Titre : Along the Way (En Chemin)

Auteur : Nordremo

Fandom : Marvel Cinematic Universe

Rating : T

Pairing(s) : Loki/Tony Stark principalement

Avertissement(s) : langage, violence explicite

Spoiler(s) : MCU Phase Deux

Résumé : Tony Stark avait décidé qu'il avait besoin de changement dans sa vie. Du genre drastique, je-peux-plus-revenir-en-arrière-maintenant en fait. Les conneries post Accords de Sokovie l'avaient usé ; Capitaine Muscles et sa stupide lettre dénuée de remords lui avait fait employer des mots que Rhodey n'avait encore jamais entendus. Bordel, Tony avait même considéré acheter une cargaison de portables pour un faire un gigantesque doigt d'honneur avant de l'offrir gracieusement à ce cher Capitaine.

A la place, Tony trouva qu'il valait mieux repartir de zéro et de balancer aux orties ce qui restait d'une vie extravagante quoique chaotique. Il acheta un aller simple vers l'inconnu. Il était à présent temps de trouver un peu de paix, loin des bruits de fond constants, et de découvrir qui il était réellement en chemin.


Chapitre 1 : Et le Phénix, de nouveau…

Quelle est cette autre âme
tant affranchie des choses
entre Dieu et rien

-Le Peintre d'Eventail


Il avait conscience du regard de Steve sur lui, depuis le seuil de la porte sur lequel il s'appuyait. Ne prononçant pas un mot. Non pas qu'il y avait quoi que ce soit à dire pour commencer. Tony poursuivit ses affaires, vérifiant qu'il avait tout dans son énorme sac à dos étalé sur le lit. Son lit, qu'il ne reverrait pas avant longtemps.

« Donc tu t'en vas ? »

En premier lieu Tony ne montra aucun signe d'avoir entendu la question. Rogers avait toujours eu le chic pour enfoncer des portes ouvertes quand il ne savait pas comment les traverser. En temps normal cela aurait irrité Tony, mais maintenant c'était différent.

Maintenant, il était fatigué de s'en soucier.

« Ouais. »

Tony enclencha les fermoirs de son sac, rabattant le dessus pour s'assurer qu'il était correctement fermé avant de le glisser sur son épaule et d'enfin se tourner vers Rogers.

Son visage ne trahissait rien. Tony y était habitué depuis le temps, l'homme avait arboré cette expression pendant des semaines durant leur… Il rejoignit la porte, Steve s'écartant pour le laisser sortir.

« Tu n'as pas à faire ça, l'entendit-il dire. »

Tony réprima à peine un rire aigre.

« L'un de nous doit le faire. Et vu la situation actuelle, ça devrait certainement pas être toi.
-C'est ridicule. C'est comme si tu fuyais…
-Quoi ? Mes responsabilités ? »

Ah. Là on y était, au rire aigre.

« T'es jamais content, pas vrai ? Quand je reste, je suis l'homme qui ose se montrer au lieu d'aller se cacher pour crever de honte quelque part au fond d'un trou comme il le devrait, et quand, en théorie, je pars justement faire ça, je fuis. Vraiment Rogers, dis-moi, toi qui es si savant, que devrais-je donc faire ? »

Il savait que Steve n'avait aucune réponse à ça, et même si c'était le cas, Tony tua dans l'œuf toute tentative.

« Pense ce que tu veux. Tu sais que ça fait longtemps maintenant que j'en ai plus rien à faire. »

Il recommença à remonter le couloir, seulement pour s'arrêter quand Rogers le héla.

« Tu dois quand même me dire pourquoi. Oui, les choses ont horriblement mal tourné entre nous, et je peux comprendre que tu aies besoin d'espace pour y réfléchir, comme nous le devons tous, mais carrément partir pour de bon…
-Nous ne pouvons plus travailler ensemble, interrompit Tony, se retournant vivement pour lui faire face. On peut juste pas. »

« Et je ne veux pas » fut passé sous silence.

