Hello tout le monde !

Merci infiniment pour vos reviews, vous êtes comme d'habitude vraiment géniaux et je ne dirai jamais assez à quel point vous êtes indispensables à l'avancée de cette histoire.

J'ai déjà commencé à écrire le chapitre suivant, il ne devrait donc pas trop tarder si rien ne se met en travers de mon chemin aha. Mais pour aujourd'hui, je vous laisse avec le chapitre 6 en espérant qu'il vous plaise ;)

Bonne lecture !


CHAPITRE 6

Durant quelques longues minutes, Dean resta sur le pas de sa porte en silence. Immobile. Sam venait de partir. Encore une fois.

Il avait de nouveau foiré avec lui.

Dean savait que ce n'était pas un départ définitif, qu'ils n'étaient pas en froid ou quoique ce soit d'encore plus grave, mais voir Sam franchir cette porte avec empressement lui avait retourné le cœur. De nouveau, d'une façon ou d'une autre, il avait blessé son petit frère et celui-ci était parti. Ça devenait beaucoup trop habituel pour qu'il soit confortable avec l'idée.

Il ferma finalement la porte à clés et se laissa tomber contre celle-ci. Rapprochant ses jambes contre son torse, Dean posa sa joue sur sa cuisse et garda ses yeux clos de longs instants.

Vidé, épuisé. Il était littéralement à bout de force.

Malgré ce qu'on pouvait facilement penser, ces dix derniers jours avaient été réellement harassants pour Dean. En plus du fait qu'il se soit retenu à chaque instant d'envoyer des mails aux proches de Sam – en soi Brady et Rebecca, dont il avait eu les coordonnées par le biais de l'administration de l'école –, qu'il se soit défoncé sur cette affaire et que, malgré ça, il n'avançait absolument pas et stagnait au point nul, Dean s'était laissé submerger par une appréhension maladivement malvenue. Tiraillé entre un espoir utopique de réconciliation et une résignation défaitiste sur le fait qu'il ait bien trop blessé son petit frère pour que celui-ci puisse lui pardonner un jour, Dean avait, dans le but inconscient de se punir, abandonné tout ce qui le rendait lui pour se contenter de la vie d'un automate.

Il se nourrissait, mais ne le faisait qu'une fois sur deux. Il sortait, mais seulement pour suivre une piste concernant la chasse. Il parlait à des gens, mais refusait toutes les invitations des filles qu'il rencontrait alors qu'il répondait habituellement toujours aux avances qu'on lui faisait. Il n'était, en quelque sorte, plus que l'ombre de lui-même et c'était à peine de sa faute.

Dès qu'il voulait faire quoi que ce soit, son subconscient lui rappelait Sam. Il y avait toujours cette musique, cette odeur, ce sourire ou ce geste qui lui rappelait son petit frère et il ne pouvait penser à autre chose à partir de ce moment-là. Au bout de trois soirs au bar à ignorer – contre son gré – de jolies filles lui tournant autour, Dean avait compris que ça ne servait à rien de forcer dans ce sens puisque dans le fond, il n'avait même pas envie de tout ça. Tout ce à quoi il pouvait penser était Sam, et l'alcool n'aidait vraiment pas à lui faire accepter l'idée qu'il avait potentiellement tout raté avec lui. Il avait, dans l'intérêt de sa santé mentale, décidé de ne sortir que pour le travail et de laisser tomber ses habitudes dispensables.

Il n'était pas sorti de sa chambre pendant des jours et la solitude l'avait presque rendu dingue. Malgré ça, il pensait mériter au moins un peu ce qu'il subissait. Il avait broyé du noir, avait tout ressassé, tout analysé, et n'avait pas trouvé la moindre raison qui aurait pu pousser son frère à revenir vers lui.

Et pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, celui-ci l'avait fait. Il était revenu.

Dean ne pouvait même pas exprimer la nature des sentiments qui l'avaient étreint en entendant ces quelques coups caractéristiques contre sa porte. Un mélange de soulagement, de surprise, d'incompréhension, d'excitation. D'appréhension, aussi.

Malgré tous ces sentiments confus qui l'avaient laissé quelque peu euphorique, ça avait été une véritable bouffée d'air frais pour lui. Quand Sam était arrivé, une joie incommensurable l'avait envahi et un sourire difficilement contrôlable avait pris place sur ses lèvres. Malgré toute cette déprime improvisée au cours de ces derniers jours, Dean s'était senti si heureux qu'il n'avait eu aucun mal à garder son précédent mal être sous silence. Le visage de Sam, ce manque d'hostilité qu'il pouvait lire sur ces traits, ces larmes, cette étreinte un peu trop longue, tout ça avait soulagé autant sa peine que lui et il s'était senti d'un coup plus léger. Il avait souri pour la première fois depuis des jours. Il était persuadé que tout allait bien.

Jusqu'au moment où il avait compris que Sam s'en voulait, et que cette culpabilité le bouffait littéralement.

Il connaissait son frère mieux que quiconque, et voir cette culpabilité effarante dans ses yeux lui avait retourné l'estomac. Il avait continué à faire mine de rien, disant des conneries pour faire sourire le plus jeune, tentant d'être le plus proche possible de lui afin de démontrer que rien n'avait changé de son côté, mais il n'avait pu s'empêcher d'engager la conversation lorsque Sam avait clairement exprimé son mal être en voulant le fuir. Il n'avait pas pu garder ça pour lui alors qu'il voyait le mal totalement injustifié dont son frère était victime.

