Note de l'auteur : Coucou, c'est moi ! :D Déjà, pour couper court à toute potentielle critique, oui, je n'update pas mes autres recueils parce que je suis occupée à écrire ceci. Deuxièmement, c'est une idée qui m'est venue, que j'ai trouvé sympa et dont j'espère bien qu'elle va concurrencer Mon ange déchu (une dure affaire, étant donné que je considère MAD comme ma meilleure histoire jamais écrite).


Partie I
– L'inconnu tombé du ciel –


— Qu'est-ce que vous voulez ?

Le ton était dédaigneux. Un regard grave y répondit.

— Quand vous déciderez-vous à vous conduire de façon responsable ? Combien d'incidents comptez-vous encore causer parmi les humains ?

Des rires méprisants résonnèrent dans le hall blanc.

— Qui se soucie des humains ? Un de plus, un de moins... Franchement, où est la différence ?

Le regard se fit triste. Les rires s'étirèrent en sourires narquois. Un soupir résigné se fit entendre.

— Vous ne me laissez pas le choix.

Des exclamations outragées retentirent alors qu'un halo doré éclairait les lieux. Presque aussitôt, la sensation de chute devint omniprésente. Les alentours disparurent en un flot de couleurs brouillées.

— Vous ne reviendrez que quand vous aurez acquis une parcelle d'humanité.

ooOoo

— Alors, ce problème d'eau chaude ?, demanda Mirajane en refermant son casier.
— Enfin résolu ! Ce n'est pas trop tôt, grogna la femme rousse qui finissait de boutonner sa blouse. Je n'en pouvais plus des douches froides.

Un petit rire échappa à l'infirmière aux cheveux blancs.

— Je plains le pauvre employé de bureau avec qui tu avais rendez-vous. Tu es effrayante quand tu es en colère.
— En même temps, un mois sans eau chaude à cause d'une erreur de dossier... Il y a de quoi !, s'offusqua le médecin en attrapant le badge à son nom dans son casier pour l'épingler à son vêtement.
— Ils ne t'en n'ont toujours pas renvoyé un avec la bonne orthographe ?, s'enquit Mirajane en pointant le badge – artisanal : papier plié avec écriture manuscrite – accroché au revers de la blouse de sa collègue.
— Non, répondit cette dernière en claquant la porte de son casier un plus fort qu'il ne l'aurait fallu. Pourtant, « Erza Scarlet », ce n'est pas si compliqué à écrire, non ?
— Tu n'as vraiment pas de chance avec les administrations, pouffa la blanche en lui tapotant l'épaule.

ooOoo

L'un des rares, mais extrêmement commodes, avantages de la profession de médecin, c'était la paye. Erza avait en partie choisi cette voie pour l'argent – car dans ce monde, malheureusement, les bons sentiments ne suffisaient pas. On ne sauvait personne si l'on n'avait pas les moyens financiers de le faire, aussi rageant cela puisse-t-il être.

Après presque dix ans d'études universitaires, la rousse avait finalement décroché son titre de docteur en médecine. A quasiment trente ans, elle avait un métier qu'elle ne risquait pas de perdre, un compte de banque bien fourni et une jolie maison.

Avec un petit jardin, parce qu'elle aimait bronzer sur l'herbe et faire pousser ses propres plantes – fleurs et fruits de préférence. La majorité de son potager était occupée par des files de tiges vertes feuillues qui ondulaient sur le sol. Elle pourrait bientôt déguster ses propres fraises du jardin, évalua-t-elle en inspectant les plants. Elle se releva et décida d'aller vérifier si son eau chaude était bien revenue – si ce n'était pas le cas, songea-t-elle, elle leur intenterait un procès. Des erreurs pareilles étaient inexcusables – qu'arriverait-il si elle confondait les dossiers de deux patients ? Elle préférait ne pas y penser.

