Chapitre 4

Le lendemain, le combat s'engagea dès l'aube, Uther étant déterminé à en finir avec cette histoire.

Morgana, qui venait à peine d'être libérée de sa cellule, aida Arthur à s'habiller en silence. Elle n'avait aucune envie de parler, toujours furieuse après Uther, et voyait bien qu'Arthur non plus –sans doute parce que Merlin avait choisi d'aider Gwaine à se préparer plutôt que lui. Elle ne put s'empêcher de sourire à l'idée qu'Arthur puisse être jaloux de Gwaine. S'il était jaloux, cela signifiait qu'il tenait à Merlin, ne serait-ce qu'un peu. Et s'il tenait à Merlin, alors il y avait peut-être un espoir pour le futur de Camelot.

Juste avant que le duel ne débute, Arthur et Gwaine se firent face, et Arthur serra la mâchoire lorsque Gwaine fit un signe de la main à Merlin. Il n'était pas sûr de comprendre pourquoi, mais il voulait que Merlin soit en sa faveur, et non celle de Gwaine.

- Vous avez dit que vous ne vouliez pas être chevalier, vous savez que vous pouvez déclarer forfait, n'est-ce pas ?

Gwaine sourit.

- Je vous fais peur à ce point-là, princesse ?

Arthur laissa échapper un rire.

- Je n'ai pas peur de vous. Et cessez de m'appeler ainsi !

- Bon, eh bien que le meilleur gagne ! Lança Gwaine, et le combat commença.

Il était doué, presque autant que lui, Arthur devait bien le reconnaitre, mais il savait qu'il était le meilleur chevalier du royaume, et qu'il pouvait le battre. Alors que le duel s'intensifiait, sa vision se brouilla, et sa tête se mit à le bruler, comme si elle menaçait d'exploser. Il voyait flou et avait de plus en plus de mal à se concentrer, mais se débrouilla pour parer quelques coups, avant de tomber à genoux sous la douleur. Il porta la main à son front et ne put s'empêcher de hurler lorsque des images se mirent à défiler sous ses yeux.

Il se trouvait dans un village, en partie détruit, comme si une guerre y avait eu lieu. Il se tenait devant une vieille maison en pierre, en pleine conversation avec Morgana, qui le fixait d'un air inquiet.

- Arthur, vous me faites peur, qu'est ce qu'il y a ?

- Je… Uther… Uther est votre père.

- Que… C'est une blague, n'est-ce pas ?

Il fit non de la tête, appréhendant grandement ce qui allait suivre. Morgana fit un pas en arrière, le choc se lisant clairement sur son visage. Il tendit lentement la main vers elle.

- Morgana…

- Vous en êtes sûr ?

- Oui.

Elle déglutit, et il se mordit la lèvre.

- Uther ne sera jamais mon père. Gorlois l'était. Et ce que vous venez de m'apprendre ne change rien à cela.

Elle commença à s'en aller, puis se stoppa et se tourna à nouveau vers Arthur.

- A vrai dire, ça change quelque chose.

- Quoi donc ?

- Ca fait de moi votre grande sœur, ce qui vous oblige à m'obéir. Et le premier ordre que je vous donne est de retourner dans cette maison et de parler à Merlin.

Arthur n'eut pas le temps d'assimiler le souvenir, un autre prenant déjà sa place.

Il était toujours dans le même village, mais cette fois il était à terre, serrant un Merlin inconscient dans ses bras. Morgana était à ses côtés, ainsi que plusieurs personnes dont il ne se souvenait pas clairement.

- Merlin ! Merlin, est-ce que tu m'entends ?

Voyant que ses tentatives pour ranimer Merlin ne menaient à rien, il prit son pouls, qu'il trouva à peine, puis se tourna vers Will –il ne se souvenait pas de qui il était, simplement de son nom.

- Fais quelque chose !

- Je ne peux rien faire !

- Bien sûr que si !

Arthur commençait à s'énerver, la peur de perdre Merlin prenant le pas sur ses émotions. Morgana s'avança vers lui, et posa sa main sur son bras

- Arthur, il ne peut rien faire…

- Si, il peut utiliser…

- Il n'a pas de magie, le coupa la pupille du roi.

Arthur se tourna vers elle, les yeux remplis de larmes.

- Mais si, il….

- Non, insista la jeune femme.

- C'est lui qui me l'a dit, pourquoi aurait-il menti ?

- Pour protéger Merlin, je suppose.

