Traduction de "Dumb and Ditzy" de TimelessTears, réalisée avec sa permission.
Cette fanfiction pourra sembler familière à certain d'entre vous car BleuAzure avait déjà commencé à la traduire, sans avoir pu la terminer. J'ai sa permission pour la terminer à sa place et reprendre la traduction du début afin de proposer un texte de style homogène.
Sur ce, bonne lecture !


Cela commença tel une chatouille au fond de son esprit. Une petite pensée confuse qui lui apparut dans cet état entre la somnolence et le sommeil. Une de celles dont vous savez à la fois qu'elles sont brillantes et que vous ne vous en souviendrez pas au réveil. Heureusement, il gardait toujours un stylo et un carnet à proximité au cas où l'inspiration le frappait. Aussi rapidement que son esprit endormi le lui permit, il prit note de son idée d'une écriture brouillonne avant de s'assoupir en affichant un sourire satisfait suite à cet éclair de génie.

Toutefois, le lendemain, quand le soleil matinal le frappa de ses rayons, il s'interrogea sur ledit génie.

- Jouer les idiots ? marmonna le jeune homme, tandis que ses yeux acajou lisaient rapidement ce qu'il avait écrit la veille.

Il passa une main fine dans ses cheveux décoiffés par la nuit, sans vraiment savoir à quoi son Lui-Endormi avait bien pu penser, et reposa le carnet pour se diriger vers la salle de bain.

- D'accord, il faudra que j'y réfléchisse, déclara-t-il à la pièce vide en ouvrant les robinets de la douche.

Et c'est ce qu'il fit. Il y réfléchit très intensément. L'idée avait du mérite, supposa-t-il. Après tout, personne ne prêtait vraiment attention aux personnes stupides, n'est-ce pas ? Elles étaient en quelques sortes mises de coté, ignorées, transformées en bruit de fond. Tel était justement son but : se faire aussi invisible que possible. Rester silencieux ne suffisait pas ; le grand public cataloguait les personnes silencieuses en supposant, selon leur apparence et leurs actions, qu'ils étaient soit intelligents, soit froids. Et s'il ne se voyait pas comme un cœur de pierre, le côté intelligent lui allait comme un gant.

Ce qui était un problème.

Il n'avait pas de preuves concrètes mais, suite à nombre de ses recherches, il croyait en la théorie que les mauvaises expériences tendent à changer la manière dont les gens se perçoivent eux-mêmes. A force d'avoir été ridiculisée pour certaines caractéristiques ou particularités, une personne pouvait être amenée à détester ces mêmes éléments qui, autrefois, lui donnait le sentiment d'être spéciale.

Ainsi, si Spencer Reid n'avait pas honte d'être un génie, des années à se faire persécuter et pousser dans des casiers avec suffisamment de force pour briser des os l'amenaient à se demander si cela en valait la peine. Toutefois, ce n'était pas seulement le fait qu'il soit intelligent, son apparence aussi jouait un rôle, pensa-t-il amèrement en observant le miroir qui lui renvoyait son regard. Dangereusement maigre (pas de sa faute, c'étaient ses gênes), grand et dégingandé (là encore, pas de sa faute), des yeux cerclés de noir déjà trop grands pour son visage et rendus plus grands encore par ses lunettes (quelqu'un d'autre voit un schéma émerger ?), et bien qu'il déteste l'admettre, il semblait… nerveux.

Il avait du pain sur la planche mais, pour le moment, le petit-déjeuner l'attendait.

Cela vaut-il le coup ? se demanda-t-il en allumant sa cafetière. Faire semblant d'être stupide, devenir l'exact opposé de ce qu'il était ? Il savait déjà que cela serait éprouvant. Il se battrait non seulement contre ses habitudes, mais aussi contre son instinct. La seule pensée d'abandonner la connaissance pour l'ignorance était à ses yeux un sacrilège. Une seconde, non, c'est inexact, se corrigea-t-il en attrapant une tasse. Il n'abandonnerait pas son intelligence, il ferait semblant. Il y avait une différence. Mais il devait également déterminer jusqu'où et jusqu'à quel point il irait dans son rôle. Serait-ce seulement en public ? Et s'il allait si loin dans son interprétation de la stupidité qu'il s'y oubliait ? Certains acteurs devaient choisir leurs rôles avec prudence simplement parce qu'il leur arrivait de tellement se mettre dans la peau de leur personnages qu'ils parvenaient à peine à se souvenir de qui ils étaient. Il ne voulait pas que cela lui arrive. Cela se rapprochait trop d'un trouble de la personnalité. D'un autre coté, néanmoins, qui pouvait dire que cela serait le cas ? Les seules fois où il ait jamais fait semblant, c'était lorsqu'il offrait de faux sourires et des « Tout va bien à la maison. » aux voisins inquiets. Il attrapa un bagel pour accompagner son café et s'assit, méditant toujours sur son dilemme.

