Heyyaa ! Alors ça fait un petit bout de temps que je voulais écrire une fic sur Voltron LD, et voilà ! J'ai commencé ce chapitre, et écrit le script entier de la fic AVANT la sortie de la seconde saison, alors seuls les éléments de la s1 sont pris en compte. De plus, il y a des choses que l'on sait maintenant et que j'ignorais quand j'ai écris, qui ne seront pas forcément cohérentes, bref. L'histoire prend place quelque part vers la fin de la saison 1, avant tout le drama de fin de saison (oui, vous savez de quoi je parle).

Ahh, je tiens à préciser que j'utilise les pronoms féminins pour Pidge (la série ne donnant pas exactement d'éléments là-dessus, et elle dit « je suis une fille », donc voilà). J'y ai pas mal réfléchi, et je crois que ça me plairait bien d'écrire quelque chose où je lui attribue les pronoms neutres, ou masculins, un jour :)

Oh, euh, si vous n'êtes pas confortables avec l'alcool,, ne lisez pas, parce que,,, ils boivent…

Je donnerai aussi une chanson par chapitre, parce que je peux :D ! Bonne lecture !

— — —

— — —

i. It's the terror of knowing

What the world is about

Watching some good friends

Screaming Let me out

(Under Pressure — Queen)

Keith est en train de regarder, incrédule, les flammes violettes qui semblent émaner de son cocktail, quand il décide fermement ; c'est la dernière fois que je mets les pieds dans un bar sur une planète inconnue. Et il ne sait même pas comment il est supposé boire ça, il n'arrive même pas à prendre le verre dans ses mains, tellement le truc est brûlant.

À côté de lui, Lance est en train de se marrer, parce que Lance est un connard.

— Alors, on a du mal à supporter l'alcool ? demande-t-il avec un sourire en coin qui donne à Keith l'envie de lui en foutre une.

— Lance, grogne Keith, je ne sais pas si tu as remarqué, mais il y a du feu sur ce truc.

Le jeune homme hausse les épaules, comme pour dire, mec, c'est ton problème, ça.

— Tu sais qu'on a aussi ça, sur Terre ? fait-il.

— Pardon ? Non, on n'a pas ça.

Lance est maintenant accoudé sur le comptoir d'un noir miroitant ; la lumière des néons placés autour d'eux faisant ressortir la blancheur de ses dents contre sa peau bronzée.

— Si, on a ça, Keithyy-

— Si tu m'appelles encore comme ça, je te verse ce truc sur la tête, menace Keith en montrant sa boisson du doigt. Et non, on n'a pas ça, comment veux-tu boire un truc pareil ? On ne peut même pas prendre le verre !

Mec, répond Lance, les nôtres sont différents, mais y a toujours des flammes. Et puis, à quoi te servent tes espèces de mitaines si c'est pas pour ce genre de cas insolites ?

Keith fait de son mieux pour lui lancer le regard le plus noir dont il est capable. Mais pour une certaine raison, ça semble amuser Lance plus qu'autre chose. Ce qui énerve Keith. Encore plus.

Pidge surgit entre eux deux — Dieu merci, pense Keith —, et sort son portable pour prendre en photo le cocktail de Keith, remontant ses imposantes lunettes contre son petit nez pointu.

— Tu sais, dit-elle, je pense que tu pourrais utiliser une paille, s'ils en ont qui résistent à cette chaleur. Ça n'a rien à voir avec les shots semblables que l'on a sur Terre… Sinon, félicitations, tu viens de perdre cinquante kamurs, ce qui équivaut à environ dix dollars. À ta place, j'irai pleurer quelque part.

Pidge doit être la personne la plus radine que Keith connaisse, et Keith a passé des mois dans un désert, seul et sans job, à devoir économiser pour réussir à vivre.

Apparemment, il n'est pas le seul à trouver ça absurde, parce que Lance lui sort :

— Pourquoi est-ce que tu es comme ça, hein ? T'es genre, super riche, Pidge.

— Lance, as-tu la moindre idée du prix d'un réacteur de-

— Wow, la coupe Lance, on ne commence pas avec ce genre de débat.

