Une suite !

Que je ne pensais jamais faire, que je n'avais pas prévu, et qui est arrivée d'elle même. Ca fait un bout de temps depuis que j'ai écrit Call it a day, donc désolé si des choses vous semblent un peu redontante par rapport au premier chapitre dans celui-ci. Mais j'espère que ça vous plaira quand même !


Ces choses entre nous

Le soir est donc généralement réservé aux entraînements tardifs.

Jude possède un emploi du temps de ministre entre son emploi du temps de lycéen, ses révisions – essentielles pour maintenir ses notes au meilleur niveau un accord tacite avec son père depuis longtemps, s'il veut continuer le football comme il le souhaite – et le football, justement. Auquel il a réservé sa soirée depuis maintenant longtemps.

Il aime toujours se lever plus tôt pour travailler ses mathématiques, et voir la ville se réveiller tranquillement depuis le fenêtre de sa chambre, au-dessus de son bureau.

Tout comme il y a quelque chose de plus agréable à jouer pendant que la lumière décline doucement, que le ciel passe du bleu au rouge au noir, et que la lumière des projecteurs du terrain se subsiste peu à peu à celle du soleil.

Lorsque l'entrainement régulier avec l'équipe prend fin, il fait encore jour, et ces moments sont réservés aux retardataires – surtout lui et Caleb. Quelques coéquipiers se joignent à eux, maintenant. Parfois, rarement, mais de temps en temps, comme s'ils avaient mis quelques mois à réaliser que ce rythme n'était pas étranger au niveau franchement élevé de leurs nouvelles recrues.

Mais pas ce soir. Ce soir, après l'entrainement régulier, Jude prend sa douche dans les vestiaires et rassemble ses affaires. Quelques-uns lui jettent des petits regards en coin, mais ces irrégularités dans son organisation ne sont pas si rares pour réellement les étonner.
Ce soir, il voit Mark et Axel.

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Revoir Axel et Mark est toujours un moment magique il y a quelque chose d'extraordinaire à passer du temps avec eux deux, rien qu'eux, et ils parlent pendant des heures, rigolent, jouent au foot, souvent, ils se quittent alors qu'il fait noir en se promettant de remettre ça vite (c'est toujours le cas). Aucun d'entre eux ne veut voir ces moments se terminer alors ils étirent et étirent le temps autant qu'il en est possible. Les lendemains, il manque toujours plusieurs heures de sommeil à Jude mais il ne regrette rien. C'est aussi le cas d'Axel et Mark et ce dernier envoie toujours un petit message sur leur conversation de groupe pour se plaindre des cours qui commence aussi tôt (mais jamais pour remettre en question leurs rencontres, ni évoquer la possibilité de ne pas venir si tôt pour l'entrainement de foot).

Leurs trois établissements ne sont pas tout proches, mais pas trop éloignés non plus. Ils arrivent facilement à organiser ces petites rencontres régulièrement et Jude s'est déjà demandé s'ils avaient, tous les trois, inconsciemment choisis l'établissement qui, tout en leur convenant le mieux, leur donnait cette liberté-là.

(Ce n'est pas impossible.)

Jude avait déjà conscience de l'importance qu'ils avaient dans sa vie alors qu'ils partageaient le même quotidien maintenant que leur relation est également détachée de tout cadre scolaire, il a l'étrange impression que tout s'est renforcé. Il n'y a plus entre eux que toute cette affection et cette complicité et il ne pensait pas qu'il aurait quelque chose d'aussi fort dans sa vie.

(Tu parles toujours d'eux ! Et toujours avec cette façon, là, des étoiles dans les yeux. On pourrait presque croire que tu es amoureux d'eux ! On pourrait même carrément le croire, hein, Jude ! disent parfois les camarades de Jude en rigolant. Et ce n'est qu'une blague innocente et s'il ne le dit pas, ça le blesse. Réellement. Est-on obligé d'être amoureux de quelqu'un pour l'aimer de tout son cœur ? Pour qu'il prenne une place majeure de sa vie ?

Les choses doivent-elles forcément toujours être une question de romance ?

Jude ne se voit pas vraiment répondre ça, alors il sourit, il rigole et balaye la remarque d'un revers de main. Mais dans le fond il continue à se demander pourquoi les gens ne comprennent pas quelle importance peut avoir une amitié.)

(Caleb ne lui a jamais dit ça. Il lui demande, rarement et à demi-mots, comment vont ses deux ex-coéquipiers et à un petit sourire quand Jude les évoque. Il lui dit parfois de bien en profiter quand il part les rejoindre et déplace leurs sessions spéciales de foot, celles qu'ils n'ont que tous les deux, pour s'adapter à Jude.

