N/A : Il est venu le temps du dernier chapiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitre !

Rassurez-vous, je vais garder mon blabla nostalgique et mes larmes pour la note d'auteur de fin, histoire de ne pas faire chier celles qui veulent juste lire la fin sans se taper mes divagations avant. J'en reste donc aux simples remerciements habituels : merci à toutes celles qui ont commenté le chapitre précédent et voilà les réponses aux anonymes :

Machurida : Non mais tu as encore commenté en anonyme haha t'es incorrigible ! Je sais pas comment faire pour te répondre en MP du coup, mais ça me fait très plaisir de te revoir. J'espère que la fin sera à la hauteur de tes espérances ("la meilleure fanfiction que j'ai lue" ça vaaa tu me mets à peine la pression à part ça), on se parle en MP à la fin ;) bisous

May : De un, et ouais t'as vu je suis trop fière ! De deux, merci beaucoup :) Et de trois, je suis sincèrement désolée… (c'est très pratique pour répondre cette technique de comptage haha)

Juliette : Contente que le style un peu direct te plaise, ainsi que mes comparaisons bancales (t'imagines pas le temps que je passe parfois à me creuser la tête pour ça, alors ça fait toujours plaisir qu'on les remarque). Mille fois désolée pour Giorgio… Et oui Sirius s'est vexé vite, en même temps normal il s'en est pris plein la gueule sans raison, à sa place je serais vexée aussi. Encore un chapitre pour dénouer tout ça, j'espère que tu seras pas déçue de la fin ;)

Merci également à Pierre Bottero, à qui j'ai emprunté une très jolie citation dans ce chapitre, je vous laisse la retrouver par vous-même pour les connaisseurs. Accessoirement, merci à JK Rowling à qui j'ai emprunté tout le reste (même si elle ne veut toujours pas m'adopter, malgré mes demandes renouvelées). Merci aux céréales fourrées au chocolat d'exister et de m'avoir maintes fois sauvées d'une mort terrible. Et enfin, pour le titre de ce chapitre, merci à Vasco Rossi, l'auteur de cette chanson interprétée par Irene Grandi, qui signifie "Avant de partir pour un long voyage" et qui me permet d'utiliser une chanson bien grandiloquente à l'italienne pour conclure.

Pour l'ultime fois, bonne lecture ! (et RDV à la fin pour les plus braves d'entre vous)


Chapitre 36 : Prima di partire per un lungo viaggio

OoOoOoOoO

Prima di partire per un lungo viaggio

Devi portare con te la voglia di non tornare più

Prima di non essere sincera

Pensa che ti tradisci solo tu

Non è facile pero'

E' tutto qui'

OoOoOoOoO

Assise sous un cerisier en fleur, je laisse mon regard se perdre dans le paysage grandiose de la campagne toscane à l'aube de l'été. Le soleil a commencé son coucher, nappant les collines environnantes de couleurs chaudes, diffusant une impression de puissante sérénité tandis qu'un vent doux fait frémir les brins d'herbe. Les oiseaux se regroupent dans les arbres les plus hauts, se déplaçant par centaines dans le ciel ocre dans des battements d'ailes en parfaite harmonie, leurs cris venant combler le silence paisible de la nature qui se prépare au sommeil.

N'importe qui serait émerveillé devant un paysage aussi somptueux. J'ai moi-même passé des heures à le contempler, sous ce même cerisier au fond du jardin de la villa familiale, quand je cherchais à échapper à l'agitation de la maison. Parfois, Giorgio venait me rejoindre et s'asseyait à côté de moi, jusqu'à ce que le soleil ait entièrement disparu derrière les collines. On parlait rarement dans ces moments-là, aucun de nous ne souhaitant briser la magie de l'instant. Puis, quand il commençait à faire nuit, Giorgio me tendait la main et parvenait à me convaincre de rentrer à la maison. Lui seul était capable de me faire supporter ces étés en Italie. Il était la seule raison pour laquelle j'acceptais de passer les deux mois de mes vacances ici, dans une famille qui passait son temps à me rappeler que je n'en faisais pas partie.

Aujourd'hui, il n'y a plus Giorgio pour me tendre la main et me ramener à la maison. Il ne verra plus le soleil se coucher sur la campagne de son enfance. Il n'entendra plus le cri des oiseaux, ni ne sentira le vent dans ses cheveux.

Une immense tristesse me prend les tripes. J'ai envie de pleurer, mais je n'ai plus de larmes en stock. Entre l'annonce de Dumbledore il y a trois jours et l'enterrement aujourd'hui, j'ai versé plus de larmes que dans la totalité de ma vie. Je suis à sec, tarie, vidée, et pourtant, la boule dans ma gorge, elle, ne disparaît pas.

Le plus dur, je crois, était aujourd'hui. La cérémonie ce matin, la marche jusqu'au cimetière, puis la vision du cercueil s'enfonçant dans la terre. J'avais envie de hurler, de retenir les cordes, de faire exploser en mille morceaux cette boîte qui enfermait mon oncle. Je n'ai pu que le regarder descendre en écoutant les paroles creuses du prêtre.

Le repas qui a suivi fut encore pire, car il a fallu affronter les regards de ma famille. S'il a toujours été un solitaire, Giorgio a tout de même veillé à conserver de bonnes relations avec notre famille et il était apprécié de tous. Tout le monde se lamentait qu'il soit mort si jeune, si tragiquement, si bêtement dans cette explosion de gaz...

Mais les quelques rares personnes qui connaissaient sa nature de sorcier ne se faisaient aucune illusion sur ce qui l'avait tué : non pas une bête explosion de gaz, mais sa sorcellerie. Cette tragédie ne venait que confirmer ce dont ils étaient déjà persuadés : la sorcellerie était l'oeuvre du mal, une malédiction. Elle n'avait apporté que malheur à notre famille et je suivrais sans aucun doute le même chemin.

Je l'ai compris lorsque, en passant par la cuisine pour m'échapper du repas interminable, ma grand-mère a cessé de couper le gâteau pour fixer ses yeux sur moi :

- J'ai toujours su qu'un jour il lui arriverait malheur, tout comme j'ai su dès ton plus jeune âge que tu serais touchée toi aussi par cette terrible malédiction qui accable notre famille, quand je te voyais faire ces… ces choses contre-nature. Dieu seul sait ce que nous avons fait pour mériter un tel châtiment, mais il ne sera pas dit que nous répéterons nos péchés. J'en ai fait le serment il y a longtemps.

Elle s'est arrêtée un instant pour se signer, puis a repris d'un air presque triste.

- Tu n'as jamais vraiment fait partie de cette famille, Lucia, tu le sais aussi bien que moi et j'en suis en partie responsable. Que Dieu me pardonne mais aujourd'hui, je ne regrette pas ce choix terrible que j'ai dû faire de t'éloigner de notre famille, car c'est un soulagement de savoir que je n'aurai pas à revivre le déchirement de voir un de mes enfants m'être enlevé par cette malédiction… Retourne dans ce monde qui est le tien, Lucia, et prends soin de toi. Mais, pour le bien de tous, reste loin de notre famille. Laisse-nous retrouver la paix.