Là, il avait laissé tomber toutes les barrières qu'il avait involontairement construites, avait parlé à cœur ouvert et sans se préserver de quoi que ce soit. Il avait essayé de faire comprendre à Sam que toute cette situation n'était en rien de sa faute, que si quelqu'un était à blâmer, il était celui-ci, mais rien n'y avait fait. Sam s'était détourné. Dean lui avait embrassé la joue. Peut-être un peu trop longtemps.

Et il se retrouvait de nouveau seul.


Heureusement pour lui, sa détresse émotionnelle n'avait pas duré longtemps.

En effet, il n'avait fallu que deux jours pour que Sam le recontacte par message. Un simple « Tu n'es pas revenu à l'université » devant lequel Dean était resté perplexe de longues minutes, ne sachant pas s'il s'agissait d'un reproche ou d'une simple constatation. L'aîné n'avait jamais été vraiment doué avec les messages, ne parvenant pas à comprendre ce qu'ils signifiaient réellement – non mais sans rire, comment comprendre une personne si on ne pouvait pas voir ses expressions ? – et malgré cette inhabilité assez handicapante, sa réponse avait naturellement engagé la conversation entre eux. Bien qu'il n'aime pas cette forme de communication, il s'était béni durant de longs instants d'avoir eu la présence d'esprit de lui demander son numéro deux jours plus tôt.

Ils avaient rapidement convenu d'un rendez-vous le lendemain soir, à la sortie des cours de Sam. Heureux de cette nouvelle, Dean avait alors patienté tout en faisant son maximum pour rendre l'attente moins longue et moins pénible. Aussi contradictoire que ça puisse paraître, le chasseur n'appréciait vraiment pas la solitude et avait plus que hâte de retrouver son frère, afin de pouvoir solidifier un peu plus ce lien qu'ils avaient laissé s'effriter peu à peu au cours des dernières années.

De ce fait, après avoir avancé au maximum dans l'enquête avec le peu d'éléments qu'il avait, le garçon avait nettoyé ses armes toute la journée afin de faire passer le temps plus rapidement.

Ça avait à peu près fonctionné. Il était arrivé à l'université avec seulement vingt minutes d'avance.

Depuis, il attendait.

Il était négligemment appuyé contre l'Impala, le corps naturellement tourné vers l'entrée de l'université afin de pouvoir reconnaître Sam une fois sorti de son cours de droit. Il avait mis ses lunettes de soleil, autant pour se protéger les yeux que pour le style que ça lui donnait, et lançait des petits sourires lorsque des regards s'attardaient un peu trop sur lui. Il avait été conscient de son charme depuis aussi longtemps qu'il puisse s'en souvenir, mais devait avouer que cette attention générale sur sa personne ne faisait pas de mal à son égo.

Un coup d'œil vers sa montre lui indiqua que Sam n'en avait plus pour longtemps. Il était 17h58 et la sonnerie avait retenti trois minutes plus tôt.

Finalement, la silhouette de son frère – qui se démarquait bien trop dans la foule des étudiants – apparut dans son champ de vision et Dean se redressa instinctivement. C'était peut-être stupide et totalement ridicule, mais dès que Sam se trouvait près de lui, tous ses instincts de protection se retournaient vers lui et il était toujours prêt à affronter un éventuel assaillant venu de nulle part afin de le protéger. Dean considérait que ce n'était pas vraiment étrange au vu de tout ce qu'ils avaient vécu et vu durant leur jeunesse, se doutant d'ailleurs bien que cet instinct venait très certainement de l'éducation que son père lui avait donnée. En revanche, il était persuadé que cette joie bien trop prononcée à la vue de son frère ne venait pas vraiment de l'éducation de John Winchester.

Il décida de mettre ça de côté.

Dean enleva ses lunettes de soleil pour les poser sur sa tête avant d'esquisser un petit sourire en coin lorsque son regard croisa celui de Sam un peu plus loin. Il remarqua le ralentissement pourtant quasiment imperceptible de son frère lorsqu'il le vit, mais fit mine de rien tout en décroisant ses bras de son torse afin d'avoir l'air moins opposé à toute forme de communication. D'une certaine manière, il était persuadé que Sam avait douté à un moment ou un autre de sa présence ce soir. Il était content de pouvoir lui prouver le contraire.

Plus Sam se rapprochait, plus le sourire de Dean grandissait. Alors il essayait de le faire disparaître, vraiment, mais c'était peine perdu alors qu'il voyait Sam lui sourire timidement également en arborant cette expression mi-gênée, mi-heureuse. Il se fit la réflexion qu'un garçon de 21 ans ne devrait théoriquement pas être aussi mignon.

Comment un adulte pouvait-il avoir des fossettes aussi prononcées ?

Sam arriva finalement à son niveau et Dean sursauta presque en entendant Rebecca le saluer. Il détacha son regard de son petit frère qui, il le savait, avait parfaitement remarqué sa surprise pourtant imperceptible aux autres, et fit un grand sourire à Rebecca et Brady qui se trouvaient de chaque côté de Sam. Il avait un peu honte de se dire qu'il n'avait pas remarqué plus tôt leur présence, alors qu'il se doutait qu'ils avaient été là tout le long du trajet de l'université jusqu'à l'Impala.

- Salut les jeunes.

- Les jeunes ? fit mine de se vexer Brady alors que Rebecca souriait tendrement.