Pidge ouvre la bouche et elle semble furieuse d'avoir été interrompue, Keith peut presque voir des flammes sortir de ses yeux, et il se dit que Lance doit être un idiot pour oser faire ça, surtout qu'il la connaît depuis bien plus longtemps que lui — mais Lance est un idiot, alors pourquoi est-il surpris ?

— Espèce de sale petit connard, siffle-t-elle, espèce de sale branleur, tu crois que tu peux te permettre de m'interrompre comme ça, hein ? Tu te crois irremplaçable comme ça ? Tu sais que je pourrais venir t'étrangler dans ton sommeil sans même avoir du mal à le faire ?

Keith se dit qu'elle en est capable. Mais Pidge se calme plutôt rapidement, dès l'arrivée d'Hunk, parce que Hunk est la meilleure personne existante, toutes galaxies confondues. Il arrive sans rien dire, et se contente de regarder Lance avec un air morne, comme pour demander, bon, qui a encore énervé Pidge ? Il porte un t-shirt qu'il vient probablement d'acheter dans le bar, vu qu'il représente un dessin de l'enseigne de l'établissement. Keith lui lance un regard interrogateur, et Hunk hausse les épaules.

— Ils en distribuaient gratuitement, dit-il.

À ces mots, Lance, Keith et Pidge se mettent à courir vers la direction qu'il vient d'indiquer. Les trucs gratuits, ça a toujours cet effet-là, et puis ce n'est pas comme s'ils prenaient le temps de faire de shopping, de manière générale. Pour une raison qui échappe à Keith, ils réussissent toujours à avoir les heures de fermeture des magasins quand ils débarquent quelque part. Ou bien, ils sont sur une planète qui propose des fringues trop différentes de celles adaptées aux humains, et ce n'est pas mieux.

Lance brandit son t-shirt avec émerveillement, et n'arrêter pas d'insister pour qu'ils les enfilent tout de suite, afin de prendre un « selfie » pour le montrer à ses parents. Keith n'a aucune idée de ce qu'est un selfie. Étrangement, Pidge a l'air pour, même si elle fait remarquer à leur ami qu'il ne pourra pas envoyer de photo sur Terre d'ici. Keith finit par poser la question, au risque de passer pour un idiot, et ça a l'air de faire rire les deux autres.

— Mais où est-ce que tu as vécu, pour louper ce genre de truc ? se lamente Lance.

— Dans un désert ? tente Keith (il se dit que peut-être que c'est lié, peut-être que les « selfies » n'existent pas dans le désert).

— Tu ne vas pas me faire croire que tu as vécu là toute ta vie !

— Bah non, mais même quand j'allais en cours, la seule chose à m'intéresser, c'était- euh, le pilotage ?

Lance lui lance un drôle de regard.

— Pourquoi est-ce que tu as hésité, là tout de suite ?

— Pour rien.

— Oh, allez ! Tu ne nous dit jamais rien !

Keith n'a pas envie de dire. D'accord, il se peut qu'il ai eu une obsession pour les conspirations extraterrestres, mais après tout, il n'avait pas tort, alors ça renverse la donne, non ? Plutôt que de passer pour un fou, il est plutôt une espèce de génie. Non ?

Il le dit à Lance, qui comme d'habitude, se met à rire.

— Des extraterrestres ! s'exclame-t-il. On aura tout entendu !

— Lance, dit Pidge, je te signale que, là tout de suite, on est sur une planète extraterrestre, en train de boire dans un bar extraterrestre.

— Oui, peut-être, mais on ne savait pas que ça existait, sur Terre !

— Et… ? Justement, ça existe ! se défend Keith.

Lance reporte son attention sur lui. Le t-shirt qu'il vient d'enfiler est un peu grand, et dévoile une partie de ses épaules ; la couleur pourpre lui va bien. Keith essaye de ne pas y faire trop attention, surtout qu'il doit être en train de chercher un moyen de le rembarrer. Lance a ce regard, celui que Keith a commencé à remarquer depuis quelques jours — les yeux fixes, une drôle de lumière qui flotte dedans. Il reste un moment comme ça, puis secoue la tête, comme pour se débarrasser d'une pensée particulière.

— C'est quand même idiot, dit-il.