Bouleversée, je n'ai pu que hocher la tête. C'était la première fois que ma grand-mère s'adressait à moi de cette façon, aussi sincère, et, quelque part, je savais que ce serait aussi la dernière. Ma grand-mère a esquissé un geste vers moi, avant de se raviser et d'enfoncer la lame de son couteau dans le gâteau d'un geste rageur, le dos secoué de sanglots silencieux. J'ai tourné les talons et je me suis enfuie dans le jardin, jusqu'à ce cerisier sous lequel je suis assise.

J'aurais pu expliquer à ma grand-mère les véritables raisons de la mort de Giorgio, mais je doute qu'elle aurait compris. Il est plus simple de la laisser croire ce qui lui permettra de trouver la paix. Moi, je n'aurai malheureusement pas cette chance.

Pour ce qui me semble être la centième fois, je repense aux explications que m'a données Dumbledore.

OoOoOoOoO

- C'est au sujet de votre oncle, Giorgio Picotti. Je suis désolé… Il est décédé ce matin.

Le sens de ses mots met de longs moments avant de parvenir à mon cerveau.

- Pa… pardon ?

- Votre oncle est mort, Miss Picotti, répète Dumbledore d'une voix douce, souffrant visiblement de devoir se répéter. Je suis terriblement désolé.

Incompréhension.

Totale.

- C'est impossible, dis-je. Je l'ai vu la semaine dernière, il allait très bien, il devait rentrer en Italie cette semaine. Il allait très bien !

Ma voix part dans les aigus, incontrôlable. Dumbledore secoue tristement la tête.

- Hélas, il a été tué avant de pouvoir rentrer.

- Non… ce n'est pas possible… Pourquoi ? Qu'est-ce qui…? Je ne comprends pas.

Dumbledore ferme les yeux un court instant, comme pour rassembler son courage avant la bataille.

- Je crois que je vous dois quelques explications, Miss Picotti, dit-il en croisant ses longues mains devant lui. Je doute que votre oncle ait jamais eu l'occasion de l'évoquer avec vous, mais nous sommes… nous étions de vieilles connaissances. Nous nous sommes rencontrés il y a une quinzaine d'années, alors que Giorgio débutait sa carrière de chercheur au Conseil des Mages italien. Je venais moi-même d'être nommé à la Confédération Internationale des Sorciers et c'est lors d'un de ses sommets, à Rome, que j'ai fait la connaissance de votre oncle. Déjà à l'époque, c'était un chercheur brillant, capable d'entrevoir des possibilités dans les objets magiques que d'autres auraient qualifiées de loufoques. Etant moi-même friand de ce trait de caractère, je me suis intéressé de loin aux recherches de votre oncle et il n'était pas rare que nous échangions de façon épistolaire sur certains points épineux.

Dumbledore fait une pause et je le regarde sans comprendre où il veut en venir. Je savais que Giorgio était un grand admirateur de Dumbledore, mais il ne m'avait jamais dit qu'il le connaissait personnellement, encore moins qu'ils s'envoyaient des hiboux !

Tout cela est complètement absurde, complètement insensé. Giorgio ne peut pas… ce n'est pas possible. C'est tout simplement impossible ! Je reste pendue aux lèvres de Dumbledore, attendant qu'il m'annonce qu'il s'est trompé, que c'est une fausse alerte, une mauvaise blague de Giorgio, n'importe quoi...

- Ce que je vais vous dire à présent relève du plus grand secret, poursuit Dumbledore d'une voix grave. Je ne peux malheureusement pas entrer dans les détails mais je vais tâcher de vous offrir une explication la plus claire possible. Vous n'êtes pas sans savoir que depuis quelque temps, celui qui se fait appeler Lord Voldemort prend un pouvoir de plus en plus inquiétant sur notre monde. Ce n'est un secret pour personne que je fais partie de ceux qui luttent activement contre l'expansion de ses idées, mais aussi contre l'expansion de son pouvoir. C'est dans ce cadre que j'ai eu besoin des compétences de votre oncle et de ses connaissances poussées sur les objets magiques. S'il ne s'agissait au début que de quelques questions, Giorgio s'est impliqué de plus en plus dans ses recherches, jusqu'à venir les poursuivre ici, en Angleterre, malgré le danger que cela représentait. Je ne peux malheureusement pas vous en dire davantage sur le contenu de sa mission, mais sachez qu'elle était primordiale pour espérer, un jour, renverser Lord Voldemort.

Je suis tellement sous le choc que je ne pense même pas à tressaillir en entendant son nom.

- Giorgio m'a été d'une aide précieuse, poursuit Dumbledore. Ses recherches m'ont permis d'écarter certaines hypothèses mais elles en ont également ouvert d'autres extrêmement inquiétantes. Réalisant la portée du danger que cela pouvait représenter pour votre oncle, j'ai décidé de prendre le relais, et malgré ses véhémentes protestations, Giorgio a finalement accepté de rentrer en Italie où il serait en sécurité. Je crains que cela n'ait été fait trop tard…

Dumbledore baisse la tête, semblant soudain porter un fardeau d'un poids insoutenable sur les épaules. Quand il relève la tête, ses yeux sont brillants mais sa voix ne tremble pas en reprenant :

- Giorgio a toujours été d'une curiosité insatiable. Malgré mes recommandations de partir au plus vite, il semble qu'il n'ait pas pu s'empêcher de creuser une dernière piste. J'ignore ce dont il s'agissait, ni même s'il a trouvé ce qu'il cherchait, car son appartement était entièrement détruit lorsque je suis arrivé sur les lieux. Les secours moldus avaient déjà récupéré le corps de Giorgio et eux comme moi n'ont rien pu faire : il était mort dans l'explosion, probablement causée par la manipulation d'un objet de magie noire. Je n'ai pu qu'ensorceler les Moldus pour qu'ils croient à une explosion de gaz, mais la réalité était tout autre, l'air était saturé de magie noire et je n'ai aucun doute sur le fait que Giorgio ait trouvé la mort en essayant de percer les sombres secrets de Lord Voldemort. Je crains qu'il n'ait que trop réussi…

Silence. Pesant.

Je secoue la tête, refusant d'appréhender la réalité de ces paroles. Réalité qui se faufile dans ma tête comme une petite bête insidieuse qui grossit, grossit… Mission. Magie noire. Explosion. Mort.

Je me mets à trembler.

- Je ne saurais vous dire combien je regrette de n'avoir pas su l'arrêter plus tôt, dit Dumbledore avec une infinie tristesse. C'est moi qui lui ai confié cette mission et je porte la responsabilité de sa mort. Je la porterai jusqu'à la fin de mes jours.

Je vois la douleur briller dans ses yeux et la réalité me frappe de plein fouet, me coupant le souffle.

