La voici, la première partie de cette suite. Le titre de chaque partie se trouvera avant le chapitre et non en grand titre, pour éviter de spoiler dans le sommaire ceux qui débutent l'histoire.

Ma vie IRL étant compliquée, je n'ai pas su m'organiser pour préparer un calendrier de publication. J'ai donc décidé de poster une partie quand je le peux. Cela signifie que je n'ai aucun chapitre d'avance. Je posterai par petits chapitres pour espérer actualiser régulièrement.

Je profite de poster ce chapitre pour vous avertir du fait que le début de mon roman, Précédent, est en ligne sur WP. N'hésitez pas à aller lire et me donner votre avis. J'en ai eu l'idée quand j'étais au collège, et bien qu'il traite du thème de la réincarnation, il n'est pas en rapport avec Clexa ou The 100. Ceci étant dit, si vous avez lu plusieurs de mes histoires, vous connaissez désormais mon style et ce que j'ai tendance à écrire. :3

Je vous laisse découvrir tout ça, à bientôt.


La libération de Jake Griffin

L'heure était venue. Après des années d'acharnement, il allait enfin quitter les murs tristes qui l'avaient entouré pendant quinze ans.

Quand Jake Griffin passa la porte de sortie de la prison, Clarke sentit le sol se dérober sous ses pieds. Lexa la serra fort de peur qu'elle ne s'écroule, mais Clarke ne chuta pas. Au contraire, elle s'élança et atterrit dans les bras de son père. Elle pouvait enfin le serrer contre elle sans personne pour l'en empêcher. Jake pouvait enlacer sa fille sans qu'un garde ne vienne la lui arracher.

Restée en retrait, Lexa contemplait la scène, le cœur lourd. Elles avaient lutté pendant des années pour obtenir la libération de Jake. Lexa avait été la première à soutenir Clarke dans ce projet. Sa voix avait été un atout indispensable dans cette lutte, car elle était la première concernée par la sortie de prison du meurtrier. Il avait tué son père, elle l'avait pardonné.

- Tu tiens le coup ? lui demanda Aden.

Son beau-frère venait d'arriver sur les lieux. Pour rien au monde il n'aurait raté l'événement, mais avec la naissance de son premier enfant la veille, le jeune père avait eu un petit contretemps. Olivia était encore à l'hôpital. Sa sortie était prévue pour le lendemain. Leur fille, Lily, était née en bonne santé au bout de huit mois et demi de grossesse. Le jeune couple avait surmonté les épreuves, bien qu'il fût difficile pour Olivia de tourner la page. Son mariage et son travail l'avaient sauvée d'une chute définitive dans l'obscurité.

- Je lui ai pardonné, tu le sais, répondit Lexa, dont le visage ne laissait présager son réel avis sur la question.

Aden n'insista pas. Sa sœur ne parlait que quand elle en ressentait le besoin, elle ne cédait pas sous la pression. Son autre sœur, quant à elle, déballait ses sentiments à son père quelques mètres devant eux. Il était difficile de discerner le sujet de la conversation de là où se trouvaient Lexa et Aden, mais un nom suivi d'un éclat de rire amena Lexa à comprendre et s'offusquer :

- Clarke, ne me dis pas que tu racontes encore l'histoire de la couche !

L'interpellée rit de plus belle. Aden ne saisit pas tout de suite. Il lui fallut un moment de réflexion pour se souvenir de cet événement. Quand Clarke les rejoignit, leur père à ses côtés, il lança un regard de biais à Lexa. Celle-ci avait la foudre dans les yeux.

- J'y peux rien Lex', se défendit Clarke, j'adore cette histoire. La tête du médecin quand il a vu le bandage que Lexa avait fait à Madi... une couche serrée autour du bras, avec un énorme bout de scotch marron pour la faire tenir... « vous déménagez » ? qu'il a dit. Si ma mère avait vu ça, t'aurais passé un sale quart d'heure !

Clarke continuait de commenter, riant aux éclats. Elle saisissait parfois le bras de son père au cours de sa narration.

Jake souriait, heureux d'entendre sa fille discuter gaiement. Lexa ne put rester en colère plus longtemps. Cette histoire restait drôle.

Il était vrai qu'elle n'avait pas été très maligne ce jour-là, mais Madi venait de se blesser pour la première fois et il n'y avait plus de pansements à la maison. Une petite égratignure sanglante au bras, et Lexa sortait tout : désinfectant, pommade, gigantesque couche-pansement. Lexa avait été morte d'inquiétude et avait attendu impatiemment l'arrivée de Clarke aux Urgences. C'est en découvrant le bras emballé de sa fille – et l'air hébété du médecin – que le stress avait disparu, et qu'elle avait éclaté d'un rire foudroyant qui n'avait pas manqué de faire glousser Madi.

Aden adressa à Lexa un sourire moqueur. Celle-ci se permit presque de lui accorder une tape sur le bras, mais son frère s'était avancé pour enlacer Jake.

- C'est ça, réfugies-toi dans les bras de ton Papa, couille molle, se moqua-t-elle à son tour.