Dean leva les yeux au ciel en feignant un soupir désespéré, sans vraiment se rendre compte que Sam faisait exactement la même chose de son côté. Les deux amis remarquèrent la synchronisation parfaite des deux frères, mais aucun ne prit le risque de faire la moindre réflexion, se contentant de conserver un sourire amusé.

- Sam nous a dit que ça s'était arrangé entre vous, dit finalement Rebecca. C'est cool.

- Ouais. Comme quoi, tout va mieux dès qu'il arrête de jouer au con.

- Va te faire voir Dean, répondit le concerné, ouvrant la bouche pour la première fois depuis leurs retrouvailles.

Dean lui répondit par un sourire éclatant. Brady passa un bras autour des épaules de Rebecca et dit à l'attention de Dean :

- Putain, ça c'est de la caisse mec.

- Ne commence pas à dire ça, répondit Sam avant que Dean n'ait pu dire quoi que ce soit, cette voiture est comme sa deuxième queue.

- Ne sois pas si jaloux Sammy.

- Je ne suis pas jaloux, je souligne juste le culte bizarre que tu voues à ta bagnole.

- Parle mieux de mon bébé tu veux bien ?

Brady renifla de façon amusée avant de reprendre la parole.

- C'est une Chevrolet non ?

- Ouais. Une Impala 67.

- Magnifique, souffla le garçon en passant une main sur le capot. Elle est immense.

Sam leva une nouvelle fois les yeux au ciel avant d'interrompre une nouvelle fois son frère.

- Tu sais ce qui est encore plus immense ? Le coffre. C'est vachement pratique pour y cacher des cadavres.

- Même quand ils font la taille de Sam, répondit Dean du tac au tac.

Cette fois-ci, Brady éclata de rire et Sam fit un sourire amusé à son frère. Rebecca, elle, restait tranquillement appuyée contre Brady sans dire un mot, observant simplement l'interaction entre les trois garçons.

- Bon, commença finalement Brady en se calmant, ce n'est pas que votre compagnie m'est désagréable mais je dois aller bosser. Tu viens avec moi Becky ?

- Non, vas-y. Je dois passer chez Jess.

Il déposa alors une bise sur la joue de son amie, lança un bisou à la voiture et salua les deux Winchester d'un clin d'œil avant de se détourner et s'en aller. Les trois autres restèrent silencieux jusqu'à ce qu'il ne soit plus dans leur champ de vision, l'observant avec amusement et tendresse pour Rebecca.

Sam brisa cependant le silence pour demander d'une voix qu'il voulait détachée :

- Tu vas voir Jessica ?

Rebecca sembla finalement revenir à elle, et porta son regard vers Sam avant de baisser les yeux, clairement honteuse. Dean se fit la réflexion que cette fille avait l'air vraiment fragile et adorable et qu'il ferait une sacrée remontrance à son frère si celui-ci osait lui reprocher de rester en contact avec Jessica. Cependant, avant que Rebecca ne puisse répondre quoique ce soit et que Dean se décide à vraiment botter le cul de son petit frère, Sam reprit la parole d'une voix un peu paniquée et posa une main sur l'épaule de son amie.

- Ce n'est pas un reproche ! Excuse-moi si ça en avait l'air. Je demandais juste, je suis curieux.

- Non, c'est bon. C'est moi qui suis désolée… C'est vrai qu'en théorie, j'aurais dû couper tout contact avec elle.

Elle avait vraiment l'air désolée et Dean se sentait un peu de trop.

- Surtout pas, c'est ton amie. Je ne te demanderai jamais de choisir entre elle et moi.

Le regard de Dean se porta sur ses ongles, qui étaient miraculeusement devenus vraiment intéressants d'un seul coup. Les moments dignes de films romantiques, c'était vraiment peu pour lui... Pourtant, il ne fit rien pour arrêter ce fameux moment, se doutant bien que c'était une conversation que les deux devaient avoir. Il se demandait même si Sam et lui auraient pu éviter toutes leurs emmerdes s'ils avaient pris le temps de vraiment parler à un moment donné.

- Ce qu'elle t'a fait était vraiment déplacé.

- Je ne veux plus en parler, répondit Sam en balayant la réflexion d'un geste de la main. Tu es libre de voir qui tu veux et je ne suis absolument personne pour influencer quoique ce soit.

Dean comprit que cette phrase avait clos le sujet, et Rebecca leur lança un petit sourire d'excuse à tous les deux. Sam lui sourit en retour et Dean, tout en continuant à observer le cadet beaucoup trop grand à ses côtés, se fit la réflexion que son frère était vraiment beaucoup trop mature et intelligent socialement parlant. Après lui avoir clairement dit qu'il ne lui en tenait pas rigueur pour avoir couché avec Jessica, celui-ci faisait encore preuve d'une extrême gentillesse en acceptant sans broncher que Rebecca voit encore Jessica malgré ce qu'elle avait pu lui faire. Il en était foutrement impressionné. Sam l'impressionnerait toujours.

- Quoiqu'il en soit, qu'est-ce que vous allez faire les garçons ?

- Je vais faire visiter le campus et l'université à Dean. Peut-être qu'on ira chez moi après ça.

Dean se retourna vers son frère en prenant une mine choquée, la bouche dessinée en un « O » parfait.

Peut-être qu'il surjouait un peu.

- Il y a intérêt à ce qu'on aille chez toi ! répliqua Dean en faisant de trop grands gestes avec ses mains. J'en ai marre d'être sur la route.

