Disclaimer: Durarara appartient à Ryōgo Narita.

Note de l'auteure: me voilà avec ma première histoire longue. C'est un thème qui me tient à coeur pour des raisons personnelles, mais je suis loin d'être médecin. J'ai fait de mon mieux, mais je m'excuse d'avance s'il y a des erreurs ou des facilités scénaristiques. J'ai une très grosse pensée pour tous ceux qui sont touchés de près ou de loin par cette maladie horrible qu'est le cancer.


Personne n'est éternel

Prologue

Tuuu... Tuuu... Tuuu... La sonnerie agaçante du réveil finit par me réveiller. Je grogne, mécontent, et lève paresseusement un bras pour le couper. J'ouvre alors les yeux avec lenteur. Ce matin, je serais bien resté au lit. J'ai pourtant l'habitude de me lever à six heures, mais ça fait plusieurs semaines que je ne me sens pas bien. Je me traine une grosse fatigue depuis un moment et je n'arrive pas à récupérer, mais qu'importe. Il en faut plus que ça pour me terrasser. De mauvaise grâce, je me force donc à me lever et me traine jusqu'à la salle de bain. Je ne suis pas du matin, je peine à me réveiller totalement. Heureusement, ça va déjà mieux après une douche rapide. Je finis alors de me préparer, jetant un regard désapprobateur au miroir. Mon reflet me semble bizarre, comme si quelque chose clochait, mais je n'arrive pas à voir quoi. Puis, j'aperçois mes repousses brunes, qui sont trop visibles. Ça doit être ça. Bien, il faudra que je rachète de la teinture après le boulot. Je m'habille alors et ferme ma ceinture un cran plus loin que d'habitude, comme depuis quelques jours d'ailleurs. C'est quand même bizarre. Aurais-je perdu du poids sans m'en rendre compte ? Bah, ça n'a pas d'importance, je ne suis pas du genre à faire attention à ma silhouette. Et puis, c'est pas comme si j'étais trop mince, ce n'est donc pas un problème... Une fois prêt, je vais dans la cuisine pour manger et boire un bon verre de lait.

Je fais ces mêmes gestes chaque matin, sans variation. Je suis un homme simple, je n'aspire qu'à un quotidien banal. Si je le pouvais, je passerais ma vie comme ça, à suivre une routine bien rodée. Ce serait sans doute un peu ennuyeux, mais, au moins, je serais au calme. Plus que tout, je voudrais avoir la paix et ne plus subir mes crises de colère. Cependant, c'est impossible. Il y a bien trop d'emmerdeurs dans le coin. Un, en particulier, ne me laissera jamais tranquille... A cette pensée, mes doigts se resserrent sur mon verre qui commence à se fissurer. Merde, il est encore trop tôt pour penser à la puce. Me ressaisissant, je finis de manger, tout en fronçant légèrement les sourcils. Encore cette sensation... Depuis un moment, je ressens comme un poids sur la poitrine. Généralement, ça me vient quand je tousse, ce qui m'arrive assez souvent ces derniers temps. C'est dérangeant, mais je décide de ne pas y faire plus attention que ça. Ça finira bien par passer, comme tout le reste. Je me suis souvent blessé fortement. Je sais donc d'expérience que la douleur ou les quelconques gènes ne durent jamais bien longtemps chez moi. Je dois juste prendre mon mal en patience.

Une fois mon repas fini, j'enfile mes chaussures et sors de l'appartement – un petit trente mètres carrés qui aurait bien besoin de rafraichissement, mais c'est tout ce que je peux me permettre avec mon salaire. Ceci dit, je ne me plains pas, je n'ai pas besoin de plus d'espace et puis, de toute façon, je ne suis pas souvent chez moi.

Dehors, j'essaye de me motiver pour la journée à venir, tout en avançant à grandes enjambées pour rejoindre le bureau. Il fait plutôt froid pour la saison, c'est étonnant. Enfin, qu'importe. Je n'ai jamais été beaucoup affecté par le temps. Un autre avantage à ma force surhumaine ? Peut-être, j'en sais rien et, à vrai dire, je m'en fiche pas mal. Je ne suis pas du genre à m'encombrer l'esprit avec ce genre de questionnement tout à fait inutile. Après une courte marche, j'arrive enfin au boulot. J'entre alors rapidement dans le bâtiment et y retrouve Tom. En le voyant, je m'avance vers lui et le salue.

« Ah Shizuo, bonjour. Ça va ? Je te préviens, on a beaucoup de boulot aujourd'hui, j'espère que tu es en forme.

– Oui, pas de souci. »

Que dire de plus de toute façon ? Après tout, j'aime les journées bien remplies, elles m'évitent de penser et font passer le temps plus vite. Comment occuperais-je mes heures sinon ? Sans doute en trainant n'importe où, en buvant et en frappant les gens. Que de belles perspectives en somme. Non, c'est évident qu'il vaut mieux que je sois bien occupé.

Tom vérifie encore quelques dossiers puis, sans plus de préambule, on ressort. C'est parti pour une longue journée... En toute honnêteté, je n'aime pas ce job, mais je ne l'avouerai jamais à haute voix. Je suis vraiment reconnaissant à Tom de m'avoir donné ce travail. Il faut dire que je suis juste un bon à rien, c'est ça la vérité. Je n'ai pas fait d'études supérieures et je n'ai jamais réussi à garder un emploi bien longtemps. Alors, je n'ai pas le droit de me plaindre, surtout que c'est le seul endroit où l'on accepte mes crises de colère.

