Form : suchiha

To : Uzumaki-naruto armé

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Je ne sais pas commencer ce mail. Pour être honnête, je ne sais pas si tu vas recevoir ces quelques mots, si tu ne m'as pas déjà bloqué ou que sais-je encore.

Aujourd'hui, nous sommes le six mai. Tu te souviens de cette date, n'est-ce pas ? Je l'espère. Cela fait six ans que tu m'as avoué être amoureux de moi et je me rappelle de chaque parole, chaque geste. Je me rappelle le lac, je me rappelle la gêne et le ressentiment que je ressentais vis-à-vis de Hyuuga. Cela fait plusieurs jours que je prépare ceci, que je tente de faire des ébauches, mais les mots ne viennent pas. Sans doute parce que je m'adresse à toi.

Te remémores-tu il y a cinq ans ? Nous venions juste d'arriver à Paris, dans l'appartement de ma sœur. Nous étions sur nos nuages, nous étions dans un rêve éveillé, nous étions des utopistes et le pire, c'est que nous le savions. Nous avons mangé au restaurant et tu m'as offert cet écrin qui m'a fait écarquiller les yeux, qui m'a fait me dire que tout n'était pas possible. Mais tu as ouvert l'écrin en question et tu m'as dit que tu me voulais moi et pour toujours. J'étais effrayé et excité à la fois. Parce que nous étions jeunes, parce que nous ne faisions que commencer notre vie et qu'intérieurement, je pensais exactement la même chose. Alors j'ai accepté, nous sommes rentrés en quatrième vitesse et nous avons fêté cela à notre matière.

En cours de physique, nous avons appris que les nuages finissaient par s'évaporer et disparaitre. Celui sur lequel je me trouvais est parti sans que je m'en rende compte, petit à petit. J'essayais de le retenir, mais il glissait dans mes doigts. Tu venais d'être affecté à une brigade et ton premier ordre de mission était tombé. Trois mois dans le désert, sans communication. Une torture pour moi. Je le savais et lorsque je t'ai dit discrètement au revoir sur ce tarmac, j'ai imprimé ton visage dans mes yeux, je me suis plongé dans tes pupilles. Tu faisais de même, je crois.

16 juin

Parfois, j'me remercie d'avoir pris ce carnet avec. Sans lui, j'tiendrais pas. Sans l'écriture, sans les mots couchés sur le papier, ce serait réellement l'enfer sur terre. Parfois, j'me demande ce que j'ai été faire là-dedans. Pourquoi je suis pas resté chez moi, tranquillement à devenir prof de sport et à vivre une vie joliment tracée avec Sasuke. Sasuke, Sasuke, Sasuke. Mon cœur te réclame et tout mon corps l'accompagne. Tu me manques comme c'est pas imaginable, comme c'est pas pensable. J'aimerais pouvoir faire comme les autres, accrocher ta photo, nos photos quelque part. Mais je connais leur mentalité, je sais que malgré tout ce qu'on dit, que malgré les jolis discours des politiques, ça ne marche pas comme ça ici. Quand t'es en perm, que tu peux te balader dans ce désert sans fin, tu te fais une femme, pas un homme. Alors, être à moitié fiancé à l'un d'eux, c'est la pire chose pour un soldat. Un soldat, c'est censé être fort, pas faible. Et ici, le fait de sortir avec un gars, c'est considéré comme la pire des faiblesses. Alors je suis obligé de me planquer, je suis obligé de décliner les invitations pour les perms, voir même les refuser. Tout ce que je veux, c'est te retrouver, me plonger dans tes yeux que tu crois inexpressifs, te dire que toi aussi, t'es mon ciel d'été.

Je me disais que j'allais commencer les cours à l'université. Que tout allait bien aller, que tu allais rentrer en un seul morceau et rapidement, que le temps passerait rapidement. Mais en septembre, rien n'allait. J'étais rejeté par les autres, n'étant pas français, ne le parlant pas aussi bien qu'eux, n'étant pas issu de grands lycées. Les professeurs en demandaient beaucoup, je suivais, mais je ne retrouvais pas ce qui me faisait battre le cœur. Je ne vivais pas le rêve éveillé que je pensais trouver en quittant le Japon. Le couperet venait de tomber, je m'ennuyais. Je voulais t'en parler, le dire à quelqu'un. Mais le décalage horaire m'empêchait de tenir une discussion digne de ce nom.

