Note : Avé citoyens ! Je suis plus qu'heureuse de publier cette histoire, écrite dans le cadre du Challenge de mai du Collectif NoName "Hier encore". C'est donc un UA historique où Harry est Aruns, Eggsy est Egkis et Merlin est Mervius. L'histoire commence à Rome, en 121 ap. JC, sous le règne de l'empereur Hadrien et se déroulera jusqu'en 129. 8 chapitres en tout sont prévus et déjà écrits.

Précisions historiques (parce que bien obligé d'utiliser des termes en latins) :
- Virtus et Honor est une des devises de la légion et se traduit par Force et Honneur.
- le limes est le nom donné à la frontière fortifiée et gardée par les légions de l'Empire.
- la domus, la villa désigne la maison.
- Publius Acilius Attianus a réellement existé, il était le tuteur d'Hadrien et l'a aidé à accéder au trône à la mort de Trajan. Il a ensuite été écarté pour avoir fomenter un complot pour l'empereur (mais Hadrien n'a jamais aimé qu'on tue des gens pour lui)
- un tribun et un légat sont des hautes charges de fonctionnaires sous l'Empire.
- les Feria Marti sont des fêtes à Rome, très importantes pour les légionnaires car en l'honneur du dieu Mars de la guerre. Elles se déroulent au début du mois de mars.
- l'Urbs désigne Rome
- Enfin, tous les empereurs depuis Auguste (qui est le premier empereur, successeur de Jules César qui lui n'a été que consul à vie), se font appeler César. Donc, César n'est pas Jules mais Hadrien, d'accord ? ;)

Si vous avez des questions précises, je serai ravie de vous répondre. :)

Question d'Hermystic « En tant qu'auteur, quelles sont tes inspirations du moment? » : Mes inspirations du moment sont Kingsman, évidemment. J'ai revu Gladiator et la série Rome également pour cette histoire, pour me mettre dans l'ambiance.

Rating : M.

Remerciements : SomeCoolName sans qui cette histoire ne serait pas là car elle me pousse dans mes retranchements et se montre d'une justesse à toute épreuve. Ma Some, merci pour tout, tellement, infiniment.

Bonne lecture et évidemment, les reviews sont toujours très appréciées ^^ !


La campagne est silencieuse. L'Aurore aux doigts de rose, comme dit Homère, couvre de sa clarté chaque arbre, chaque brin d'herbe, chaque homme qui prend le temps de se réveiller pour contempler sa beauté. Le vent s'engouffre dans les cyprès, leur cime bouclée suivant le mouvement des bourrasques qui déploient l'odeur particulière qu'Aruns ne trouve qu'ici. Il se passe une main dans ses cheveux coupés courts, enlevant la poussière. Sa peau burinée par le soleil fait ressortir son armure qui scintille dans les premiers rayons du jour, le décor que l'artisan a gravé sur la cuirasse semble s'animer : Hercule chasse le lion de Némée, accomplissant son travail avec la force et l'intelligence nécessaire pour vaincre. Comme lui. Il tire sur le col de sa tunique noire et prie les dieux que rien ne l'attende à la domus lui imposant de repartir à Rome.

La paix romaine instituée par l'empereur Hadrien, à la mort de son oncle Trajan quelques années plutôt, a permis à la ville éternelle de s'embellir encore et toujours plus, accueillant de nombreux habitants qui parent la ville de nouveaux atours. Les barbares sont contenus sur le limes, surveillé et gardé jour et nuit afin que rien ne vienne troubler l'Empire.

Aruns Acilius Attianus, fils de Publius Acilius Attianus, général de l'armée romaine impériale, a passé sa vie aux côtés de l'empereur. Son père, préfet du prétoire sous Trajan, a recueilli et élevé le jeune Hadrien, lui apportant l'éducation nécessaire au rang qu'il devait, un jour, tenir. De ses 7 ans à l'obtention de sa charge de tribun à 32 ans, Aruns n'a jamais quitté Hadrien. Il l'a suivi en campagne, l'a conseillé pendant le début de leur carrière et a été le premier à l'appeler Imperator à la mort de Trajan. Sa loyauté à toute épreuve, même après la déchéance de son père, lui a permis de gravir les échelons de la légion, de gagner et conserver la confiance de l'empereur.