Je sais que les gens se moquent de moi quand je dis que je ne supporte pas la violence. Pourtant, c'est la vérité. À chaque fois que je m'emporte, je m'en veux. Chaque jour qui passe, je me déteste un peu plus. J'aimerais tant pouvoir être débarrassé de cette force monstrueuse et être enfin normal, mais je sais que c'est impossible... Alors je fais avec, je prends sur moi. Et je fais passer le temps comme je peux, en essayant de limiter ma rage.

« Et bien Shizuo, tu traines fort les pieds ce matin. Tu es déçu parce que Vorona est repartie en Russie ? se moque gentiment Tom.

– Idiot. Je suis mal réveillé, c'est tout. »

Il rigole doucement alors qu'on arrive à la première maison. Même si je ne dis rien, je n'aime pas trop ses insinuations. Je sais qu'il ne veut pas être méchant, mais ça reste un sujet sensible... Vorona et moi sommes... amis, je suppose. J'ai été son ainé, je l'ai prise sous mon aile. C'était une première pour moi et j'ai adoré ça. Elle a une personnalité particulière, mais très attachante. Et comme c'est une femme, et bien oui, j'y ai pensé. J'ai pensé que, peut-être, c'était elle la personne qu'il me fallait, qui allait enfin m'accepter et... sans doute m'aimer ? Elle n'a pas peur de moi et je ne l'ai jamais blessée. Ces deux faits sont assez miraculeux que pour être soulignés. Seulement... je n'ai aucune attirance pour Vorona. J'ai essayé de la voir autrement mais impossible. Je ne ressens rien d'autre pour elle qu'une franche amitié. C'est frustrant, je dois être maudit. Pour une fois que je rencontrais quelqu'un avec qui ça aurait pu marcher, les sentiments ne sont pas venus.

Je fais toujours attention à ne rien montrer, mais la solitude me pèse de plus en plus. Je rêve d'être aimé et d'aimer en retour de toutes mes forces. C'est niais, c'est vrai, mais c'est ce que je souhaite plus que tout. Si j'avouais ça à haute voix, ils seraient plusieurs à se moquer de moi – enfin à supposer qu'ils osent le faire – mais je n'ai pas honte pour autant. L'amour, c'est un sentiment important pour moi. Quand deux personnes se lient, ça ne doit pas se faire à la légère. Moi, je crains l'amour tout autant que je le désire. Mais je ne le cherche pas. Si je devenais intime avec quelqu'un, j'aurais bien trop peur de le blesser accidentellement. Je ne me maitrise pas assez. Quand j'étais petit, j'ai même failli faire du mal à mon frère. Que faire si je faisais du mal à la personne que j'aime ? Je crois bien que je ne le supporterais pas. Alors, je ne m'investis pas. Mais c'est vrai que dès qu'une occasion, ou un semblant d'occasion, se présente, je ne peux m'empêcher d'y croire. Cependant, je n'ai plus beaucoup l'espoir de pouvoir vivre une relation de couple. C'est tellement rare de voir des gens qui viennent vers moi, sans aucune crainte. Bon, il y a bien Izaya, mais... mieux vaut ne pas faire de commentaire là-dessus. Du coup, je dois juste accepter le fait que je vivrai ma vie tout seul...

Tom sonne alors à la porte, me sortant de mes pensées. J'essaye de me concentrer tandis qu'un type puant et mal rasé vient nous ouvrir. Aussitôt, le dégoût et la colère s'emparent de moi. Merde, je déteste vraiment mon job. J'ai déjà envie de l'écraser...

« Ouais, c'est pour quoi ? grogne-t-il d'une voix bourrue.

– On vient chercher l'argent que vous nous devez, répond Tom.

– Ah ouais ? Parce qu'avec les habits de l'autre, je croyais que vous veniez faire la promotion d'un nouveau bar, ah ah ah. »

Il se moque clairement de moi, là ! Je sens les veines de mon visage se gonfler de plus en plus. Celui-là, je vais me le faire !

« Non mais de toute façon, je ne l'ai pas votre foutu fric. S'avez qu'à revenir la semaine prochaine. »

Ok là, je vais vraiment pas le louper ! Avec fureur, je l'agrippe par le col.

« T'as pas idée de me faire chier dès le matin, toi ?! Tu sais ce que je leur fais aux emmerdeurs dans ton genre ?! »

Et sans attendre que l'information ne lui monte au cerveau, je l'envoie valser violemment dans les airs. Il se fracasse mollement plusieurs mètres plus loin. L'herbe amortit sa chute, mais j'entends clairement un os se briser. Bien fait ! Il y réfléchira à deux fois maintenant avant de me faire chier !

« T'as intérêt à avoir l'argent demain, compris ?! »

Il acquiesce rapidement et se relève tellement vite qu'il trébuche plusieurs fois. Se tenant le bras, il se hâte de rentrer à l'intérieur. Une fois la porte fermée, Tom me lance un regard désapprobateur.

« Tu y as été un peu fort, Shizuo. C'était pas la peine de... Hé ?! Est-ce que ça va ?! »

Pris d'une douleur plus forte que d'habitude au thorax, je me penche vers l'avant, la main sur la poitrine, essayant de retrouver mon souffle.

« ... Ouais, ça va. Ça me fait ça de temps en temps ces derniers jours. C'est rien, ça va passer.

– Tu es sûr ? Tu devrais aller voir un médecin, non ?