Il semble comprendre à quel point cette relation et ces moments compte pour Jude, et ce qu'ils signifient pour lui, et c'est peut-être l'une des meilleures choses que Caleb peut lui offrir, alors.)

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Mark et Axel l'attendent déjà lorsqu'il arrive.

Mark à la mauvaise habitude d'arriver en retard à tous ses rendez-vous mais c'est rarement le cas lorsqu'il doit retrouver Axel et Jude. Cela lui réchauffe un peu le cœur il a alors le sentiment que ces rencontres sont aussi importantes pour Mark qu'elles ne le sont pour lui, et c'est un sentiment rassurant.

Mark agite les bras avec agitation pour attirer son attention, ou exprimer son enthousiasme, il ne sait pas trop. Axel a juste un petit sourire sur les lèvres, mais il est si lumineux qu'il en devient éblouissant.

Lorsqu'il les rejoint, Mark le prend par les épaules avec un rire sonore, et Axel pose sa main sur son avant-bras de façon rassurante. Puis ils s'éloignent, commencent à parler et à marcher. La conversation coule du lycée aux cours au football et aux entrainements (et s'y attarde, un bon bout de temps), aux anecdotes rigolotes de la vie de Mark et Axel parle un peu et pouffe doucement, Jude fait des petites remarques amusées parfois. Ils se parlent assez souvent, se voient assez souvent, pour connaitre la vie les uns des autres, et chacune de ses soirées ressemble plus à un moment privilégié qu'à des retrouvailles, à chaque fois.

Mark fini son deuxième bol de ramen quand ils en arrivent au sujet qui marque comme un tournant dans la conversation alors qu'il avale le fond de son bouillon et demande innocemment « Et Caleb, alors, il va bien ? » en regardant Jude dans les yeux.

Mark est beaucoup plus intelligent et clairvoyant que les gens ne le lui accordent, et Jude sait que Mark a conscience du poids de cette question. Axel aussi, forcément. C'est une relation qui marche en trio.

Jude répond que oui avec un petit sourire comme il peut le faire habituellement puis Axel lève un sourcil de façon assez suggestive, et il se met à bafouiller, un peu, et perd ses mots. Il ne sait pas vraiment s'il a envie d'en parler, en faite. Mark et Axel le connaisse mieux que personne et il n'a jamais peur, ou honte de leur dire des choses. Quoi qu'elles soient.

Ce n'est pas comme si le sujet de Caleb n'avait jamais été abordé jusqu'à présent avec eux, alors pourquoi aujourd'hui Jude ne le vit pas comme d'habitude ? Il y a une angoisse qui grimpe dans son ventre et une dizaine de pensées qui semblent traverser son esprit à la seconde.
Puis Mark met une main sur son épaule ses lèvres sourit légèrement mais ses yeux sont inquiets et Axel est penché vers lui avec son air attentionné de quand il se préoccupe des gens mais n'ose pas encore vraiment le dire (Axel travail toujours sur ses problèmes de communication. C'est en progrès, disent-ils en rigolant parfois, et c'est vrai. C'est aussi grâce à vous, a dit un jour Axel, et Jude se souvient encore de l'émotion qui l'avait pris, alors.)

Après ça Mark commande un dessert. Puis la conversation reprend avec son flot habituel. Et parfois les sujets dérivent et parfois cela revient à Caleb et parfois non, et ça lui fait du bien aussi.

Malgré le temps, les suspicions, il n'avait jamais abordé aussi ouvertement le sujet Caleb. Mais maintenant, c'est fait, et bien que ce fut difficile, les paroles de Mark et d'Axel en valent la peine.

(Et Jude les écoute religieusement, quand ils parlent. Ils disent parfois ces phrases qu'il ne veut pas entendre – mais dont il avait si besoin, au fond – et les accepte tranquillement. Sa relation avec Caleb est un mélange complexe et il y a eu tellement de réflexion et de petites discussions au détour d'un chemin – rien comme ce qui a lieu maintenant, en revanche.)

(Et doucement c'est comme si les choses commençaient à (finissaient de ?) se mettre en place)

Et la discussion s'étire longuement dans la nuit, et elle finit dans le petit appartement d'Axel qui n'habite plus avec son père. Et Jude s'endort forcé par son corps qui hurle au repos, sur le matelas de réserve qui est devenu le sien (Mark aussi en a un attitré).

Et si demain il y a cours, ce n'est pas grave.

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Dans les faits, le lendemain est un peu plus compliqué.