Vingt minutes plus tard, elle était dans la cuisine, ses cheveux humides relevés en queue de cheval et occupée à se préparer un plateau-repas. La rousse avait la chance de posséder une petite terrasse en bois, avec juste assez d'ombrage pour pouvoir y dîner tranquillement. Satisfaite de sa préparation, elle s'empara du plateau d'une main et d'une bouteille de panaché de l'autre – moins amer que la bière, moins cher que le vin et moins alcoolisé que le whisky rangé dans un placard – et passa dehors.

La jeune femme se figea sur les lattes de bois, les yeux fixés devant elle. Un gros imprévu venait de brusquement barrer la route à son petit dîner en solitaire. Un imprévu prenant la forme d'un homme inconscient étendu sur sa pelouse.

Encore heureux qu'elle possède une haute – haute – haie. Sa voisine de droite était une vieille pie qui n'aurait pas manqué de crier à l'assassinat, juste pour le plaisir d'être interrogée par les journalistes.

Elle se délesta de son plateau et de sa bouteille et s'approcha de l'homme. L'instinct professionnel prit le dessus et elle vérifia rapidement qu'il respirait toujours avant de chercher son pouls. Celui-ci étant normal, elle chercha du regard une plaie, ou une blessure quelconque, qui expliquerait au moins en partie l'inconscience du patient – enfin, de l'inconnu échoué dans sa propriété.

Mais il n'avait rien – si ce n'était une marque étrange sur le côté droit de son visage. Un tatouage ? Elle observa celui-ci de plus près mais il semblait déjà ancien et elle passa à autre chose – elle en avait déjà vu bien d'autres et dans des endroits bien plus extravagants – certaines personnes étaient vraiment bizarres.

Elle lui souleva délicatement la tête pour inspecter son cuir chevelu, mais aucune plaie n'était visible sous la masse bleue ébouriffée. Dans le doute, elle ouvrit la chemise en coton que portait l'inconscient pour lui palper le thorax. Toutes les côtes étaient intactes et à la bonne place.

Appeler les urgences n'était pas utile, jugea-t-elle. En revanche, la police pouvait être une bonne option. L'homme était-il un monte-en-l'air ? Sa raison lui disait que non. Il faisait encore jour, rien ne manquait chez elle, ni ne portait les marques d'une quelconque effraction, et l'inconnu semblait vêtu uniquement de sa chemise, d'un pantalon de toile et de sandales. Par acquis de conscience, elle lui fit les poches, à la recherche d'une arme, mais revint bredouille.

Alors qu'elle pesait le pour et le contre d'appeler la police maintenant – elle en avait assez des coups de fil et des administrations –, l'homme grogna. Il ouvrit un œil confus, le referma, grogna à nouveau puis se redressa sur un coude en proférant ce qu'elle supposa être des insanités entre ses dents.

ooOoo

Il avait un mal de crâne à hurler. Le Vieux allait payer cher pour ça, il le jurait sur sa fierté. Oser lui faire ça, à lui ! ...Qu'est-ce qui lui avait fait, d'ailleurs ?

— Hum... Est-ce que ça va ?, s'enquit une voix à côté de lui.

Il s'assit et jeta un œil à sa gauche. Une femme aux cheveux d'un rouge profond l'observait avec méfiance, de toute évidence prête à réagir s'il l'attaquait soudainement. Il ricana intérieurement. Comme si une humaine pouvait faire quoi que ce soit contre lui.

Minute.

Une humaine ?

Oubliant la douleur qui lui vrillait les tempes, il regarda autour de lui. Un juron quitta sa bouche en comprenant où le Vieux Schnoque l'avait expédié. Sur Terre, rien que ça ! Maintenant, il en était certain, il allait le tuer. Sérieusement. Et-

Il ne sentait plus ses pouvoirs. Il s'immobilisa. Non, après réflexion, ils étaient toujours là. Mais quand il tenta de s'en servir, il sentit parfaitement la barrière qui l'empêchait d'y accéder. Il sut tout de suite qui avait créé le verrou. Sa rage envers l'Ancien grandit – une chose qui aurait déclenché un cataclysme si sa magie lui avait été accessible.