Giorgio est mort.

Mort.

OoOoOoOoOoO

Après ça, Dumbledore m'a tendu un Portoloin et je me suis retrouvée ici, en Italie.

Trois jours de larmes, de tristesse, de malheur.

Trois jours pour dire au revoir à Giorgio.

Trois jours de cauchemar.

Je n'ai toujours pas réalisé que je ne le verrai plus jamais. Qu'on ne prendra plus jamais une Bièraubeurre aux Trois Balais, qu'on ne jouera plus jamais aux cacahuètes-pas-bêtes, que je ne roulerai plus jamais des yeux en le voyant reluquer la serveuse. Qu'il est parti, qu'il m'a laissée. Toute seule.

Le fait d'être ici, dans la villa de la famille, rend les choses encore pires. Je revois Giorgio partout, je m'attends à tout moment à ce qu'il surgisse au coin d'un couloir, qu'il me jette un clin d'oeil discret à table ou qu'il lance un petit sort inoffensif par derrière à l'une de mes tantes pour me faire rire. Je le cherche du regard tout le temps et, quand je me rends compte que je ne le trouverai pas, c'est comme si je le perdais une nouvelle fois.

A chaque fois, c'est un nouveau coup de poignard.

Alors, maintenant que l'enterrement est passé, inutile de m'attarder ici plus longtemps. Ma grand-mère m'a bien fait comprendre que je n'étais pas la bienvenue et je ne peux qu'être d'accord avec elle. Si Giorgio était un membre à part entière de la famille, cela n'a jamais été mon cas. Ma grand-mère y a veillé. Ma place n'est pas ici. Il est temps de tirer un trait définitif sur cette partie de ma vie.

Je me lève alors que le dernier rayon de soleil disparaît derrière les collines. Avant de rentrer, il me reste une dernière chose à faire. Avec un dernier regard sur la magnifique villa de mon enfance, baignée dans le crépuscule, je me concentre pour transplaner.

OoOoOoOoOo

La tombe de Giorgio n'a pas beaucoup changé depuis ce matin. Elle est tellement recouverte de fleurs que je dois écarter certains bouquets pour pouvoir lire l'inscription sur la pierre tombale.

Qui riposa Giorgio Picotti,

Figlio, fratello, zio amato

Mancherà alla sua famiglia e al mondo.

Mes yeux se mettent à picoter mais je me force à respirer calmement, me concentrant sur ma tâche. Giorgio a eu son enterrement à la Moldue, mais je suis la seule à pouvoir m'occuper de la partie sorcière. En-dessous de l'inscription, du bout de ma baguette, je grave quelques runes sur la pierre en lettres dorées :

La douleur infinie de celui qui reste

Comme un pâle reflet de l'infini voyage

Qui attend celui qui part

Les runes me sont venues si facilement que je m'en étonne un instant, surprise de la façon douloureuse dont elles résonnent en moi. Puis, je lance un sort sur les runes afin qu'on ne puisse les voir que si l'on s'approche de très près. Satisfaite, je reste un long moment à contempler les runes, imaginant mon oncle dans un bateau de nuages voguer vers le ciel en riant aux éclats. Cette image lui va bien. Je frôle les runes du bout des doigts en murmurant :

- Bon voyage, Giorgio... Amuse-toi bien au paradis, OK ?

Ma voix se brise et je me redresse pour ne pas éclater encore une fois en sanglots. Avec un dernier regard sur la tombe où repose mon oncle, je sors le Portoloin de retour que m'a confié Dumbledore et le laisse m'emporter loin d'ici.

OoOoOoOoO

Heureusement, il n'y a pas grand monde au château lorsque j'arrive. Le couvre-feu est passé depuis peu et tous les élèves sont dans leurs salles communes ou leurs dortoirs. J'ai l'immense privilège de me faire escorter par Rusard depuis les grilles du portail jusqu'à la Tour de Serdaigle.

L'avantage, c'est que Rusard n'est pas un grand bavard. L'inconvénient, c'est qu'il est déterminé à me ramener à ma salle commune. Or, il est absolument hors de question que je dorme dans mon dortoir. Je n'ai envie de parler à personne, et encore moins de subir les questions des gens qui voudront savoir où j'étais passée depuis ces trois jours.

Il va falloir ruser.

En bas des escaliers de la Tour Serdaigle, je me tourne vers Rusard avec mon meilleur air de petite fille innocente :

- Je vous remercie de m'avoir accompagnée jusqu'ici Monsieur, c'est rassurant de se savoir si bien entourée et protégée.

Rusard grommelle un "pas de quoi" mais je peux voir qu'il carre les épaules à mes mots, fier de son rôle de "protecteur". Je jette un oeil inquiet sur la volée d'escaliers en colimaçon qui s'envolent vers ma salle commune.

- Il y a encore sept étages à monter et je ne voudrais pas vous imposer cette ascension éreintante, dis-je en feignant la compassion. Ne vous inquiétez pas pour moi, vous pouvez me laisser ici. Je suis si pressée de retrouver mes amis que je vais grimper les marches quatre à quatre.

Rusard regarde les escaliers, hésite, regarde le couloir, hésite, me regarde, hésite. Sentant qu'il est tenté, je papillonne des yeux, n'ayant aucun mal à les faire briller de larmes contenues.

- Qui mieux que mes amis pourraient me consoler en ces temps si difficiles ? fais-je d'une voix tremblante.

Rusard peine à cacher son air horrifié en me voyant au bord des larmes.

- Allez-y mais ne traînez pas, grommelle-t-il.

Je hoche la tête en lâchant un reniflement pitoyable qui achève de le convaincre de son choix. Sentant qu'il me suit du regard, je commence à monter les escaliers avec empressement, jusqu'à être suffisamment haut pour être hors de sa vue. J'attends quelques minutes, histoire d'être sûre, puis je me lance un sortilège de Désillusion et redescends les marches.

Rusard est parti.

C'est fou le nombre de conneries que je suis capable de raconter pour qu'on me fiche la paix…

J'effectue rapidement et sans encombres le trajet jusqu'à la tour d'Astronomie, pressée de retrouver mon cocon douillet. La trappe dans le sous-sol de la tour. Les escaliers en colimaçon qui descendent. La petite pièce circulaire baignée dans la lumière surnaturelle du jour. Et quelqu'un, avachi sur mon fauteuil préféré.

Sirius.

OoOoOoOoO

- Qu'est-ce que tu fais là ? je soupire en enlevant mon sort de Désillusion.

Sirius, qui était occupé à conjurer des petites souris autour du fauteuil dans lequel il était avachi, se redresse brusquement en me voyant apparaître de nulle part dans les escaliers. Les souris s'évaporent aussitôt.