Il n'a pas vraiment de regrets, non. Mais la fatigue n'est jamais agréable et il traine les pieds dans le couloir du lycée et il remercie le ciel lorsque ses camarades sont trop impliqués dans leur conversation sur le dernier jeu vidéo sortit pour lui parler ou lui demander des précisions sur les devoirs de si bon matin, comme cela arrive parfois (aujourd'hui Jude n'a clairement pas l'énergie d'essayer d'adapter son discours à quelqu'un qui de toute façon ne comprendra pas ce qu'il raconte lorsqu'il essaye d'expliquer les équations différentielles).

L'amont d'attention qu'on a eu pour lui en arrivant au lycée a été compliqué, au début.

Jude a derrière lui le nom d'une famille connue, le passif d'un parcours scolaire passant par la royal academy. Il y a eu le football frontier, cette histoire avec l'académie Alius. Il y a surtout le FFI qui a rassemblé le public autour du petit écran pour le voir lui, entre autre, jouer au foot. Au final c'est cet entassement d'évènements extraordinaires qui faisait tourner les têtes de ses camarades de classe quand il passait dans les couloirs – et son style vestimentaire le rendant facilement identifiable, à n'en pas douter.

Quand on y pense, ce sont des réactions prévisibles. Et pourtant, à Raimon, jamais Jude ne s'était senti aussi observé. C'était tout le club qui attirait les regards, jamais lui seul. Mais au-delà de ça, les regards du reste du collège n'avaient pas beaucoup d'importance face aux tumultes de sa vie et Marc ne s'arrêtait jamais pour réaliser tout l'attention qu'on luit portait. Il avançait vers ses objectifs en entrainant les autres avec lui Jude compris.

Et au début Jude se sentait trop seul pour ne pas sentir le regard brulant du lycée sur lui.

Jude qui devient titulaire dans l'équipe de football, aussi, alors qu'il n'est qu'un première année, choses rare lorsque le club est aussi réputé que celui de l'école qu'il a choisie. (Aussi pour ça. Ce lycée avait le mérite d'être reconnue académiquement, suffisamment pour que son père s'enthousiasme de sa volonté à la rejoindre. Assez pour qu'il ne prête pas trop d'attention au club de football réputé que visait réellement Jude.)

Tout comme Caleb. Mais Caleb n'attire pas l'attention de la même façon. Caleb déclenche des murmures sur son passage, des regards inquiets ou intrigués.

Il fait un peu tâche, dans ce lycée prestigieux, avec son uniforme et ses livres d'occasions. Il n'a pu rentrer que grâce à une bourse, et ce n'est un secret pour personne. Il l'affirme avec fierté, et a manqué de casser le nez à l'insolent qui a eu la mauvaise idée d'essayer de se moquer de lui au début de l'année, et cela uniquement car toute bagarre pourrait lui apporter des ennuis, et que pour rien au monde Caleb ne risquerait sa place dans l'équipe de football.

L'insolent en question a eu le plaisir de trouver son casier inondé le jour suivant.

Caleb est intimidant au mieux, effrayant au pire pour la majorité des élèves du lycée – hormis les quelques personnes avec qui il traine parfois, ses amis, même s'il ne le dit pas vraiment. Jude et lui semblent être les deux pôles opposés des premières années, autour desquels plus de personnes qu'ils ne le voudraient gravitent.

Mais Caleb reste avant tout son coéquipier, la personne avec qui il a partagé le plus de choses ici, et si les débuts ont pu être étranges, alors qu'ils se retrouvaient confronté à un cadre tout nouveau, les choses ont commencé à s'aligner avec le temps, dans une sorte de complicité qu'ils ne se risqueraient à appeler amitié (mais qui y ressemble très fortement, si ce n'était pour une question de mots de passif et d'autres petites choses qu'ils n'ont pas vraiment réussi à fixer, encore.)

(Ca viendra.)

« Toi et Caleb, vous vous entendez bien, non ? »

(Ces derniers temps Jude à un peu de mal à répondre à cette question.)

Oui, on s'entend bien, pense Jude. On s'entend bien comme deux personnes qui se tourne autour depuis des mois, on s'entend bien comme deux personnes qui ne savent pas trop où mettre leur passif leurs envies leurs sentiments leurs personnalités au milieu d'une équation compliquée. En s'entend bien, mais pas dans le sens que tu penses, l'amitié est quelque chose d'un peu compliqué entre nous parce qu'il y a un peu trop de force dans cette relation – et ce sera sans doute toujours le cas, peut-être. (Ou pas, mais Jude ne le sait pas, parce qu'il ne peut pas imaginer le jour où Caleb sera plus calme, ou lui-même sera plus sincère et où ils pourront tous les deux avoir quelque chose que l'on peut catégoriser de Simple.)

Jude a un petit rire, et il ne peut pas vraiment répondre ça, alors il sourit.

« Oui, on s'entend bien. »

(Oui, on s'entend bien comme deux mecs qui se pelotent dans les vestiaires et qui nient après, hurlent les yeux de Caleb.)