Cela pouvait être un moyen de recommencer à zéro : pas de tourmenteurs, pas de génie, pas de situation familiale tendue. Il pouvait effacer l'ardoise, utiliser la stupidité comme un masque afin de ne pas être pris pour cible. Il y avait trop de « et si ? » sans réponse, mais étant naturellement curieux et scientifique, il ne pouvait pas laisser simplement tomber, n'est-ce pas ? Cela lui permettrait de voir de près comment on réagissait à la différence. Il pourrait comparer les diverses manières de traiter les personnes « stupides ». Plus important, il pourrait s'en servir comme d'un bouclier ; personne n'essaiera de former une profonde amitié avec un être creux. Il n'avait pas besoin d'ami proches avec qui partager tous ses sombres secrets, ni quoi que ce soit de ce genre. Tout ce qu'il souhaitait, c'était pouvoir parler avec des personnes de son âge sans que son étrangeté les fasse fuir. Cela pouvait fonctionner, une personne stupide serait acceptée plus facilement qu'un génie, car elle n'intimidait pas. Cela pouvait valoir le coup d'essayer. Après tout, la science n'aurait jamais progressé si on ne faisait que se demander « et si » sans jamais expérimenter pour trouver la réponse.

Même après y avoir longuement réfléchi, Spencer éprouvait toujours un doute sur son idée. Pendant qu'il sirotait son breuvage matinal, il réalisa qu'il ne savait pas vraiment comment jouer les idiots. Toute sa vie, on l'avait forcé à jouer le rôle de l'enfant prodige, et il ne connaissait rien d'autre. Que faisaient les personnes stupides ? se demandait-il alors qu'il reposait sa boisson favorite avant de mordre dans le bagel. Qu'est-ce qu'elles aimaient ? Qu'est-ce qu'elles détestaient ? Que faisaient-elles de leur temps libre ? Etait-ce dégradant de les désigner comme « stupides » ? Probablement.

Il considéra l'idée pendant toute la durée de son petit déjeuner. Une fois les restes de son bagel et de son café terminés, il repoussa sa chaise et attrapa sa fidèle sacoche pour se diriger vers la porte d'entrée de son minuscule appartement de Vegas. Il restait toujours trop de variables inconnues, il avait besoin de faire des recherches et connaissait l'endroit parfait pour ça.

Spencer Reid se rendit dans la jungle dangereuse et inconnue qu'il avait évitée avec succès jusqu'à présent : le centre commercial. Une fois sur place, il s'assit dans l'aire de restauration de la galerie marchande et observa les actions et personnalités des consommateurs. Une espèce bien fascinante.

A plusieurs reprises, il fut escorté au bureau des agents de sécurité et dut expliquer à ces derniers qu'il n'harcelait personne, et ne prévoyait pas non plus d'enlever la première personne qui attirerait son attention. Il n'avait pas la moindre idée que fixer quelqu'un tout en écrivant fiévreusement sur un carnet était mal vu par la société.

Au bout de la troisième fois, on lui demanda de quitter les lieux. Puis on lui demanda à nouveau de partir quand un officier le trouva sur un banc voisin à observer les personnes qui entraient dans le centre commercial.

Après cela, il alla à la bibliothèque municipale et utilisa un des ordinateurs pour trouver des films avec des personnes stupides dans les rôles principaux. Il y en avait plus que ce à quoi il s'attendait, et il finit par en retenir trois qui, à son avis, pourraient contribuer au mieux à ses recherches. Pendant qu'il se trouvait sur place, il sélectionna également plusieurs ouvrages de référence qu'il pensait pouvoir l'aider. Il s'agissait uniquement de parodies, mais cela restait mieux que rien. La prochaine étape de ses recherches nécessitait de se rendre au magasin de location pour obtenir les films.

