Chapitre 1 :

...

Phil était habitué maintenant. Têtes différentes. Histoires différentes. Chaque jour. Quelque chose de différent.

Ca remplissait ses journées. Et ça mettait du beurre dans les épinards.

Aujourd'hui, Phil attendait devant l'aéroport. Son beau taxi jaune qui ne datait pas d'aujourd'hui trouvait toujours un voyageur. Les clients qui découvraient la Big Apple* pour la première fois étaient les plus chouettes.

Phil aimait la leur faire voir sous ses plus beaux jours. Leur dévoiler ses secrets, même s'il préférait que les secrets viennent d'eux même.

Tout comme il avait un jour aimé les découvrir et elle surtout. Un jeune qui était venu du Canada persuadé que New York lui donnerait la belle vie. Il n'avait pas à se plaindre. Elle lui donnait vraiment une belle vie. Cool. Peinarde.

C'était tout ce qu'il voulait, le petit Phil.

« Привет**, » fit une rousse, en arrivant dans le taxi.

Phil lui sourit dans le rétroviseur. Une russe. Il rencontrait rarement des russes. Et des aussi jolies, c'était encore plus rare.

Le russe n'était pas une langue qu'il parlait bien.

« Vous parlez anglais ? » dit-il, doucement.

Elle hocha la tête doucement, et alluma une cigarette. La fille fouilla dans son sac et en sortit un bout de papier où une adresse était grossièrement écrite.

Art House
253W 28th street

Phil connaissait bien cet endroit. Il rendit le papier à la dame.

« En route, »

Et le taxi démarra l'instant d'après.

La russe ne parlait pas beaucoup. Elle semblait perdue dans ses pensées. Peut être songeait-elle à son pays. Ca devait lui manquer, et lui faire bizarre. Arriver ici. A New York. C'était assez radical. Relativement différent.

« Première fois à New York ? » finit par demander Phil.

Natasha croisa ses yeux dans le rétroviseur.

« Oui. Première fois. »

Son accent était vraiment très prononcée.

« Pour travail. Et pour... »

Elle cherchait le mot juste.

« Tourisme ? »

« Non. »

Phil se creusait un peu la cervelle.

« Famille ? »

Elle répéta la même chose.

« начать сначала***» murmura t-elle.

La russe lui fit un geste, comme pour illustrer ce qu'elle essayait de dire.

Phil s'esclaffa. La rousse suivit. Et dit :

« Ca n'a pas d'importance. »

Un sourire s'échangea dans le rétro.

« Je m'appelle Phil, »

Il lui tendit une main par dessus la banquette. Elle la serra gentillement.

« Natasha. »

Il se souviendrait de cette fille. De cette belle russe qui semblait perdue mais dont les yeux avaient ce beau reflet d'espoir. Il se souviendrait de l'odeur étrange de ses cigarettes, de la sensation de picotement dans sa gorge et de son accent propre à elle même. Il se souvenait toujours de tout.

Toujours.

Lorsqu'il gara son taxi devant l'Art House, il se tourna pour pouvoir enfin la voir.

Natasha portait une petite robe noire. Ses lèvres étaient maquillées d'un rouge vif, comme le sang. Ses yeux pétillaient. Quelque chose se cachaient derrière eux.

La russe lui tendit l'argent et sortit du taxi.

Mais elle resta un moment sur le trottoir, avant de se tourner à nouveau vers le taxi.

Phil était toujours là.

Le soleil était un peu étouffant. Ca devait beaucoup changer de la Russie. Enfin, Phil l'ignorait totalement. Il n'avait jamais été dans ce pays. Mais il aimait beaucoup la langue. Sa sonorité. Ses particularités.

Elle était debout sur le trottoir et répétait quelque chose.

« J'ai trouvé. Les mots. »

Phil haussa un sourcil. Curieux.

« Repartir à zéro. C'est bien comme ça qu'on dit, en anglais ? »

« да**** » lui répondit-il avec un clin d'œil.

Un léger coup de vent fit voleter ses cheveux. Des mèches rousses frappèrent son visage. Sa tignasse ondulée encadrait son visage.

L'espoir. Toujours l'espoir de pouvoir recommencer.

« спасибо*****, Phil. »

Et elle disparut dans l'imposant bâtiment.

Chaque jour.

Des têtes différentes. Des histoires différentes.

Phil tournait tranquillement dans New York. Bon, d'accord. Tranquille n'était pas un mot qu'on pouvait associer à New York.