Ok, il surjouait totalement, mais c'était uniquement dans le but de faire disparaître l'expression triste du visage de Rebecca. Il savait que Sam tenait énormément à elle et que, si celle-ci était triste à cause de lui ou de quelque chose qu'il avait dit ou fait, celui-ci s'en voudrait pendant longtemps. Il voulait éviter ça. Son instinct de grand frère protecteur avait encore une fois pris le dessus et il ne pouvait vraiment rien faire contre ça.

- Tu déconnes ou quoi ? Tu adores littéralement être sur la route, n'essaie pas de me faire gober ça.

- Hein ? Bien sûr que j'adore la route. J'ai mal au cul, c'est tout.

- Tu viens de dire que tu voulais rester parce que tu en avais marre.

- J'ai dit ça ? Jamais.

Sam se retourna vers Rebecca en lui lançant un regard désespéré. Celle-ci, qui semblait avoir repris des couleurs en voyant les deux frères se chamailler gentiment, se tourna vers Dean en l'observant d'un air faussement désolé.

- Tu l'as dit.

- Aucune preuve, dit-il d'un ton catégorique en haussant des épaules.

- Peu importe, dit finalement Sam. On ira chez moi avant qu'il ne reparte.

- Que je reparte ? Tu ne vas pas me proposer de rester dormir chez toi ? Je viens de te dire que j'en avais marre de la route !

- Dean, tu me fatigues.


Dean fixait son téléphone avec tristesse, écopant d'un soupir las et peu discret de la part de Sam. Il releva la tête en entendant un étudiant dire qu'il n'avait aucun réseau et que ça le faisait « profondément chier », et fixa son petit frère avec un regard qui disait clairement « Je te l'avais bien dit ». Le visage entier de Sam se teinta d'agacement, mais la très légère pointe de culpabilité n'avait toujours pas quitté son regard. Tant mieux.

- C'est bon Dean, arrête de me regarder de cette façon.

- C'était vraiment pas intelligent de faire ça.

Sam leva les yeux au ciel, arborant cette expression particulière que Dean se faisait un plaisir d'appeler la « Bitch Face ».

- C'était le seul moyen d'être fixé.

- Tu parles. C'était inutile.

- On ne pouvait pas se permettre de ne pas vérifier toutes les hypothèses !

Dean allait répondre, mais un groupe d'étudiants apparut au bout du couloir et il plaça son poing entre ses dents pour s'empêcher de jurer. Il était peut-être 19h30, mais l'université était encore beaucoup trop fréquentée pour qu'ils puissent chercher quoique ce soit sans avoir l'air profondément bizarres et suspects. La seule chose qu'ils avaient pu faire à peu près discrètement avait été de saboter l'antenne à côté de l'université pour que le détecteur EMF ne soit pas brouillé, mais Sam avait réussi à casser un câble en se rattrapant pour éviter de tomber lorsqu'il avait perdu l'équilibre.

Ils n'avaient donc plus aucun réseau, et bien que ça leur ait permis de confirmer le fait qu'il n'y avait pas de fantôme à Stanford, ils étaient désormais profondément dans la merde pour pouvoir communiquer à l'avenir. Toute l'université avait été privée de réseau, qu'il soit téléphonique ou internet, et vu l'ampleur des dégâts celui-ci ne serait pas remis avant une ou deux semaines. En plus du fait qu'une enquête sur le sabotage de l'antenne serait certainement entreprise dès que le personnel aurait remarqué que celle-ci était cassée, c'était un euphémisme de dire qu'ils étaient pas mal dans la merde.

Dean tenait à préciser qu'il n'avait rien validé de toute cette opération, et que celle-ci avait été un échec à cause du manque d'entraînement de Sam. Il avait été persuadé très tôt que ce n'était pas l'œuvre d'un esprit, toutes ces disparitions ne correspondant pas vraiment au schéma habituel des attaques de fantômes, mais son petit frère avait argumenté pendant une bonne dizaine de minutes sur le laxisme qui menait forcément à l'erreur et Dean n'avait pas vraiment trouvé d'arguments qui faisaient écho en Sam. Il l'avait alors laissé faire, et celui-ci avait littéralement failli crever à cause d'une maladresse que Dean lui avait jamais connue. C'était épuisant.

- Ecoute, c'est pas possible là. On ne peut pas travailler, répliqua Dean en montrant d'un geste dédaigneux le groupe d'étudiants qui venait vers eux.

- Mmh, fit simplement Sam en arborant un air contrarié. On va chez moi ?

- Ouais. Mais dis-moi, vous ne dormez jamais les génies ? C'est quoi votre délire de rester jusqu'à je sais pas quelle heure à votre putain d'université ?

- J'en sais rien, t'as vraiment l'impression que c'est mon cas ?

Dean arqua un sourcil équivoque. La réflexion, bien qu'informulée, résonna entre eux et Sam poussa doucement l'épaule de son frère.

- Je ne répondrai même pas.

- Tu viens de le faire.

- T'arrêteras jamais de me faire chier, n'est-ce pas ?

- Je suis immature et blah, blah et blah.

Sam ne put s'empêcher de sourire et Dean lui tira la langue de façon mature et distinguée. Ils repartirent finalement dans le sens inverse afin de pouvoir sortir de l'université, Sam s'arrêtant quelques minutes pour saluer et discuter un peu avec un de ses amis, un certain Zach qui ne plaisait pas vraiment à Dean, et traversèrent finalement le campus en silence. Ils avaient décidé d'un accord tacite qu'ils reviendraient sur les lieux dans la nuit afin d'être certains de ne croiser personne, et de pouvoir bosser sans que rien ne les dérange.