– Non, ça ira. »

Je me redresse alors, avant d'être pris par une violente toux. Toux qui ne fait qu'intensifier ma douleur. Je ne peux m'empêcher de grimacer.

« Ça suffit, tu es clairement malade. Rentre chez toi.

– Ça va passer !

– Shizuo, ce n'est pas le premier jour que tu tousses comme ça. En plus, ta respiration est encore sifflante, tu n'as vraiment pas l'air en forme, insiste-t-il. Je préfère que tu prennes congé.

– Non, tu as dit qu'on avait une grosse journée.

– Je peux me débrouiller sans toi.

– Non... Regarde, c'est fini. »

Et c'est vrai. La toux et la douleur ont disparu. Tom a l'air sceptique, mais, voyant que je ne changerai pas d'avis, se contente de soupirer. On reprend alors notre marche... Mon souffle se stabilise et je peux enfin respirer normalement. Cette satanée toux commence sérieusement à me gonfler ! Ça fait combien de temps que je l'aie ? Je ne me souviens plus... Une semaine ? Non deux. Deux semaines où je tousse quasi tous les jours. Sans doute que le sirop que je prends n'est pas assez fort. Je devrais penser à vérifier la date de péremption. Ouais, c'est un peu pénible, mais c'est rien de grave. Ça peut arriver à tout le monde de tousser pendant plusieurs semaines. Ça doit être un rhume trop envahissant. M'enfin, c'est quand même désagréable. Si ce n'est pas parti pour lundi prochain, j'irai chez Shinra. Il pourra surement me passer un médicament plus fort. Pas de quoi fouetter un chat donc.

Le reste de la journée se passe, d'ailleurs, sans accro. À part l'abruti de tout à l'heure, tous les autres ont remboursé totalement ou en partie leur dette. Vers la fin de l'après-midi, Tom me propose d'aller boire un verre, ce que j'accepte avec plaisir.

« Comment va ton frère ? me demande-t-il, une fois installé.

– Il va bien. Il est en train de tourner un nouveau film, il est pas mal occupé.

– C'est une bonne chose. Tu dois être fier de lui.

– Oui, je le suis. »

Je suis extrêmement fier de mon frère. J'ai même beaucoup d'admiration pour lui. Il a réussi sa vie, contrairement à moi, mais je ne suis pas jaloux pour autant. Seulement, je ressens toujours de la culpabilité à chaque fois que je pense à lui. Tout ce que je lui ai fait subir... J'ai honte et je me demande même si ce n'est pas à cause de moi qu'il est aussi impassible. Je l'ai sûrement influencé, mais pas dans le bon sens. Je m'en veux. C'est peut-être pour ça que je suis autant attaché aux vêtements de barman qu'il m'a offerts. J'aimerais tant qu'il puisse être fier de moi, lui aussi. Ça me dérange vraiment cette attitude protectionniste qu'il a à mon égard. Parfois, j'ai l'impression que c'est lui le grand frère. Alors, j'essaye de faire de mon mieux pour qu'il voit que je sais gérer ma vie. Je ne veux surtout pas l'inquiéter. C'est vrai que, du coup, je lui cache parfois la vérité. Mais ce n'est pas un mensonge ! Je ne lui dis juste pas tout, ce n'est pas pareil. De toute façon, il n'a pas à savoir chaque fois que je me fais virer, ni à quel point mes problèmes d'argent me préoccupent.

« Tu as quelque chose à oublier ? me taquine Tom alors que je me commande un alcool fort.

– Ouais, ce sale connard de tout à l'heure !

– Laisse tomber, ça n'en vaut pas le coup.

– Je sais, mais j'arrive pas à me calmer. Pourquoi faut toujours que des emmerdeurs me cherchent ?!

– ... Peut-être parce que tu vois le mal partout ? »

Je grogne mais ne réponds pas. Je ne tiens pas à m'énerver sur Tom, même si je ne suis pas d'accord avec lui. Non, je ne vois pas le mal partout ! Ce sont les autres qui me cherchent, qui me provoquent ! Tout le monde sait, pourtant, à quel point je suis irritable. Alors pourquoi faut-il qu'il y ait toujours des gens qui viennent me titiller ?! Ils aimeraient jouer avec une grenade sur le point d'exploser ?! Je pense pas ! Faudrait vraiment qu'ils se rendent compte que se foutre de moi revient strictement au même !

Je soupire légèrement. Et voilà, je suis encore en train de m'énerver. Je ne supporte pas ça alors j'essaye de me détendre. Je tourne légèrement le visage et mes yeux se perdent à travers la fenêtre. Le ciel est presque d'un bleu pur, il y a pas mal de monde dehors... Je les observe distraitement jusqu'à ce qu'un détail me saute aux yeux. Mon coeur s'arrête l'espace de quelques secondes lorsque j'aperçois une veste à fourrure bien trop familière. Mon sang ne fait alors qu'un tour. Je repousse violemment ma chaise et sors avec précipitation. J'entends à peine le soupir de Tom alors que j'atterris déjà sur le trottoir. Sans attendre, je me lance à la poursuite de cet enfoiré qui ne m'a pas encore remarqué. Qu'est-ce qu'il fout là bordel ?! Et qu'est-ce qui est trop dur à comprendre dans la phrase : reste en dehors d'Ikebukuro ?! Putain, je le hais ! Je vais le buter ! Je vais l'écraser ! Je vais le pulvériser comme un sale cafard de merde ! J'attrape alors le premier objet qui me tombe sous la main – une grande poubelle en métal – et la lui envoie avec violence. La poubelle décrit un bel arc de cercle, avant de retomber droit sur Izaya, qui la reçoit en plein sur son dos. La seconde d'après, il est à terre. J'affiche alors un large sourire, faisant fi de la douleur qui est revenue se loger dans ma poitrine.