15 octobre

Je peux enfin revenir au pays. J'ai enfin fait mon temps. Je peux enfin te revenir. Mais je t'en prie. Ne pose pas de questions. Ne me demande pas comment je vais. Ne regarde pas mes poignets, tu y verrais des choses que tu détestes. Je ne veux pas te faire de mal. Alors, ne sois pas curieux. Pour ton bien et le mien.

Tu es revenu. Tu étais épuisé, ton sourire avait disparu et je savais que ce que tu avais vu ne quitterait jamais ta mémoire. Tu paraissais tout de même heureux de me retrouver et j'avais l'impression que tout allait bien, à nouveau. Que je te parlerais de mes cours, que tu me comprendrais. T'ai-je dit que j'étais utopiste ? Nous nous sommes disputés. Une fois, dix fois, c'était la première fois que cela nous arrivait. Nous nous sommes dit des choses affreuses. Et une seule reste dans ma mémoire. J'en ai marre Sasuke. Si ça veut dire ça vivre avec toi, si ça veut dire se hurler dessus à longueur de journée, je préfère aller vivre dans la caserne. Tu l'as fait. Et quand tu as été mobilisé une seconde fois, que je suis venu te dire au revoir sur le tarmac, les mots ont coupé, ont percé, comme les balles de ton fusil. C'est fini.

17 décembre

Retenir ses larmes n'a jamais été aussi dur. Retenir sa douleur non plus. La colère explose, mais je ne dois rien montrer. Rien. Je dois m'harnacher, je dois penser à mes compagnons d'armes que je suis parti secourir. Alors, je t'en supplie, disparais. Déteste-moi pour ce que je viens de faire. Déteste-moi parce que je suis égoïste. Parce que j'ai peur que tu me déconcentres. Parce que te voir mal en point à cause des cours, ça affreux. Parce qu'inventer des disputes, c'est horrible. Parce que te dire toutes ces choses, c'est horrible. Mais parce qu'il fallait bien les faire.

Je voulais m'arracher le cœur. J'ai prix un taxi, j'ai traversé la ville entière et je me suis rendu chez Asuka. Lorsqu'elle m'a ouvert la porte, je me suis effondré dans ses bras. Je lui tout raconté, l'ennuie à l'université, la solitude que je ne connaissais plus, le ciel que je commençais lentement à détester. Je lui ai dit que je voulais rentrer au Japon, tout abandonner derrière moi, sans un regard en arrière. Reprendre ma vie comme elle était en février de ma deuxième année. Elle m'a supplié de ne rien faire de tel. De finir mes études ici. Que si j'avais besoin, elle serait toujours là. De ne pas faire comme elle, de ne pas fuir, mais de faire face.

Et me voici, t'écrivant ce mail, quatre ans plus tard. J'ai eu ma licence, je suis en master pour devenir professeur. J'écris beaucoup. Tu me manques infiniment. Je t'aime.

Ton Sasuke.

« Vous êtes bien sur le répondeur de Sasuke Uchiha, je ne suis pas disponible pour le moment, mais vous pouvez me laisser un message.

Ici le général de brigade Obito. Vous êtes indiqué comme étant le référent du soldat Uzumaki. Je vous appelle pour vous annoncer que toute sa brigade a été prise dans une embuscade alors qu'ils surveillaient un chemin. Nous n'avons retrouvé personne. Je suis sincèrement désolé de vous le dire cela à travers une boite vocale. Veuillez recevoir toutes mes condoléances. »

Le téléphone tombe. Et je m'effondre.