Une main se posa sur son épaule et il tourna un regard furieux vers l'humaine à côté de lui.

— Est-ce que ça va ?, répéta-t-elle.

Il la dévisagea de haut en bas. Juste une banale humaine, pensa-t-il avec mépris. Sans force et sans pouvoir – un insecte. Il se rappela les derniers mots du Vioque – Vous ne reviendrez que quand vous aurez acquis une parcelle d'humanité. Lui, devenir plus humain ? Et puis quoi encore ?

Mais il y avait un hic : il n'avait aucune intention de s'éterniser sur Terre. L'idée de côtoyer les humains le répugnait. Il jeta un regard à la femme aux cheveux rouges. Un plan se forma dans son esprit – après tout, ce ne serait pas la première fois qu'il dupait le Vieux.

Et pour ça, décida-t-il, il allait se servir de cette humaine.

ooOoo

L'homme était étrange, décida-t-elle. Lunatique aussi, voire condescendant. Mais il n'avait pas l'air foncièrement mauvais et elle n'avait pas le courage de l'expédier au poste de police. Il était de toute évidence un peu perdu, même s'il ne le montrait pas – pas de papiers, pas d'argent – peut-être que c'était un immigré ?

Il n'avait pas d'accent. En fait, sa façon de parler était presque formelle. Ses vêtements d'excellente qualité terminèrent de la convaincre qu'il devait venir d'une famille aisée. Elle fut en revanche incapable de lui donner un âge.

Il s'appelait Jellal.

— Jellal comment ?, demanda-t-elle.
— Juste Jellal, répondit-il avec un temps d'hésitation à peine visible.

Il était sur le qui-vive. Le bleu n'aimait de toute évidence pas qu'elle pose trop de questions et elle était trop fatiguée pour insister.

Elle savait que ses amis auraient hurlé en l'entendant autoriser ce parfait inconnu à rester chez elle pour la nuit – il aurait pu être un meurtrier ou un voleur, après tout. Mais Erza avait toujours fait confiance à son instinct et celui-ci lui disait que Jellal était certes très étrange, mais pas dangereux.

ooOoo

Elle l'avait laissé rester sans trop discuter et il avait trouvé ça suspect. Projetait-elle de l'éliminer ? Il avait de nombreux ennemis dans les autres factions, après tout – puis il se rappela qu'il était sur Terre, et que la rousse n'était qu'une pitoyable humaine. Même dénué de pouvoirs, il pouvait se débarrasser d'elle en un claquement de doigts.

Mais la question était toujours là : pourquoi le tolérait-elle alors qu'il aurait pu être un ennemi ?

Les humains étaient vraiment stupides.

ooOoo

— Pardon ?, grogna-t-il.

Il devait avoir mal entendu.

— J'ai dit : pourrais-tu faire la vaisselle ?, répéta l'humaine. Il faut que j'aille pendre la lessive.

Elle le prenait pour qui, exactement ? Il était Jellal, Dieu des Astres Célestes ! Mais elle ne le savait pas, réalisa-t-il alors qu'elle continuait de le regarder – et de ce qu'il comprenait de son regard, la demande tenait plus de l'ordre implicite. Il se jura une nouvelle fois de tuer l'Ancien qui l'avait propulsé sur cette planète minable.

Il s'avança mais se stoppa après un pas. Que signifiait « faire la vaisselle » ? Il détestait ne pas comprendre et grogna silencieusement de frustration.

— Qu'est-ce qu'il y a ?, s'enquit Scarlet – ce n'était pas son prénom mais il n'avait retenu que ce nom-là – avec ses cheveux, difficile d'oublier.
— Je n'ai jamais... « fait la vaisselle », déclara-t-il avec difficulté.