Izaya se redresse aussitôt et se tourne vers moi. Je peux lire dans ses yeux une haine farouche, ce qui a le don de m'énerver encore plus. Ce connard fait de ma vie un enfer – sans aucune raison ! – et se paie même le luxe de me haïr ! Je jure que je vais le tuer ! Cette puce ne mérite pas de vivre !

« Shizu-chan, toujours aussi brutal à ce que je vois. »

Sa voix résonne de façon désagréable dans mes oreilles. Si seulement il pouvait la fermer ! Je serais même prêt à me prosterner devant celui qui lui coudrait la bouche !

« Qu'est-ce que tu fous-là ?!

– Rien qui ne te concerne.

– Réponds !

– Et pourquoi ça ? Ce quartier t'appartient, peut-être ? »

Il se moque de moi ! Je grogne et m'approche de lui. Il sort aussitôt son couteau. Je grimace. Il le fait quasiment à chaque fois, mais, franchement, qu'est-ce qu'il espère avec ça ?! Comme si une lame de merde pouvait me faire la moindre blessure sérieuse ! Il a beau être intelligent, il se montre particulier stupide par moment.

« Dégage ou je te bute !

– Ah merci de me laisser le choix, c'est vraiment aimable de ta part, mais j'ai encore des choses à faire ici.

– Ferme-là ! Je ne veux plus entendre ta voix ! »

Il me regarde un instant, le visage impassible, avant d'éclater de rire. Merde, c'est encore pire que ses paroles. Je grogne à nouveau, sentant la colère monter de plus en plus en moi. Je vais me le faire ! J'avance alors à grandes enjambées mais il recule en même temps.

« Ne sois pas si énervé, Shizu-chan. Ce n'est pas bon pour ta santé. »

Il ricane toujours, alors que je pousse un cri énervé. Avec un dernier regard, il s'éloigne rapidement, mais je me mets aussitôt à lui courir après. Je veux tellement l'attraper, lui mettre la main dessus et lui faire vivre l'enfer ! Il le mérite ! Seulement, la course-poursuite ne dure que quelques secondes. La douleur que je tentais d'ignorer devient soudainement trop forte. Ma poitrine est en feu, j'ai du mal à respirer. Je m'arrête alors et pose une main sur mon torse. Merde, qu'est-ce qui se passe à la fin ?! Une violente toux interrompt mes pensées. Elle me fait mal, j'ai l'impression de cracher mes poumons. Quand elle se calme enfin, j'éloigne mes mains de ma bouche et me fige instantanément. Du sang... du sang est présent sur mes doigts. Comment... ? Je relève alors les yeux, comme pour voir si quelqu'un d'autre l'a remarqué. À mon plus grand désarroi, je croise le regard d'Izaya, à quelques mètre de là. Il a dû s'arrêter peu après moi pour voir pourquoi je ne le suivais plus. Est-ce qu'il a vu le sang ? Merde !

« Shizuo, tout va bien ? »

Je me tourne et j'aperçois Tom. Je veux le rassurer mais une nouvelle toux me reprend et, à nouveau, du sang macule mes mains. Ça me brûle. Ma respiration est sifflante.

« Ça suffit. Prends la fin de ta journée et va voir un médecin. »

Je me sens tellement mal que je ne peux le contredire. Mais qu'est-ce qui se passe ? J'ai déjà été malade, mais je ne me suis jamais senti dans un état aussi minable.

« Tu veux que je t'accompagne ?

– Non, ça va, merci Tom. Je... Je vais aller voir Shinra... Ce n'est pas très loin.

– D'accord. Et ne t'inquiète pas pour le boulot, je m'occupe de tout.

– Ça va... »

Je suis agacé par sa prévenance. Je n'ai aucune envie d'aller chez un médecin, mais si ça peut permettre aux gens d'arrêter de me faire chier, pourquoi pas... Et puis merde, cette douleur n'est quand même pas normale, surtout pour moi... Je me détourne de lui et je m'aperçois alors qu'Izaya est toujours là. Il me regarde étrangement, mais, comme toujours, je n'arrive pas à lire dans son regard. Je grince des dents. Je lui casserai bien la gueule, mais je ne tiens pas à raviver ma douleur à la poitrine pour cet enfoiré. Il y a plus important que lui et puis, Tom ne me lâche pas des yeux. Je n'ai donc d'autres choix que de faire demi-tour, même si je le fais avec regret. Enfin, j'aurai surement d'autres occasions de buter Izaya, vu le nombre de fois où il vient dans ce quartier... Sur le chemin qui mène à l'appartement de Shinra, je me retourne tout de même plusieurs fois pour être sûr de ne pas être suivi par une certaine puce. Visiblement, ce n'est pas le cas. Bien, au moins, il connait les limites à ne pas dépasser.

Arrivé sur place, je sonne à la porte et attends quelques secondes avant de la voir s'ouvrir sur le médecin illégal.

« Oh Shizuo ! Entre, je t'en prie. Tu veux encore que je te recouse vite fait ?

– Non, je viens pour un autre problème. »

Je pénètre dans l'appartement et m'installe en face de lui dans l'un de ses divans.