« Nous voyons les choses trop différemment, et nous sommes trop obstinés pour faire des compromis, discuter, ou peu importe ce que les adultes responsables font. Si nous étions capables de ça, tout ce superbe foutoir ne serait jamais arrivé pour commencer. Je le sais. Tu le sais. Tout le monde le sait putain. Se prendre la tête c'est pas ça le problème, on fait ça depuis le début. Mais que ça ait autant foiré ? Peut-être que t'as la mémoire horriblement courte, mais on est quand même passé à ça de s'entretuer. Nous. Les héros. Qui sommes supposés être les gentils bottant le cul des méchants, pas se matraquer mutuellement. Tu penses que ça leur a fait quoi, aux gens, de nous voir nous retourner les uns contre les autres comme ça ? Ils ont peur maintenant, ils ne savent pas s'ils peuvent encore nous faire confiance. Te faire confiance. Pour eux, y'a pas de nuances de gris, l'un de nous doit juste avoir tort et quitter la scène. Tirer sa révérence. »

Tony avisa Steve, toujours à côté de la porte à quelques pas devant lui.

« Et y'a pas moyen qu'ils acceptent que ce soit toi. »

Lui présentant son dos de nouveau, il fit quelques pas de plus avant que Steve ne reprenne la parole.

« Être un martyr ne vous va pas, Mr. Stark. Ce n'est pas votre genre. »

Tony s'arrêta et pivota lentement pour le regarder cette fois.

« Non, en effet. Ce qui veut pas dire que je peux supporter l'idée de rester et de prendre le risque que les choses se cassent la gueule encore une fois parce que j'ai pas eu l'opportunité d'y réfléchir correctement et d'en ressortir quelque chose. Ou que j'aurai la force de me dresser contre toi encore une fois quand on déclenchera une nouvelle guerre parce qu'aucun de nous aura été fichu de battre en retraite, comme d'habitude. Ou même que t'auras pas à te résoudre à me tuer cette fois. »

Il réajusta la bretelle sur son épaule.

« Parce que y'a des chances pour que je te laisse faire, tu vois. »

Steve ne dit rien cette fois lorsqu'il s'éloigna sans attendre de réponse.

Il avait probablement enfin compris que rien de ce qu'il dirait ne pourrait faire rester Tony.


Cela avait été aussi simple que ça. De débarrasser le plancher. Après tout ce fiasco avec le Dr. Zemo ou peu importe son nom, Steve et une partie des Avengers (parce que oui, pour Tony ils faisaient toujours partie de l'équipe malgré leurs désaccords, la question n'était pas là) disparaissant dans la nature, Rhodey coincé au sol pour un moment si ce n'était définitivement… Tony avait eu le temps de réfléchir. Plus ou moins. D'accord, juste au début. Car à présent que l'équipe « officielle » des Avengers était lancée, les Nations Unies avaient commencé à faire usage de leurs services comme convenu dans les maudits Accords de Sokovie. Ouais, « maudits », comme il s'avéra que ces derniers, en-dehors du fait d'être de toute évidence nécessaires, présentaient des défauts de fond. Tony le savait en les signant. Il avait lu suffisamment de contrats dans sa vie pour remarquer les faiblesses et raisonnements défectueux. Et les Accords n'en étaient en aucun cas exempts.

Et c'était précisément la raison pour laquelle il les avait acceptés. Pour démontrer la chose. Montrer qu'être légalement responsable, oui, mais de cette façon, non. Parce que Tony n'était pas stupide. Il comprenait les réservations de Steve et ses arguments, très valides dans les faits, mais une fois encore, contrairement à Tony, il avait échoué à voir la chose dans son ensemble. Pas une seule fois Steve avait-il pris le temps de considérer ce que les conséquences auraient été s'ils avaient tous signé et suivi leur politique comme présentée. Parce que vraiment, cela n'avait rien de compliqué. Au début il avait pensé que Natasha avait saisi également, et que telle était sa raison pour prendre son parti dans ce gâchis, mais une fois encore il s'était trompé ; sans doute avait-il été présomptueux de sa part de penser connaître une espionne. Non pas qu'elle pouvait affirmer le contraire. Là reposait l'erreur de tout le monde : penser qu'ils le connaissaient. Mais cela serait pour un autre train de pensée.