Lorsqu'ils arrivèrent devant le petit appartement que Sam louait depuis 3 ans, Dean arqua un sourcil en voyant le paillasson en forme de chat qui se trouvait devant la porte d'entrée. Il se racla la gorge pour attirer l'attention de son frère, qui avait déjà mis les clés dans la porte afin de l'ouvrir, et s'appliqua à mettre tout le dédain possible dans sa phrase suivante :

- C'est… spécial.

Sam suivit son regard et réprima un sourire.

- C'est utile, corrigea le garçon. Essaie d'enlever la boue sous tes semelles avec les oreilles, tu verras c'est magique.

Dean faillit s'étouffer en entendant les mots de son frère. Depuis quand celui-ci était devenu une parfaite petite femme de maison ? Par pure précaution, il vérifia du coin de l'œil qu'une paire de seins ne soit pas apparue sur le torse de son frère.

Il ne savait pas vraiment s'il y avait matière à être rassuré en ne voyant rien de spécial.

- Tu ne pourras jamais me forcer à faire une chose pareille.

- T'as vraiment cru que tu allais salir le sol de ma maison ?

- Je m'en branle, du sol de ta maison.

Sam, tout en levant dramatiquement les yeux au ciel, ouvrit la porte de son appartement et laissa Dean passer devant lui.

Dean, les sourcils beaucoup trop froncés, observait désormais ce qui se trouvait autour de lui. Bien que le paillasson en forme de chat n'avait rien inauguré de bon, il avait espéré que cette faute de goût ne s'applique pas non plus à l'intérieur de l'appartement… Mais ça avait été peine perdue.

- Sam, sans déconner ?

- Eh bien quoi ?

Comme si c'était évident, Dean montra tout ce qui l'entourait avec de grands gestes.

- Des autocollants sur le frigo ? Des coussins de toutes les couleurs ? Une table basse beaucoup trop éloignée du fauteuil ? Sans déconner, pourquoi avoir une table basse si c'est pour ne pas pouvoir poser tes pieds dessus ?

Sam était resté calme depuis tout à l'heure.

Vraiment il avait gardé un self control digne des plus grands acteurs connus aujourd'hui et n'avait laissé transparaître à aucun moment son amusement.

Mais cette fois-ci, il n'avait pu s'empêcher d'éclater de rire devant l'air catastrophé de Dean.

Celui-ci avait vraiment des priorités pourries.

- Détends-toi Miss Déco, je ne compte pas laisser ça comme ça.

- Non, la véritable question est pourquoi c'est devenu comme ça dans un premier temps ?

- Parce que Jessica était là ? Comme elle n'est partie que depuis quelques jours, je n'ai pas eu le temps de remettre les meubles comme ils l'étaient avant… ou de changer les coussins. C'est vrai que c'est vraiment moche.

Finalement, un air rassuré prit place sur le visage de Dean et Sam leva de nouveau les yeux au ciel, vraiment amusé par le comportement de son frère. Il ne savait même pas si celui-ci surjouait ou quoi que ce soit, mais il avait l'impression de retrouver le Dean qui le charriait sur tout et n'importe quoi et ça lui faisait du bien. Vraiment. Il avait l'impression d'enfin retrouver son grand frère.

Il se retourna finalement pour enlever sa veste, l'accrocher au porte manteau et prendre son téléphone de la poche interne afin de le mettre à charger. De ce fait, il n'eut pas l'occasion de voir la lueur de génie traverser le visage de Dean, ni le sourire espiègle qui avait pris place peu à peu sur ses lèvres s'installer.

- Tu sais quoi Sam ?

Celui-ci se retourna en entendant son frère l'interpeller.

- Quoi ?

- Je crois que je sais comment tuer les prochaines heures.


- Mauvaise idée.

- Très bonne idée, le corrigea Dean en observant avec un sourire satisfait son travail.

- C'est moche, Dean.

- C'est toi qui es moche.

Sam le regarda avec lassitude tandis que Dean haussait des épaules en guise de réponse. Ils s'étaient déjà mis d'accord sur le fait qu'il était immature et stupide, pas besoin de revenir dessus.

- A quel moment tu t'es dit qu'un panier de fruits en plastique était une bonne idée ?

- Depuis que tu es un étudiant, Sam. Combien de fois vas-tu faire les courses par semaine ?

- Wow, non, il n'y a vraiment aucun rapport là.

Le cadet se laissa tomber sur le canapé, son regard ne pouvant quitter l'assortiment de faux fruits qui trônait sur sa table. Une poire se battait avec une noix de coco (?) pour avoir le peu de place qu'il restait. Les deux menaçaient de tomber du panier déjà à peine harmonieux.

La poire perdit finalement, tombant et roulant sur le sol en faisant le bruit… eh bien, d'un jouet en plastique qui tombait au sol. Sam soupira alors que Dean la ramassait avec attention, comme s'il s'agissait d'une chose vraiment précieuse et coûteuse ou même d'une vraie putain de poire.