- Quoi ? De quoi…

Soudain, Arthur comprit. Tout s'emboitait. Le mensonge de Will, le dragon, et toutes les fois où Merlin lui avait sauvé la vie, ou comprenait inexplicablement ce qu'il se passait, comme avec le chevalier Valiant.

- Merlin…

Morgana le prit dans ses bras, le forçant ainsi à lâcher Merlin.

- Il avait peur de votre réaction si vous l'appreniez.


Lorsqu'Arthur tomba au sol, tout le monde dans les tribunes se leva, Uther et Morgana en tête. Sans réfléchir, Merlin enjamba la barrière et se précipita à ses côtés. Arthur tremblait de tout son corps, et il tenta de contenir les spasmes en le serrant contre lui. Il lança un regard noir à Gwaine, mais avant qu'il n'ait eu le temps de formuler des reproches, Gwaine leva les mains en signe de paix.

- Je ne l'ai pas touché, Merlin. Je ne sais pas ce qu'il a.

Merlin ignora Gwaine et se concentra sur Arthur, essuyant la sueur sur son front. Très vite, Morgana et Gaius s'agenouillèrent à ses côtés, mais Uther resta debout derrière la tribune.


Lorsqu'Arthur revint à lui, il ne savait plus où il était. Ce qui venait de se passer n'avait rien à voir avec ses rêves, ni même avec les autres souvenirs qui lui revenaient parfois lorsqu'il était éveillé. Non, ceux-là était beaucoup plus intenses, et il était secoué comme jamais auparavant. Pour autant, il était certain qu'ils étaient vrais, il avait ce sentiment, au plus profond de lui, que ce qu'il venait de se rappeler était la vérité.

Il ouvrit les yeux péniblement, tentant en vain de ralentir les battements de son cœur, et manqua de sursauter lorsque Merlin plaqua une main sur son front.

- Est-ce que ça va ? Il est brûlant, Gaius.

Arthur déglutit. Il ne voyait toujours pas clair, et avait l'impression que sa tête allait exploser, mais il s'en fichait. Il n'y avait qu'une seule chose qui importait. Il voulait savoir si son sentiment était réel, si ce qu'il avait vu était la vérité. Il espérait que non, il voulait croire qu'il ne s'agissait que d'hallucinations, mais il avait besoin de savoir.

Alors il repoussa Merlin et se releva tant bien que mal, se dirigeant vers son père, qui avait finalement pénétré dans l'arène.

- Arthur ! Que s'est-il passé ?

- Est-ce que c'est vrai ?

- Mais de quoi tu parles ? Tu tiens à peine debout, Gaius…

- Morgana. Est-elle votre fille ? Etes-vous son père, son vrai père ?

La foule laissa échapper un cri outré, Morgana se tourna d'un coup vers Merlin, et Uther semblait décontenancé.

- Morgana est ma pupille, Arthur, tu le sais bien. Comment oses-tu…

- Etre votre pupille ne signifie pas qu'elle ne peut pas être votre fille. Je veux connaître la vérité, père ! Je mérite de…

- Ca suffit ! Gorlois était son père, et lorsqu'il est mort je l'ai prise sous mon aile par respect pour un vieil ami, voilà la vérité. Tu es de toute évidence souffrant, et j'exige que tu restes chez Gaius jusqu'à ce que l'on sache ce qui ne va pas !

Sous le regard noir du roi, Gaius emmena Arthur vers le château. Lorsque le prince manqua de tomber, Merlin lâcha le bras de Morgana et vint le soutenir afin d'éviter qu'il ne tombe dans les escaliers.


Arthur avait du s'évanouir au bout d'un moment, car lorsqu'il rouvrit les yeux, il était allongé dans la chambre de Gaius. Il se sentait mieux, mais était incapable d'oublier ce qu'il avait vu. Il remarqua Merlin et Morgana, plongés en pleine discussion un peu plus loin, et se redressa pour attirer leur attention.

- Arthur ! Comment vous sentez-vous ?

Merlin s'assit à côté de lui et plaça à nouveau une main sur son front.

Morgana s'avança lentement, hésitant à s'approcher, et Merlin lui lança un regard appuyé. Finalement, elle soupira et s'assit de l'autre côté du lit.

- Pourquoi est-ce que vous avez… A Uther ?

Arthur soupira.

- J'ai eu… un flash. J'ai cru que c'était un souvenir, une partie de ma mémoire qui revenait. De toute évidence j'avais tort.

Merlin décida soudainement d'aller chercher de l'eau, ce qui semblait à Arthur être un prétexte pour quitter la pièce, mais il décida de ne pas s'attarder dessus.