« Je suis malade, file-moi des antibiotiques.

– Oh là, doucement. Dis-moi d'abord ce que tu as.

– Une toux, un peu de sang mais rien de bien grave. Ah oui et une petite douleur dans la poitrine.

– Un peu de sang ?

– Ouais, quand j'ai toussé tout à l'heure, j'ai craché du sang.

– D'accord... On va regarder ça. Retire ton haut. »

Je m'exécute sans protester alors qu'il prend son stéthoscope. Plus vite il aura posé un diagnostique, plus vite j'irai mieux. Il me demande alors de respirer profondément, d'arrêter, de tousser et me demande à chaque fois si j'ai mal. Je ne sais pas si mes réponses lui conviennent ou pas tant son visage reste impassible. Il me regarde alors fixement.

« J'ai l'impression que tu as perdu du poids, non ?

– Ouais, c'est possible.

– On va vérifier. Attends. »

Il s'éloigne un instant pour aller chercher une balance. Je monte alors dessus, tout en me sentant parfaitement ridicule. En quoi mon poids a un rapport avec le reste ?

« Soixante-six kilos. C'est quoi ton poids moyen ?

– Euh, je dirais septante.

– Hmm quatre kilos en moins... Tu t'es rendu compte que tu avais perdu du poids ?

– Pas vraiment. Ça fait juste plusieurs jours que je dois plus serrer ma ceinture, c'est tout. En quoi c'est un problème. Je suis trop mince ?

– Hein ? fait Shinra, visiblement dans ses pensées. Euh non non, tu as toujours un très bon poids. J'aurais juste voulu savoir si tu avais perdu ces quatre kilos rapidement ou si ça s'étale sur une longue période.

– Qu'est-ce que tu veux que j'en sache ?! Je me pèse quasi jamais. Faut être tordu pour monter sur sa balance tous les jours.

– Ah, j'en connais un pourtant qui fait ça. »

Shinra affiche un étrange sourire. Merde, mais j'en ai rien à foutre de ça moi !

« Et niveau fatigue, comment tu te sens ? reprend-il.

– Je suis crevé, j'arrive pas à récupérer. Mais ça va, je gère.

– ... Tu as ces symptôme depuis quand ? demande Shinra d'une voix posée.

– Euh... je dirais quelques semaines, je crois. Mais ça a empiré aujourd'hui.

– Et pour les expectorations sanguinolentes ?

– ... Les quoi ?

– Le sang que tu craches quand tu tousses.

– Ah euh, c'est la première fois que ça arrive.

– De quelle couleur était le sang?

– Euh ben rouge. »

C'est quoi cette question de merde franchement? Enfin, je me rappelle que je n'ai pas encore lavé mes mains. Je les lui montre donc pour qu'il puisse en juger par lui-même. Il les observe, sans rien dire, avant de reprendre.

« Il y avait beaucoup de sang?

– Comment veux-tu que je le sache? J'en sais rien moi... Quelques tâches. »

Il acquiesce et me semble, un instant, soucieux, ce qui me surprend. Je ne l'ai jamais vu comme ça. D'habitude, il n'affiche ses émotions que pour Celty. Il continue alors à m'ausculter, me palpant le cou et l'abdomen, avant de s'excuser et d'aller vérifier quelque chose dans ses livres. C'est marrant, j'oublie souvent que Shinra n'est pas un vrai médecin. Il n'a pas fait d'étude je crois et il est plus spécialisé dans les blessures et les changements de physique. Enfin, j'imagine qu'il a quand même de bonnes bases en médecine générale... J'ai l'impression que ses recherches durent des heures, mais en réalité, ça ne fait surement que quelques minutes. Enfin, après un moment non-négligeable, il redresse la tête.

« Tu fumes combien de cigarettes par jour ?

– J'en sais rien, ça dépend. En général, presque deux paquets.

– Il va falloir arrêter.

– Hein ?! »

Il se fiche de moi ou quoi ?! C'est quoi son problème ?! Fumer, c'est la seule chose qui arrive à me détendre un minimum. Pas question que je m'en passe !

« Ça ne va faire qu'empirer tes symptômes, me répond Shinra. Tes poumons sont en souffrance.

– ... Tu sais ce que j'ai alors ?

– Je ne peux pas être sûr, soupire-il. Je vais te demander d'aller à l'hôpital passer quelques tests.

– Mais qu'est-ce que c'est ?!

– Ça peut être différentes choses, mais cracher du sang, ce n'est pas très bon signe en général. Si en plus on lie ça avec ta toux qui ne cesse pas, tes douleurs, ta perte de poids et ta fatigue... Sans compter le fait qu'il en faut beaucoup pour que tu sois affecté. Je veux dire, je te connais bien, je t'ai déjà ausculté. Je sais par coeur toutes tes données... Enfin, je ne peux pas te dire avec certitude ce que tu as. J'aimerais pouvoir éliminer certaines hypothèses d'abord.

– Comme quoi ?

– ... Ça ne m'étonnerait pas que ce soit un début de bronchite chronique, voire une bronchectasie... mais ça pourrait aussi être un cancer. »

Il lâche la phrase du bout des lèvres, comme s'il hésitait... Un cancer ? Ce mot s'infiltre en moi et me fait l'effet d'une douche froide. C'est une plaisanterie ?! Ce n'est pas possible. Je veux dire, je n'ai que vingt-cinq ans ! Et je ne suis jamais tombé réellement malade. Mon corps est fort et robuste. Ce ne sont pas quelques microbes qui peuvent m'atteindre ! Cancer... Ce mot a quelque chose d'effrayant. Cependant, je refuse d'y croire. C'est forcément autre chose.

