"Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire?"
Je parle d'un ton agacé, afin de cacher la peur qui me gagne en voyant que les poings de Takao sont serrés au possible.
"C'est compliqué."
Un soupire franchit la barrière de mes lèvres alors que mes yeux se plissent inconsciemment.
Mais quel idiot! Ne peux-tu pas rester aimable cinq minutes?
Je le vois se retenir de faire de même. Mon regard caresse son visage, ce qu'il ne semble pas remarquer. N'est-ce pas lui, pourtant, qui voit tout, jusqu'aux plus petits détails, grâce à son œil de faucon? Lorsque je le vois me regarder fixement, les yeux dans les vagues, je sens mes pommettes s'empourprer alors que d'un geste mécanique, je remonte mes lunettes.
"Je n'ai pas que ça à faire, accouche."
Son teint devient soudainement cramoisi et son regard chute à ses pieds. Cette fois-ci, il ne se retient pas et lâche un soupire des plus gracieux. Puis il m'avoue, d'une voie fébrile:
"Je t'aime, Shin-chan..."
C'est simple, mais ça m'a pris de court et même si je l'espérais de tout mon cœur, ça m'a surpris. Et cette surprise a tout gâché:
"Oh, merde..."
Pourquoi? ...Je ne sais pas...
Il s'effondre. De l'extérieur, il reste fort. Mais je sais, par expérience, que ce n'est qu'une image. A l'intérieur, son cœur pleure, son âme se déchire. L'effet qu'ont ces deux petits mots sur lui est ahurissant. Son teint devient, bien malgré lui, livide. Il perd son sourire, sourire que je pensais éternel, et sa lèvre inférieure se met à trembler.
J'aimerais l'enlacer, le bercer dans mes bras, et glisser mes doigts dans ses cheveux, comme on le ferait à un enfant perdu afin de le consoler.
Mais tel l'idiot que je suis, je reste figé.
"...Désolé..."
Cette phrase, je m'y attendais. Et pourtant, ça fait mal. Aussi mal que si le couteau qu'il aurait pu tenir dans la main cachée derrière son dos se plantait dans mon cœur.
Il tourne les talons et, sans m'accorder le moindre regard, il s'enfuit. Lorsque mes muscles daignent enfin à bouger, je le vois disparaitre derrière le lycée. Courant à sa suite, je m'engage à l'intérieur. Je monte deux à deux les marches menant au toit du bâtiment. J'ouvre la porte qui nous sépare et je ne vois plus que lui. Il se tient face à moi, dos au vide.
Mettant ma fierté de côté, je l'interpelle. Ne le voyant nullement réagir, je laisse l'inquiétude prendre le dessus.
"Takao, ne saute pas!"
Son rire cristallin sonne si faux dans l'immensité du ciel qui nous survole... C'est un rire ironique. Un rire que je ne lui reconnais pas. Puis il recule. Lentement, mais sûrement. Et ce qui devait arriver arriva.
Un de ses pieds ne se pose pas. Il ne fait rien pour rétablir son équilibre. Son rire résonne encore. J'ai peur. Peur de ne plus jamais le revoir. Et je comprends, le sentiment qui me guide n'est autre que l'amour.
Alors, de toutes mes forces, de tout mon cœur, je souhaite le sauver. Et mon vœu, avant que je ne le comprenne, devient réalité. Les bras posés sur sa taille, mes lèvres contre les siennes. Et lorsque l'oxygène nous manque, et que nous nous séparons, je lui glisse à l'oreille ce que je viens de réaliser.
"Moi aussi, je t'aime, Kazunari."