— Si tout le monde était comme toi, rétorque Pidge, le monde n'irait pas très loin.

— Tais-toi.

L'ambiance retombe légèrement. Keith ne sait pas trop comment réagir avec les sautes d'humeur de ces deux-là. Ils se connaissent depuis plus longtemps, ils savent mieux comment se gérer, mais… Il ne comprend pas bien quand est-ce que c'est une blague, ou quand c'est sérieux. Lance a l'air plutôt sérieux, pour changer. Il lève le bras pour appeler un serveur, et réussit à commander un cocktail qui n'a pas l'air trop différent de ceux que l'on trouve sur Terre. Enfin, Keith n'y connaît pas grand-chose. Lance a l'air sûr de lui, c'est qu'il doit savoir ce qu'il fait.

— Ahh, fait-il, ça me rappelle mon ancienne vie.

Keith hausse un sourcil interrogateur.

— Un bar extraterrestre ? demande-t-il.

— Mais non, dit Lance, agacé, traîner dans un bar en buvant des cocktails entre amis.

— Oh.

Il ne devrait pas être aussi surpris. Lance est un ami, c'est même un partenaire. La façon dont le mot sort si naturellement de sa bouche lui fait tout bizarre. Et il doit faire une drôle de tête, parce que bientôt, la main de Lance s'agite devant son visage.

— Mmh ?

— Mec, tout va bien ? demande Lance. T'es pas avec nous.

Il est à peu près sûr d'être avec eux. Il regarde autour de lui avec un air contrarié, et Lance soupire.

— Pas dans ce sens-là, grogne-t-il. Je veux dire que tu penses à autre chose.

Keith hausse les épaules.

— Désolé.

— Y a pas de mal…

Le serveur revient, et pose quatre verres, pour lesquels Lance paye. Keith s'apprête à demander s'il compte vraiment tout boire comme ça, mais les mots restent coincés dans sa gorge lorsqu'il se voit attribué l'une des boissons. Lance, sourire aux lèvres, tend son verre pour trinquer, et tout le monde le suit. Pigde a l'air ravie qu'on lui offre quelque chose, et Hunk, étant Hunk, offre une grande accolade à son ami. Keith hésite. Il croise le regard de Lance, et réussit à sourire d'une façon presque naturelle.

— Merci, dit-il.

Lance secoue la tête, et cogne son verre contre le sien. La boisson est rouge, et des étranges fruits, qui ressemblent vaguement à des fraises, flottent dedans. Le liquide est fort, mais n'a pas mauvais gout. Keith finit son verre trop rapidement.

— — —

— — —

Les rues sont encombrées — des engins aériens se bousculent de partout, la circulation ferait presque peur à Keith —, il y a foule, des espèces de toutes les tailles, de toutes les couleurs. La nuit est parsemée de lueurs violettes, et de lumières en provenance des grandes barres d'immeubles qui rayent le paysage. Keith pense aux grands quartiers Japonais, avec des voitures volantes en plus.

Lance lui trébuche dessus, et attrape son épaule.

— C'est comme dans Star Wars, dit-il en riant.

Ils ont repris de cette espèce de cocktail aux fruits rouges que Lance a commandé en premier, Keith a arrêté de compter à son sixième verre. Il aura tout le temps de s'inquiéter pour son porte-monnaie demain. Là, il faut trouver le moyen de rentrer. C'est compliqué — pas l'un d'entre eux ne marche droit, et Pidge n'arrête pas de se plaindre. Quant à Lance, il est affalé sur lui depuis le départ. Il parle beaucoup — parfois, Keith ne comprend pas ce qu'il essaye de dire. Lui, il est perdu dans le paysage. Pas habitué à autant de monde. Pas habitué à être bourré. Pas habitué à traîner quelqu'un qui semble être dans un monde complètement différent du sien, complètement euphorique.

Les effets de l'alcool, il les ressent aussi. D'une façon différente. Comme une espèce de pression sur sa poitrine, un voile qui empêche ses yeux de saisir chaque détail de la rue. S'il devait piloter maintenant, ce serait dangereux.