To : suchiha

From : Uzumaki-naruto armé

No Subject

Cela fait quatre mois. Ils n'ont pas retrouvé ton corps. À chaque fois que j'entends le téléphone sonner, je sursaute et m'empresse de répondre, espérant que ce soit ce général de brigade qui m'annonce que tu es en vie, dans un de leurs avions. Mais rien. Je ne sais plus quoi écrire Naruto. J'ai peur d'oublier ton visage. J'ai peur d'oublier ta voix. Alors j'essaie de trouver tous les moyens pour que cela soit réel. Je teste des choses. Ça marche parfois et je te revois, encore une fois. Tu me manques infiniment.

Ton Sasuke.

« Je vous appelle de l'hôpital militaire de Paris. Le soldat Uzumaki vient d'y être transféré. Il y a été retrouvé il y a deux jours par la Delta Force américaine. Il avait été fait prisonnier par des insurgés et attendaient les ordres pour l'exécuter. Je ne peux pas vous cacher ma joie d'avoir retrouvé un si bon élément. Vous pouvez venir le voir si vous le souhaitez, en sa qualité de référent. Veuillez recevoir mes salutations distinguées. »

Je m'arrête au centre du couloir de métro, écoutant le message du général. Je m'envole, oubliant complètement l'université, n'ayant qu'un seul prénom en tête.

Retrouver les couloirs d'un hôpital me fait toujours un étrange effet. Je me revois adolescent, courant avec les brancardiers, amenant le corps évanoui de Naruto qui avait fait une tentative de suicide. Ce n'est pas le même hôpital, ni même le même pays et pourtant, je me sens dans le même état. Comme il le disait si bien avec son grand sourire, je suis comme dans un lave-linge.

Les couloirs sont vides, les malades dans leurs chambres, les médecins occupés à sauver des vies. Je marche accompagné de cette infirmière pour qui le blond n'est qu'un numéro sur des plaques. Je marche et j'ai peur de ce que je pourrais trouver de l'autre côté de cette porte jaune moutarde.

Elle est la première à la pousser, attrapant la poignée fermement. Je prends une grande respiration, n'étant pas sûr de ce que je suis en train de faire. Mais il faut entrer et affronter les visions qui se trouvent sur ce lit.

Cela fait quatre ans que je ne l'ai pas revu, depuis cette rupture sur ce tarmac. La première chose que j'aperçois, ce sont ses cheveux. Ternis par le manque de Soleil, ils sont plus sables que blé. Presque effrayé, j'avance à petits pas, de peur de le réveiller. L'infirmière repart, me laissant dans cette pièce vide. Les appareils ne bipent même pas, me laissant dans un pesant silence. Mon sourire se tord et je soupire rapidement. Le silence, toujours lui. Comme maître de nos vies, troisième partie de nos relations. Ce sont les silences qui ont fait que Naruto est tombé amoureux de moi, et ce sont encore eux qui ont fait qu'il est parti sans le regretter. Le silence est indéniablement destructeur.

Je m'approche à nouveau, découvrant les ravages faits au visage, au corps entier couvert par cette chemise d'hôpital bleue, presque blanche. J'observe, je n'ose pas bouger, de peur de briser quelque chose qui l'est déjà. Pourtant, je m'assieds sur le siège non loin du lit, et fixe la fenêtre, face à moi. Le soleil se cache sous des brumes de nuage, le ciel n'est pas bleu, ni blanc, ni gris. Le ciel est inexistant, aussi bien dans mon cœur dans sur le reste de la planète.

Sa main droite est à demi ouverte, comme j'aimais la découvrir le matin. Ses doigts sont abimés, comme sa paume et pourtant, je ne peux la lâcher des yeux. Je réfléchis à la marche à suivre, à que faire, que dire. Et le silence, qui s'étale toujours entre nous.

Soudain, je sais que faire. Si bien que je lève les yeux au ciel et que les larmes dégoulinent sur mes joues. Je ne sais pas si c'est de joie ou de tristesse, comme pendant ces quatre derniers mois. Et j'ai envie de chanter, aussi subitement que les pleurs arrivent.