S'il n'avait jamais acheté de pornographie, il estimait que cela ne devait pas être beaucoup plus embarrassant que d'amener à la caisse les films qu'il avait choisis. La caissière haussa un sourcil, mais les scanna et les lui rendit sans faire de commentaire. Nerveux, il se battit avec son portefeuille avant d'en sortir un billet de vingt en lui disant de garder la monnaie. Ses achats douteux réalisés, il rentra chez lui, se fit du popcorn et regarda les trois films les uns après les autres.

Quand il eut terminé, il se sentit horrifié, nauséeux et la pure bêtise avait engourdi son esprit.

Par Einstein, les gens agissaient-ils vraiment de manière aussi stupide ? L'impact était tellement négatif qu'il décida d'arrêter là pour la journée et alla se coucher, car il n'était plus aussi sûr d'être prêt à jouer les idiots.

Bien sûr, son esprit conspira contre lui et lui fit faire des cauchemars à propos de toutes ces horribles expériences vécues au lycée. En se réveillant, il décida qu'il étudierait encore un chouia la question avant de prendre sa décision finale. D'après ses observations, ses lectures et les films visionnés, il conclut qu'il y avait trois stéréotypes principaux d'idiots : l'Athlète à la Tête Vide (hors de question – il ne possédait pas le physique requis et il n'avait pas envie d'agir comme ceux qui l'avaient autrefois tourmenté), le Drogué Apathique, (là encore, pas question. Se faire arrêter pour être défoncé ne faisait pas partie du plan et n'en ferait jamais partie). Les deux premiers étant écartés pour des questions de fierté et de sentiments personnels, cela le laissait avec…

La Blonde Ecervelée.

C'était quelque peu insultant pour sa fierté masculine (du moins, le peu qu'il possédait) que ce qui lui aille le mieux soit le stéréotype féminin, mais parfois, on est bien obligé de faire avec ce qu'on a. Les Blondes Ecervelées étaient maladroites, pipelettes, des têtes en l'air notoires et de fine constitution (il décida d'ignorer l'opulente poitrine typique de ce stéréotype). Il possédait déjà trois de ces caractéristiques ; tout ce qu'il lui restait à faire, c'est apprendre à paraître tête en l'air.

Cela demandait plus de travail que prévu.

Il avait l'impression d'être une adolescente devant son miroir en citant un des films qu'il s'était forcé à regarder de nouveau en prenant une voix aigue, « Je pense que le film était vraiment profond. Je pense qu'il était profond dans le sens où il était très léger. Je pense que la légèreté doit venir d'un endroit très profond si c'est de la vraie légèreté, » avant de trébucher sur une chaussure.

- Ouf, grogna-t-il en se cognant contre le coté de son lit. C'est plus difficile que je ne le pensais, souffla-t-il, surpris du travail que cela demandait pour agir de manière stupide.

Cette nouvelle connaissance imprima en lui le défi brûlant de conquérir le rôle de l'Ecervelé. Son but principal restait de se fondre dans la masse, mais à présent il devait se prouver qu'il en était capable. C'était une question de fierté.

Cela prit tout l'été. Il devait remercier les casinos négligents sur la vérification d'identité, sans quoi son loyer n'aurait jamais été payé et il serait mort de faim.

Néanmoins, même à la fin de l'été il n'avait toujours pas l'impression d'être complètement immergé dans le rôle, bien qu'il s'en soit rapproché. Puisqu'être une Blonde Ecervelée impliquait être à la mode, il passa des heures à étudier les tendances dans les magazines pour hommes. Cela le tua presque de lire que les chandails et les gilets étaient dépassés mais il s'y plia péniblement, en vrai partisan de la cause.

Il changea tout de lui. Des ses cheveux à la manière de se tenir, en passant par le ton de sa voix. Même ses ongles, ordinairement cassés à force d'être rongés, étaient à présent d'un bel aspect et coupés avec soin.