Il a l'air de ne pas savoir quoi répondre et je regrette le ton sur lequel je l'ai interpellé. Je ne voulais pas être brusque, surtout pas après la façon dont je l'ai traité la dernière fois, mais je suis trop lasse pour faire l'effort de prendre des pincettes. J'ai seulement envie de me rouler en boule dans mon plaid en velours et ne jamais en sortir.

Après ce qui est arrivé à Giorgio, mes petits problèmes avec Sirius me paraissent tellement futiles… Je me demande comment ça a pu m'empêcher de dormir, comment j'ai pu y accorder autant d'importance, alors qu'au même moment, mon oncle était en train de vivre ses derniers instants.

- Je t'attendais, mais je ne pensais pas que tu rentrerais aussi vite, explique Sirius nerveusement. Je suis quand même venu ici tous les soirs au cas où... Je savais que tu ne voudrais pas rentrer dormir dans ton dortoir.

Fut une époque pas si lointaine où ces quelques mots m'auraient remplie d'une joie immense et auraient fait battre mon coeur à la vitesse d'un balai volant. Là, c'est quelque chose de plus doux qui me serre le coeur, comme un voile apaisant. Un sentiment de reconnaissance. Un élan d'affection.

Je crois que je suis simplement touchée.

- Pourquoi ne pas avoir consulté ta carte pour voir quand je serais rentrée ? je demande sur un ton adouci.

- On n'a plus la carte, annonce Sirius tristement. Peter se l'ait faite confisquer par Rusard l'autre soir. Je ne pense pas qu'on pourra la récupérer un jour.

- Oh… je suis désolée, dis-je sincèrement.

Sirius fait un geste de la main évasif.

- Peu importe la carte, on s'en fiche.

Il se lève et s'approche de moi.

- Toi, comment ça va ? demande-t-il avant de se reprendre immédiatement. Non attends, question idiote. Bien sûr que ça ne va pas.

J'avale difficilement ma salive.

- Tu es au courant ? dis-je d'une petite voix.

Sirius acquiesce gravement.

- C'était dans la Gazette d'avant-hier. Pas en première page, mais quiconque lit un minimum le journal a pu faire le rapprochement entre ta convocation chez Dumbledore et le sorcier né-Moldu italien qui est décédé dans une explosion de magie noire. La nouvelle s'est rapidement étendue. Je suis désolé.

Je hoche la tête doucement. Ainsi, tout le monde est au courant. Ce n'est peut-être pas plus mal. Je n'aurai pas à en parler et peut-être que les gens me ficheront la paix.

La main de Sirius qui se pose doucement sur mon bras me fait sursauter. Je ne l'avais pas vu se rapprocher. Il se rend compte de mon geste de recul et, l'espace d'un instant, je crois voir dans ses yeux qu'il est blessé. Mais la seconde d'après, ses yeux ne sont plus qu'un océan gris de tendresse.

- Je ne peux qu'imaginer à quel point ça doit être dur pour toi, souffle-t-il. Je ne veux pas te déranger si tu préfères être seule, je veux juste que tu saches que… si tu as besoin de parler, si ça ne va pas, je suis là, d'accord ?

La boule qui n'a pas quitté ma gorge depuis trois jours se serre douloureusement.

- Merci mais ça va, parviens-je à articuler. Je… je vais bien…

Alors même que je prononce ces paroles, je sens la boule grossir dans ma gorge. Les larmes montent, incontrôlables.

Non, non, pas encore… J'essaye de les retenir, d'être forte, de ne pas craquer.

Mais il y a quelque chose dans le regard de Sirius, dans le contact de sa main, comme s'il m'incitait à me laisser aller, avec lui, comme s'il comprenait, comme s'il partageait ma douleur.

Un sanglot me secoue soudain.

- En fait non… je crois que ça ne va pas…

- Oh, Lulu...

Les bras de Sirius se referment autour de moi alors que j'éclate en sanglots. Je m'agrippe à lui comme à une bouée et je pleure, je pleure, sans m'arrêter. Je n'arrive pas à me contrôler, c'est comme si le contact de ses bras avait ouvert une vanne en moi, déversant le torrent de larmes qui y était resté coincé. Je pleure mon oncle disparu, je pleure les tranches de vie qu'il ne connaîtra jamais, je pleure l'injustice et l'absurdité de la mort. Je pleure, je pleure, et Sirius me caresse le dos doucement, murmurant des mots à mon oreille, des mots dénués de sens, mais apaisants.

Je m'apaise. Peu à peu. Mes sanglots se font plus rares, puis cessent. Je reste blottie dans les bras de Sirius, puisant du réconfort dans sa chaleur et son odeur que je connais si bien.

- Je… je suis désolée, parviens-je à articuler après un moment.

- Il n'y a pas de quoi être désolée, souffle Sirius doucement.

Je renifle pitoyablement.

- Non, je veux dire... Pour la dernière fois. Ce que je t'ai dit. C'était…

C'était la réaction d'une gamine qui n'a pas eu ce qu'elle voulait, incapable de voir plus loin que le bout de son nez, obnubilée par elle-même et ses propres malheurs.

- … C'était idiot, finis-je.

Il y a un long moment de silence où Sirius continue juste à me tenir dans ses bras sans rien dire. Puis, je l'entends parler, sa voix grave faisant vibrer le torse sur lequel ma tête repose. Profonde. Rassurante. Présente.

- Ça n'a plus rien à voir avec le pari, tu sais, dit-il d'une voix presque hésitante. Ça fait longtemps que ça n'a plus rien à voir.

- Je sais, dis-je simplement.

Et je sais tout ce qu'il ne dit pas. Tout ce qu'il ne dira jamais.

Je sais que je n'aurai jamais ce dont j'ai toujours rêvé. Un couple parfait, uni, complice, amoureux. Une évidence comme James Potter et Lily Evans. Je le sais mais je m'en fiche.

Parce que j'ai Sirius. Sirius, imparfait. Un peu cassé sur les bords. Blessant, parfois. Sincère, aussi. Avec les autres et avec lui-même.

Présent.

Sirius est là pour moi, il me serre dans ses bras, il m'entoure de sa chaleur, de sa tendresse, et cela vaut plus cher que n'importe quelle illusion que j'aie pu me faire. Il m'aime à sa façon, peut-être, et moi je l'aime à la mienne. Incommensurablement.

Peu importe que ces façons ne soient pas les mêmes, peu importe que notre relation n'ait pas de nom, les actes valent plus cher que les mots et les actes, eux, ne mentent jamais. Je ne dirai jamais à Sirius que je l'aime, mais je n'en ai plus besoin. J'ai la chance d'être avec celui que j'aime et pour l'instant, cela me suffit.

Je m'endors blottie dans ses bras, pleurant silencieusement sur ce qui a été, ce qui est et ce qui ne sera jamais.

OoOoOoOoOoO

Les journées qui suivent sont moins difficiles que ce à quoi je m'attendais.

Comme je m'en doutais, tout le monde est plus ou moins au courant de ce qui est arrivé à mon oncle, même si personne n'en connaît la vraie raison. Les meurtres de sorciers nés-moldus sont tellement fréquents désormais que personne n'a cherché plus loin.