Hunk est en train de demander le chemin à quelqu'un qui semble les comprendre. Le vaisseau est en réparations, et Allura leur a donné l'adresse d'un hôtel du coin, en attendant. Ils mettent du temps à le trouver, parce que c'est quasiment impossible de comprendre les indications qu'on leur donne. L'hôtel est très haut et très étroit, un pic qui traverse le plafond étoilé. Il doit y avoir des centaines d'étages — même si, au point où il est, Keith n'est pas sûr que ses capacités en maths soient vraiment dignes de confiance.

Ils entrent, Keith essaye d'ignorer les sifflements de Lance, qui n'est même plus cohérent. Il observe d'un oeil distrait la tapisserie fleurie — enfin, il suppose qu'il s'agit de fleurs, ça ne ressemble en rien à ce que l'on trouve sur Terre —, ça lui donne le tournis. Hank trouve le moyen de récupérer les clés de leurs chambres, tout le monde l'applaudit.

L'ascenseur est une épreuve particulièrement éprouvante. Keith passe son temps à craindre que Lance lui vomisse dessus, Dieu merci, ça n'arrive pas.

— 'Me sens pas bien, grogne Lance.

— Arrête de gigoter, ça va passer.

— Qu'est-ce que tu en sais ? demande-t-il. Keith, est-ce que tu as déjà bu avant ?

La question demande au moins une minute de réflexion.

— Oui, j'ai déjà bu, Lance ! Pas au point de me sentir aussi mal.

Lance se met à rire, et manque de tomber lorsque l'ascenseur s'arrête brusquement. Keith le retient et passe son bras autour de ses épaules pour le ramener jusqu'à leur suite. Le couloir est court, d'un orange vif agressif, qui relève d'un mauvais gout extrême. Hunk s'y prend à cinq reprises pour réussir à passer les clés dans la serrure, mais finit par y arriver, et ils entrent dans ce qui sera leur foyer pour les prochains jours.

La suite est composée d'un salon, une petite cuisine, et plusieurs chambres — une chacun — équipées d'une salle de bain personnelle. Le salon en lui-même fait très cosy, avec sa table basse entourée de divans encombrés de coussins colorés. Lance se jette sur l'un d'eux, et le serre contre lui comme s'il s'agissait d'un animal de compagnie.

— Les gaaaars, fait-il, quelqu'un a un jeu de cartes ?

Hank plisse les yeux, et grogne.

— Nope, nope, nope, je vais me coucher.

— Oh, allez ! Vous êtes si fatigués que ça ?

— Tu étais sur le point de vomir, il y a littéralement trois minutes.

— C'est du passé ! proteste Lance.

— Moi je veux bien rester un peu, fait Pidge.

— Oui ! s'exclame Lance. Et Keith aussi, pas vrai ?

Il lui lance un long regard presque suppliant, que Keith essaye d'ignorer. C'est comme avoir un chaton qui réclame du lait. Keith essaye de dire non, mais il se rend compte qu'il n'est pas vraiment fatigué, et qu'il veut bien veiller un peu, lui aussi.

— Ok, accepte-t-il. Je vais rester une heure ou deux.

— Yess !

Avec ça, Hunk finit par se résigner et part chercher les cartes que Lance a demandées. Keith se laisse tomber sur un canapé, sentant la matière s'enfoncer sous son poids, et regarde Lance d'un oeil critique. Ses yeux semblent fatigués, et il n'arrête pas de fixer des points pendant une longue période. Keith se demande s'il fait la même chose. Ce doit être à cause de l'alcool.

— Tu crois qu'on peut demander de l'alcool à la réception ? demande Pidge.

— Pidge, non, supplie Hunk.

— Pidge, oui, répond-elle. Je pense qu'il y a une assistance électronique, le langage ne devrait pas être un problème.

— Attendez, vous allez encore boire ? demande Keith.

Il reçoit des regards critiques de la part de Pidge et Lance ; et un grognement paniqué de la part d'Hunk.

— Oui, confirme Lance, et toi aussi, d'ailleurs. Nous faisant un jeu d'alcool.