Un instant, une lueur de choc passa dans les yeux de la rousse, aussitôt suivie d'un éclair qu'il identifia comme un « Tu te fiches de moi ? ». Mais finalement, elle se contenta de hausser un sourcil et lui expliqua ce qu'il devait faire.

C'était assez simple, il devait l'avouer. Ennuyeux mais simple. Passer la vaisselle sous l'eau chaude, frotter jusqu'à ce qu'elle soit immaculée, puis la poser sur le côté pour la laisser sécher. De l'eau gicla soudainement vers le haut, droit dans ses yeux. ...Non, finalement, il détestait ça.

ooOoo

La semaine qui suivit fut assez... originale. Etant donné que Jellal n'avait tenté ni de l'agresser, ni de disparaître avec un quelconque objet de valeur pendant le week-end, Erza décida qu'il pouvait bien rester tout seul la journée le lundi suivant. Elle lui prépara un déjeuner froid – il semblait incapable de cuisiner.

Elle avait remarqué que le bleu semblait ignorer beaucoup de choses simples, comme le fonctionnement de la douche – elle l'avait entendu jurer contre l'eau glacée – ou l'existence des ouvre-boîtes – ou même des boîtes de conserve. De même, elle l'avait vu observer le frigo, le four et le lave-linge d'un air un peu confus.

C'était à se demander d'où il venait. Il semblait se replier sur lui-même quand elle lui posait la question, alors elle avait renoncé à l'interroger. S'il voulait le lui dire, il finirait bien par le faire.

Quant à elle, et bien... A vrai dire, la présence de Jellal ne la gênait pas tellement. Comparée au tumulte ambiant de l'hôpital, sa demeure était parfois trop silencieuse et elle remerciait le bleu d'avoir – même involontairement – apporté un peu de vie dans sa maison.

Et puis, si elle était totalement honnête... Sa façon de s'étonner discrètement devant presque chaque objet lui semblait... Assez craquante. On aurait dit un gamin – un gamin qui n'aimait pas montrer ses faiblesses. Du coup, même s'il était constamment grognon, elle ne pouvait s'empêcher d'être à l'aise.

L'esprit humain était parfois drôlement bizarre, songea-t-elle.

ooOoo

Elle aurait dû anticiper ce genre de réaction, mais Jellal était devenu si rapidement un élément de son quotidien qu'elle mit un moment à comprendre l'inquiétude de Grey. L'urgentiste était comme un frère pour elle – un frère qui avait la mauvaise manie de la traiter comme une fille fragile.

Tout ça parce qu'elle avait pleuré – une fois ! – sur son épaule quand son dernier compagnon l'avait quittée. Franchement.

— Erza, tu es en train de me dire que tu héberges un parfait inconnu que tu as trouvé évanoui dans ton jardin, déclara le brun en se pinçant l'arête du nez. Alors ne me dis pas d'être rationnel, je te prie, parce que là c'est toi qui ne l'es pas.

La rousse s'apprêtait à répondre quand un plateau se posa à côté d'elle.

— Salut vous deux !, les salua Mirajane. Qu'est-ce que j'ai loupé ?
— Mira, aide-moi s'il-te-plaît à faire intégrer à cette tête de mule les règles du bon sens, grogna Grey.
— Comment ça ?

Le brun s'occupa de mettre la blanche au courant. La réaction de cette dernière ne se fit pas attendre – et elle ne fut pas celle qu'espérait la rousse.

— Quoi ?!, s'exclama l'infirmière. Mais enfin, Erza ! Tu te rends compte que-
— Oui, je me rends compte, merci !, la coupa sèchement la suscitée. Sauf que ça fait cinq jours qu'il est là, et tout va bien. Donc arrêtez de me faire la morale, parce que j'en ai plein le dos !