- Qu'est-ce que vous avez vu ?

- On était… dans un village, je crois qu'il venait d'y avoir une bataille, et je vous ai dit… Je vous ai dit qu'Uther était votre père, j'en étais convaincu. Ca ressemblait tellement à un souvenir, je…

- C'en était un.

Arthur releva la tête d'un coup, surpris.

- Pardon ?

Morgana inspira profondément, puis déglutit avant de répondre.

- Il y a quelques mois, on est allé à Ealdor. C'est le village où Merlin a grandit, sa mère y vit toujours, et ils étaient attaqués par des bandits. C'est là que vous m'avez dit la vérité sur Uther. C'était bien un souvenir.

Arthur était abasourdi. Il voulait savoir pourquoi Uther le niait, mais il pouvait lire le dégoût dans les yeux de Morgana. Il savait qu'elle ne portait pas toujours le roi dans son cœur, mais son regard le faisait presque frissonnait. Elle avait l'air de le haïr. Alors il préféra ne pas en rajouter, et il réalisa quelque chose. Si ce souvenir était réel, alors l'autre l'était aussi. Ce qui signifiait que Merlin était un sorcier. Et qu'il avait été lui-même prêt à utiliser la magie pour lui sauver la vie. Il était perdu, il ne parvenait pas à comprendre comment il avait pu devenir tellement proche de Merlin en moins d'un an qu'il avait été prêt à renier tout ce que son père lui avait appris. La magie était mauvaise, c'est ce qu'on lui avait dit toute sa vie. Il ne pouvait pas s'imaginer vouloir l'utiliser lui-même.

Il se souvint que c'était Morgana qui lui avait appris que Merlin était un sorcier, et décida donc de lui demander directement.

- Je me rappelle d'autre chose.

- Quoi donc ?

- Merlin. C'est un sorcier, n'est-ce pas ?

Morgana ouvrit de grands yeux.

- Quoi ? Bien sûr que non, enfin ! D'où sortez-vous cette idée stupide ?

Si Arthur ne la connaissait pas mieux, il aurait presque pu la croire. Mais il la connaissait trop bien pour ne pas voir qu'elle mentait, sa voix étant inhabituellement aigue.

- Vous pouvez me le dire, Morgana. Je ne dirai rien à mon père.

Il était lui-même surpris de constater que c'était la vérité, qu'il ne pourrait pas se résoudre à trahir Merlin, même s'ils n'étaient pas vraiment amis –du moins, ils ne l'étaient plus depuis qu'il avait perdu la mémoire, puisqu'il était clair qu'ils avaient été proches à un certain point.

Morgana plissa les yeux et laissa échapper un rire sarcastique.

- Vous voulez vraiment me faire avaler ça ? Vous haïssez la magie. Mais peu importe, ça ne fait rien, parce que Merlin n'est pas plus sorcier que moi !

Arthur soupira. Comment était-il sensé expliquer quelque chose qu'il ne comprenait pas lui-même ?

- Je ne sais pas, je… Je ne comprends pas pourquoi, mais je sais que je ne pourrai jamais lui faire de mal.

Avant que Morgana ne puisse répondre, Gaius entra dans la pièce, et lui fit signe de le suivre.

- Gaius, que se passe t-il ?

- J'ai entendu ce que le prince disait. J'ai fait beaucoup de recherches, et je crois savoir ce qui lui arrive. Je pense qu'il faudrait lui dire la vérité.

- Sur Merlin ? Gaius, on ne peut pas lui faire confiance ! S'il le dit à Uther, Merlin…

- Je ne parlais pas de Merlin, mais de ce qu'il s'est passé pendant cette année. Je pense qu'il doit savoir pour l'autre Arthur.

Morgana était absolument contre, et elle savait que Merlin serait d'accord avec elle, mais elle n'eut pas d'autre choix que de l'accepter lorsque Gaius s'assit près d'Arthur.

- Sire, je pense connaître la raison de vos… sentiments envers Merlin.

Arthur ouvrit de grands yeux et se rapprocha du physicien. Il voulait savoir.

Lorsque Gaius lui expliqua qu'une version future de lui-même avait pris possession de son corps pendant plus d'un an, il faillit rire. Mais quelque chose le fit taire, parce qu'au fond il savait que c'était vrai. Au moins, ça expliquait comment il avait pu découvrir la vérité sur Uther et Morgana. Et pourquoi il aurait pu être prêt à utiliser des recours aussi extrêmes pour sauver Merlin.