Ils avaient passé la dernière heure dans un magasin au bord d'une route qui ne fermait visiblement jamais. C'était un espèce de débarras dans lequel on pouvait autant tomber sur des vêtements que sur des brosses à chiottes fantaisistes en forme de flingue, et ils en avaient eu pour environ 200$ (« T'inquiète pas Sam, c'est Lucas Smith qui paie »). Leur objectif ? Redonner un peu de vie à l'appartement de Sam, qui faisait sincèrement pitié depuis le départ de son ex petite amie. Dean était alors tombé sur ce panier de fruits en plastique et en était tombé fou amoureux. Il avait décidé que c'était une superbe idée pour « donner de la couleur tout en virant ces affreux coussins » dans l'appartement de son petit frère, et n'avait même pas informé Sam de cet achat avant de l'imposer sur la table de la cuisine.

Ils en étaient donc là. Sam, qui observait depuis son canapé fraichement déplacé l'hideuse dernière acquisition de son frère, et Dean, qui regardait Sam avec un très net amusement.

- Tu me dois bien ça Sam. Je pensais que tu serais plus coopératif après le désastre de l'antenne.

- Tu vas me la ressortir à toutes les sauces celle-là ?

- Oh, aller. Ça ne fait que trois heures que c'est arrivé et tu craques déjà ? Tu faiblis mon frère, tu faiblis.

Sam posa sa tête contre son canapé, observant le plafond distraitement en essayant de se vider l'esprit. Mine de rien, il était plutôt fatigué : il avait eu une longue, très longue journée. En plus des cours qui devenaient de plus en plus éreintants, Il s'était concentré pour ignorer Jessica et ses regards insistants en Criminologie, avait fait un peu de sport entre deux cours et avait failli mourir – ou se blesser très gravement du moins – en faisant une des choses qu'il faisait depuis qu'il était gamin. Sans compter qu'il avait malencontreusement bousillé tout le réseau de l'université et qu'en tant qu'étudiant de 21 ans qui devait se préparer pour les partiels, c'était un peu la merde.

En fait, il avait juste envie que cette journée se termine le plus vite possible pour enfin être au calme. Il voulait vraiment se reposer et reposer ses oreilles par la même occasion… Cependant, tel l'éternel perturbateur qu'il était (son éternel perturbateur personnel), Dean reprit rapidement la parole, ne pouvant visiblement pas rester silencieux plus d'une simple minute. C'eut pour conséquence de ramener Sam à lui.

- N'empêche, c'est plutôt bien comme ça.

Le cadet se mordit la lèvre et baissa la tête afin d'observer à son tour la pièce principale, se retenant de jurer une nouvelle fois lorsque son regard s'attarda sur les fruits.

- Ouais. C'est pas mal.

Satisfait par l'approbation de son frère, Dean fouilla de nouveau dans le sac qu'ils avaient ramené du débarras et en sortit une lampe qu'ils avaient tous les deux choisie (une design, petite et pas chère qui allait vraiment bien avec le reste de la salle de vie). Avec un peu trop d'enthousiasme peut-être, il se dirigea vers la lampe que Jessica avait installée quelques mois plus tôt – l'information venait de Sam d'accord ? – pour la débrancher, et placer la sienne à la place. Il débarrassa de son champ de vision la propriété de la blonde à l'aide d'un coup de pied, Sam l'observant faire sans bouger.

Ça ne le dérangeait vraiment pas de faire ça, mine de rien, il aimait certainement un peu trop effacer par petites couches la présence de la blonde de l'appartement de son petit frère pour mettre la sienne à la place, mais pour la forme, il grommela :

- Surtout ne te dérange pas. C'est pas comme si c'était ton appartement après tout.

Un sourire progressif s'installa sur les lèvres de Sam alors qu'il observait Dean se diriger de nouveau vers le sac, le pas nouvellement – et faussement, il le savait – lourd. Il en sortit la statuette en forme de rhinocéros rose et la posa à côté de la télé avec précaution, cherchant visiblement un angle précis tout en la tournant de quelques millimètres pendant une poignée de secondes. C'était, bien évidemment, encore une acquisition de Dean afin de faire ressortir son « côté féminin caché ». Cependant, il aimait bien ce rhinocéros, bien qu'il ne l'avouerait jamais. Il le trouvait amusant. Et c'était bien mieux que les fruits.

- Ne t'inquiète pas, dit finalement Sam avec un petit sourire. J'aime beaucoup trop te voir endosser le rôle de femme au foyer pour faire quoique ce soit.

- Tu sais ce qu'elle te dit la femme au foyer ?

Sam retint un petit rire alors que Dean changea distraitement une nouvelle fois la place du rhinocéros. C'était tellement étrange de le voir ainsi… et paradoxalement, ça ne l'était pas tant que ça. Bien que très viril et masculin – et misère à celui qui osait dire le contraire –, Dean avait toujours tout fait pour faciliter la vie de son frère et c'était quelque chose qu'on ne pouvait vraiment pas lui enlever. Plus jeune, il avait pour habitude de lui faire ses devoirs, avait appris à faire à manger pour lui, avait volé sans scrupule les cadeaux d'enfants à Noël pour les lui donner. Ce n'était donc pas totalement étranger de voir Dean Winchester s'occuper de redécorer l'appartement de son petit frère avec tant d'attention… ça faisait même sens. Mais ça ne voulait pas non plus dire que Sam ne pouvait pas se foutre ouvertement de sa gueule.

- Tu ne fais vraiment rien pour arranger ton cas.

- Si je ne le fais pas, ça restera dans ce sac et on n'a pas casqué 200 balles pour rien.

Sam soupira tout en levant les yeux au ciel.

- Au lieu de faire ce truc qui ne sert strictement à rien, tu ne veux pas plutôt m'apporter à boire ?

