...

Be Bad

Celui qu'on croyait être le protagoniste, devient finalement l'antagoniste.


La caméra suspendue au plafond m'observe.

Dans sa lunette, je parviens presque à voir l'œil de l'horrible personne qui, au-delà de ces murs en brique, me regarde. Cet être qui sourit tout en jouissant de ma capture ne sait pas ce qui l'attend.

Ils arrivent. Un premier homme en costard entre, café à la main, cravate serrée. C'est bien là un inspecteur en chef de la police métropolitaine de Tokyo, ça ne fait aucun doute. Le second lui est sans doute un officier quelconque qui est reconnu que grâce à sa plaque, qui indique alors un numéro qui lui est propre. Une organisation à la limite du ridicule.

Combien de fois étais-je venu à leur secours ? Combien de fois avais-je déclaré haut et fort être une aide précieuse ? Sans moi, de très nombreux criminels seraient encore en liberté, ce n'est pas Kogoro qui dira le contraire, lui qui était finalement si mauvais.

Maladroitement, celui qui devait être plus bas dans la hiérarchie saisit la chaise et tente de s'asseoir correctement à plusieurs reprises. Le cliché parfait d'un agent incapable de faire correctement son travail.

Toujours pareil, toujours le même schéma. Le plus grand, lui, serre davantage sa cravate et étire un rictus mauvais sur son visage comme pour me narguer d'avoir enfin été arrêté.

- Bien, Conan Edogawa, vous confirmez donc tout ce que vous avez précédemment dit dans vos derniers interrogatoires ? demande une énième fois l'officier.

- Oui, répondis-je sans émotion.

Son visage devient pâle et raide. A-t-il peur ? Il fait tout de même face à l'une des deux personnes qui ont semé la panique en ville ces dernières heures. Pourtant, il tente de le cacher avec des moyens si banals.

- Fascinant, déclarai-je en levant le regard vers celui qui se faisait appeler Hyoue Kuroda.

- Quoi donc ? me répond-il surpris.

Tss. Aucun suspense.

- Vous avez serré votre cravate quatre fois en une minute inspecteur, répondis-je. C'est fascinant. Anxieux ? Vous êtes anxieux ?

- Raconte-moi plutôt comment tu en es arrivé là, Shinichi Kudo, déclara-t-il en prenant enfin place sur la chaise en bois. Tu étais détective. Tu étais un gamin, et-

- On se tutoie maintenant inspecteur ? remarquai-je. Très bien, comme vous voulez.

Il soupire avec un air énervé.

Cet homme est toujours aussi sensible. À la longue, ça en devient lassant. Pourquoi n'y a-t-il plus autant de défi qu'avant ? Pourquoi les agents du PSB avaient-ils finalement décidé de laisser faire ce vieil homme ?

Amuro. Akai. Eux avaient été des alliés de taille, mais surtout, des ennemis incroyablement doués. Ils se complétaient malgré le fait qu'ils se détestaient. Un duo qui avait pourtant eu un si grand potentiel lorsque l'Organisation avait pris d'assaut cette immense grande roue, il y a de ça maintenant plusieurs années. Que de souvenirs dérangeants.

D'un coup de claquement de doigts, tel un coup de baguette magique, Kuroda semble me ramener à la réalité. Mes pensées avaient eu raison de moi.

- Je veux tout savoir. Toute l'histoire, ordonne-t-il en fronçant les sourcils. Dis-moi tout.

Sa lunette brille. Je peux même apercevoir mon visage fatigué et amoché dans le reflet.

- Si votre homme sort, je vous expliquerais tout, répliquai-je. C'est ma seule condition.

Hyoue hésite. Je le vois bien. Mais ce n'est pas négociable.

- Fou le camp, dit-il à voix basse à son agent.

Intérieurement, j'éclate de rire. Non seulement son langage de vieux papi aigri n'avait pas changé d'un pouce, mais en plus cet imbécile avait décampé à toute vitesse, comme si le diable lui avait couru après.

Mais Hyoue n'était pas le diable. Il il ne lui avait encore moins couru après.

- Maintenant, parle, Conan. Je veux tout savoir.

- Tes désirs sont tes ordres...

[==]

Deux ans plus tôt...

...And since we've no place to go
Let it snow, let it snow, let it snow...

Haibara coupa la télévision.

- Conan, on a du travail je te rappelle, dit-elle avec un air sérieux.

Épuisé, le détective s'étira de tout son long.

- L'Organisation attendra ! répliqua-t-il agacé.

- Je doute que Gin soit de ton avis, coupa-t-elle en se dirigeant vers la table de travail. Dois-je te rappeler notre contrat ? Si tu veux survivre. Si tu veux que je survive. Si tu veux que nos amis survivent... alors on doit le faire.

Très sexy. Une description qui correspondait bien à la jeune fille qui venait de commencer le travail dont elle parlait.

Ils avaient tellement grandi. Quinze ans pour être exact. Plus de huit ans après son rajeunissement, le secret de Conan avait éclaté au grand jour pour de nombreuses personnes, et ce n'était pas entièrement de la faute à Rum, mais plutôt de son effroyable manque de confiance et d'intelligence.