Les regards que je reçois dans les couloirs sont difficiles à supporter. Surtout ceux des Serpentards qui semblent se réjouir qu'il y ait un né-Moldu en moins sur la planète. Mais je suis si bien entourée que même les commentaires cruels des Serpentards finissent par glisser sur moi sans m'atteindre. Barry a été le premier à me soutenir. Pas de larmes, pas d'effusions, pas de câlins de réconfort. Juste une petite main glissée dans la mienne et une froide détermination.

- On ne les laissera pas faire, a-t-il promis gravement. Un jour, ils seront punis pour ce qu'ils ont fait.

Et, du haut de ses onze ans, une telle certitude vibrait en lui que je n'ai pu que hocher la tête, convaincue qu'il disait vrai.

Après quoi, Barry a retrouvé son naturel enjoué et a fait de son mieux pour me changer les idées en partageant avec moi ses dernières théories loufoques ou en inventant de nouveaux jeux auxquels, bizarrement, je n'ai pas eu tant de mal à prendre part.

Sirius est là, lui aussi, dès qu'il le peut. Au-delà de m'avoir ouvert les yeux, cette épreuve nous a rapprochés et je ne me pose plus autant de questions qu'avant. Il m'est devenu naturel de lui tenir la main dans les couloirs, de sentir son bras autour de ma taille quand il m'embrasse avant d'aller manger, de m'endormir le soir dans ses bras… Naturel et salvateur.

J'ai accepté le fait d'avoir besoin de lui et je ne cherche même plus à le cacher. Je prends ce qu'il me donne, au jour le jour, sans songer au reste.

Ses amis ont fait preuve d'un tact étonnant, pour des Gryffondors. Tous m'ont, bien sûr, donné leurs condoléances - Lily Evans est même allée jusqu'à me faire un câlin, je crois que j'ai rarement été aussi mal à l'aise de toute ma vie. Mais à mon grand soulagement, aucun ne m'a posé de questions ou cherché à en apprendre plus sur les circonstances de la mort de Giorgio. Ils se sont contentés de rester eux-mêmes, des Gryffondors bavards et bruyants, et d'accepter avec bienveillance ma présence auprès de Sirius, Potter posant sur nous un regard à la fois satisfait et attendri, comme un père qui voit ses enfants grandir et prendre leur envol.

Cela aurait dû m'agacer mais bizarrement, je lui suis presque reconnaissante de tous ses efforts, même si je préférerais avaler une limace plutôt que de le reconnaître.

J'ai reçu des tas de condoléances, parfois de gens que je ne connaissais même pas, parfois même des professeurs, comme McGonagall à la fin d'un cours. Emmeline Vance a été parmi les premiers. Elle n'a pas eu besoin de dire grand chose, le souvenir de la mort de sa mère flottait entre nous comme un parfum de compréhension mutuelle. Elle semble être une chouette fille, je regrette de n'avoir jamais pris le temps de mieux la connaître. Je n'en aurai probablement plus jamais l'occasion.

J'ai eu droit aux condoléances de Liliane aussi, à sa façon bien sûr. Je l'ai croisée dans le dortoir alors que je remontais chercher des affaires. Une drôle de fille, Liliane. Ces derniers temps, j'ai découvert une autre partie d'elle, bien plus sympa que d'habitude, mais c'est comme si elle ne voulait pas trop montrer cette partie d'elle, comme si elle voulait garder cette image d'une personne renfermée, agressive, hautaine.

Elle était en train de lire sur son lit quand je suis entrée et que je l'ai saluée. Elle a levé les yeux de son livre et il y a eu un long silence.

- Je suis désolée pour ton oncle, a-t-elle fini par grommeler avant de se replonger dans son livre.

C'était tout, mais de sa part, c'était déjà pas mal.

Les condoléances les plus surprenantes, cependant, ont sans aucun doute été celles d'Emeric. Emeric, qui se prétendait mon ami mais qui ne m'a plus adressé la parole depuis que ma relation avec Sirius a été révélée. Emeric qui, depuis, a tout fait pour me montrer qu'il n'en avait rien à faire de moi. Emeric, qui forme maintenant un couple charmant et insipide avec Madeleine. Emeric, que j'ai croisé (ou qui a fait en sorte de me croiser ?) dans un des rayons de la bibliothèque, alors que, les bras chargés de livres, j'essayais d'attraper avec ma baguette coincée entre les dents un livre sur l'étagère la plus haute.

Soudain, le livre s'est détaché tout seul de son étagère et a volé pour se poser en douceur en haut de ma pile. Je me suis retournée pour dire merci à la personne qui venait de m'aider. Ma baguette est tombée de ma bouche quand j'ai vu que c'était Emeric.

- Salut, a-t-il dit en se grattant les cheveux, l'air gêné.

- Salut, ai-je dit stupéfaite. Qu'est-ce que tu veux ?

Il s'est dandiné d'un pied sur l'autre, mal à l'aise, puis a semblé rassembler son courage pour me dire :

- Je voulais te dire que… je suis désolé pour ce qui est arrivé à ton oncle. Je sais qu'il comptait beaucoup pour toi et ce qui est arrivé, c'est… c'est vraiment terrible. Et injuste.

Prise de court, je n'ai pas eu le temps de le remercier qu'il avait déjà tourné le dos et s'était éloigné. Quelques secondes plus tard, j'ai compris pourquoi en sentant deux bras m'entourer la taille et une odeur familière me chatouiller les narines.

- Qu'est-ce qu'il voulait ? demande Sirius derrière moi.

- Me… me présenter ses condoléances, dis-je encore stupéfaite. Il ne m'avait pas parlé depuis… depuis un sacré bout de temps.

- Il n'est peut-être pas si irrécupérable alors, dit Sirius. Dis, tous ces bouquins c'est pour fabriquer une cabane ou tu comptes vraiment tous les lire ?

C'est alors que je prends conscience d'un fait que, trop perturbée par l'apparition d'Emeric, je n'avais même pas remarqué.

- Mais tu es à la bibliothèque ! je m'écrie en me retournant vers Sirius. Qu'est-ce qui t'arrive ?

Sirius hausse les épaules, dissimulant mal son sourire.

- Je me suis dit que c'était dommage de n'être jamais venu ici en sept ans, c'est la seule pièce de Poudlard que je ne connais pas.

Il promène son regard aux alentours, faisant comme s'il découvrait l'endroit pour la première fois.

- C'est moins moche que ce à quoi je m'attendais, poursuit-il pensivement, mais il y a une odeur dans l'air qui ne me plaît pas…

- Quoi ? La poussière ?

- Non, fait Sirius gravement. Le travail.

J'essaye de prendre un air désabusé mais ne parviens pas à cacher mon sourire amusé.

- Dépêchons-nous de quitter les lieux alors, dis-je. Je ne voudrais pas que tu attrapes cette saleté de virus.