Le bavardage était probablement la partie la plus facile. Tout ce qu'il avait à faire, c'est parler de mode et d'astuces beauté au lieu de statistiques.

Pendant tout ce temps, il refusa de regarder dans le miroir de sa chambre à moins que cela ne soit pour s'assurer qu'un vêtement lui allait, que sa coiffure était correcte et qu'il n'avait rien sur le visage. Il ne se regardait jamais entièrement, en partie par peur de l'échec et en partie pour garder le suspens, mais l'été était terminé et aujourd'hui était le premier jour de cours. Cette fois, il allait à l'université de Las Vegas. Il n'avait pas vraiment besoin d'aller où que ce soit après Caltech, mais n'ayant rien de mieux à faire, pourquoi ne pas décrocher un autre diplôme ?

Il prit une profonde inspiration, regarda dans le miroir…

Et le fixa, ébahi ; qui était cet inconnu qui le dévisageait en retour ?

Parce que la dernière fois qu'il avait vérifié, il était un nerd dégingandé et pâle avec des lunettes qui lui mangeaient le visage et des cheveux marron ternes plaqués en arrière, connu pour porter des vêtements confortables achetés pour une bouchée de pain à la boutique d'occasion du coin.

Cet inconnu avait de riches cheveux bruns ondulés qui arrivaient juste en dessous de ses oreilles et encadraient joliment son visage. Les nouvelles lunettes à monture argentée qu'il portait le mettaient en valeur et sa peau, sans être bronzée, était d'une belle couleur pêche agréable à l'œil. Il portait un jean sombre semi-moulant qui soulignait ses longues jambes et contrastait joliment avec les bottes caramel achetées une semaine auparavant. Une chemise vert forêt enserrait ses épaules mais se relâchait près de sa taille, cachant et dévoilant tour à tour la boucle argentée de sa ceinture. Tout cela donnait une image stupéfiante, avec une écharpe violette pour ajouter un peu d'éclat.

Reid sentit ses genoux trembler sous lui, et demeura incapable de détourner les yeux de son reflet. C'était magnifique, un véritable chef-d'œuvre. Il n'arrivait pas à croire qu'il se soit transformé à ce point. Il méritait une médaille.

Sauf qu'il y avait un problème avec cette image et Reid commençait à voir pourquoi suivre un stéréotype féminin comportait une grave erreur de calcul. En particulier un rôle qui, il venait de le réaliser, se démarquait pour sa beauté. Comment avait-il pu louper ça ?

Il avait l'air à la mode homosexuelle. Pas vraiment ce qu'il recherchait.

- Génial, souffla-t-il tandis qu'un soupir exaspéré s'échappait de ses jolies lèvres. Au lieu qu'on s'en prenne à moi pour être un génie, ça va être pour être un garçon efféminé – un garçon efféminé à l'air homosexuel. Je savais que quelque chose n'allait pas quand j'allais acheter tous ces magazines masculins et que je continuais de recevoir des regards en coin ! Bon sang, la caissière pensait sûrement que je salivais sur les photos, finit-il avec une petite voix déprimée.

Puis, après un moment à bouder, il leva des yeux brillants d'une fière détermination.

- Et alors ? questionna-t-il avant de se faire un discours de motivation nerd : les lois de la physique ne se sont pas faites en une journée ! Je vais juste devoir faire quelques ajustements.

Il regarda sa montre, qu'il avait mise sous sa manche bien que ce soit ennuyeux et peu pratique, et poussa un autre soupir.

- Plus le temps pour ça mais ce n'est qu'un jour de cours, si je change demain, les impressions ne devraient pas avoir été déjà trop marquées. Gah ! Qu'est-il arrivé à « se fondre dans la masse » ? se réprimanda-t-il en se dépêchant d'aller récupérer son sac.

Avant de partir, il jeta un dernier coup d'œil au miroir, et le fusilla du regard avec toute la force qu'il put rassembler.

Ce qui n'était pas énorme.

- Ne t'imagine pas que c'est terminé ! dit-il sévèrement à son reflet en le menaçant du doigt. Je vais arranger ça, prends-en bonne note.

Le son caractéristique de la porte qui claque se fit alors entendre.

Il était temps de commencer une nouvelle vie – avec de la chance, celle-là serait meilleure que la précédente.