« D'accord. Quand veux-tu que j'aille à l'hôpital ?

– Aujourd'hui, me répond directement Shinra. Il ne faut pas perdre de temps pour ce genre de diagnostique. Laisse-moi juste le temps de passer quelques coups de fils et on y va.

– On ?

– Oui, je t'accompagne. »

Je fronce les sourcils alors qu'il s'éloigne pour téléphoner. Pourquoi s'inquiète-t-il à ce point ? C'est ridicule et ça ne lui va vraiment pas. Je tique, plus qu'agacé. Merde ! Pourquoi faut-il que je perde mon temps avec ces conneries ?!

Les minutes passent. Ça devient long, Shinra semble insister. Qu'est-ce qu'il croit ? Avoir un rendez-vous avec un spécialiste ne se fait pas en une journée. Surtout s'il y a des examens à faire avec des machines. Enfin, j'en sais rien, je suppose. Mon énervement est à son comble lorsqu'il revient enfin vers moi.

« Voilà, c'est réglé.

– Sérieusement ? Le médecin peut nous recevoir aussi vite ?

– Oui oui, pas de souci. J'ai fait jouer mes relations.

– Qu'est-ce que tu lui as dit au juste ?!

– C'est pour ton bien, Shizuo. On a besoin de ces résultats le plus vite possible.

– Mais comment t'as fait pour avoir un rendez-vous aussi vite ?! Je sais que ce n'est pas aussi rapide normalement, ne me prends pas pour un idiot !

– Eh moi aussi j'ai mes petits secrets, sourit Shinra. Ne t'en fais pas, il saura s'arranger. Allez, on y va.

– Ce n'est pas nécessaire que tu viennes avec moi. Je sais me débrouiller tout seul.

– Pas de problème, ça ne me dérange pas. »

Il me sourit alors d'une façon bizarre et sort de son appartement. Il a l'air plus que préoccupé. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Si ce n'était pas aussi grave, ça me ferait peut-être rire... Je le suis alors. Mais je reste sceptique. Enfin, j'imagine qu'en cas d'urgence, on peut obtenir un rendez-vous le jour même.

L'hôpital n'étant pas très loin, on s'y rend à pied. Aucun de nous deux ne parle durant le trajet. Shinra semble réfléchir intensément. Et moi... Et bien, je me sens étrange, comme si un voile obscur entourait mon cerveau. C'est vraiment n'importe quoi ! Je ne dois pas me prendre la tête pour rien. Shinra l'a dit lui-même : ce n'est pas sûr que j'ai cette foutue maladie. De toute façon, je n'y crois pas une seule seconde. Dire qu'il y a moins d'une heure, je travaillais encore tout à fait normalement...

Arrivés sur place, Shinra me guide à travers les couloirs qui se ressemblent tous pour moi. Enfin, il s'arrête devant une porte, frappe et entre sans demander la permission. Je le suis, presque comme un automate. Cette scène me parait irréelle...

Shinra parle quelques instants avec le médecin présent sans que je n'y comprenne rien, avant que ce dernier ne se tourne vers moi. C'est à son tour de me glisser des mots qui n'ont aucun sens pour moi. Il pourrait parler russe que ce serait du pareil au même ! Je me sens déconnecté de la réalité, comme si je flottais hors de mon corps. J'ai du mal à croire que c'est à moi qu'il s'adresse. Comme si je pouvais être gravement malade ! Ça n'a strictement aucun sens ! Pourquoi personne ne s'en aperçoit-il pas ? Le médecin commence sérieusement à me gonfler ! Il me fait chier avec tous ces détails à la con ! Je déteste plus que tout les gens qui tournent autour du pot pendant trois heures ou qui enrobent la discussion de milles mots inutiles. Ce putain de médecin fait les deux et s'il continue comme ça, je vais lui balancer son bureau en pleine tronche !

Heureusement, Shinra se rend vite compte de mon humeur. Il fait alors un signe à l'autre qui se décide enfin à faire son job ! Il commence par un rapide examen physique, puis me fait passer une radiographie... ou une échographie... ? Je ne sais plus, je m'en fous. Je suis surtout étonné de pouvoir passer cet examen directement. C'est donc pour ça que Shinra a dû faire jouer ses relations je suppose. Enfin, peu importe. Je veux juste que tout s'arrête ! Je suis fatigué, j'aimerais tant rentrer chez moi. J'ai besoin de repos, c'est tout. Ce n'est pas compliqué à diagnostiquer pourtant ! Mais non, je dois encore attendre je ne sais combien de temps que ces deux abrutis de médecin analysent mes résultats. Je soupire, déjà presque trois heures que je perds mon temps sans rien savoir !

Puis, enfin, ils reviennent. Je fronce légèrement les sourcils, je vois tout de suite à leur regard que quelque chose ne va pas. Shinra s'avance alors vers moi et affiche un sourire clairement forcé.

« ... Je ne vais pas te le cacher, les résultats ne sont pas très bons, Shizuo... J'espérais vraiment que ça pourrait être autre chose, cependant... on a vu une tâche... Ça peut indiquer la présence d'un cancer, mais il faut confirmer. On va te faire une biopsie. »

Je plisse les yeux. C'est une blague ?! C'est impossible. Je ne fais que tousser mon dieu ! Et puis, ça peut arriver de cracher du sang, non ? D'accord, ce n'est pas normal, mais de là à avoir un cancer ?! Non, je n'y crois pas. Je me sens bien. Un peu fatigué, c'est vrai, mais quand même ! Il doit y avoir une erreur de diagnostique.