Le truc était que, avec Steve courant à droite à gauche pour empêcher son cyborg meurtrier de petit copain secret de faire face à la justice, Tony n'avait jamais eu l'occasion de s'asseoir avec lui et d'expliquer son plan. Parce que oui, grosse surprise, Tony avait un plan pour évincer les stupides Accords avec certitude. Un plan que Steve n'aurait peut-être pas accepté de toute façon, mais un plan quand même. Après, bien sûr, ce crétin de Captain America s'était senti obligé de sortir sa carte de bigot outragé. Pas le temps de réfléchir et d'écouter, juste d'agir. Typique. Quel culot il avait eu de lui dire qu'ils avaient besoin d'un plan la première fois quand, de toute évidence, le terme avait disparu de son vocabulaire à présent. Que lui était-il arrivé, hein ? Oh il avait sa petite idée. Ça commençait avec un « B » et finissait par « arnes ». Il avait fait sa petite enquête après tout ; Steve n'avait jamais commencé à agir de façon aussi impitoyable et irréfléchie avant que son vieux pote de l'armée n'apparaisse dans l'équation. Comme c'était révélateur.

A partir de là, les choses ne pouvaient que partir en vrille. Rogers ne pouvait et ne serait pas maîtrisé une fois qu'il avait pris sa décision, c'était genre, la base. Mais à présent la question était : pourquoi le laisser faire ce qu'il voulait de toute façon ? Des hommes plus forts avaient été empêchés de faire exactement ça auparavant, mais en ce qui concernait ce cher Steve, il semblait que l'uniforme de Captain America accordait le privilège de ne pas s'inquiéter d'être sérieusement entravé par les personnes en ayant la capacité. Car apparemment, arborer un bouclier de vibranium étoilé suffisait à obtenir l'incontestable loyauté de partisans n'étant en premier lieu même pas d'accord avec vous. A ce stade, Tony hurlait juste à l'adulation mal placée. Les gens étaient toujours prompts à l'arrêter lui à chaque fois qu'il suggérait d'agir après tout, qu'il porte l'armure ou pas. En quoi c'était juste ça ?

Enfin, son plan pour évincer les Accords de Sokovie était très simple. S'il en avait eu le temps, Tony aurait expliqué à Rogers qu'attendre était leur meilleur moyen d'action pour qu'on les laisse revenir à leur autonomie première. Pourquoi ? Eh bien, parce que : situation sans précédent. Sérieusement, qui avait de l'expérience dans le management d'individus aux capacités surhumaines qui s'avéraient juste sauver le monde quotidiennement à eux seuls et sans personne pour le leur dire ? La réponse était : personne. Cette merde était aussi nouvelle pour les Nations Unies que pour les Avengers eux-mêmes. Le truc, c'était que Capsicle avait raison en parlant de gens avec des idées derrière la tête ; dans l'ensemble les Accords les vendaient aux centaines de politiciens du monde, avec chacun leurs propres petites magouilles et complots personnels. Et ce texte leur retirait en effet la liberté de choisir ; bordel, si jamais ils décidaient de leur faire faire des campagnes de pub ou une télé-réalité sur leur quotidien ils n'auraient simplement pas pu dire non. Tant que c'était libellé comme une « mission », du moins (car comme toute loi qui se respecte, le texte avait laissé le terme « mission » complètement dénué d'une définition précise et digne de ce nom).

Mais l'intérêt était exactement là : les laisser faire n'importe quoi avec eux, les laisser faire des putain d'erreurs. Car une chose, très importante, que Steve avait mentionnée sans pour autant la prendre en compte était qu'avec cette législation, la responsabilité avait en effet changé de camp. Cela aurait été hors de leur ressort. Ce qui voulait dire qu'à chacune de leurs missions, les conséquences de les envoyer ou non – comme Saint Captain le craignait – auraient été la responsabilité des gouvernements mondiaux. Donner des ordres comme à des gentils chienchiens sans qu'ils aient le droit de les remettre en question allait avec le fait de prendre le blâme à chaque fois que lesdits chienchiens foiraient. C'était aussi simple que ça. Tony était sûr à cent pour cent que chaque gouvernement – parmi les plus cupides au moins – aurait certainement essayé à un moment ou à un autre de les exploiter pour leur propre compte. Et les politiciens étant une espèce naturellement paranoïaque, cela n'aurait pas pris longtemps pour que les accusations fusent : pourquoi tel pays avait dit oui ou non à telle intervention, que cachait-il hypothétiquement, et « les Avengers appartiennent à tout le monde », et « vous ne pouvez pas juste les exploiter pour votre gain personnel » et « essayez-vous d'en faire votre armée personnelle », bla bla bla. Les théories complotistes habituelles en somme. Il était très facile d'oublier que pour ces gens, le monde se résumait en un immense bac à sable où chacun n'était pas prêteur et gardait jalousement ses jouets, puissent ces derniers être cependant à la disposition de tout le monde.