Un grand détective, surdoué, qui excellait dans les plans contre l'Organisation, mais qui avait été finalement icnapble de protéger son identité jusqu'à la dernière minute. Jusqu'à la dernière goutte de sang qui avait été versé, il y a de ça maintenant trois ans. Un combat final qui n'avait pas eu lieu d'être, mais qui avait aussi été un échec.

Mal préparés, ni le FBI ni le PSB n'avaient pu apporter leur coup de main. Comment s'en sortir dans cette situation ? Comment faire sans des alliés précieux, tels que Rei Furuya ?

Défaite violente. La famille Akai avait été obligée de quitter le Japon dans la journée. Ce n'était ni la faute du petit détective, ni celle de la scientifique, mais plutôt celle de l'ensemble du groupe qui, pendant l'ombre d'un instant, avaient cru pouvoir battre Rum sur un terrain qu'il connaissait déjà et dont il était un grand maitre.

Désormais sous l'emprise de l'Organisation, Conan et Haibara avaient quitté silencieusement les esprits de toutes les personnes qui les avaient un jour connus pour rejoindre les rangs du terrible Syndicat noir.

Fino. C'était le nom de code du premier rajeuni. Sherry. C'était celui de la sœur de la défunte Akemi.

La raison officielle du départ était la mort. Beaucoup croyaient que les deux jeunes prodiges avaient péri lors de cette confrontation, et l'enquête était au point mort depuis bien longtemps.

- Tu vas m'aider sur le sujet test Gamma, exigea Ai. Et tu vas faire bien attention cette fois.

Il observait la silhouette et les courbes de l'adolescente qui, amusée par ce petit jeu romantique, en profita légèrement pour savourer sa possibilité d'utiliser Conan à sa guise.

- C'est fini pour Ran ? Je suis ta prochaine cible ? demanda-t-elle.

- Tu sais bien que c'est fini pour Ran depuis bien longtemps.

Il avait un faible pour elle. C'était certain. La vérité, c'est qu'elle en avait également un, bien qu'elle ne l'assumait pas.

Mais un obstacle très gênant existait dans ce duo romantique. Gin. Celui qui s'était proclamé tuteur de la scientifique était aujourd'hui toujours un ennemi de taille, voir plus dangereux qu'auparavant.

Le concerné était d'ailleurs à la porte d'entrée, ne se gênant pas pour entrer dans aucune autorisation.. Ses parents résonnaient fans la grande pièce blanche, et son sourire machiavélique faisait déjà trembler l'ancien détective.

Brusquement, il éclata son poing sur la table de travail, afin d'attirer l'attention de ceux qui y travaillaient.

- Ça avance ? rugit-il.

- Pas la peine de briser une nouvelle fois notre table en deux pour te faire comprendre, Gin, somma Sherry.

- Excuse-moi, dit-il en s'approchant d'elle. Je n'ai pas bien entendu ce que tu as dit, pourrais-tu répéter ?

Sa main remis en place une des mèches auburn de sa chevelure. Rum, qui suivit le tueur corbeau dans la pièce, leva le ton à son tour :

- Calme tes ardeurs Gin, laisse les travailler.

- Tss, tu peux parler, grogna l'homme en noir. Ils sont d'une lenteur fascinante. Tu es bien le seul à trouver ça logique.

- Parce que l'APOTOXINE ne se prépare pas en deux jours, renseigna-t-il. Retourne à ton poste.

Il quitta la pièce en trainant des pieds, cigarette aux lèvres.

Fino, alias Conan, soupira longuement puis prêta son aide à sa partenaire pour remettre en état ce qui était tombé à la suite du coup de Gin. Elle le remercia en ignorant son regard tendre, ne préférant pas le croiser.

Le second aux commandes de l'Organisation mit ses mains dans ses poches et observait la remise en état des outils de travail. D'un air neutre et satisfait, il tenta de quitter la pièce avant d'être interrompu dans sa tentative par une voix qui s'était élevait dans le silence pesant et froid de la salle. Celle de la gent féminine.

Une simple question. Un pourquoi sans suite. Rum disparut dans le couloir sans fournir de réponse.

Une larme coula le long du visage d'Haibara.

- Ne t'approche pas ! gronda-t-elle en l'essuyant avec un mouchoir rouge.

Avec un peu d'hésitation, il désobéit à sa demande. Ses mains l'obligèrent à se plaquer contre son torse, le souffle de sa respiration proche du cou du détective rajeuni.

- Arrête un peu de jouer les durs, souffla-t-il.

Elle se dégagea de son étreinte et resserra sa chemise.

- Ce n'est pas une vie, soupira-t-elle en retournant travailler. Je l'ai compris trop tard.

"..."

Un sourire sur son visage, Conan resta silencieux.

Ils étaient prisonniers de l'Organisation. Ils étaient condamnés.

Mais sans savoir réellement pourquoi, Haibara sentait que son acolyte n'était pas du même avis. Elle se souvenait parfaitement de ce qu'il avait dit le tout premier jour de captivité.

« C'est notre chance. Devenons ensemble ceux qui mettront fin à tout cela. »