« Fais ce qui t'effraie, et la peur disparaîtra. »

Anonyme.


KILO . INDIA . ROMEO


La veille :

Gin montait avec une prestance déstabilisante les quelques marches de l'estrade qui surplombait les dix recrues de l'Organisation. C'est un moment dont on se souvient toute sa vie. Rien ne peut vous préparer à ça. Personne n'imaginait ce qui allait se produire. Désormais je sais reconnaître ce sourire de connivence sur son visage. Le sourire mesquin de celui qui sait, mais qui ne dit rien par pur plaisir de voir l'étendu du désarroi dans les yeux de ses proies lorsqu'elles ne font qu'entre voir ce qui les attends...

Non, personne ne peut être près à ça.

Personne ne peut être prêt à affronter la mort, d'en être assez proche pour danser le tango avec elle.

Personne, mis à part moi.

Oui, j'étais parmi les dix recrues...

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Cinq ans plus tôt :

Ses cheveux attachées en queue de cheval virevoltent à chacun de ses pas sur sa combinaison en lycra noir. Elle est anxieuse, stressée : le danger peut surgir à n'importe quel moment, de n'importe où...

Elle longe consciencieusement le mur dans le noir le plus total, en gardant tout de même un bon mètre d'écart avec lui : si une balle venait à le percuter, les fragments pourrait tout de même la toucher mortellement.

La nuit était tombée depuis longtemps et la température avais bien chuté. Le bout de ses doigts ne manquais pas de lui rappeler. Pas d'oreillette. Personne pour l'aider. Elle est seule, et elle doit s'en sortir. A tout prix.

La jeune femme laisse ses jumelles de vision nocturne tomber sur ses yeux.

« La bas. Je dois aller là bas ».

Le seul problème : Des miradors avec snipers, des chiens, des mines. Rien de quoi s'inquiéter...

Elle se met à ramper dans les hautes herbes, se frayant un passage à couvert vers sa destination, mais cela allait bientôt être insuffisant... Une vaste étendue à découvert se dresse devant elle, entre sa positon et sa destination. Vouloir la traverser, c'est laisser ses ennemis jouer à Duck Hunt. On ne court pas plus vite que des balles de calibre 7,62mm, il va falloir qu'elle trouve une méthode inédite.

La fille de l'ombre sort rapidement la tête hors des hautes herbes. Elle observe. Chaque mirador, sorte de guitoune haut perchée sur une structure métallique est protégé à chacun de ses quatre pieds par un gardes armés du AK47, une arme de la seconde guerre mondiale recyclée par les voyous de la planète entière.

Elle se demande comment les neutraliser tout en restant furtive. Tout ce qu'elle a c'est un couteau. Une lame de combat, certes. Mais ça reste un couteau.

« Réfléchis, réfléchis bordel » Son souffle haletant à cause du stress lui fait produir beaucoup de buée. Elle décide de s'allonger sur le dos le temps de mettre au point son plan et de récupérer un rythme respiratoire convenable. Si elle arrive à monter dans ce mirador, elle pourra se servir du fusil de précision pour tuer les autres snipers et ainsi parvenir jusqu'à son objectif sans se faire repérer. Plus facile à dire qu'à faire...

« Vu qu'ils sont quartes, ils surveillent chacun un champ de quatre-vingt dix degrés. Si ils sont bien formés, normalement, ils ne quittent leur poste que si leur collègue est en véritable difficulté. donc si je balance un cailloux là bas dans le fossé, lui ira voir ce qui se passe, ce qui descend au nombre de trois les gardes au pied du mirador. Si je balance un autre caillou à l'opposé du premier, alors avec la distraction produite, je serais en mesure de me les faire d'un coup. Le quatrième revient, même tarif. »

Elle mord son couteau et se met en chemin du premier mirador, en quadrupedie. Un bras devant l'autre, les pieds poussant le reste du corps. Avancer, avancer, avancer. Braver le froid, la boue, la douleur et la peine. Les herbes humides fouettes son visage, la boue souille sa combinaison. Elle décide d'en recouvrir tout son visage, en prenant garde de briser les formes et les traits, pour n'être plus que deux yeux de prédateurs se mouvant sans bruit, dans la nuit.

30m

20 m

10m

*Ploc*

*C'est quoi ça ? Attends je vais voir...*

*Ploc*

*Hein ?*

*Sssk* *Ahh* *Sssk* *Sssk*

*Hé les gars, qu'est-ce...* *Sssk*

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La jeune femme est parvenue jusqu'en haut de l'échelle du mirador, seule sa tête dépasse de la trappe d'accès. Elle saisi le couteau ensanglanté qu'elle tient entre ses dents. Elle répète une ou deux fois le mouvement du poignet, puis se décide.

« 1 »

« 2 »

« 3 »

D'un mouvement vif et net, elle impulse à la lame fatale la direction de la nuque du sniper, concentré. « Espèce de campouse va ». Deux rotations complètes en l'air et la lame se plante entre deux vertèbre de l'homme qui s'effondre aussitôt sur ses deux jambes comme un pantin désarticulé.

« C'est bon, il y a un silencieux, cool »

Elle place la crosse de l'arme contre sa joue, aligne sa première cible, expire...

*S'ke *

La fille de l'ombre repense à son enfance, lorsqu'elle jouait à Duck Hunt avec son père. C'est mécanique, lui disait-il, tu alignes ta cible avec tes organes de visé, soit le truc au bout du canon et le viseur, et tu sera sure de toujours avoir les canards, compris ?

« Compris, papa, … ».

« … Tous des putains de canards »

*S'ke*

*S'ke*

*S'ke*

« La voie est libre, faut juste que j'évite les mines et les chiens ... »

Avant de partir, elle vole l'arme de poing sur le cadavre du tireur d'élite.

A seven nation army couldn't hold me back...

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Elle arrive enfin au pied de ça cible : une résidence ultra protégée. Pas de question à se poser se dit-elle...

La jeune femme enfonce la pointe de son couteau dans le creux de la tête des vis de la bouche d'aération afin de retirer la grille qui en bloque l'accès. Elle entend un garde se rapprocher.

« Oh bordel de merde. »

« Aller, bordel, va tu t'enlever connasse ? »

Transie par le froid, ses mains n'ont plus suffisamment de force, et la lame ripe contre une vis récalcitrante. Elle est exténuée, mais elle sait qu'il faut continuer à avancer. Marche ou crève.

Les pas se font de plus en plus proche, il faut qu'elle entre maintenant, sinon, elle est fichue.

« Ah ça y est ! »

Sa taille de guêpe lui permet d'aisément se faufiler dans le conduit.

« Aller, c'est bientôt fini, je lui colle un pruneau, et je me casse comme je suis venue... »

Gauche

Droite

Tout droit.

« Normalement, c'est là. »

Elle devrait arriver dans la buanderie, et c'est bien le cas. La pièce est noire. La jeune femme reprend son souffle, prête à aller chercher sa cible toujours en furtivité dans la demeure.

Mais la lumière s'allume.

Une douzaine de kalachnikovs font sauter la sécurité.


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