- Merci, c'est très…

Une quinte de toux l'interrompt soudain et Sirius doit se tenir à l'étagère pour ne pas tomber.

- Je… Argh !

Il se remet à tousser de plus belle, s'arrachant les poumons, s'étouffant presque, jusqu'à s'effondrer sur le sol de la bibliothèque, tremblant de spasmes. Je ne peux pas m'empêcher de rire en le poussant du pied.

- Idiot, dépêche-toi de te relever avant que…

Une ombre se profile au bout du rayon.

Trop tard.

- On ne s'allonge pas dans la bibliothèque ! hurle Mme Pince en voyant Sirius se convulser par terre. Dehors !

Je me mords les lèvres pour ne pas rire tandis que Sirius se relève comme s'il sortait d'une guerre dans les tranchées. Il met un point d'honneur à tousser généreusement sur Mme Pince en passant à côté d'elle, se tenant à moitié sur moi comme s'il était trop faible pour marcher.

- Désolée, dis-je avec un regard désolé vers Mme Pince, je crois que c'est une allergie…

On s'enfuit en rigolant bêtement avant que Mme Pince ne comprenne qu'on se fichait d'elle.

C'est alors que je me rends compte de deux choses.

La première, c'est que j'ai oublié mes livres à la bibliothèque.

La deuxième, c'est que c'est la première fois que je ris depuis que j'ai appris la mort de Giorgio. Un vif sentiment de culpabilité s'empare aussitôt de moi. Comment puis-je rigoler alors que Giorgio, lui, ne le pourra plus jamais ?

Puis, le bras de Sirius s'enroule autour de ma taille et une certitude m'étreint. Peu importe où se trouve Giorgio en ce moment, il y a une chose qu'il a toujours voulu pour moi : que je sois heureuse. Alors, je me blottis contre le corps de Sirius et je le laisse m'entraîner là où il voudra.

OoOoOoOoO

Les jours s'écoulent, à la fois lentement et trop rapidement, nous rapprochant inexorablement de la fin de l'année. Le souvenir de Giorgio ne cesse de me hanter et il n'est pas rare qu'il me tienne éveillée la nuit, provoquant parfois une crise de larmes silencieuse, qui finit par se tarir dans les bras réconfortants de Sirius.

La journée, je m'occupe l'esprit en révisant pour les ASPICs, désormais imminents. Je me fiche encore plus qu'avant des notes que j'obtiendrai mais je sais que Giorgio, lui, aurait voulu que je réussisse. Alors, pour lui, je continue à faire l'effort de m'enfermer à la bibliothèque pour relire tous mes cours de l'année ou de m'entraîner aux épreuves pratiques dans une salle isolée. Souvent, Barry m'accompagne ; s'il n'est pas très utile pour me faire réviser, il me permet au moins de ne pas trop me laisser distraire. En plus, il est d'accord pour que je me serve de lui comme cobaye. Il adore ça, même, allez comprendre.

Ces journées de révisions ont au moins le mérite de me changer les idées et de ne pas trop penser à Giorgio. Jusqu'à ce qu'un soir, après le dîner alors que je rejoins ma salle secrète sous la Tour d'Astronomie, je découvre nul autre que le professeur Dumbledore, assis les jambes croisées sur mon fauteuil comme s'il avait été invité pour le thé. Mon estomac se tord douloureusement à cette vision, me rappelant la dernière fois que j'ai vu le professeur Dumbledore et ce qu'il m'a alors annoncé.

Alors que je reste figée au bas des escaliers, comme terrifiée, il me sourit.

- Bonsoir Miss Picotti, fait-il d'une voix aimable.

Je suis trop stupéfaite pour répondre et il profite de mon silence pour examiner la salle d'un oeil curieux.

- Etrange petite pièce, n'est-ce pas ? dit-il sur le ton de la conversation. Ici, la nuit remplace le jour, et le jour remplace la nuit. J'ai longtemps cru que les fenêtres étaient ensorcelées, mais le paysage qu'elles révèlent est pourtant bien réel. Il appartient seulement à un monde où, un jour, le soleil a choisi de fonctionner à l'envers. Un monde inaccessible pour nous autres, pauvres mortels.

Tout en parlant, il se lève pour s'approcher des fenêtres, suivant des yeux un lapin qui surgit d'un buisson pour traverser la prairie verdoyante.

Je me gratte la gorge.

- Heu… professeur ?

- Oui, Miss Picotti ?

- Vous… vous n'allez pas me punir ?

Dumbledore tourne ses yeux bleu vers moi et j'ai la désagréable impression d'être passée aux rayons X.

Inutile de chercher à inventer un mensonge pour expliquer la chambre que je me suis aménagée ici. C'est Dumbledore, je ne suis pas certaine qu'il soit possible de lui cacher quoi que ce soit. Comment savait-il qu'il me trouverait ici ? A t-il deviné que je passe mes nuits ici ? Pourquoi n'a-t-il rien dit jusqu'à présent ? C'est pourtant formellement interdit de dormir hors de son dortoir, d'autant plus cette année où la sécurité dans le château a été renforcée...

- Ce n'est pas pour cela que je suis ici, dit Dumbledore après un temps qui me paraît infiniment long. Je suis venu vous donner ceci.

Il me tend un morceau de parchemin enroulé et ma gorge se serre. Je crains de deviner ce dont il s'agit. Encore de mauvaises nouvelles…

- Nous l'avons retrouvé après avoir fouillé l'appartement de votre oncle, explique Dumbledore d'une voix douce. J'attendais simplement le bon moment pour vous le restituer, avant de réaliser qu'il n'y a jamais de bon moment.

Je déplie le parchemin avec des mains tremblantes.

Il s'agit du testament de Giorgio. Rédigé le 13 juin 1978, quelques jours seulement avant sa mort, preuve que Giorgio était tout à fait conscient des dangers qu'il prenait à ce moment-là. Pour autant, le parchemin semble avoir été écrit à la va-vite, comme s'il ne s'agissait que d'une précaution d'usage, et ne comporte qu'une seule phrase, au-dessus de sa signature.

Je lègue toutes mes possessions relatives au monde des sorciers à ma nièce Lucia Picotti, à qui j'ai tenté d'offrir l'espoir d'un monde meilleur.

Mes yeux se remplissent de larmes et je fais de mon mieux pour les contrôler devant Dumbledore. Mais, quand je lève les yeux pour le remercier, Dumbledore est déjà perché sur les escaliers.

- J'ai pris la liberté de demander à ce que le contenu du coffre de votre oncle à Gringotts soit transféré dans le votre, déclare-t-il, ainsi que les quelques possessions que nous avons pu rassembler sur les lieux de l'incident et qui n'ont pas été complètement détruites par l'explosion.

Je hoche simplement la tête, la gorge trop nouée pour dire quoi que ce soit. Dumbledore me jette un long regard où je peux lire l'étendue de sa compassion et de son soutien et, bizarrement, alors que je ne connais presque pas cet homme, cela me réchauffe un peu le coeur.

