17.
Albator avait prié son fils de venir le rejoindre sur la passerelle.
- Regarde, Alphie : ton œuvre ! fit le pirate, grand sourire aux lèvres.
- C'est quoi ? Cette planète, on dirait la perle d'une huître, de taille gigantesque ! Elle est belle ! Mais je ne la reconnais pas… Quelle est cette planète, papa.
- C'est la Terre, mon grand ! Il semble que ta Matière Dorée la guérisse de l'intérieur, et cette sorte de cocon la protège certainement, le temps qu'elle retrouve l'aspect gravé dans nos mémoires !
- J'ai vraiment fait ça ? tressaillit le jeune homme.
- Je ne vois personne d'autre. C'est ton œuvre, bel et bien, avec l'aide des clones de Nibelungen.
- Et moi, je suis heureux que Rohg soit à bord ! Je l'aime beaucoup !
- Il a protégé ton esprit et ton corps. C'est un ami précieux pour toi à ce bord.
- Je suis soulagé que tu lui permettes de rester. Merci, papa ! Merci aussi pour ce petit détour. Je suis heureux de découvrir que ton projet de toujours se réalise enfin ! Par contre, il y a encore des choses à régler avant de trouver notre nouvel équilibre de vie.
- Je sais, mon grand. J'y réfléchis. Mais nous prendrons la décision à deux, mon petit capitaine en second !
- Mais, je ne le mérite pas…
- Tu le mérites plus qu'amplement !
Et Albator étreignit les épaules de son fils, leurs regards à tous les deux brillant doucement d'un bonheur absolu, et d'une complicité déjà sans faille.
De leur côté, Yama et Ezra avaient également appris à refaire connaissance, se donnant rendez-vous quotidiennement dans les jardins de l'Arcadia.
- J'ai été fou, trop longtemps, si cruel, battit à nouveau sa coulpe pour une énième fois l'aîné. J'avais oublié tous les temps doux de l'innocence.
- Des guerres ont eu lieu, Ezra, elles ont laissé leurs traces, à nous tous. J'ai voulu remplir ma mission, tuer Albator, plusieurs fois ! Nous ne brandissions des pistolets en plastique que dans les jardins familiaux. Il n'y a que Nami qui n'a pas changé…
- Trop tôt fauchée…
- Par ma faute, gémit Yama.
- Par notre faute à tous, car j'ai été trop souvent sur le point de commettre le pire. Je suis heureux de n'avoir pas cédé à mes instincts de folie !
- Et il te faudra bien cette sérénité retrouvée, jeta soudain et très vite Yama. Nami a eu droit à une nouvelle vie grâce au petit Alphang.
- Hein ? grogna Ezra en faisant pivoter son fauteuil roulant dans la route que lui indiquait son petit frère.
Et ce fut pourtant presque sans surprise qu'il découvrit le couple enlacé, s'embrassant à perdre haleine, les mains reconnaissant à l'aveugle le corps de l'autre au travers des vêtements, seul au monde.
- Albator… et Nami…
Poussé par Vrom, pour son fauteuil tout du moins, l'ancien amiral de la flotte de Gaïa avait demandé entrevue au capitaine de l'Arcadia.
- Nous ne serons jamais amis, capitaine. J'ai fait trop de mal, et mon frère à travers moi. Mais nous ne serons plus ennemis. Je ne dois d'ailleurs plus rien commander depuis ma capture…
- Qui a pu prendre votre place ?
- Certainement l'amirale Rengsdorp ! Et elle est infiniment pire que moi ! Car vous, les pirates, demeurez notre cible prioritaire. Vous ne serez jamais en paix.
- Voilà plus de cent vingt ans que je le pratique, Ezra. Je me suis fait à vous, je me ferai à cette Rengsdorp ! Mais ce n'est pas à moi que je pense.
- Je ne peux vous proposer aucun lieu sûr. Je n'ai plus de relations. En fait, c'est moi qui sollicite votre aide, capitaine !
- Dites toujours, grogna Albator en se renfrognant.
- Je laisse Yama décider de sa vie. Moi, je ne demande qu'une colonie éloignée de Gaïa, m'ignorant si possible, où je pourrais attendre la résurrection de la Terre. Si tant est que cela pour la fin de ma vie de mortel ! Mais j'aimerais tant pouvoir voir ce jour où je pourrais m'éteindre sur ma planète natale ! La nôtre à tous. Merci pour ce cadeau. Merci à Alphang. Pourtant, je me dois d'être honnête, même si j'avais su qu'il avait ce pouvoir en lui, je crains que les ordres et ma mentalité, auraient fait que je ne l'aurais que plus capturé et lobotomisé !
- J'en suis certain ! approuva Albator.
Mais à la surprise de l'ancien amiral de Gaïa, le grand pirate borgne et balafré tendit la main.
- Pas amis, soit. Neutres, on peut le faire ?
- A vos ordres, capitaine.
Et les deux ennemis de toujours serrèrent dans une poignée de main quelque chose qui ressemblait néanmoins fortement à un début d'amitié, en dépit désormais de la différence d'âge !
Albator tourna les talons, rejoignant son fils qui patientait dans le couloir.
- La vie est à nous, Alphang. Allons la découvrir !
- A tes ordres, papa !
Et les deux balafrés sentirent leurs cœurs battre à l'unisson.
FIN