La façon dont il l'annonce lui donne des airs de gamin de trois ans, qui vient de se proclamer chef de la bande. On pourrait croire que c'est l'idée du siècle, et Keith est à peu près sûr que ça ne l'est absolument pas. Mais il se retrouve à hocher la tête quand même. Shiro lui a dit de se montrer plus « sociable » avec le reste de la troupe. C'est un terme vague, mais Keith a compris l'essentiel : être courtois, se laisser « emporter par le flow », comme dit Lance — expression qu'il trouve ridicule, mais passons.

Ils ne sont pas en situation d'urgence, ils traînent, ils s'amusent. Ça ne lui est pas arrivé depuis des années.

— Ça marche, fait-il.

Hunk lui lance un regard incrédule, et marmonne un vague discours dans lequel Keith se retrouve associé au terme de « traitre ».

Pidge a déjà la carte en main, et sélectionne des tas de bouteilles au hasard. Ça risque de revenir à chers, mais personne ne lui dit rien. Elle a trop bu pour s'en rendre compte.

— Hey, Pidge, rappelle-moi, fait Lance, depuis quand est-ce que tu bois ? T'as pas, genre, quinze ans ?

Elle claque sa langue d'un air agacé.

— Je ne bois pas, d'habitude.

— Oh…

— Mais on dirait que ça ne se passe pas trop mal, hmm ?

— C'est parce que tu n'as pris que deux verres ! s'exclame Lance.

— Et alors ?

— Et alors tu prends cet air supérieur, comme pour dire que tu te débrouilles mieux que moi, mais on ne part pas étant égaux !

Elle se relève soudainement, le visage rouge, et s'agite sous le nez de Lance comme un moustique en manque de sang.

— Non, Lance, on ne part pas étant égaux ! Tu te fous de moi, hein ? Tu as vu ma taille et mon poids ? On n'a pas la même résistance à l'alcool, c'est normal que je doive moins boire, espèce d'abruti !

— Voilà, marmonne Hunk, ça commence.

Il essaye d'arranger la situation, et les trois se mettent à élever le ton, sans pour autant sembler réellement en colère. Keith se demande comment ils font. Dès qu'il se bat avec Lance, ça termine plutôt mal : ils ne se parlent plus, ou finissent par se balancer des insultes plutôt blessantes.

Cinq minutes plus tard, leur alcool arrive, et ils sont tous en train de rire pour une raison idiote. Keith est assis à côté de Pidge, qui est en train d'essayer de lui expliquer le fonctionnement du réseau sur cette planète ; il ne comprend rien mais fait semblant, recevant parfois des regards incrédules de la part de Lance. Hunk est en train de chanter une chanson que Keith ne connaît pas, mais qu'il trouve quand même horrible. Quant à Lance, il s'applique à verser l'alcool dans des verres minuscules sans déborder. Keith en prend un et fronce les sourcils.

— Pourquoi est-ce que leurs verres sont si petits ?

— Mec, fait Lance. C'est pour les shots.

— Ah, soupire Keith.

Pidge lui donne un gros coup dans le dos, le faisant grimacer. Cette petite ne mesure pas sa force.

— Tu as encore beaucoup de choses à apprendre, dit-elle.

— Pidge, tais-toi, t'as quinze ans, rétorque Lance. Et pas de shots pour toi.

— Mais arrête avec mon âge, bordel !

— Arrête de jurer comme ça ! À quinze ans, je-

— Putain, mais Lance, je te jure que je vais-

— On passe au jeu ? crie Keith pour stopper la dispute.

Ça les calme tout de suite : ils se mettent d'accord sur un jeu dont les règles ne semblent pas claires — mais sont notées sur une feuille, au cas où il ne s'en souviendrait pas —, et distribuent les cartes. Il y a plusieurs choses à faire. Des suites de mots, par thème, des souvenirs à évoquer, des règles bidons où il faut ignorer certaines personnes pensant un certain temps.

Keith n'arrête pas de perdre. Il enchaine shot sur shot, et bientôt, sa vision est encore plus restreinte qu'avant ; ses jambes plus faibles, ses mots moins bien articulés. Une boule de chaleur au creux de la poitrine qui grandit et secoue ses membres. Son organisme fonctionne au ralenti, mais il se sent étrangement bien. Les gestes des autres sont flous, et surréalistes — pourquoi est-ce que Hunk est en train d'empiler des chaises ? Pourquoi est-ce que Pidge crie comme ça ? Qu'est-ce que Lance fout torse nu ? Il ne cherche plus à comprendre. Il est lui-même en train d'essayer de faire une toure avec tous les verres à shot, et ça lui semble logique.