Dean se crispa dans son mouvement, puis se retourna lentement vers Sam en le fusillant du regard.

- J'espère sincèrement que tu déconnes.

Sam n'eut pas le temps de répondre puisqu'il reçut avant ça la statuette dans la tête qui, bordel, était plus dure qu'elle en avait l'air. N'ayant pas le temps de ressentir une quelconque douleur, Sam attrapa le rhinocéros en bois qui avait échoué à côté de lui et le lança de toutes ses forces en guise de vengeance sur son frère… qui se contenta de le rattraper d'une main. Un sourire goguenard avait pris place sur ses lèvres et Sam laissa échapper une longue plainte alors qu'une douleur lancinante venait de lui percer le front.

Ok, Dean était clairement plus entraîné que lui. Et alors ?

- Dean, merde !

- T'as vraiment un instinct de survie à chier.

- Va te faire voir !

- Peut-être que tu ferais mieux d'y aller toi-même, tu me ramèneras aussi à boire en passant.

Et c'est fier de lui que Dean s'assit finalement à une distance raisonnable de Sam sur le canapé.

C'est-à-dire, collé à lui.

C'était raisonnable puisqu'il ne s'était pas vautré sur ses jambes.

Bref.

En soupirant, il posa sa main froide sur le front de Sam et lui lança un regard désapprobateur lorsque celui-ci voulut lui faire lâcher sa prise. Sam lui répondit en grommelant quelque chose qu'il ne parvint pas à comprendre, mais abdiqua finalement en fermant les yeux et en s'installant plus confortablement à ses côtés. Dean, le regard rivé sur le visage de son petit frère, fit un petit sourire en remarquant l'air paisible que celui-ci arborait. Il ne devait plus avoir si mal que ça après quelques secondes, et pourtant… Il ne disait rien pour briser le contact. Malgré sa constatation, Dean ne dit pas un mot et se contenta de retirer légèrement sa main afin de voir l'évolution des rougeurs de son frère. Il n'avait quasiment rien, mais il y avait quand même une marque qui resterait pas plus d'une heure.

Peut-être deux en fait.

Ce n'était pas grand-chose, mais c'était certain qu'il avait peut-être mis un peu trop d'entrain en lançant l'objet.

C'est avec une voix plus douce qu'il ne l'aurait voulu que Dean reprit la parole :

- Tu m'expliques Sam ? Avec tout ce que tu t'es déjà pris sur la tête, c'est un simple rhinocéros rose qui te met presque KO ?

Sam n'ouvrit pas les yeux en lui répondant.

- Presque KO, n'abusons pas.

- On dirait que t'es aux portes de la mort.

- Juste… tais-toi. Je me repose deux secondes.

Dean s'apprêtait à ouvrir de nouveau la bouche pour lancer une remarque sur les similitudes entre un grand père et son frère, mais ne dit finalement rien en le voyant si détendu.

Sam méritait vraiment de se reposer, il pouvait le lâcher le temps d'une vingtaine de minutes. Distraitement et sans vraiment s'en rendre compte, ses doigts, qui se trouvaient jusque-là sur le front de son frère, glissèrent lentement jusqu'à ses cheveux un peu trop longs; il entreprit alors de les caresser doucement dans un rythme régulier, ne lâchant pas le visage paisible de son frère du regard. Ça faisait beaucoup trop de bien de le voir comme ça.

C'était quelque chose qu'il avait toujours eu l'habitude de faire pour que Sam s'endorme. Il ne comptait plus les fois où, à cause du manque de nouvelles de la part de leur père, il avait dû rassurer son petit frère comme il l'avait pu. Il ne comptait plus les fois où ils avaient dormi ensemble pour se rappeler que l'autre serait toujours là quoi qu'il puisse se passer, les fois où Dean avait caressé les cheveux de son frère de cette même façon affectueuse et rassurante.

Cette situation n'était vraiment pas étrange pour eux. Ils étaient peut-être même un peu trop à l'aise.

Dean était vraiment bien, ainsi installé contre son frère. Lors de leurs retrouvailles et après le câlin dû aux larmes de Sam, ils n'avaient pas été spécialement proches physiquement. Pour eux qui, à force de rester trop ensemble, avaient fini par carrément coordonner leurs mouvements dans leur jeunesse, ce changement avait été véritablement bouleversant et étrange. Mais pourtant, deux jours après, ils recommençaient à retrouver leur proximité et Dean se sentait juste bien. L'odeur de son frère, sa chaleur, sa voix, sa respiration lente et profonde, son humour particulier qui n'était pourtant pas vraiment différent du sien...

Ouais. Il était bien.


Dean ne s'était même pas rendu compte qu'il s'était endormi, du moins jusqu'à ce qu'il se réveille en sursaut en entendant des coups à la porte. Visiblement, Sam s'était également endormi contre lui au vu de l'air un peu groggy qu'il arborait.

Ils se regardèrent quelques secondes les sourcils froncés.

Dean ne voulait pas spécialement analyser leur position, mais il ne put s'empêcher de noter mentalement que Sam s'était littéralement étalé sur lui au cours de leur sieste. Ses jambes étaient allongées sur les siennes, son bras était posé sur son ventre et sa tête sur son épaule. Sa main à lui était toujours dans les cheveux de son frère et pas un seul centimètre ne les séparait. C'était comme s'ils avaient essayé de fusionner durant leur sommeil.