- Je pense que c'est pour cela que vous avez perdu la mémoire. J'ai fait beaucoup de recherches sur les voyages dans le temps, et il apparaît que lorsque l'Arthur du futur est parti, il a emmené avec lui tous ses souvenirs et ses connaissances.

- Mais je me souviens de certaines choses.

- Parce que vous étiez toujours là malgré tout. C'est comme si pendant un an, vous aviez été spectateur de ce que votre double faisait. Vous avez vu et entendu tout ce qu'il voyait et faisait, mais de manière inconsciente. Votre subconscient a simplement retenu certaines choses, des choses qui vont ont marqué.

Arthur fronça les sourcils.

- Je ne comprends pas.

Gaius soupira.

- Vous ne vous en souvenez pas, mais durant tout ce temps, vous étiez plus ou moins conscient. C'est comme si vous aviez regardé votre double vivre, de loin. Vous étiez sur le côté, vous ne savez pas ce qu'il pensait, mais vous vous êtes fait vos propres opinions sur la situation.

- Donc vous êtes en train de dire que les sentiments d'Arthur pour Merlin ne viennent pas du fait que l'autre Arthur l'aimait ?

Arthur leva la tête.

- Quoi ?

Il avait supposé que les rêves qu'il faisait de lui et Merlin n'étaient que des rêves, ou éventuellement même des fantasmes, et désormais il apprenait qu'ils étaient vrais. Il déglutit.

- Merlin et moi, on….

- Oui, répondit Morgana. Il était avec votre futur vous.

Arthur déglutit à nouveau.

- Sire, intervint Gaius, il est important que vous compreniez que ce que vous ressentez n'est pas une réminiscence des sentiments d'un autre Arthur. C'est ce que j'essaie de vous expliquer, il aimait Merlin, mais ça ne veut pas dire que vous étiez obligé de l'aimer également. Si vous éprouvez quoi que ce soit pour lui, ce sont vos propres sentiments, qui se sont forgés pendant que vous étiez inconsciemment spectateur de votre vie.

Arthur commençait à comprendre. Il avait passé un an à regarder Merlin interagir avec son double, et il était tombé amoureux de lui en le voyant tomber amoureux de son propre futur. Ce qui signifiait que ses sentiments étaient désormais non réciproques. Il était clair que si Merlin avait des sentiments, ils n'étaient pas pour lui. Gaius avait dit clairement qu'il n'était pas son double, et donc si lui était tombé amoureux de Merlin –ce qui était la seule explication possible à ce qu'il ressentait –Merlin n'éprouvait rien pour lui.

- Cependant, je pense qu'il serait sage de ne rien dire à Merlin.

Morgana acquiesça, et Arthur fronça les sourcils.

- Quoi ? Pourquoi ?

- Parce que Merlin penserait que vous ne vous intéressez à lui que parce que c'était le cas de votre double. Ou pire encore, il pourrait être suffisamment stupide pour penser que vous allez devenir lui.

- On est si différent ? C'est pourtant moi, non ?

Morgana soupira.

- Honnêtement, oui, il était différent. Beaucoup plus calme, plus mature, et il pensait par lui-même.

Arthur ne répondit pas à l'attaque.

Il décida d'écouter Gaius et Morgana cependant, et de ne rien dire à Merlin. Il voulait prendre le temps d'apprendre à le connaître, de voir comment ses sentiments évolueraient, et si il pouvait être à la hauteur de son double, qui lui avait de toute évidence réussit à voler le cœur de Merlin.


Après avoir quitté la pièce, Morgana retrouva Merlin, qui avait toujours sa jarre d'eau en main alors qu'il discutait avec Gwaine. Lorsqu'il la vit, Merlin dit au revoir à Gwaine et s'approcha d'elle.

- Comment ça s'est passé ?

- Bien, je crois. Il a dit qu'il ne tenterait pas de faire avouer la vérité à Uther. Peut-être que tu as raison, après tout. Peut-être qu'il peut devenir un bon roi.

Merlin sourit.

- Je sais qu'Uther t'a envoyée en cellule, est-ce que ça va ?

J'ai l'habitude. Tout ce que j'espère, c'est qu'il mourra bientôt, cracha-t-elle.

Merlin ne put s'empêcher de frissonner. Il espérait vraiment que maintenant qu'Arthur savait qu'elle était sa sœur, il tenterait de se rapprocher d'elle, et qu'ils pourraient l'aider.


Alors qu'Arthur réfléchissait à ses sentiments et que Merlin cherchait le meilleur moyen d'aider Morgana, une jeune femme blonde, cachée derrière une armure, approchait à grands pas de Camelot.