Et ne lui parlez même pas des nations ne faisant pas partie des Nations Unies. Cela aurait certainement été glorieux d'entendre leur avis à propos d'envoyer une bande de types chez eux, qu'elles l'aient demandé ou pas ; ou même sur le tout petit passage disant, pas de façon aussi explicite, qu'elles ne pouvaient tout simplement pas demander l'aide des Avengers car elles ne faisaient pas partie des gens ayant signé le satané truc.

Et c'était tout. Le nouvel ordre aurait été détruit aussi aisément que l'ancien avait commencé : sous les bâtons, les pierres et le chaos. Et les explosions probablement. Pas du genre cool. Avec toujours les mêmes pris entre deux feux : les civils. Qui auraient fini par protester d'une manière ou d'une autre. Contre quoi, il n'était pas sûr exactement, mais certainement qu'ils se seraient rappelé de toutes les fois où les Avengers étaient venus à la rescousse juste parce qu'ils pouvaient et s'étaient donné pour devoir de saisir chaque occasion qu'ils avaient d'aider. Sans compter lorsque dans les faits ils étaient les seuls à être en mesure de faire quelque chose tout court.

Ou même, avant tout ça, avant d'en arriver là, ils auraient pu discuter de certaines clauses des Accords, c'est-à-dire toutes celles avec lesquelles ils n'étaient pas d'accord. Et, en cette instance, ils auraient tout simplement pu rester campés sur leurs positions ensemble, comme une équipe, pour ne rien signer jusqu'à ce qu'ils arrivent d'abord à un arrangement entre eux en tant qu'Avengers, puis à un autre avec les Nations Unies pour changer lesdites clauses. Certains auraient avancé qu'ils n'auraient eu aucun poids pour faire céder cent dix-sept nations, mais en les faits, si. Les Avengers agissaient en tant que groupe indépendant depuis des années maintenant, mais ils étaient toujours constitués d'individus bénéficiant de droits fondamentaux (à part Vision peut-être mais Tony travaillait dessus), et leurs moyens d'action pour entraver ou ne serait-ce que ralentir le processus drastiquement auraient été nombreux.

Car aux yeux de la loi, les Accords étaient un contrat, et la base en la matière était que les termes dudit contrat devaient être discutés par toutes les parties concernées. Ce qui n'avait pas du tout été le cas en l'occurrence ; un jour le Général Ross s'était ramené, avait posé la chose sur la table en exigeant qu'ils signent avec pour seul argument que cent dix-sept pays s'étaient mis d'accord dessus. Sans les consulter. Comme Steve aimait le rappeler à tout le monde, avec son truc vraiment très pratique de pas-bouger-même-si-le-monde-entier-te-le-dit-ou-peu-importe, ce n'est pas parce que la majorité s'est mise d'accord sur quelque chose qu'elle a raison. Et évidemment, les forcer à avaler quelque chose comme ça et s'attendre à ce qu'ils obtempèrent immédiatement sans même une protestation avait été profondément condescendant.

Une chose était vraie cependant : personne n'avait pris la peine d'installer un vrai cadre légal dans lequel les Avengers pouvaient évoluer. Autrement dit : ils pouvaient en gros faire tout ce qu'ils voulaient sans craindre les moindres répercussions légales. Personne n'avait jamais pris le temps de leur donner une véritable existence au regard de la loi, et c'était pourquoi quelque chose comme les Accords était nécessaire. Jusqu'à maintenant, c'était Tony et majoritairement Stark Industries qui avaient pris en charge tous les coûts des dommages laissés dans leur sillage.