Pidge est la première écroulée. Elle est allongée sur le tapis, et lorsque Lance essaye de lui dire d'aller dans sa chambre, elle lui gueule dessus en disant qu'elle est très à l'aise ici, merci.

— Je m'en charge, soupire Hunk en baillant. Je suis crevé, moi aussi.

La nuit est déjà bien avancée. Lance tente de protester, mais ça ne marche pas. Ils se retrouvent tous les deux, dans un silence gênant.

— Tu n'es pas fatigué ? demande Lance.

— Pas vraiment.

— Cool. Moi non plus.

Nouveau silence. Keith dirige son regard vers la grande fenêtre qui donne sur l'avenue. Les néons sont nombreux et irréguliers, ils clignotent dans son champ de vision, comme une guirlande lumineuse. Lance commence à parler, il ne sait pas trop de quoi — de cette planète, de la nourriture du château, des t-shirts gratuits qu'ils ont récupérés —, il répond en hochant la tête. Il se sent tout petit. Il doit y avoir des milliers de personnes juste dans les immeubles qui l'entourent, et il ne sait pas comment s'y retrouver.

— Keithy ? demande Lance d'un ton impatient. Tu m'écoutes ?

Ça le sort de sa rêverie. Lance est juste à côté, une moue contrariée peinte sur son visage. Une flopée de détails saute aux yeux de Keith, la longueur de ses cils, la façon dont il passe sa langue sur ses lèvres pour les humidifier, sa respiration légèrement tremblante.

— Je- hum, je pensais à quelque chose.

— À quoi ?

Il hausse les épaules.

— Rien d'important.

— Keith ! proteste Lance. Il faut toujours que tu empêches ce genre de chose !

— Quel genre de chose ?

— Parler de toi, réplique-t-il. Dire ce que tu ressens. Moi, je parle tout le temps…

— C'est parce que tu es égocentrique, ricane Keith. Tu passes son temps à te plaindre !

— Hey !

Keith retourne à sa contemplation, mais garde un oeil sur Lance. Il est assis dans son coin, les bras croisés contre son torse. Il boude. Keith trouve ça ridicule.

Le silence devient trop imposant pour lui ; il a appris à supporter le bourdonnement incessant de Lance, et cette situation n'est pas vraiment agréable. Pour une fois, Keith fait un effort et établit le contact.

— Hey, tu as envie de faire quelque chose ?

Sa voix sonne traînante, mais ses paroles ont pour effet de sortir Lance de sa bulle. Il rampe péniblement jusqu'à lui, et se laisse tomber avec superbe, la tête à trois centimètres des genoux du jeune homme. Une étrange envie de rire prend Keith à la gorge — il l'ignore.

— On fait une suite de mots ? demande Lance.

— Encore ?

Lance relève la tête, et sourit avec paresse. Des mèches décoiffées se baladent partout sur son visage, et ses joues sont rouges.

— Tu dis ça parce que tu perds à chaque fois ? fait-il.

Keith hausse les épaules, parce que d'accord, c'est peut-être légèrement lié.

— Mais je ne pensais pas à ça, continue Lance. J'veux dire, une suite où je dis un mot, et tu en dis un autre, le premier qui te vient à l'esprit, et j'en dis un autre, etc etc.

Cette règle semble moins dangereuse : pas d'alcool à la clé, et étrangement venant de Lance, on ne peut pas gagner ou perdre.

— D'accord.

— Bon, je commence, dit Lance. Alcool.

C'est d'une originalité déconcertante. Keith secoue la tête et lève les yeux au ciel.

— Flammes, fait-il en repensant au cocktail de plus tôt.

— Laser !

— Armes, continue Keith.

— Guerre.

— Galras.

— Zarkon, dit Lance d'une voix nettement moins enjouée.

— Meurtres…

— Uhh… Fin du monde ?