L'aîné savait que Sam pensait exactement à la même chose.

Ils s'écartèrent d'un seul coup lorsqu'on toqua de nouveau à la porte.

Sam se leva précipitamment en remettant ses vêtements en place, essayant vainement de les défroisser en tirant dessus. Il passa également une main dans ses cheveux afin de les dompter un minimum et lança un regard un peu paniqué en entendant de nouveaux coups à sa porte.

- Tu attendais quelqu'un ?

La voix roque de Dean fit sursauter Sam, qui fit ensuite un « non » de la tête sans vraiment le regarder. Il était beaucoup trop tendu.

En réalité, Sam avait peur que ce soit Jessica derrière cette porte. Il n'avait pu s'empêcher de remarquer qu'elle avait été pas mal insistance en cours aujourd'hui, et au vu de son caractère fonceur et peu réfléchi, ce ne serait pas étonnant qu'elle ait décidé de retenter sa chance en voyant que Sam ne la rabrouait pas violemment.

C'est avec une légère appréhension qu'il se dirigea vers la porte et l'ouvrit. Cependant, un grand soulagement le prit lorsqu'il reconnut les silhouettes de Brady et Rebecca qui commençaient à partir dans l'autre sens.

Ils revinrent rapidement sur leurs pas en entendant la porte s'ouvrir.

- Yo Sam !

- Qu'est-ce que vous faites là ?

Pour toute réponse, Brady brandit les deux packs de bières qu'il venait visiblement d'acheter en souriant, comme si ça répondait à toutes les interrogations de Sam. C'est Rebecca qui prit la parole pour l'éclairer un peu plus :

- On s'est dit que ce serait sympa de passer une soirée ensemble… On n'a plus rien fait depuis mon anniversaire.

Sam acquiesça, comprenant où ils voulaient en venir. C'était vrai qu'il n'avait pas été l'ami le plus présent depuis sa rupture avec Jessica et il s'en voulait un peu. Il les avait totalement négligés alors qu'ils avaient toujours été là pour le soutenir et ce n'était pas quelque chose qu'il avait vraiment l'habitude de faire.

Et pourtant… Il allait encore le faire.

- C'est cool les gars, vraiment, mais… Mon frère est là alors…

Rebecca se mordit l'intérieur de la joue alors que Brady baissa lentement ses bras, sa motivation clairement impactée. Ils avaient l'air tous les deux déçus et Sam était désolé pour eux, de devoir les repousser alors qu'ils faisaient le premier pas vers lui. Mais il fallait aussi comprendre son positionnement : Dean et lui allaient partir d'un instant à l'autre à l'université pour trouver des indices pour leur chasse, il ne pouvait donc pas se permettre de perdre du temps avec ses amis, aussi gentilles et louables que soient leurs attentions. Ils en avaient déjà bien perdu en dormant. Il ne savait même pas l'heure qu'il était.

- Non, ne t'inquiète pas, dit finalement Brady. Ça fera plus de bières pour nous.

- Ouais… Je suis vraiment désolé, j'espère que vous comprenez.

Il allait refermer la porte, mais tout ce qu'il se retrouva capable de faire fut de sursauter lorsqu'il sentit une main se poser avec douceur sur sa hanche. L'odeur de son frère parvint presque instantanément jusqu'à lui et il ne put plus faire un geste à partir de ce moment-là. Qu'est-ce que Dean foutait ?

- Non, moi je comprends pas. De la bière et des gens sympas pas très civilisés ? Je prends. Entrez, mon frère a de l'eau dans le cerveau.

- C'est pas grave, si on dérange on reviendra une pr-

- Déranger ? interrompit Dean. Ne raconte pas de conneries. Entrez je vous dis.

Et c'est naturellement que Dean entraîna Sam un peu plus contre lui afin de leur laisser la place d'entrer, resserrant son étreinte sur sa hanche pour l'empêcher de protester d'une quelconque manière. Brady et Rebecca entrèrent donc en lançant un regard incertain à Sam, qui avait l'air dépité ou sur le point de s'énerver, et posèrent la bière sur la table de la cuisine en fixant le panier de fruits avec hésitation. Brady éclata de rire et c'est ce qui réveilla Sam de sa torpeur.

Il poussa la main de son frère et s'écarta rapidement.

- Pas devant eux.

Dean se contenta d'hausser des épaules en s'écartant un peu plus, observant son frère rejoindre ses amis derrière le comptoir de la cuisine ouverte.

Il ne savait même pas ce qu'il lui avait pris de faire une telle chose dans un premier temps, il ne pouvait donc clairement pas en vouloir à Sam de le repousser devant Brady et Rebecca. C'était normal.

Mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser que Sam avait dit « Pas devant eux », et non pas « Arrête de faire ça » ou « Ne fais pas ça ». La différence était concrètement peu importante, voire carrément inexistante si on regardait totalement objectivement, mais elle était suffisante pour que Dean s'en retrouve perturbé.

Il savait que son frère n'était pas dérangé par leur proximité : c'était, concrètement, ce qui les avait tenus en vie pendant des années. Cependant, jamais – et il disait bien jamais – il n'avait tenu le garçon d'une façon aussi peu fraternelle. C'était ses petites-amies qu'il étreignait par la hanche, pas Sammy. Le fait que ça n'en ait dérangé aucun des deux était préoccupant.

Dean entendit son frère éclater de rire. En souriant, il se dirigea à son tour vers la cuisine pour défendre avec ferveur ses fruits et sa dignité.