Clarke gloussa devant cette énième dispute futile. Sa femme et son frère adoraient se disputer. Un jeu entre eux que Clarke évitait d'arbitrer. Au début, elle aimait choisir le vainqueur, mais au bout de quelques années de mariage, elle se contentait d'aller boire une coupe de vin avec sa belle-sœur pendant que son époux et la sienne terminaient leur querelle.

- Je suis bien content d'avoir des couilles, répliqua Aden, ça m'a évité de morfler comme toi à l'accouchement.

Clarke saisit la main de sa femme pour l'empêcher d'aller martyriser son frère. Lexa connaissait ce geste de Clarke qui, placé au bon moment, signifiait qu'elle devait mettre un terme à la querelle. Elle comprenait aussitôt que Clarke ne voulait pas voir cette dispute aller plus loin. Elle obtempérait.

Aden remercia discrètement Clarke du regard. Sa réplique lui aurait certainement valu une clé de bras. Lexa savait comment faire mal sans blesser. Elle avait trois ceintures noires dans son armoire, qu'elle ne portait plus depuis la naissance de Madi. Elle n'avait plus le temps pour pratiquer. Sa famille passait en première. Puis son travail. Un jour, peut-être, retournera-t-elle sur le tatami.

- Jake, prononça Lexa.

Sa main libre tendue, elle attendit calmement que Jake Griffin la saisisse et la serre. L'homme le fit, le regard reconnaissant et une ride entre les sourcils. Ses cheveux gris tiraient vers le blanc. Il avait porté la crainte, enfermé dans sa cellule, de ne jamais pouvoir rencontrer sa petite-fille.

Clarke avait refusé d'emmener Madi en prison. Ce n'était pas un endroit pour les enfants, même s'il ne s'agissait que de visiter un détenu. De plus, Clarke n'aurait jamais osé demander cela à Lexa. Son épouse avait accepté de l'aider à faire libérer son père. C'était un cadeau énorme que de pouvoir passer du temps avec lui hors des murs carcéraux.

- Vous y allez ? demanda Aden, qui coupa cet échange de regard entre Jake et Lexa.

Les deux détournèrent la tête. Lexa lâcha la main de Clarke.

- Oui, allons-y, répondit cette dernière.

Elle fit signe à son père de le suivre. Ils s'engouffrèrent dans la voiture.

Lexa, quant à elle, observait avec son frère la voiture s'éloigner. Le silence pesait sur leurs épaules. Aden savait de quoi il en retournait. Il connaissait Lexa par cœur. C'est par leur similarité que leur lien s'était formé.

- Au fond, tu ne lui as jamais vraiment pardonné, n'est-ce pas ?

Lexa tourna la tête, mais non pour regarder son frère. Elle contemplait les portes de la prison. La brise dans les cheveux, elle ferma les yeux un instant. Elle voulut le revoir, son image, une fois. Mais elle n'y parvint pas. Elle rouvrit les yeux. Des larmes s'y formaient.

- Ce n'est pas ça, dit-elle la gorge serrée, mon père me manque. Si je n'avais pas de photo, je ne pourrais plus jamais savoir à quoi il ressemblait.

Aden baissa la tête. Ses mains s'enfouirent dans ses poches, en sortirent, y retournèrent. Il se balançait d'un pied sur l'autre. Il voulait dire à Lexa que tout irait mieux, mais il ne pouvait mentir à ce sujet.

- Matthew me manque aussi, tu sais. Je sais que...

Sa main droite libérée trouva l'épaule de Lexa.

- ...je ne l'ai pas connu autant que toi, mais il a été mon père. Je l'aimerai toujours comme tel.

Lexa porta une main à son visage pour rattraper les larmes qui fuyaient son regard perdu. Voir Clarke retrouver son père était merveilleux, mais pendant un instant, elle avait espéré voir le sien apparaître au travers des portes de la prison. Que tout ne soit qu'un mauvais rêve. Qu'elle se réveille adolescente et retrouve son Papa. À vingt-neuf ans, elle avait toujours besoin de lui.

- Je l'ai oublié, Aden. J'ai oublié Papa...

La voix de Lexa se brisa dans le vent. Le ciel se couvrait. Frappé par la peine de sa sœur, Aden la prit dans ses bras. C'était une journée riche en émotions pour le jeune père. Il pleurait aussi.

- Tu ne pleurerais pas si c'était le cas, la réconforta-t-il. Ton cœur se souvient, lui.

Lexa serra son frère contre elle. Il pouvait être un abruti, comme elle aimait le qualifier, mais il était toujours là pour elle. Il avait été là pendant les rares disputes entre ses deux sœurs. Il avait été là lorsque Mary était tombée malade, jusqu'à sa convalescence. Il avait aidé à combattre pour la libération de Jake. Il avait été là à la naissance de Madi, Olivia à ses côtés, pour parrainer l'enfant.

Clarke et Lexa n'avaient pas une grande famille. Mais elle était soudée.

Lexa lâcha son frère. Elle venait de se rappeler de l'heureux événement.