Sur ces mots, le médecin se leva, attrapa son plateau à moitié terminé et quitta le self de l'hôpital.

ooOoo

Cela eut lieu à la fin du sixième jour.

Étonnamment, le temps ne lui semblait pas aussi long qu'au tout début. Oh, il souhaitait toujours vigoureusement déguerpir, laisser la Terre loin derrière lui et retourner aux Cieux – mais il ne s'ennuyait pas autant qu'il ne l'aurait pensé de prime abord.

Les humains étaient étranges au-delà du possible. Ou du moins, leurs inventions pour pallier à leur absence de magie étaient... surprenantes. Dans le bon comme dans le mauvais sens du terme. Ils avaient réussi à produire à volonté du chaud, du froid, de l'eau et de la lumière. Ils étaient également très bruyants – et encore, il avait le sentiment que Scarlet n'était pas l'une des pires.

La rousse était calme et sérieuse. Elle lui expliquait patiemment ce qu'il ne comprenait pas les rares fois où il s'abaissait à lui demander – de peur de paraître plus ridicule encore s'il ne le faisait pas. Il avait compris qu'elle était médecin et se demandait parfois si elle confondait bon cœur et naïveté. Elle semblait pourtant réaliste.

Il se demanda avec agacement combien de temps le Vieux Schnoque allait le laisser pourrir sur Terre. Il avait trop chaud et d'après la drôle de boîte qui montrait des images animées de personnes en miniature, la température allait continuer à monter. Ces stupides humains savaient prévoir le temps, mais pas le contrôler ? C'était d'un ridicule.

— Tu en veux ?

Scarlet lui tendit une petite bouteille remplie d'une boisson sombre. Un sifflement émana du bouchon quand il l'ouvrit et il jeta un regard méfiant à la mixture. Du coin de l'œil, il vit la rousse avaler une grande lampée de liquide et en déduisit que ça devait – encore – être une de ces choses étranges propres aux humains. Assoiffé, il avala goulûment.

La boisson explosa au fond de sa bouche et remonta le long de son palais avant de lui dégoutter par les narines. Il toussa à s'en arracher la gorge avant de fixer le liquide diabolique restant dans la bouteille.

— Que...

Il s'essuya avec le dos de la main et toussa à nouveau, les larmes aux yeux, en essayant d'ignorer la sensation étrange et désagréable qui lui parcourait les cavités naturelles. Scarlet le regardait d'un air trop surpris pour être feint. Les yeux de l'humaine se mirent à briller et elle plaça une main devant sa bouche, détournant la tête.

Le rire franchit toutefois ses lèvres quand elle croisa à nouveau son regard.

— Pardon, s'excusa-t-elle tout en riant, pardon Jellal, mais- Oh mon Dieu je n'aurais jamais cru- Vraiment- Pardon, c'est trop-

Horriblement vexé, le bleu se leva, abandonnant la bouteille maléfique sur la table, avec l'intention d'aller se rincer le visage. Elle l'arrêta d'une main, se mordant l'intérieur de la joue pour étouffer son rire.

— Excuse-moi, déclara-t-elle à nouveau plus sérieusement. Je ne pensais pas que tu- Enfin, j'aurais dû te prévenir.

Le sourire qu'elle lui adressa à cet instant le stupéfia. Moins marqué que celui qu'elle arborait quelques secondes auparavant, il était heureux et sincère. Une petite lueur faisait étinceler ses iris d'une façon qu'il trouva hypnotisante.

Une fulgurante envie de l'embrasser surgit à l'intérieur de lui et il la réprima tout aussi brutalement, surpris et en colère contre lui-même à la fois. Parce qu'elle était humaine, bon sang !

Un peu plus tard, couché dans le lit qu'elle lui prêtait, il repensa à cette sensation. C'était stupide. Il ne pouvait pas avoir désiré une simple humaine. C'était cette infâme planète Terre qui le rendait fou peu à peu.

Oui, décida-t-il en s'endormant. C'était forcément ça.

