense Harry.

Et tout le monde, à part sa division qui le suivait n'importe où, ses fidèles Aurors, qui savent, qui voient les choses du même regard que lui, qui aiment comme lui la paix, la beauté et la justice, tout le monde pense qu'il débloque un peu.

Harry n'a pas le mal du siècle.

Il a le mal des habitants de ce siècle. Et il veint toit juste de comprendre que ce n'était pas la même et chaque jour, en se levant, il pense « Il n'est pas trop tard, il n'est jamais trop tard » et ses réveils ont des allures de survivant de fin du monde, et il prie un peu, le soir, en se couchant, il prie pour que ça n'en arrive pas là.

Il a la nostalgie des citoyens.

Il porte dans son cœur la haine des individus.

Ils mettent leurs chevaux dans le camp des Jaguar
En fauchant leur avoine aux prairies des trottoirs
Avec des bruits de fers qui n´ont plus de sabots
Et des hennissements traduits en "stéréo"

Ces jeunes, ces vieux, ces libéraux qui croient faire avancer l'humanité ne comprennent pas qu'ils la guident dans l'abîme. Qu'ils reviennent au temps où l'on fustigeait le faible.

Où l'on reprochait de ne pas assez bien voir aux aveugles.

Où l'on disait, il vaut mieux que cet enfant ne voit pas le jour, il serait trop faible.

Où l'on croyait qu'il fallait aduler les gagnants.

Harry, lui, aime le faible.

Il aime les petits vieux dont les yeux poussent des soupirs silencieux lorsqu'assis sur les bancs publics, ils regardent les passants sans rien se dire.

Il aime ces enfants au visage difforme, aux yeux toujours trop écarquillés, et au sourire toujours si doux.

Il aime ces petits êtres rachitiques qui sont toujours victimes de leurs camarades, et qui encaissent les coups sans mot dire, sans jamais se plaindre.

Il aime les inadaptés.

Et lorsqu'il regarde les autres, ceux qui réussissent, ceux qui pigent, ceux qui ont la guerre et la victoire dans le sang, il ne peut s'empêcher d'avoir un voile de mépris dans ses yeux si verts, même si sans doute, il est de leur camp, puisque lui non plus n'a jamais perdu de bataille.

Il sait qu'ils savent.

Il sait qu'il y a une raison à ce sentiment d'insécurité quasi-enfantin qu'il éprouve en arrivant dans une réception ou une soirée. Ce sentiment qui lui dit qu'il n'appartient pas à ce monde-là. Qu'il n'est pas de ces gens. Que quelque chose les distingue.

Plus jeune, il cherchait, il cherchait ce lieu où il pourrait arriver sourire aux lèvres sans cette peur des Autres qui lui tord le ventre, et puis, les années passant, il n'a jamais trouvé, jamais tout à fait, toujours ce sentiment d'imposture.

Mais il se dit, peut-être, peut-être que tous, tous, ils ressentent cela, sans jamais le dire, peut-être que tous, ils ont peur, comme moi.

Peut-être que nous avons tous peur des autres.

Ils mettaient la Nature au pied de leurs chansons
Ils mettent leur voiture au pied de leurs maisons
Les romantiques
Ils regardaient la nuit dans un chagrin d´enfant
Ils regardent l´ennui sur un petit écran
Les romantiques

Même à présent qu'il a retrouvé une cause qi vaut qu'on donne sa vie pour elle, même à présent qu'il a ressorti son armure et son épée et qu'il se prépare à aller sur le champ de bataille, il se demande pourquoi tant de gens l'ont pris pour un héros, jadis.

Il croit avoir une réponse.

Il a vu tant d'êtres pleurer sur le monde et sur les nuits trop noirs et les jours si peu brillants, et sur la justice si injuste, et la solitude et la mort, et le vide, et l'absence de sens, tant d'êtres, tant d'hommes, tant de femmes, malheureux, malheureux sans se l'avouer, malheureux parce que se refusant à prononcer ce nom même de malheur, refusant de voir que le malheur c'est le désenchantement du monde.

Le malheur, c'est cette longue prose sans poésie aucune qui s'étend sur plusieurs pages, qu'on lit juste avant de s'endormir et dont on rêve le soir venu, en tournant dans son lit.

Mais lui, ce malheur, il l'a vu, il l'a nommé, et il a pris les armes contre lui, au risque de perdre, au risque de se perdre, au risque de ne plus être aimé, au risque de ne jamais avoir le temps d'aimer.

Et il pense que c'est pour cela que tous l'admire et lui en veulent.

Ils recevaient chez eux dans les soirs de misère
Des gens "vêtus de noir" qu´ils prenaient pour leurs frères
Aujourd´hui c´est pareil mais, fraternellement
Ils branchent leur destin aux "abonnés absents"

J'ai été malheureux, pense-t-il, je suis encore malheureux sans doute. Mais je ne suis pas le seul. Ginny…

Et il a un serrement au cœur en pensant qu'elle aussi, elle aussi est malheureuse, même s'il sait que c'est vrai, et que lui, lui, Harry, qui avait promis de faire son bonheur et sa joie, est la cause de ce malheur.

Et puis, il y a Hermione. Hermione aux yeux si doux, Hermione si colérique maintenant, qui répond toujours un peu plus fort, un peu trop fort, à chaque nouvelle provocation.

Malfoy.

Il se surprend lui-même en pensant à son ancien camarade.

Malfoy. Il le revoit, lui et le verre brisé. Qu'avait-il dit déjà ? Je sais ?

Peut-être, peut-être qu'il sait. Peut-être qu'il ne ment pas. Après tout, il est sans doute celui qui a le plus souffert dans cette guerre. Le plus délicat. Le plus seul.

Peut-être qu'il seraient amis, maintenant.

Peut-être que Draco comprendrait ce que c'est que l'amitié pour Harry.

Peut-être.

NDA : Superbe chanson de Ferré sur la fin du romantisme, remplacé par un espèce de substitut un peu cheap où l'on prétend ressentir sans avoir aucun sentiment, n'hésitez pas à l'écouter !