Mais cela ne pouvait juste pas durer éternellement, car les Avengers ne faisaient en aucun cas partie de Stark Industries, et n'opéraient donc pas en fonction de la politique interne de l'entreprise. Un sponsor n'était pas un employeur. Les Avengers n'étaient qu'un électron libre, un électron libre en grand besoin de limites. Steve avait refusé de le comprendre, car il se faisait trop confiance pour ce qui était de toujours faire ce qui était juste (ha !), mais il avait échoué à se rappeler que tout le monde ne le connaissait pas personnellement, et avant toute chose, que personne ne vivait dans sa tête. S'il s'était vraiment attendu à ce que le monde entier leur fasse aveuglément, inconditionnellement confiance, alors Tony se sentait désolé pour lui et la vision pathétiquement arrogante qu'il en avait. De façon ironique, il agissait exactement comme ces « gens avec des idées derrière la tête » qu'il détestait tellement. Il était le premier à haranguer pour que nombre de gens répondent de leurs actions, mais lorsqu'il s'agissait de lui ? Ah ben non, c'était différent bien sûr ; lui c'était le héros, il faisait ce qui était juste, et on n'avait pas à répondre de quoi que ce soit lorsqu'on faisait ça. Des victimes ? Des dégâts ? Oh qu'on lui fiche la paix : des conséquences normales de la guerre, voilà tout.

La guerre. Ça c'était du concept. A vrai dire, toute la chose était étroitement liée à ce mot. Peut-être parce que, comme Ultron l'avait tristement, douloureusement déclaré, Steve Rogers ne savait juste pas comment vivre sans la faire. Maintenant que Tony y réfléchissait, cela avait du sens dans les faits. Steve avait lutté toute sa vie, depuis le tout début, d'abord en tant que gamin rachitique maladif, puis en tant qu'adolescent et jeune homme rachitique maladif, et enfin, même en tant que putain de Captain America. Bordel, l'intégralité de sa vie n'avait rien été d'autre qu'un combat. Le monde était en guerre lorsqu'il avait disparu sous la glace, et il l'était toujours lorsqu'il en était sorti, mais pas d'un genre qu'il connaissait. Très loin de là. Il n'avait certainement pas eu le temps de digérer la chose. Non pas que quiconque ait essayé de l'aider avec ça aussi. Donc après tout, peut-être que ses actions inconsidérées pouvaient être comprises au-delà de son obstination ; Steve Rogers était toujours piégé dans un état d'esprit guerroyer, et ne voulait ou ne pouvait pas en sortir. Le pauvre diable ne connaissait juste rien d'autre.

Et pourtant. Que l'Homme Drapeau soit coincé dans le passé n'était pas le putain de problème de Tony. Depuis la fermeture de son usine d'armement, il avait fait de son mieux pour faire amende honorable, à commencer par écouter quiconque avait besoin d'être entendu. Et écouter signifiait faire des compromis. Et il en avait fait, beaucoup en fait, car à présent il passait son temps à essayer de se mettre à la place d'autres. Ce n'était pas facile. Parfois, il échouait même. Mais même dans ces cas-là, il écoutait et faisait de son mieux pour rendre tout le monde, si ce n'était heureux, au moins content de l'issue des choses. Car il était question de justice, laquelle était aveugle, pas sourde. Tony faisait de son mieux pour prendre en considération les sentiments et opinions de tout le monde, ce qui était génial et tout, à l'exception d'un minuscule détail : cela devait aller dans les deux sens. Les choses n'étaient destinées qu'à éclater si les considérations à sens unique s'empilaient.

Avec Tony étant à présent le seul leader et visage officiels des Avengers, il dépendait maintenant de lui que la machine continue de fonctionner. Car, contrairement à certaines personnes, Tony avait été conscient de sa position depuis le début, c'est-à-dire qu'au-delà de la décision personnelle d'être un Avenger, il y avait ses conséquences lorsqu'il s'agissait du reste du monde. Il ne suivait plus juste sa propre voie maintenant, non, il la partageait avec près de huit milliards de personnes sur la planète. Il avait conscience du cachet symbolique représenté par Iron Man, ce que son existence seule signifiait pour certaines personnes, de l'exemple qu'il leur donnait en tant que modèle. Peut-être cela avait-il été plus facile pour lui d'être conscient de cet aspect de sa vie car il avait toujours été un personnage public, même enfant, et c'était là les affres de la célébrité ; tout ce qu'on faisait pour soi, on le faisait aussi pour les autres. Et il avait pensé que Steve l'avait compris aussi, avec toute la propagande à laquelle il avait été forcé de prendre part en tant qu'icône de guerre, toutes ces années auparavant. Qu'il ne pouvait pas juste agir comme il le voulait, car tout ce qu'il faisait avait valeur d'exemple que les gens étaient plus que moins enclins à suivre. C'était Captain America, par l'enfer, donc il devait presque toujours avoir raison, non ?

