Petite idée, comme ça, je la lance en l'air, j'ai deux-trois choses qui pourrait suivre mais est-ce que je vais m'y tenir ? Je ne sais pas, en ce moment l'écriture est bizarre, la société est bizarre, les gens sont bizarres, le monde entier l'est tout autant.

Si ça intéresse quelqu'un, j'ai tapé ça sous des airs de Chet Baker et Dave Brubeck.

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Dix-huit octobre, mardi soir, vingt-trois heures et trente-deux minutes, plus qu'une heure et vingt-huit minutes et il fermerait le bar, mettant fin à son service au passage.

Dit comme cela, on aurait pu penser que son métier de barman l'ennuyait, mais il avait just peu dormi la nuit dernière à cause du boulot et de ses révisions, l'université n'était pas de tout repos contrairement à ce que l'on pensait.

Il arrangea une nouvelle fois les verres, se demandant par la même occasion si le patron lui en voudrait de clore plus tôt. Manque de chance, son idée fut rapidement mise au placard lorsqu'il entendit la clochette retentirent.

Un jeune homme -sûrement de son âge- referma la porte et vint se prostrer sur l'un des hauts tabourets.

Le chat lui jeta un coup d'œil avant de s'avancer vers lui tout en tendant un verre vide de whisky*, questionnant implicitement l'autre pour savoir si ça lui conviendrait, sans parler.

Le garçon, châtain, acquiesça lentement pour signifier son accord, les yeux légèrement dans le vague, et alors même qu'il allait se replonger dans ses pensées, le récipient était déjà devant lui, servit en seulement quelques secondes.

Il regarda le barman, étonné de sa rapidité, mais le noiraud ne lui adressa qu'un bref sourire avant de se retourner pour compter ses bouteilles, ne prenant pas vraiment garde à lui.

Kuroo ne manquait pas de curiosité, au contraire, mille questions surgissaient dans son esprit. La première étant pourquoi le jeune homme avait débarqué ici juste avant la fermeture, mais au vu du faciès de l'autre, il ne voudrait probablement pas parler de la raison qui l'avait poussé à venir dans cet endroit.

- Un double s'il te plaît.

La voix basse, mais parfaitement audible trancha distinctement avec l'air doux en fond.

Il observa le garçon avec un certain amusement dans le regard, eh bien s'il était vraiment là pour finir mal comme il le pensait au début, il aurait dû lui proposer des digestifs plus forts que le whisky, ça aurait été plus vite.

Il reprit le récipient et s'acquitta de la demande. Il posa délicatement le tout sur le dessous de verre.

- Par contre, on ferme à une heure en semaine. Lui dit-il en pointant l'horloge juste derrière.

L'autre y jeta un œil et comprit directement le message sous-entendu « Si tu veux finir mal ou parler, fais-le vite, je n'ai pas toute la nuit non plus. » Un rictus amer naquit à cette pensée, il était vraiment pathétique parfois.

Il but le liquide d'une traite à nouveau, reposant son verre avant de le faire glisser vers le barman qui arbora un sourire un peu plus grand que le précédent.

Tetsuro avait vraiment envie de taquiner le garçon, qu'est-ce qui avait pu pousser quelqu'un d'à peine vingt et un ans à venir se réfugier dans un bar ? En plein mardi soir sérieusement ? Ses parents l'avaient-ils mis à la porte ou était-ce un banal chagrin d'amour ? Selon le caractère de chacun, l'une des deux options pouvait être aussi dévastatrice que l'autre, et Kuroo était curieux de cela.

Malheureusement pour lui, le châtain ne laissait pas transparaître grand-chose, si l'on omettait son expression oscillant entre tristesse et colère avec ses sourcils froncés et son regard vague.

Au premier abord pourtant, il avait l'air d'un jeune homme décontracté avec son jean noir pas trop serré, son t-shirt foncé presque moulant et son gilet en laine un peu large, mais beige, empêchant ainsi la tenue de tomber dans l'austérité. Il n'y avait pas à dire, le châtain en face de lui avait bon goût en matière de vêtement, donc il ne devait pas être du genre à se moquer de l'apparence. Venait-il de rencontrer un garçon égocentrique ne vivant que pour ça ou juste de quelqu'un qui prenait soin de lui ?

Il pencha pour la deuxième option, puisque la tenue restée quand même décontractée et pas trop recherchée non plus.

Mais là n'était pas le problème, son accoutrement, bien que Kuroo l'appréciait, ne l'aidait pas à comprendre pourquoi cet énergumène était arrivé dans son bar et s'enfilait depuis maintenant une bonne vingtaine de minutes -si ce n'était pas trente maintenant qu'il venait de jeter un coup d'œil à l'horloge- des doubles doses de whisky.

- Tu comptes continuer de boire jusque-là fermeture ?

Sa voix était un peu rauque, mais basse, gardant une atmosphère douce, presque intime entre eux. Les lumières tamisées, le bois sombre du bar, et la décoration des années 50 remises au bout du jour préserver une ambiance privée, et l'air calme de la musique en fond étayait parfaitement le tableau.

- Hum... Probablement.

- Ne t'endors pas avant d'avoir payé, s'il te plaît.

- Ça t'arrive souvent ?

Kuroo releva la tête de sa pile de verre, ne comprenant pas où l'autre voulait en venir, et comme s'il avait lu dans ses pensées, il ajouta :

- Que les clients s'endorment, ne paient pas ou s'en vont sans payer.

- Ah, ça... Non, ce n'est pas souvent, mais ça m'est déjà arrivé et je n'ai pas très envie d'y refaire face.

Le châtain fit tourner le liquide ambré dans son verre, écoutant son interlocuteur. L'alcool faisait son effet et il commençait à se détendre tout en brouillant ses pensées.

- Comment t'as fait pour récupérer l'argent alors ?

- Je me suis servi quand ils sont tombés de sommeil, ou je mettais une note dans un coin pour le patron, mais c'était à mes débuts, maintenant, je me débrouille toujours pour que ça n'arrive pas.

- Tu fais ça depuis longtemps donc ?

- Hum... Possible oui.

- Ça ne me répond pas vraiment.

- Un peu plus d'une année.

- Pourquoi Barman ?

- Parce que c'est ce que j'ai trouvé en premier, tout simplement.

- Ce n'est pas trop difficile ?

- Il suffit d'avoir une bonne entente avec les personnes, tu n'aimerais pas ?

- Je ne sais pas... Je ne suis plus sûre de rien de toute manière.

- Qu'est-ce qui a brisé ta confiance ?

- Comment peux-tu savoir si j'en avais.

- Ça se voit.

- Tu plaisantes, je dois plus avoir l'air d'une loque qu'autre chose. Ria amèrement le châtain.

Kuroo ne répliqua pas, laissant planer le doute, un peu exprès, certes, mais pas totalement. Il ne savait pas quoi répondre au jeune homme dont il ne connaissait même pas le prénom.

Ce dernier finit son verre et le reposa, il lâcha deux billets de cinquante sur la table et sortit sans un mot, sans un regard ni un geste.

Le chat ne pourra jamais expliquer pourquoi, quand l'autre dépassa la porte du bar, il se sentit étrange. Une indescriptible sensation s'emparant de son corps et de son cœur.


*Au cas où vous ne le savez pas, il existe des verres privilégiés pour chaque alcool, dont le whisky, tout comme les verres à pieds pour les vins, ou les shooters pour les digestifs, etc...

Chet Baker – Almost blue #AmbianceJazzyTriste