« Je suis désolé de vous prendre de court comme ça, intervient l'autre médecin. Je me doute que ça ne doit pas être évident pour vous, mais nous devons absolument réaliser cet examen.

– ... Et qu'est-ce qui va se passer après? Quand est-ce que j'aurai les résultats?

– Je ferai au plus vite, mais ça prendra une bonne semaine.

– On pourrait déjà prévoir une IRM, déclare Shinra. Comme ça prend toujours du temps, mieux vaut réserver déjà maintenant, non? »

Je fronce les sourcils. Pourquoi veut-il régler ça maintenant? Et puis, pourquoi devrais-je passer une IRM ?!

« C'est une bonne idée. Ça va même être un peu juste, mais je vais faire mon possible. »

Bordel, mais de quoi ils parlent à la fin ?! Je serre les poings, plus qu'agacé. Shinra se tourne alors vers moi et me sourit légèrement.

« Allez, courage Shizuo. Tu vas bientôt pouvoir rentrer ! »

Je t'en foutrais moi du courage ! Mais bon, je n'ai pas trop le choix. Alors, je les accompagne pour subir mon dernier examen... Une fois fini, le médecin se veut rassurant. Il me dit qu'il fera de son mieux pour que les résultats arrivent le plus vite possible, mais qu'en attendant, je dois arrêter de fumer et faire attention à mon mode de vie. Je l'écoute à peine. De toute façon, il raconte de la merde. Shinra propose de me raccompagner, mais je refuse. Je n'ai pas besoin de lui ! Je m'en vais alors, seul.

Sur le chemin du retour, j'essaye de ne pas penser à ce qui vient de se passer. C'est tellement ridicule. Shinra ne sait plus quoi inventer. Je suis sûr qu'il serait capable de mentir pour avoir un échantillon de mon corps. Si c'est ça, je jure que je vais le buter! Et puis, une tâche, ça ne veut rien dire du tout! Ça peut arriver que les clichés soient juste mauvais, non ? Il me semble que j'ai déjà vu ça dans une série. Enfin, ça n'a pas d'importance.

Je rentre chez moi et regarde l'heure. Il est presque minuit. Merde, j'ai perdu toute ma soirée pour ces conneries. Sans attendre, je me déshabille et vais me coucher. Je ne suis pas inquiet, je n'ai aucune raison de l'être. Je suis sûr que c'est l'autre truc que Shinra a dit. C'était quoi encore? Une bronchite chronique? Tiens, je ne lui ai même pas demandé si ça se soignait correctement. J'imagine que oui. Il aurait quand même pu déjà me donner les médicaments! C'est vraiment agaçant! Mais alors que je me glisse sous les draps, une nouvelle toux me prend. Encore du sang. Putain ! Shinra me fait chier ! S'il n'était pas aussi stupide au point d'être obnubilé par une tâche quelconque, il aurait peut-être déjà réglé le problème !

Je m'essuie rageusement les mains avec un mouchoir, avant de me laisser tomber sur mes oreillers. Une semaine... Je dois attendre une foutue semaine avant d'être enfin fixé et d'avoir la paix que je mérite! Merde, ça va être vraiment chiant.

Le lendemain, Tom me demande des nouvelles. Je lui dis alors que les résultats arriveront la semaine prochaine. Je ne lui donne pas trop de détails, je ne tiens pas à l'inquiéter inutilement. De toute façon, cette histoire de cancer, c'est des conneries donc... Tom propose que je prenne congé d'ici là, mais je refuse. Les jours s'écoulent alors rapidement. Grâce au boulot, je ne vois pas trop le temps passer et je suis si fatigué quand je rentre, que je m'endors directement. Je tousse encore, parfois avec du sang, parfois sans. Mais ça va, je gère et j'arrive à continuer le travail, malgré les remontrances de Tom. La plupart du temps, j'arrive à lui cacher mes douleurs, c'est déjà ça. Et pendant tout ce temps, je n'ai aucune nouvelle de Shinra.

Lorsque la semaine prend fin, il m'appelle alors. Il me donne juste un rendez-vous à l'hôpital pour le lendemain, sans m'en dire plus. J'hausse les épaules et acquiesce. Je ne suis toujours pas angoissé. Au moins, cette histoire va enfin se terminer. Je passe la dernière nuit sans problème, dormant d'un sommeil profond. En me réveillant au matin, je souris légèrement. J'ai l'impression que la douleur a diminué. J'avais donc bien raison, ce n'est rien de grave. Après m'être préparé, je vais travailler. Le rendez-vous n'est qu'un début de l'après-midi. Ça m'arrange bien, je ne devrai manquer le boulot qu'une demie journée, c'est déjà ça de pris.

Lorsqu'il est l'heure, je me dirige vers l'hôpital d'un pas lent. La fatigue a de nouveau pris le dessus... A peine aie-je pénétré le bâtiment que Shinra apparait déjà en face de moi. Il a l'air soucieux, ce qui me fait davantage froncer les sourcils. Je ressens une drôle de sensation dans le creux de l'estomac. Sans même me saluer, il me demande de lui suivre et me ramène dans le même bureau. L'autre médecin est déjà là. Et lui, au moins, prend la peine de faire les salutations d'usage.