Rogers pouvait arguer qu'il se souciait vraiment de tout ça, mais ses actions montraient clairement sur quoi reposait toute son échelle des priorités. Il vivait et ressentait comme un soldat, c'était pareil ; au final, les sacrifices n'étaient que routine pour lui. Ou plutôt les sacrifices indépendants de sa volonté ou considérés comme tels (Tony n'avait certainement pas oublié le choix final retombant sur ses épaules lors de leur combat final contre Ultron en Sokovie, et Steve refusant catégoriquement de façon rageante, absurde, et obstinée, de prendre la décision de tuer qui que ce soit pour en sauver bien plus alors même qu'ils n'avaient pas le choix ; stupidement prêt à mourir avec le monde qu'il venait de choisir d'abandonner à sa destruction par convictions personnelles. Mais n'appelons pas cela de l'arrogance bien sûr). Au contraire, il pouvait de toute évidence très bien vivre avec.

Enfin, rien de tout cela ne concernait Tony à présent. Plus maintenant. Il en avait terminé. Pour un moment du moins. Cela avait été une erreur de sa part de négliger la pause qu'il refusait désespérément d'admettre avoir besoin. Tout le monde avait un point de rupture. Il avait atteint le sien depuis bien longtemps à ce stade. Il était finalement temps qu'il enclenche le processus de guérison.

Tout seul. Lâché dans le grand et vaste monde.


Il ne se souvenait pas de son premier arrêt. Ni de son second. Ou même son troisième. Il avait tout bien préparé, mais une fois parti, il n'avait pas vraiment eu de destination particulière. Il allait juste là où ses instincts lui disaient d'aller. Ce qui n'était pas vraiment satisfaisant, pour ainsi dire. Au contraire, il goûtait littéralement à la condition d'âme perdue et vagabonde. Mais ce n'était pas grave. Il était en quête de quelque chose qu'il ignorait être en train de chercher. C'était tout l'intérêt de l'introspection, pas vrai ? Ce n'était pas comme s'il y avait un mode d'emploi pour ce genre de chose. D'aucun finissait toujours par devoir se débrouiller seul.

Et cela lui réussissait. En premier lieu les gens le reconnaissaient bien sûr, le contraire était dur quand il n'affichait pas encore une apparence miteuse avec barbe de trois jours. Son visage, si ce n'était familier, disait souvent quelque chose à quiconque ne l'ignorant pas dans la rue. Depuis le temps sa « retraite temporaire » avait été aux infos depuis plusieurs semaines déjà, et les choses commençaient à se tasser, mais cela ne le rendait pas exactement moins notable. Il était même sûr qu'on essayait de traquer ses mouvements avec toutes les vidéos et photos de lui prises (ou pas) à son insu partout où il allait. Cela ne le dérangeait pas vraiment. Lui seul saisissait l'essence de ses voyages.

Néanmoins, c'était quand même devenu agaçant au bout d'un moment, et il avait décidé d'éviter les zones trop peuplées. Complètement même (changer de pays ne nécessitait pas forcément de prendre l'avion selon l'endroit où il se trouvait sur le globe). Il y avait des choses plus significatives à apprendre et découvrir dans les endroits les plus reculés après tout. Pour commencer, seulement ici, là où la vie était parfois réduite à la simple appréciation de ce qu'on avait et la reconnaissance de posséder quelque chose tout court, fut-il en mesure de trouver un semblant de paix. Pour lui, qui avait toujours connu et été élevé dans un monde où il possédait supposément tout, cela lui donnait l'opportunité unique de bricoler de zéro avec trois fois rien.

Mais encore plus important, cela lui accordait la chance de savoir ce que cela faisait d'aider les gens à une échelle beaucoup plus réduite. En tant qu'individu. Partout où il allait, il y avait largement de quoi réparer, repriser, ou même améliorer. Rapidement il avait commencé à éviter toute destination nantie, telle que l'Europe. Il n'y avait rien à apprendre sur lui-même là-bas. Ou peut-être que si, mais il ne voulait pas choisir la solution de facilité. Loin de lui l'idée qu'il n'y avait pas de misère dans les pays développés, mais leurs populations devaient encore reconnaître combien elles étaient privilégiées. Et il ne voulait donner à personne l'occasion de faire de nouveau remarquer ce dont il avait été qualifié (exactement ça : privilégié) chaque fois qu'il se passait quelque chose pour lequel tout le monde semblait prompt à le blâmer.