Ainsi, lorsque Hadrien lui a ordonné d'assister aux Feriae Marti, il a laissé, à regret; ses hommes et Mervius, son légat, s'occuper de la frontière germanique. Cologne est pacifiée depuis longtemps mais la présence de la légion est nécessaire afin de maintenir la paix. Le voyage depuis la Germanie a été long et sans encombre. Personne n'ose plus attaquer une cohorte impériale. Il a abandonné les quelques soldats qui l'ont accompagné aux portes de la ville avant de continuer seul, alors que le dieu Apollon entame à peine sa course dans la voûte céleste, sa route vers sa demeure.

Aruns n'aime pas Rome. Il n'y retourne que lorsque Hadrien a besoin de lui et préfère se cacher dans sa villa en attendant les ordres. La ville n'a plus le charme des premiers temps de l'Empire : elle est corrompue par l'argent, les envies décadentes des nouveaux riches qui ne respectent pas les traditions séculaires des familles patriciennes. Aruns n'a rien contre l'ouverture aux autres classes de la société opérée par l'empereur, au contraire, les soldats issus de la plèbe valent souvent plus que les jeunes hommes de rang supérieur qui pensent à bien autre chose que le combat et l'esprit de corps. Mais Rome est pleine de ces gens qui ont oublié les valeurs essentielles qui font du peuple romain, le premier des peuples : Force et Honneur.

Heureusement pour lui, sa domus se situe en périphérie de la ville, loin des tumultes du centre et du palais. Il avait espéré que la charge d'empereur calmerait les instincts d'Hadrien. Même s'il partage son attrait pour les hommes, Aruns n'a jamais, comme l'empereur dans ses jeunes années, réunit une cour d'amants autour de lui, baisant ceux qu'il voulait à tour de rôle ou même ensemble lors de fêtes mémorables. Cela ne l'intéresse pas, il préfère au bruit des corps qui s'unissent celui des glaives qui s'affrontent, aux gémissements d'un amant celui du dernier soupir d'un ennemi.

Lors de leurs classes, il a appris à mener des assauts, à gérer une cohorte de légionnaires plus vieux que lui et à se faire obéir. C'est pour cela qu'il est fait. Qu'il est né. La politique ne l'a jamais attiré ; la satisfaction d'une bataille gagnée au prix de la sueur et du sang, oui.

La villa est en vue. Seneca, sa jument andalouse, hennit et accélère son pas, sûrement ravie du repos qu'elle trouvera loin de l'agitation du front. Aruns remarque que la cours a été entretenue avec soin pendant son absence. Les genêts fleurissent autour du bassin central, de nouveaux pieds de vigne ont été plantés afin de fournir de l'ombre. Passer l'été à Rome... Aruns soupire et s'avance, remarquant Flavius qui l'attend avec Roxanne. Bien qu'issue de la plèbe, Roxanne est sa sœur de lait, il a confiance en elle pour s'occuper de sa demeure et des terres autour. Refusant de se marier et donc de laisser sa villa à une matrone qui s'occuperait de tout, Aruns lui laisse le soin de gérer cela pour lui. Elle n'a jamais voulu partir pour construire une vie ailleurs, même lorsqu'elle a épousé Flavius, se justifiant qu'elle devrait quitter la maison qu'elle a toujours connue. Il peut comprendre ça. Même s'il aime la vie dans les camps parmi ses légionnaires, sa villa lui manque lors des moments les plus difficiles.

Il descend à terre et tend la bride à Flavius qui s'incline avec un sourire. Celui de Roxanne est encore plus grand. Il pose une main sur son épaule alors que cette dernière baisse la tête en lui souhaitant la bienvenue.