Sans qu'il n'en n'ait conscience, une aura dorée le recouvrit, éclairant la chambre d'un fin halo de lumière. Quand l'obscurité reprit ses droits, la pièce était vide.

ooOoo

Il avait été surpris de se réveiller dans son Palais. Avait-il rêvé ? Le visage de Scarlet apparut dans son esprit – ce même sourire qui l'avait hanté la veille. Ce fut alors qu'il ressentit l'énergie qui lui avait tant manqué. La sensation balaya toute pensée liée à l'humaine.

Ses pouvoirs étaient revenus !

Un sentiment de victoire le submergea et il laissa la magie se déverser en lui, hors de lui, affectant le palais et l'ensemble de son territoire divin – les Cieux. Plusieurs astres furent violemment soumis à son influence : certains explosèrent, d'autres changèrent complètement de trajectoire.

Jellal s'en fichait. Il était à nouveau maître de lui-même et de son domaine, et c'était tout ce qui importait.

Loin de là, dans une autre partie des Cieux, un vieillard perçut la vague d'énergie qui arrosa le Cosmos. Un soupir lui échappa à la vue de si peu de contrôle. Enfin, pensa-t-il, puisque Jellal était revenu, c'était qu'il devait avoir appris certaines choses au contact des humains...

ooOoo

Erza touilla son café sans grande conviction avant de porter le gobelet à ses lèvres. Le breuvage avait un goût infect et elle n'eut pas le courage de le finir. Le verre en plastique termina dans la poubelle la plus proche et elle alla se laver les mains avant de retourner dans son service.

— Ah, Erza. Il faut que je te parle, commença Grey. Au sujet de ce type-
— Tu n'as plus à t'en faire, le coupa la rousse. Il est parti.
— Oh. Et bien tant mieux, déclara le brun. Il faut que j'y aille, continua-t-il en regardant sa montre. A plus tard.

Elle soupira. L'idée de retourner dans sa maison triste et silencieuse la découragea. Ça n'avait été que pendant une pauvre semaine, mais Jellal avait mis de l'animation dans sa vie. Il avait disparu aussi subitement qu'il était apparu, comme par magie. Elle se demanda où il pouvait bien être, maintenant.

ooOoo

Énervé aurait été un bon mot pour décrire l'état du Dieu des Astres Célestes. Il était perpétuellement d'humeur orageuse, et il ne savait même pas pourquoi. Cela avait le don de l'irriter encore plus, ce qui bouclait la boucle.

Les divinités mineures évitaient soigneusement son palais, peu désireuses de terminer de la même façon que la dernière qui avait eu la malchance de le croiser – littéralement dissoute dans un éclat d'énergie magique.

En plus, Jellal se sentait seul. Une infamie de plus à ajouter à la liste de ce qui lui déplaisait. Après le vacarme affreux de la Terre, son Palais lui paraissait horriblement silencieux. Le seul son était celui de ses pas sur le sol – il avait l'impression que cela résonnait entre les murs de marbre. Atroce.

ooOoo

Le rocher mesurait cinquante mètres de long pour dix mètres de large. Un bébé caillou aux yeux des plus grands résidents du Cosmos. Il errait paresseusement dans le vide, sans véritable but. Sa mort aurait dû se produire au cours des prochains millénaires, en heurtant un de ses confrères plus gros que lui.

La vague d'énergie le frappa de plein fouet, déviant sa trajectoire de plus de quatre-vingt-dix degrés. Elle disparut bien assez vite, mais les conséquences ne pouvaient en être altérées. Quelques jours plus tard, le rocher entra dans l'influence gravitationnelle de la Terre.

Il lui fallut une semaine pour atteindre l'atmosphère. Sa vitesse augmenta de façon exponentielle et la friction de l'air réduisit sa taille de moitié, créant une queue flamboyante de poussières embrasées derrière lui.