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(Caleb est quelqu'un de franc et de direct, et il n'a jamais mâché ses mots avec qui que ce soit. Il est celui qui met les pieds dans le plat et ce depuis le début, alors qu'il était le seul à oser dire à hautes voix les doutes que chacun pouvait avoir, avec toute l'insolence qui le caractérise. Parfois, souvent, cela lui attire des ennuis de la part des gens qui n'aiment pas voir un gamin de même pas vingt ans les mettre en face de ce qu'ils n'osent énoncer. Mais cela n'arrête pas Caleb, rien n'arrête Caleb qui toujours dis les choses, et s'il n'est pas un incommensurable bavard ses phrases touchent souvent juste – il est doué pour cerner les gens, aussi. Plus que ce que beaucoup de gens ne lui accorde.

Avec Jude, il ne dit rien.

Pas exactement – pas du tout même parce que depuis le début Caleb a aussi été celui qui l'a mis face à ses contradictions quand il était sujet de Ray Dark et de la royale Académie.

Mais pour ce qui importe réellement ces derniers temps – eux – il ne dit rien. Il taquine, fait des sous-entendus, répond à ses regards.

Pas une fois il n'énonce la vérité clair et nette comme il peut avoir l'habitude de le faire.

Et au début Jude était perdu, et à chaque instant il s'attendait à voir Caleb le fixer dans les yeux et énoncer ce qu'il en était. Puis avec le temps à chaque évènement il pensait que Caleb sortirait de son mutisme pour le confronter, alors qu'il se confortait dans son déni.

Maintenant il n'attend plus.

Il commence à comprendre que Caleb attend que ce soit lui qui face le premier pas.)

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« Ben alors Jude, tu rentres chez toi, tu n'as toujours pas envie que je t'aide à prendre ta douche ? »

Jude avait déjà remis sa veste, son sac sur l'épaule, prêt à rentrer chez lui – comme d'habitude – après un entrainement tardif avec Caleb et Caleb seul – comme d'habitude – et Caleb lui envoie une dernière pique, avant d'aller prendre sa douche.

Comme d'habitude.

Et d'habitude il balaie la blague avant de partir (c'est un peu bizarre parce qu'il s'est déjà passé des choses dans ce vestiaire – mais jamais après leurs entrainements tous les deux, et ce moment semble trop précieux pour prendre ce risque.)

(Répondre à cette plaisanterie là c'est répondre à beaucoup plus de chose, dans le fond).

Ce soir, il s'arrête.

Cette phrase, cette phrase est l'incarnation même de tout ce qui va (tout ce qui ne vas pas) dans leur relation. Elle incarne à elle seule les sous-entendus, la complicité, les flirts – Jude ne peut pas le nier éternellement.

Et les mots de Mark, les mots d'Axel, résonnent et tournent dans sa tête à l'infini. Ils sont ceux qui le connaisse le mieux et peut-être les personnes les plus importantes de sa vie.
Et Mark et Axel lui ont dit des choses qu'il ne voulait pas entendre (mais qu'il était prêt à entendre) et pas savoir alors pourquoi cette stupide phrase les lui ramène dans la figure.

Il se retourne.

« Peut-être bien que j'en ai envie. »

Caleb a un hoquet de surprise. Un ange passe. Jude a brisé le statut quo, la dynamique qui les définissait depuis le début du lycée. (C'est une histoire compliquée.) (Peut-être même que cela datait d'encore avant.)

Puis le monde semble se remettre en route et le sourire de Caleb n'est plus autant narquois et malicieux qu'un peu timide et plein de promesse.

« Dans ce cas, tu attends quoi ? »

Et il rentre dans les vestiaires sans un regard pour Jude. Mais il laisse la porte ouverte, et c'est un appel plus marquant que n'importe quelle phrase.

(Il ne se retourne pas vers Jude pour ne pas le voir partir parce que la décision de Jude est aussi volatile qu'une toile d'araignée et en un instant tout peut de nouveau voler en éclat et Jude peut s'enfuir en courant, et Caleb ne peut (veut) pas voir ça.)

(Il a envie de croire à ce quelque chose sur lequel ils n'ont pas mis assez de mots.)

Jude ne s'enfuit pas.

Je vais rentrer plus tard ce soir, se dit-il et c'est tout.

Il entre dans les vestiaires, et ferme la porte derrière lui.

Il t'en a fallu du temps, dis Caleb.

oOOo

(« J'ai été un peu lent.
— Tu étais terrifié.

— Oui.

— Et il aurait suffi d'un pas de travers pour que tu disparaisses.

— Oui.

— Alors pour ça, juste pour ça (pour toi) ça valait le coup de se taire et d'attendre.)