Les paroles me reviennent d'elles-mêmes, sans que je n'aie besoin de les chercher, comme si je ne les avais jamais oubliées. Elles franchissent mes lèvres, s'écrivent avec une voix cassée, non préparée, peu utilisée de cette manière depuis trop longtemps. Dans le silence, les paroles découlent et le brisent sans ménagement, à capella et presque faux. Je pleure et chante, la main dans celle de Naruto, la serrant comme si ma vie en dépendait. Je chante, espérant que le silence s'en aille à tout jamais, qu'il m'entende et se réveille aussi subitement que mes larmes sont apparues sur mes joues. Je chante à m'en briser la voix, à m'en briser le cœur et à en mourir, mais pour rien au monde je ne m'arrêterais.

Lorsque vient le deuxième paragraphe et ces trois phrases qui signifient pour lui tant de choses, je m'arrête. Car dans ma main bouge une seconde, tout doucement.

« T'arrête… pas »

Je lève les yeux vers lui, les ayant baissés. Les siens sont ouverts, bleus comme le ciel inexistant. Il me fixe, serrant plus encore ma main.

« Continue… J'ad.. ore cette chan.. son. »

Reniflant, tentant de ne pas le regarder, je rouvre la bouche et les paroles sortent enfin. Je reprends contenance, je maitrise ma voix, plus rien n'est faux et je sens mon cœur battre au creux de ma poitrine. Je me sens vivre.

« J'ai… toujours… adoré t'entendre… chanter, teme.

— Imbécile… murmuré-je. Imbécile, imbécile. Tu n'es vraiment qu'un imbécile. »

Je me laisse tomber sur le matelas, relâchant toutes mes émotions, relâchant tout ce qui se trouve dans mon cœur depuis tant de temps.

« Je peux avoir à boire ? »

Je m'empresse de répondre à sa demande, renversant la moitié sur la tablette. Le laissant avaler le liquide, je réfléchis. Mais finalement, souriant, je décide qu'il n'y en a pas besoin. Aucun besoin de réfléchir à ce que je vais dire.

« Je t'aime Naruto. Je t'ai aimé lorsque nous étions deux adolescents rêveurs, je t'aime, moi le professeur raté qui n'aime pas ce qu'il fait, et je t'aimerais, moi et mon avenir qui n'est pas encore écrit. »

Je ne rajoute rien d'autre, c'est amplement suffisant. Il me fixe et je suis prêt à recevoir les remontrances qui me sont dues pour avoir fait preuve d'autant d'audace.

« Moi aussi teme. Bon sang que moi aussi. Je t'ai détesté, je t'ai aimé pour encore te détester derrière pour tout ce que tu me faisais. Et puis finalement la roue infernale s'est arrêtée. Les aiguilles sont aussi sûres que mon cœur et le reste de ma personne. J'aime te déteste et je te déteste amoureusement. »

J'écarquille les yeux à l'entente de ces mots. Il sourit. Cela m'avait manqué et mon cœur se retourne. Avec ses faibles forces, il m'approche de lui. Je l'observe, tente de comprendre ce qui se passe. Il m'embrasse sans plus de questions. Je réponds avec ferveur, sans me soucier des conséquences. Il me fait signe, en se séparant, de m'allonger à côté de lui, ce que je fais immédiatement, retirant mes chaussures. Il ne parle pas, regarde le plafond et joue avec mes mains, qu'il caresse doucement. Il finit par se rendormir et je l'imite, posant la tête contre son épaule.

« Tu sais que nous ne pouvons pas continuer comme cela. Il s'est passé quelque chose entre nous, quelque chose d'important.

— Je sais.

— Que comptes-tu faire ?

— Me promener parce que je n'en peux plus d'être enfermé. Et puis regarde.

— Que faut-il voir ?

— Le ciel.

— Le ciel ?

— Tu ne vois pas sa couleur ? Ça ne te rappelle pas quelque chose ?

— Il est bleu. Il est bleu comme un ciel d'été.

— Ça ne suffit pas ? Le bleu et nous deux, ça ne suffit pas ?

— Je n'en ai aucune idée.

— Qu'est-ce qu'on va faire alors ?

— Nous allons vivre. Vivre, le ciel d'été se répandant au-dessus de nous. C'est tout ce qu'i faire. »