— Fin de… La Galaxie ?

— …

Bon, Keith veut bien l'admettre, il ne s'attendait pas à ça. Lance a l'air aussi embêté que lui, il bouge ses pieds avec énervement, et plisse les yeux, comme en train de chercher une solution au problème.

— C'était pas la meilleure partie que j'ai eue, finit-il par dire, okay, on recommence ?

Keith hoche la tête, et Lance le pointe du bout de l'index, lui donnant l'honneur de sortir le premier mot.

— Lumière, dit Keith en regardant par la fenêtre.

— Bougies.

— Parfum.

— Cuisine !

— Dîner…

— Famille, fait Lance.

— Orphelin.

Il y a un nouveau silence, et Lance le regarde avec un air fatigué. Keith passe sa main sur sa bouche, confus : le mot est sorti tout seul, il n'avait pas envie de plomber l'ambiance ou quoi.

— Désolé, fait-il en baissant la tête.

— Non, c'était insensible de ma part, de parler de famille, soupire Lance.

— Ne t'en fais pas pour ça…

Keith n'a pas envie d'en parler plus que ça. Il n'a pas eu d'expérience particulièrement traumatisante, il n'a jamais été frappé, jamais été ignoré délibérément. Il a grandi avec plusieurs familles d'accueil, n'a jamais eu d'autres problèmes que ceux qu'il avait provoqués. Il s'est forgé sa carapace. Le vide autour de lui s'est agrandi au fil des années, mais il ne faisait rien pour le combler. Rien à confesser en particulier.

Heureusement, Lance doit avoir une espèce de sixième sens, et sait quand il peut se permettre de reprendre la conversation en main.

— Bon, ce jeu est plutôt une catastrophe. Compris. J'éviterai d'y jouer avec toi.

— Sans blague, soupire Keith. Mais tu es aussi coupable que moi ! C'est toi qui as commencé avec « guerre » !

Son coéquipier hausse les épaules, plaidant non coupable. Il pourrait revenir sur le geste, mais il n'est pas d'humeur à se disputer. L'alcool le fait parler fort, il commence à avoir mal à la gorge.

Quelques minutes passent, pendant lesquelles Lance semble chercher une activité pour ne pas s'endormir. Le regarder cogiter, lancer des tas d'idées à voix haute, est plutôt drôle, alors Keith ne l'aide pas vraiment. Il n'est pas doué à ce genre de chose, de toute façon. Mais au bout d'un moment, Lance doit en avoir marre, puisqu'il se tourne vers lui en lui demandant ce que lui veut faire. Keith répond la première chose qui lui passe par l'esprit :

— On pourrait se battre ? Genre, s'entraîner ?

Il reçoit un regard incrédule.

— Tu tiens tant que ça à te battre ? Moi qui croyais qu'on s'entendait bien sur ce coup-là, marmonne Lance.

— Ce n'est pas- je voulais dire, un combat amical ? reprend Keith. Désolé, je suis nul à ça.

Lance hésite quelques secondes, passant discrètement une main dans ses cheveux. Il a cette espèce de moue contrariée, pince les lèvres, comme il le fait souvent. Le jugement tombe finalement.

— Bon, si tu veux. Mais tu devrais arrêter de te prendre la tête alors qu'on a un peu de temps libre, grogne-t-il.

— Je ne me prends pas la tête, proteste Keith. Justement, j'évacue.

— Tu sais, il y a d'autres façons d'évacuer, fait remarquer Lance.

Un léger sourire se dessine sur ses lèvres, et Keith jurerait le voir rougir un peu, mais ne voyant pas trop où il veut en venir, il hausse un sourcil interrogateur.

— Tu veux dire faire du sport autrement ? Sans se battre ? demande-t-il.

— Oh bon sang, grogne Lance, oublie ce que je viens de dire…

— Quoi ?

— Rien. On se bat. C'est très bien.

La façon dont il le dit ne plaît pas à Keith, mais il se contente d'un regard en biais. Ils se mettent d'accord pour pousser la table basse et quelques canapés, se créant un espace plus grand.