Non, il allait faire ça comme il fallait. De façon dure, réaliste. Il voulait voir par lui-même ce que c'était que de lutter juste pour vivre tous les jours. Certains pourraient arguer que ce n'était qu'un de ses caprices de riche, mais il s'en fichait. Le fait était qu'il était véritablement là, à aider les gens à chaque fois qu'il le pouvait peu importe où il était, sans sa richesse, sa célébrité, ou son armure. Non Monsieur. Pas même en tant que Tony Stark. Pour ces gens, il était juste un autre être humain leur filant un coup de main parce qu'il le pouvait, que cela soit sous l'impulsion du moment ou en échange d'une nuit ou deux sous l'abri de leur (plus souvent qu'autre chose) toit de fortune.

Autre chose qu'il trouvait fascinant : l'absence du besoin d'argent. Ces gens n'avaient littéralement rien, et pouvaient juste échanger des services les uns avec les autres, car l'argent n'avait jamais été et ne serait jamais un problème. Dans leur monde, cela n'existait tout simplement pas. Ils étaient bien trop loin du monde capitaliste, auquel ils n'auraient eu aucun atout à présenter de toute façon, car ce qu'ils chérissaient n'y possédait aucune valeur. Si vous vouliez quelque chose, vous pouviez soit l'obtenir en échange d'autre chose, soit par l'acte de gentillesse et/ou de générosité de quelqu'un d'autre. Très simple. Dommage que cela ne fonctionne que dans les petites communautés. Il pourrait vivre comme ça. Vendre ses services en bricole à quiconque en avait besoin, en récompense d'une nécessité pour vivre ou un petit luxe dont il avait, depuis le temps, appris la préciosité. D'aucun avait tort de penser que la technologie avancée était nécessaire pour mettre son esprit au défi. Le fait était que, ce n'était pas la technologie en elle-même qui lui libérait l'esprit la plupart du temps, oh non ; c'était le challenge de la création qu'elle apportait avec elle. Les possibilités infinies que cela offrait à un esprit tel que le sien, la soif de surpasser des limitations supposément fixes, l'impatience de prouver qu'il y avait un moyen, qu'il y avait toujours un moyen. Son erreur avait été de penser que seule la technologie le tiendrait à l'écart de l'ennui.

Mais avant toute chose, avec son nouveau style de vie vagabond, il devait réapprendre les choses. Depuis zéro. A chaque fois qu'il arrivait à un endroit nouveau et incontestablement inconnu. Parfois, sans même connaître la langue, il écoutait des heures durant les autochtones lui raconter comment les choses fonctionnaient ici, comment elles étaient faites. Ainsi recueillit-il l'esquisse de mondes complètement nouveaux, de systèmes auxquels il n'aurait jamais pensé en raison de la providence géographique de sa venue au monde. Et on le disait « cultivé ». Il savait qu'il ne pourrait jamais entièrement comprendre, car il n'avait jamais fait partie de tout ça, n'y avait jamais été destiné, mais cela n'avait aucune sorte d'importance ; il ne cherchait pas un endroit où trouver sa place, mais un moyen de distordre les entraves de ses frontières éclipsées.

Il s'attendait en effet à la grande capacité de partage dans ces sphères de la classe populaire (enfin dans certaines d'entre elles du moins), mais tout de même, leur bon vouloir le surprit. Rencontrer des gens qui n'avaient rien mais étaient enclins à partager le peu qu'ils avaient inconditionnellement, que cela soit des possessions matérielles ou la confiance en l'autre, était un changement bienvenu. Tony ne fit l'expérience que de peu de déconvenues partout où il allait, car il était à chaque fois chaleureusement accueilli (et lorsqu'il ne l'était pas, jeter le blâme sur qui que ce soit ne lui traversait jamais l'esprit). Parfois il avait le sentiment que la nouvelle de son arrivée avait été répandue lorsqu'il passait d'un village à un autre dans la même région, car il y avait de temps à autre des gens plus ou moins en train de l'attendre pour qu'il répare plusieurs choses ou leur montre au moins comment faire, afin qu'ils puissent s'en charger seuls à l'avenir. Au début il avait craint une répétition de ses années au MIT, lorsqu'il était le plus jeune et désirait ardemment s'intégrer, et qu'il s'était mis au service de quiconque enclin à lui accorder quelque approbation sociale en échange. Bien sûr, les choses ne s'étaient pas très bien passées au final, car il avait été plus exploité qu'autre chose, et pour de bien piètres résultats concernant la solitude dont il avait souhaité se débarrasser en retour.