- Il serait temps qu'on prenne la route. Tu as quelqu'un à me présenter... abruti.

Aden rit en essuyant ses larmes. Il guida Lexa jusqu'à sa voiture. Aussitôt avait-il démarré qu'il demandait à Lexa d'appeler Olivia pour prendre des nouvelles. Lily dormait dans son berceau, près de sa mère affalée sur son lit d'hôpital. Lexa s'amusa de la situation d'Olivia, car elle la connaissait bien.

Entendre la voix de sa compagne rassura Aden. La route jusqu'à la maison fut calme. Les deux adultes se sentaient apaisés, après leurs quelques larmes échangées.


Les allées étaient silencieuses. Les pas des Griffin résonnaient à peine entre les pierres tombales.

Un énorme bouquet de fleurs dans la main, Clarke avançait au bras de son père. Le bouquet, orné d'une banderole en hommage à Maman, frétillait au gré du vent. Ce jour, la famille se réunissait sous un ciel gris. Le dernier rayon de soleil avait disparu, mais le fin sourire de Clarke comblait son absence.

Les pas s'arrêtèrent devant une plaque de marbre marron. La poitrine de Clarke s'alourdit sous le poids des lettres gravées. Abigail Griffin reposait seule. Les années étaient passées sans que Clarke ne puisse venir vraiment. Elle avait toujours eu l'impression de venir les mains vides. De ne pas être vraiment là.

Elle déposa le bouquet sur la tombe. Cette fois-ci, elle avait amené ce qui manquait.

- Maman, on est là, prononça-t-elle.

Elle saisit une main de son père des siennes. Les yeux de l'homme se teintaient comme le ciel. Clarke ne voulait pas pleurer. Elle n'en avait pas envie. Elle avait son père. La mort de sa mère, elle l'avait acceptée. Difficilement, certes, mais elle avait fait son deuil.

Ce jour, sur la tombe de sa mère, son père à ses côtés, elle se sentait enfin libre. Parce qu'il l'était. Parce qu'elle était venue visiter sa mère avec lui. Elle ne pouvait changer le passé, mais elle pouvait améliorer le présent. Et c'était ça, pour elle, l'amélioration. La liberté des siens. De ceux qui avaient survécu et qui pouvaient encore vivre.

Clarke remarqua les larmes de son père, tout comme elle sentait les gouttes de pluie teindre ses cheveux en châtain.

- Je ne crois pas qu'elle m'aurait un jour pardonné, s'attrista l'homme.

Clarke leva la tête. À la lumière du jour, au travers des gouttes, elle remarquait pour la première fois les rides qui marquaient le visage de son père. Il avait vieilli. Plus qu'il ne le laissait paraître. La prison avait laissé une trace indélébile sur son visage. Quinze années de la vie de sa fille qu'il ne connaîtra jamais, malgré tous les récits que Clarke avait pu lui conter.

- Tu as eu quinze ans pour culpabiliser, Papa. Il est temps de tourner la page, tu ne crois pas ? Tu as encore du temps devant toi. Tu es grand-père, maintenant. Tu peux voir Madi et Lily grandir.

Jake renifla. Ses larmes ravalées, il hocha la tête. Il était libre, désormais. L'espoir de sa fille avait payé. Il l'avait retrouvée. Et s'il ne retrouvera jamais sa femme, à qui il n'avait jamais eu l'occasion de demander pardon, il avait encore ses deux enfants. Clarke et Aden étaient parents. Il était grand-père.

Il saisit sa fille et l'enlaça. Son menton posé sur les cheveux humides de Clarke, il profitait de l'instant présent. Il n'avait pu prendre sa fille dans ses bras pendant quinze ans. Clarke était adulte, mariée, mère d'une petite fille, et une artiste formidable.

- Je suis fière de toi, ma fille, s'émut-il.

Clarke ne put retenir ses larmes cette fois-ci. Elle les laissa couler en un rire heureux. C'était des larmes de joie. Clarke avait abandonné la tristesse longtemps auparavant.

Elle avait combattu, elle avait gagné. C'est ainsi qu'allait sa vie ces dernières années. Elle luttait pour les causes qu'elle pensait juste. Certains combats s'avéraient plus rudes qu'elle ne les avait envisagés, mais elle trouvait des solutions alternatives.

Après avoir traversé tant d'épreuves, Clarke refusait de se laisser abattre. Avec sa femme, son frère, sa belle-mère et ses amis, ils avaient déjà gagné mille batailles.

La libération de son père était une nouvelle victoire.

Ivre de bonheur, Clarke salua sa mère et quitta le cimetière au bras de son père. Ils avaient encore de la route à faire pour rentrer. Un petit appartement attendait Jake Griffin.

Clarke, quant à elle, avait hâte de retrouver sa femme, sa fille, et de rencontrer sa nièce. Les deux enfants, elle les présentera bientôt à son père. La famille Griffin-Woods s'était agrandie. Cette pensée fit conserver à Clarke un large sourire sur le chemin du retour.