« Bien, commence-t-il, je suis désolé d'entrer aussi vite dans le vif du sujet, mais j'ai reçu les résultats de l'anapath. Je ne vais pas vous le cacher, ce n'est pas bon du tout. Vous souffrez d'un cancer au poumon... »

Il continue à parler, je vois ses lèvres remuer, mais je n'entends plus rien. Un bourdonnement agaçant me remplit les oreilles. Je sens les battements de mon coeur résonner dans mes tympans. C'est impossible. Il doit se tromper, il se tromper forcément. Je n'ai pas de cancer.

« Ecoute, intervient alors Shinra, je sais que c'est difficile à croire, mais il faut absolument qu'on observe avant tout de l'avancée de la maladie. Ce qu'on a découvert est très négatif, on doit s'assurer qu'il n'y a pas de métastases ailleurs. On va te faire passer une IRM.

– ... Pourquoi ?!

– Je te l'ai dit, reprend Shinra avec calme. Tu as une forme de cancer très agressif. Généralement quand on le découvre, il s'est déjà propagé à d'autres parties du corps. On va donc vérifier ça. Après, on aura une idée précise de l'étendue du cancer et on pourra te proposer le meilleur des traitements... D'accord ? »

Merde... Mais de quoi tu parles Shinra ? C'est n'importe quoi ! Tu en dis trop ou pas assez ! Qu'est-ce que je suis censé comprendre hein ?! Je suis trop perdu pour savoir quoi dire... J'acquiesce alors faiblement. Qu'est-ce que je peux faire d'autres de toute façon ?

Tout se passe alors à une vitesse folle. Je ne sais même plus où donner de la tête. Aucune information n'arrive à rester accrocher dans mon esprit. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe réellement, je suis le mouvement, c'est tout... Je me sens totalement déconnecté. Je ne me rends même plus compte du temps qui passe. Tout est flou, rien n'a de sens. C'est tellement ridicule. Si j'étais malade à ce point, je le saurais, je le ressentirais n'est-ce pas ? Je ne sais pas combien de temps a duré cette foutue IRM, mais j'ai eu l'impression d'y passer toute l'après-midi. Mais c'est enfin fini. Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre les résultats... Je suis de nouveau de retour dans ce fameux bureau.

Las, je fais les cent pas dans le cabinet. Cancer... ce mot est juste insensé. Comme si je pouvais avoir cette maladie ! Je soupire, je n'aurais peut-être pas dû venir, je perds clairement mon temps là. Cancer... est-ce vraiment possible ? Malgré moi, mon esprit repense à ces dernières semaines. Je me revois surtout tousser, tousser encore et encore. C'est vrai que l'intensité n'était pas normale, ni la durée d'ailleurs. Mais une simple toux peut-elle réellement être le signe d'une maladie aussi grave ? Ce n'est pas logique. D'accord, ces derniers temps, c'est pire que d'habitude, mais ça ne fait que quelques jours justement que ça va aussi mal. De toute façon, c'est impossible que Shinra ait pu déceler ça avec un examen physique, non ? Bon, peut-être que mes symptômes correspondent un peu à ceux d'un cancer mais tout de même. Et puis, cette radiographie a été faite en urgence, qui me dit que ces résultats sont vraiment les miens ? Les erreurs, ça arrive, même à l'hôpital. Et pour la biopsie... Mouais, j'ai du mal à y croire...

Je ne sais même pas l'heure qu'il est. Depuis quand je suis ici au juste ?! De mauvaise humeur, je me laisse tomber sur l'un des divans du médecin. C'est quoi son nom d'ailleurs ? Je ne me souviens plus... Me l'a-t-on seulement dit ? Je n'arrive plus à me souvenir de la conversation que j'ai eu avec lui en arrivant ici. Mais qu'est-ce que je fous là, sérieusement ? En temps normal, je devrais être tranquillement chez Simon, en train de boire à l'oeil. C'est ça la vie normale, c'est ça ma vie. Pas le fait d'être dans le bureau d'un médecin dont on ne connait même pas le nom. Mon regard se perd alors dans le vide. J'attends les dernières analyses, sans trop savoir quoi penser. Dire que ce matin encore, je n'aspirais qu'à une vie paisible. Rien ne laissait présager ça...

Lorsque la porte se rouvre enfin, je me retourne instantanément. Il n'y a que Shinra. Que dois-je en déduire ? J'en sais rien. De toute façon, je n'arrive plus à penser correctement tant tout ceci est éloigné de mon quotidien. Je dois surement rêver. On ne se réveille pas un beau matin en étant juste un peu malade pour apprendre le soir même qu'on a probablement un cancer. C'est impossible, non ? Shinra va me dire qu'ils se sont trompés... Ce dernier vient d'ailleurs s'installer juste à côté de moi. Son visage est totalement impassible. Mais lorsqu'il lève ses mains pour prendre ses lunettes et les nettoyer, je vois ses doigts trembler. Je sens alors comme un poids tomber dans mon estomac.

« ... C'est mauvais à ce point ? »

Ma voix est si calme que je ne la reconnais pas moi-même. Les battements de mon coeur sont également anormalement lents, comme s'il ne se rendait pas compte de ce qui arrivait.

« Oui, Shizuo... C'est vraiment mauvais... »


Merci de m'avoir lue. Comme toujours, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé. Les chapitres seront postés régulièrement (plus ou moins un par semaine).