Il sait d'avance que ce combat va être une catastrophe : il sent le monde tourner dès qu'il fait un pas, et Lance ne marche même pas droit. Mais ils essayent quand même, c'est encore pire que ce qu'il avait prévu. Lance bouge ses bras dans tous les sens, et réussit à se propulser contre le tapis sans qu'il ne fasse rien pour, puis se met à s'accrocher à son pantalon en geignant. Keith est supposé avoir un bon sens de l'équilibre, mais il tombe quand même. Ça ne fait pas mal, mais il a la flemme de se relever, alors il attrape les mains de Lance, et ils restent à se fixer comme deux idiots, en se demandant qui va mettre le plus de force dans la prise.

Lance perd en moins de deux minutes, et fait tourner ses poignets, comme s'il avait dû fournir un véritable effort.

— Bon, ça aussi, c'était une catastrophe, rit-il.

— Tu es trop exigeant, fait remarquer Keith.

— J'ai mes standards…

Lance lui fait un clin d'oeil, et essaye de se relever. Il ne réussit qu'après trois tentatives.

Il pourrait l'imiter, mais Keith est bien par terre — et ça semble absurde, dit comme ça —, il tend ses bras et ses jambes au maximum, et fixe le plafond en laissant ses pensées vagabonder.

— Est-ce que c'est normal ? demande-t-il sans s'en rendre compte.

— De quoi ?

— Ce genre de moments ?

— Comment ça ?

Il ne sait pas comment l'expliquer. Keith a l'impression que parfois, il est à des années-lumière des autres, pas physiquement parlant : plus sur un plan, disons, spirituel. Les paroles qu'on lui lance résonnent dans sa tête et n'y trouvent pas de place. Il ne se sent jamais vraiment à l'aise, jamais vraiment enraciné quelque part. C'est une chose dont il ne parle que très peu. Bien sûr, il y a Shiro — Shiro est différent, c'est ce qui se rapproche le plus d'une famille pour lui —, mais c'est encore autre chose. Shiro est toujours là pour Keith, il le sait, mais lui dire tout ça ne ferait que l'inquiéter. Il a déjà assez à penser, Keith ne veut pas en rajouter.

Et puis, le reste de l'équipe. Il commence à s'habituer à eux. Pidge est petite mais coriace, plus intelligente que Keith de bien des façons, elle s'emporte souvent lorsqu'elle est passionnée, et ne se laisse jamais marcher sur les pieds. Hunk est la définition même de la compassion, il sait toujours quoi dire pour détendre l'atmosphère, et est trop ironique pour son propre bien. Lance est bruyant, s'exprime avec un naturel déconcertant, et fait toujours de son mieux. Quant à Allura et Caron, ils sont toujours là pour eux, et possèdent un sens de la justice particulièrement impressionnant. Keith ne veut pas dire qu'il ne se retrouve pas là-dedans. S'il devait être arraché à ce groupe-là, il ne sait pas combien de temps il lui faudrait pour s'en remettre. Mais ça ne veut pas dire que c'est simple. Le problème vient de lui, et il le sait : il n'a tout simplement aucune idée de comment est-ce que ce genre de relation fonctionne. C'est comme faire de l'escalade sans attaches : il s'accroche désespérément à ce qui lui permet d'avancer, mais s'il venait à tomber, la chute serait mortelle.

— C'est rien, finit-il par sourire.

Quelque part dehors, une sirène retentie, une petite fille se met à rire, un engin klaxonne, une musique avec des paroles incompréhensibles retentit dans les haut-parleurs de la ville. Keith ne pense plus à rien.

C'est bizarre de se sentir si vide dans un endroit si vivant.

— — —

— — —

JE VOUS PROMETS QU'ILS NE SONT PAS BOURRÉS PENDANT TOUTE LA FIC

Aussi, Pidge n'a presque pas bu, au final, même si elle a commandé dix litres d'alcool lol. J'espère que ça vous aura plu ! Cette histoire devrait faire 8 chapitres, d'après le plan que j'ai, mais comme une idée peut se révéler plus ou moins longue que prévue, le nombre peut changer :) ! N'hésitez pas à me laisser votre avis, et me dire ce que vous en avez pensé, ce que vous trouvez bon ou mauvais !

Bisous bisous !