Cette fois ci, ce fut un homme. La quarantaine. Un bouc. Chic et élégant dans son costume. Gris perle. Des lunettes de luxe qui cachaient ses yeux. Ses cernes aussi. Sûrement. Non, c'est certain.

« Allez mon vieux, bouge ta ferraille. J'ai une réunion dans vingt minutes. Tour Stark, vite vite. »

Phil se faufila comme il le pouvait dans la circulation. Aux heures de pointes, c'était l'enfer. Et le gars qui pensait vraiment être à l'heure.

Le type pianotait sur son smartphone. Il avait l'air arrogant.

« Dites, » commença t-il.

« Oui ? » lui demanda Phil.

« Vous pourriez aller chercher quelqu'un pour moi ? »

Phil haussa un sourcil.

« Ce sera bien payé, » le rassura Tony, « et puis merde vous êtes un taxi, non ? »

Phil s'esclaffa et dépassa une file de voitures au ralenti.

Il emprunta des petites rues. Cette ville, il la connaissait comme sa poche.

« Bien sûr, Monsieur. »

Tony sourit.

« Cool. Donc, mon vieux, » continua t-il, en se rapprochant et en lui tapant sur l'épaule, « Il arrive ce soir. Un type. Beau et grand. Avec des cheveux noirs bouclés. Il portera sûrement quelque chose de vert. Il s'appelle Loki. »

Phil hochait la tête au fur et à mesure de la description.

« Il doit me rejoindre. Déposez le à la Tour Stark.» Tony glissa un papier dans sa poche.

Phil accepta la course. Ca lui faisait toujours une nouvelle tête. Et puis, l'aventure. Son goût était irrésistible.

Il déposa l'homme qui disait s'appeler Tony cinq minutes en retard.

Mais ça ne semblait pas le déranger parce que « C'est moi le boss, » et « Je suis Tony Stark. »

Comme si ça excusait et expliquait tout.

Puis, avant d'être avalé par l'immense Tour, lui rappela sa commission.

Phil se retrouva de nouveau à l'aéroport le soir même.

Le même que ce matin. Là où il avait rencontré la russe.

Il se disait qu'il lui faudrait renouer avec les langues étrangères. C'était quand même important, non ? Le français, l'allemand, l'espagnol ou bien même le russe.

Il sortit de son beau et pourtant vieux taxi jaune, une pancarte sur laquelle il était écrit « Loki » en main. Il la brandit en évidence, pour ne pas louper sa ''commission'', comme l'avait appelé Tony.

Comme prévu, un homme grand aux cheveux mi-longs et noirs arriva. Il portait un tee-shirt vert.

Phil le salua, et il eut un retour sympathique de la part de Loki.

Le type venait d'Angleterre. Il en était sûr.

Loki s'assit à l'arrière avec son sac. Un petit sac. Noir, discret. Léger à l'apparence. Il ne devait pas rester longtemps. Ou bien il possédait tout ici.

« C'est Tony qui vous a obligé à venir me chercher ? »

Phil s'esclaffa.

« Non. Il me l'a demandé gentillement. »

Loki rigola à son tour. « Il a même dit ''s'il vous plaît'' ? J'aurais tué pour voir ça. »

Une petite tranche de rigolade envahit le taxi. C'était agréable.

Phil l'appréciait déjà beaucoup.

« Vous êtes anglais, je veux dire, vous venez d'Angleterre ? »

Loki haussa un sourcil.

« Comment le savez vous ? »

Phil sourit.

« J'ai passé du temps en Angleterre. J'ai l'oreille, à force. »

« Oh, de quel côté ? »

« Pas mal de coins, j'avoue. Brighton. Liverpool. Oxford. Londres. Stratford. Le Pays de Galles, aussi. »

Loki avait un sourire sur les lèvres. Son pays en était à l'origine.

Le chauffeur de taxi arriva finalement à destination.

Loki le salua en lui donnant son argent.

« A bientôt, » murmura Phil.

Oui, il avait une drôle d'impression. Celle qu'il allait bientôt le revoir.

Phil retrouva son appartement de Brooklyn. La journée avait été longue. Et dure. Le soleil avait bien tapé, et les clients avaient été nombreux.

Au même moment, Fury prenait le relais.

New York de nuit pouvait être tout aussi intéressante.

A suivre.

Notes :

*surnom de New York

**(se prononce ''privet'', veut dire salut(bonjour) en Russe)

***repartir à zéro.

****oui(da)

***** merci(spasibo)