Mais ici, c'était différent. Les gens l'attendant à l'entrée du village n'avaient pas l'abus à l'esprit ; ils demandaient sincèrement son aide pour améliorer des choses et leur montrer ce qu'ils pouvaient faire dans les faits avec le peu qu'ils avaient. Ils respectaient son intellect, mais mieux encore, ils ne le prenaient pas pour acquis ; ils étaient aussi impatients d'apprendre que d'enseigner, lui montrant et lui apprenant les aptitudes de survie basiques dont il avait besoin pour aller plus loin dans son périple. Alors il commença à rester plus longtemps. Quelques nuits devinrent rapidement quelques jours, puis deux semaines, parfois plus. Il commença à donner de véritables classes à tous ceux qui étaient prêts à apprendre, et bientôt des dizaines de personnes provenant des communautés voisines venaient à ses petites démonstrations. La barrière de la langue n'était pas un problème lorsqu'il lui était possible de montrer ce qu'il signifiait. Ce qu'il fit.

Et cela faisait du bien. Car contrairement au genre d'aide qu'il fournissait en tant qu'Iron Man, c'est-à-dire, à grande échelle, à part sauver les gens de temps à autre, il voyait à présent les résultats directs de ses actions, les anticipait même sur le long terme. En tant qu'Avenger, il avait été inatteignable, là-haut sur son piédestal, et cette distance l'avait rongé de l'intérieur, à son insu. Il se rendait compte maintenant, en regardant tous ces gens toujours plus affamés de savoir à chaque fois qu'il avait terminé de leur apprendre quelque chose, que jusqu'à maintenant être un Avenger avait été confondre un trône avec une chaise. Il ne put s'empêcher de penser à Bruce, exerçant une fonction de médecin pour les gens défavorisés en Inde avant que toute…l'affaire ne vienne le chercher. S'il avait ressenti la même chose ; l'impression de vraiment faire une différence. Il supposait que finalement, ils étaient de la même trempe tous les deux (puisse-t-il être en sécurité loin de tout ce bordel pour encore un long moment).

Voyager seul avec le strict minimum faisait des merveilles pour son estime de lui également. Il parvint enfin à faire face au fait qu'il n'était pas exceptionnel car il était Tony Stark. Non, il ne ressemblait à personne d'autre car il faisait ce que personne d'autre ne pouvait accomplir. Ce qui avait évidemment ses avantages.

Mais aussi, comme les gens au karma pourri comme lui en faisaient l'expérience, et comme il s'avéra plus tard, ses inconvénients.


Notes de l'Auteur :

Je suis le genre de personne qui ne se bouge que lorsqu'elle est en rogne ou frustrée, et comme peut-être certains d'entre vous l'ont remarqué, le dernier Captain America a fait juste ça.

Donc après des mois à ruminer aigrement tout ça, voilà une fic IronFrost post-CW sur laquelle je travaille depuis quelques semaines maintenant. J'ai terminé toutes mes traductions (à part Dead Memories qui n'est pas encore finie bien sûr) spécialement pour ça.

A présent laissez-moi vous dire que je suis du genre à être totalement incapable d'écrire des trucs courts. C'est genre, dans mon ADN. Donc attendez-vous à des chapitres plutôt longs, ce qui veut dire une attente plus ou moins longue entre eux, donc je suis désolée mais vous allez probablement devoir faire preuve de patience.

Autre chose : l'histoire est initialement en anglais, mais comme je ne veux pas vous en priver, je la traduis également en français, et j'ai décidé de poster les deux versions en même temps, ce qui signifie plus de temps d'attente entre deux chapitres car le temps de la traduction sera ajouté à celui de leur écriture. J'espère quand même que vous apprécierez votre lecture !