La météorite s'abîma dans l'océan et alla percuter la plaque de granite en profondeur. L'onde de choc se répercuta aussitôt, s'éloignant à grande vitesse de façon concentrique.

ooOoo

Assise à son bureau, Erza étudiait avec attention le dossier d'un patient sensible. L'enfant était atteint d'une forme rare de cancer génétique, difficilement soignable, totalement inopérable. Quand bien même ils parviendraient à le guérir, le jeune garçon avait plus de quatre-vingt-dix pourcents de chances de décéder avant l'âge de vingt ans. Et c'était à elle d'aller annoncer ça à un môme de dix ans et à ses parents.

C'était dans ce genre de moment qu'elle détestait son métier. Elle ferma les yeux et se laissa aller un moment, le visage dans les mains.

Un choc abrupt la fit se lever brutalement, un second la propulsa droit dans le siège qu'elle venait de quitter. La terre se mit à trembler violemment et elle se rattrapa tant bien que mal à son bureau alors que tous les meubles autour d'elle chutaient un à un.

Elle se rappela des mesures de sécurité à prendre en cas de séisme – c'était un de ces cours de médecine de catastrophe qu'elle détestait tant, naturelle optimiste qu'elle était. Se réfugier sous une table et ne pas bouger. Le médecin rampa avec difficulté sous le bureau.

Elle n'aurait pas dû.

ooOoo

Jellal se réveilla une fois de plus irrité. Pour une fois, il savait pourquoi. Il maudit Scarlet pour oser venir le hanter dans son sommeil. Pour qui se prenait-elle, cette humaine ?

Toutefois, avec le fait de penser à la rousse vint l'envie de savoir ce qu'elle devenait. Il eut beau lutter contre ce désir, l'ennui eut raison de lui – du moins ce fut la raison qu'il invoqua pour s'approcher de la bordure des Cieux et invoquer une vision de la Terre.

Les images apparurent lentement, lui permettant de suivre ce qui se passait dans ce monde si lointain. Obéissant à son souhait informulé, la magie chercha la femme qu'il voulait voir.

Il y avait de la fumée partout. Les sons lui parvinrent, quelque peu étouffés – ces mêmes sirènes qu'il avait déjà entendues de loin, quand il était sur Terre. Un bâtiment énorme, à demi-effondré, était en flammes. Les images se rapprochèrent, passèrent à l'intérieur de l'immeuble.

C'était la panique. Il entendit des pleurs, des cris. Une seconde onde de choc frappa brutalement la région. Toute la partie sud de l'hôpital s'effondra. La vision continua de progresser au milieu de cette Apocalypse à échelle humaine.

Il mit un moment à l'apercevoir. Ses cheveux étaient couverts de débris et de suie provenant de l'incendie des étages supérieurs. Elle était couchée sur le sol, une jambe disparaissant sous un morceau de béton. Un gros tuyau métallique comprimait sa poitrine, la plaquant à terre.

Il la vit cependant bouger, tenter de se dégager du piège mortel. Le tuyau glissa vers le bas et elle gémit. La terre trembla à nouveau, moins fort mais suffisamment pour que le cylindre de métal s'effondre totalement sur la femme aux cheveux roux. Un cri de douleur lui échappa. Jellal la vit tousser du sang et comprit brusquement.

Elle allait mourir. Scarlet n'était qu'une humaine, après tout. Faible. Fragile. Et surtout mortelle.

Qui se soucie des humains ? Un de plus, un de moins... Franchement, où est la différence ?

La différence était que Scarlet n'existerait plus. Elle disparaîtrait, et la Terre n'en n'arrêterait pas de tourner pour autant. La vie de ces innombrables autres humains continuerait sans souci.

C'était juste qu'elle, elle ne serait plus là. Et son sourire disparaîtrait avec elle – ce même sourire qui avait réussi l'exploit de l'ensorceler, lui, un Dieu.

Oui, juste ça.