« Maître Aruns, je suis enchantée que les dieux aient protégé votre voyage jusqu'à vos terres. »

« Merci Roxanne. C'est bon de rentrer chez soi. »

Il se retourne, lançant un regard circulaire à l'immense jardin qui fait face à la domus. Au loin, Rome s'éveille, les premiers marchands doivent sortir leur étal et haranguer les esclaves ou les matrones venus faire leurs courses. Le forum doit déjà être assourdissant, les hommes faisant et défaisant les complots contre le Sénat, le peuple et l'Empire.

« Je vous ai fait préparer un bain, Maître Aruns. », continue Roxanne en lui indiquant d'un signe l'entrée des latrines. « L'empereur vous a envoyé une invitation pour ce soir. », poursuit-elle avec un air à la fois amusée et compatissant.

Aruns inspire l'air sain de sa maison, se sentant déjà fatigué de devoir affronter l'Urbs. Il entre par le péristyle dans les latrines sous le regard bienveillant de ses intendants.

« Fais-moi préparer une nouvelle toge. Il faut que j'enlève cet uniforme. »

oOo

Le temps de prendre son bain, de déjeuner et de régler des affaires domestiques, l'heure de se mettre en route pour le palais impérial du Palatin est vite arrivé. Trop vite pour Aruns qui, même s'il est heureux de revoir son empereur et ami, redoute la soirée qui l'attend. En cette époque de paix, Hadrien se montre toujours juste et sévère envers ceux qui veulent troubler cette tranquillité, dirigeant et structurant l'Empire avec fermeté. Mais les fêtes privées ne donnent pas cette image-là de l'empereur. Son médiocre engouement pour la passion de la chair a toujours été un sujet de moquerie entre Hadrien et lui.

Il parcourt le long couloir et se fait annoncer dans la salle de réception privée de l'empereur. Une trentaine d'hommes est déjà allongée sur les lits, discutant autour de la mensa qui regorge des mets les plus variés. Une grande jarre au centre est remplie de vin dans laquelle les convives plongent leur coupe afin de se rafraîchir. D'autres hommes, tous vêtus de toges tissées et placées avec goûts, discutent debout, lançant de temps en temps des regards à l'estrade placée près de l'entrée de service.

Aruns s'approche du lit central où Hadrien chuchote des compliments à l'oreille d'un jeune homme. La toge pourpre brodée d'or de l'empreur lui confère une aura démesurée, celle d'un dieu parmi les hommes. Aruns s'incline alors qu'Hadrien se lève et le prend dans ses bras.

"Avé Général. Je ne t'attendais plus. J'avais peur que ma missive se soit perdue ou que tu l'aies brûlée en voyant de quoi il s'agissait."

"Jamais je n'oserai faire une chose pareille, César. Tes invitations sont toujours un honneur.", répond Aruns en s'inclinant une nouvelle fois.

Hadrien rit, la gorge déployée. Sa barbe brune est plus fournie que la dernière fois qu'Aruns l'a vu et quelques mèches blanches viennent pigmenter ses boucles souples. Mais le regard chaleureux et intelligent est toujours le même et ça rassure Aruns qui se laisse faire dans la nouvelle accolade que lui donne son empereur qui, d'un geste, lui fait de la place sur son sofa. Le jeune homme d'une beauté diaphane, qui ne porte qu'un simple pagne, se relève non sans qu'Hadrien ne laisse courir une dernière fois sa main sur son torse sculpté.

"Allez. Raconte-moi la vie en province. Comment cela se passe à Cologne ? Mervius ne fait pas trop de zèle comme à son habitude ?"

Avec un sourire, Aruns lui fait un rapport détaillé de cette dernière année, rassurant l'empereur sur l'état du limes germanique où ils ont fait, ensemble, leurs premières armes. Son récit est parfois interrompu par des invités qui viennent présenter leurs hommages à Hadrien ; la salle se remplit, les esclaves passent servir ou contenter les invités, jusqu'à ce que l'empereur ne se lève à la fin de son discours. Le silence se fait et, lorsque l'empereur frape dans ses mains, Marius Tulius Servus, le marchand d'esclave de la famille impériale, entre avec sa cargaison.

Les lèvres d'Aruns se pincent en une fine ligne d'ennui. Il a des esclaves, évidemment, des centaines même qui sont nécessaire au bon fonctionnement de la domus et du domaine autour. Cependant, les douze hommes et femmes qui viennent d'être installés sur l'estrade n'ont pas la même utilité que les siens. Ce ne sont pas des magister mais bien des prostitués que leur présente Tulius Servus. Très peu vêtus, certains même attachés, ils vont être vendus au plus offrant avant de rejoindre les autres esclaves domestiques et de servir le maître quand celui-ci le demande.

Hadrien se retourne vers lui et lui tend la main afin de le relever.

"Mon ami, à toi l'honneur. Je t'offre celui que tu souhaites, en remerciement de toutes ces années de loyauté. Il faut que tu puisses te détendre avant la prochaine campagne que je te promets aussi stimulante que tu le souhaites."

"Je n'ai besoin de…", tente Aruns avant que l'empereur ne l'arrête d'un nouvel éclat de rire et le pousse vers la scène où les autres invités regardent la marchandise exposée.

"Sottises. César te fait un cadeau, tu dois l'accepter. Choisis ou veux-tu plutôt que je choisisses pour toi ?", Hadrien se retourne vers le marchand. "Servus. Mon ami, le général Aruns Acilius Attianus, rentre d'un long séjour dans nos provinces. Tu dois bien avoir quelque chose pour lui ?"

Le petit homme presque chauve hoche vivement la tête en s'inclinant devant eux deux. Le bras d'Hadrien n'a toujours pas quitté les épaules d'Aruns qui conserve son regard sévère, observant chacun des esclaves. Il prendra ce que l'empereur lui donnera puis demandera à Roxanne de trouver une tâche à la pauvre chose. Personne ne saura qu'il ne l'a pas utilisé.

"Il lui faut un garçon vif", continue l'empereur avec un ton conspirateur "et intelligent. Il doit pouvoir lui lire Ovide pendant qu'il le prend. Je connais le Général, il aime échanger quelques vers pendant et après le sexe."

"Si l'insolence ne fait pas peur au Général, j'ai ce qu'il lui faut. J'ai déjà essayé de vendre ce Grec plusieurs fois comme secrétaire mais il n'apporte que des ennuis… Il faisait parti d'une cohorte d'auxiliaires jusqu'à ce qu'il désobéisse à un ordre direct. Il a déjà eu plusieurs maîtres mais sa beauté est tellement inhabituelle qu'elle ne peut que plaire."

Le soupir exagéré du marchand intrigue Aruns qui le suit jusqu'à un homme nu dont le collier de fer relié aux chaînes autour de ses mains l'oblige à conserver la tête baissée. Tout ce qu'Aruns peut voir est que le garçon est brun, un corps sculpté sûrement par des années d'entraînement dans la légion. Ses muscles sont tendus et il se tient le plus droit possible, fier dans sa nudité et sa condition forcées. Servus fait tourner l'esclave sur lui-même. Des traces de fouet, sur les jambes et le dos, sont visibles malgré la poudre de calcaire et l'huile que le marchand a fait passer sur son corps pour le présenter aux invités de l'empereur. Aruns tend sa main sous le menton du jeune garçon et tombe sur des yeux bleus azurs pareils au ciel clair de la Germanie. Des yeux où brillent l'envie de liberté et une colère sourde. Des yeux où Aruns se reconnaît.

Il se recule, lâche le visage de l'esclave qui baisse rapidement son regard. Se tournant vers Hadrien, il lui fait un léger signe de tête.

"Je savais que tu trouverais. Servus, tu livreras ce garçon à la villa du Général. Par ordre de César." Il passe un bras autour des épaules de son général et l'entraîne vers le buffet. "Tu as toujours eu bon goût tu sais ? Je suis sûr que tu ne le regretteras pas."