- A votre départ, vous penserez à remettre la pièce comme vous l'avez trouvée Miss Picotti, dit-il d'une voix douce, dénuée du moindre reproche. Il serait dommage de priver de futurs élèves du plaisir de sa découverte.

Sur ce, il disparaît dans les escaliers. Je n'entends pas le bruit de la trappe qui se referme mais je sais qu'il est parti.

Mon regard se pose à nouveau sur le parchemin que je tiens toujours dans les mains.

Je lègue toutes mes possessions relatives au monde des sorciers à ma nièce Lucia Picotti, à qui j'ai tenté d'offrir l'espoir d'un monde meilleur.

Je laisse les larmes rouler silencieusement sur mes joues.

OoOoOoOoO

Arrive, finalement, le premier jour des ASPICs.

Est-ce que je suis prête ? La réponse est : non, pas le moins du monde. Je suis toujours incapable de préparer correctement du Polynectar, j'ai autant de réflexe en duel qu'une huître périmée et hier encore, j'ai traduit les Runes "mal à la gorge" par "gorge bien remplie". Ce n'est qu'en voyant que le texte portait sur un vieux Médicomage de 90 ans que j'ai compris que j'avais dû faire une erreur quelque part.

Bref, ces ASPICs s'annoncent plutôt mal. Mais honnêtement, je m'en tamponne légèrement le coquelicot. Je vais faire de mon mieux, pour que Giorgio, où qu'il soit, puisse être fier de moi, mais je sais très bien que les résultats de ces examens n'auront aucune conséquence sur ma vie.

Malgré cela, je me retrouve vite prise au jeu de ces examens. Malgré la guerre, malgré les dissensions, malgré les rivalités, toute l'école semble plongée, durant toute cette semaine, dans une frénésie mêlant stress, agitation et concentration. Personne n'y échappe, ni moi, ni les Serpentards, ni même les Maraudeurs. Juste avant l'épreuve pratique de Potions, j'ai même vu Sirius avec un livre à la main.

- Je vérifiais juste un détail, s'explique-t-il quand je le prends sur le fait, cachant presque son livre derrière son dos.

Il m'a ensuite embrassée pour me souhaiter bonne chance mais, si je ne m'en suis pas trop mal sortie à l'épreuve théorique, la pratique, elle, a été catastrophique. J'ai tiré au sort une phase de la préparation du Polynectar et l'examinateur avait l'air dépité de voir ce que j'avais fait de sa préparation. Je l'ai entendu marmonner "quel gâchis" avant de le voir gribouiller sur son parchemin quelque chose qui ressemblait fortement à un D.

Les Potions mises à part, dans l'ensemble, je ne me suis pas trop mal débrouillée. L'Arithmancie et l'Etude des Runes étaient étonnamment faciles, comme si les examinateurs avaient voulu nous féliciter d'être allés jusqu'au bout de ces matières réputées difficiles. Je n'ai pas été très brillante en Botanique, j'ai failli noyer ma plante Dent-de-Vampire en voulant l'arroser mais j'ai sacrifié mon petit doigt à ses crocs redoutables et ça a semblé la calmer suffisamment longtemps pour que je puisse terminer l'épreuve. La Défense Contre les Forces du Mal n'a pas été simple non plus, j'ai eu l'impression que les examinateurs étaient particulièrement exigeants avec nous, mais je pense que ma note en théorie devrait compenser l'épreuve pratique. En Métamorphose, en revanche, je me suis surpassée. Certes, je n'ai pas eu droit aux louanges que l'examinatrice de Potter faisait pleuvoir sur lui, mais la mienne avait l'air plutôt satisfaite de ma performance. Je suis quasiment sûre que c'est un E qu'elle a tracé sur son parchemin. A croire que toutes mes révisions de cette année n'auront pas été inutiles.

Il n'empêche que c'est la matière que je n'ai quasiment pas révisée dans laquelle j'ai cassé la baraque : les Sortilèges. La partie théorique n'était qu'une simple formalité et sur la partie pratique, je me suis presque amusée. L'apogée de l'épreuve a été à la fin, quand l'examinateur, avant de me laisser partir, m'a demandé :

- Un de vos camarades m'a confié que vous réalisiez de magnifiques sortilèges de Désillusion, pouvez-vous m'en faire une démonstration ?

Surprise - car ce sort n'est pas au programme des ASPICs -, je me suis quand même exécutée en m'appliquant le plus possible et l'examinateur a hoché la tête, l'air impressionné.

- Bravo, c'est très réussi, a-t-il dit. Attention cependant à ne pas trop abuser de ce sort, il peut avoir des effets secondaires déplaisants s'il est utilisé trop souvent.

J'ai hoché la tête, tâchant de me souvenir de ce conseil, puis l'examinateur m'a fait signe de partir. Je n'ai pas bougé. Je savais que j'allais avoir un O, c'était évident, mais quelque chose me retenait encore.

- Oui, Miss Picotti ? a fait l'examinateur d'un air impatient.

Je me suis lancée.

- Quel est l'élève qui vous a parlé du sortilège de Désillusion ? ai-je demandé à brûle-pourpoint.

L'examinateur a souri, farfouillé un instant dans ses notes puis déclaré :

- Ah voilà. Il s'agit d'un certain Emeric Headkins.

Je l'ai remercié et ai quitté la salle, un sentiment que je n'arrivais pas à identifier sur le coeur. Comme une porte, depuis longtemps fermée, qui s'entrouvrait à nouveau.

Les Sortilèges étaient la dernière épreuve. J'en suis ressortie avec un mélange de soulagement, de satisfaction, mais aussi de profonde tristesse, à l'idée que la fin des examens signait aussi la fin de ma scolarité à Poudlard.

Réfugiée au calme sous la tour d'Astronomie, je songe aux quelques jours qui me restent à vivre à Poudlard avant le grand saut vers l'inconnu. Le bruit sec de la trappe qui se referme, suivi de pas précipités dans l'escalier, me sort de mes pensées.

Déjà ? Sirius n'arrive pas aussi tôt d'habitude.

Mon sentiment que quelque chose ne va pas se confirme en voyant Sirius débarquer dans la pièce, tout échevelé et à bout de souffle.

- Tu as entendu ? fait-il sans prendre la peine de me saluer.

Je me redresse sur mon fauteuil, soudain parfaitement alerte.

- De quoi ?

- Rosier.

Ce simple mot me fait frissonner, comme à chaque fois que j'entends mentionner Evan Rosier, sans que je n'en comprenne la raison. Rendue muette, je ne peux que secouer la tête en signe de dénégation.

Sirius va s'asseoir sur le lit, puis, comme s'il était trop agité pour rester assis, se relève presque aussitôt pour faire les cent pas dans la pièce.

- Il est passé à l'acte, annonce-t-il.

- Quoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Il a profité du fait que tout le monde soit en train de passer leurs examens pour agir. Rosier est l'un des seuls à ne pas avoir continué les Sortilèges pour les ASPICs, son absence est donc passée inaperçue. Tous les profs étaient occupés à surveiller les examens et Dumbledore n'était pas au château… Le fumier, il a dû trouver un moyen de l'éloigner pour l'après-midi !

Sirius serre les poings, un air meurtrier sur le visage.

- Sirius, calme-toi et explique-moi, dis-je en posant une main sur son bras. Qu'est-ce qu'a fait Rosier ?

Encore une fois, je frissonne en prononçant son nom. Je ne comprends pas. Certes, Rosier n'est pas un Serpentard parmi les plus sympathiques, mais pourquoi entendre son nom me fait cet effet-là ? Comme si… comme si j'avais peur. Non, pas juste peur.

Je suis terrifiée.

- Les cuisines, Lucy ! fait Sirius comme une évidence. Tu avais raison, ce qu'il fabriquait là-bas n'avait rien d'innocent ! Rosier a réussi à faire passer des Mangemorts en douce dans Poudlard. Il voulait que Poudlard soit attaqué de l'intérieur ! Heureusement, Dumbledore est arrivé à temps, je ne sais pas comment il a su, mais il n'était pas seul, il y avait d'autres gens avec lui. Ils se sont battus contre les Mangemorts dans le hall d'entrée, je ne connais pas les détails, mais ils ont réussi à faire de sacrés dégâts avant de s'enfuir comme des lâches. J'ai entendu dire que plusieurs des alliés de Dumbledore étaient blessés, il paraît qu'ils sont à l'infirmerie en ce moment mais personne n'a le droit d'y entrer. Et dire que pendant ce temps, nous on passait tranquillement nos examens !

Il semble profondément dégoûté et je secoue la tête, confuse. Son histoire ne tient pas debout mais je n'arrive pas à faire le tri dans mes pensées, c'est comme si un brouillard s'était répandu dans mon esprit, m'empêchant de réfléchir correctement...

Un détail fait soudain tilt et je m'accroche à ce détail pour ne pas perdre le fil.

- Attends Sirius, ce n'est pas possible. On ne peut pas transplaner dans Poudlard, comment ont fait tous ces gens pour apparaître comme ça dans Poudlard ?

- Les gens ne peuvent pas transplaner dans Poudlard, mais les elfes de maison, oui, déclare Sirius en serrant les poings férocement. Rosier s'est servi de Polly. Comme tu l'avais deviné, il a réussi à gagner son allégeance, si bien que Polly répondait à ses ordres à lui, et plus à ceux de Dumbledore. Il l'a envoyée chercher les Mangemorts un par un et c'est elle qui les a aidés à tous s'enfuir. Je ne serais pas étonné que Rosier se soit servi d'elle toute l'année pour aller voir son Maître, peut-être même pour lui amener de nouveaux disciples…

Il crache ces derniers mots avec une telle haine que je recule, effrayée. Le brouillard dans mon esprit s'est étendu.

- Je ne comprends pas… dis-je en me massant les tempes.

- Tu avais raison Lucy, tu avais raison de te méfier ! s'exclame Sirius, trop agité pour m'écouter. Je n'aurais jamais dû cesser de le surveiller, j'aurais dû t'écouter quand tu disais qu'il préparait quelque chose de dangereux… Je ne l'ai pas assez pris au sérieux et il a failli faire envahir Poudlard…

- Stop ! je m'écrie, me prenant la tête à deux mains avec l'impression qu'elle va exploser. Je ne comprends rien à ce que tu racontes. Pourquoi tu dis que j'avais raison ? Raison de quoi ? Et qui est cette Polly ? Tout ça n'a aucun sens Sirius, je n'avais aucune idée que Rosier était déjà au service de Tu-Sais-Qui depuis le château ! Comment aurais-je pu le savoir ?

Il y a un moment de silence. Enfin, Sirius a cessé de parler et de gesticuler, mais mon mal de crâne ne s'envole pas pour autant. J'ai l'impression qu'il y a des forces contradictoires dans mon cerveau qui se battent l'une contre l'autre.

- Tu ne te souviens pas ? fait soudain la voix de Sirius, confuse.

- Me souvenir de quoi ? dis-je, exaspérée.

Sirius fixe sur moi un regard inquiet à présent, mais j'y fais à peine attention. Mon mal de crâne lancinant m'empêche de penser à quoi que ce soit d'autre.

- De la fois où on a espionné Rosier devant les cuisines, dit Sirius d'une voix blanche. De toutes les discussions qu'on a eues sur ce qu'il pouvait bien fabriquer là-bas. De la conversation que tu as surpris entre Rosier et mon frère. De Peter qui a espionné Rosier sous sa forme d'Animagus. De la tâche que Rosier avait confié à Polly.

Je secoue la tête. Mon mal de crâne s'est intensifié et j'ai l'impression que des lames chauffées à blanc me découpent le cerveau.

- Je ne connais pas cette Polly ! je crie, énervée.

Sirius s'approche de moi avec précaution. Pose une main douce sur mon bras.

- Polly, l'elfe de maison, explique-t-il. L'elfe avec laquelle tu pensais que Rosier avait une relation sexuelle.

Cette idée absurde devrait me faire rire, mais j'en suis incapable. Je ne comprends pas de quoi il parle. Je pousse un gémissement de douleur.

- Lucy, est-ce qu'il y a… des trous dans tes souvenirs ? demande Sirius prudemment. Des blancs, des moments où tu ne te souviens pas de ce que tu as fait ?

Je secoue la tête, complètement perdue.

Sirius hésite, puis lâche dans un murmure :

- Tu te souviens de la première fois que je t'ai embrassée ?

La Cape. La Carte. Sa chaleur. Ses lèvres. Bien sûr que je me souviens ! Mon mal de crâne se dissipe quelque peu, je respire à nouveau alors que je m'accroche à ce souvenir, réel, tangible.

- Oui… oui, je me souviens, dis-je faiblement. On était sous la cape d'Invisibilité de Potter, à côté des cuisines.

- C'est ça, confirme Sirius en hochant la tête en signe d'encouragement. Et tu te souviens de la raison pour laquelle on était là, sous la Cape, devant les cuisines ?

- L'heure du couvre-feu était passée… On ne voulait pas se faire attraper par Rusard, dis-je hésitante.

J'ai le sentiment que ce n'était pas tout, qu'il y avait autre chose, mais je n'arrive pas à me souvenir quoi. A chaque fois que j'essaye d'attraper ce souvenir, mon cerveau se remet à chauffer douloureusement.

- Oui mais qu'est-ce qu'on faisait dehors après le couvre-feu ? insiste Sirius doucement.

- Je… je ne sais pas. Je ne me souviens plus...

Je lève des yeux perdus vers Sirius. Son regard inquiet confirme mes craintes, tout comme ses paroles suivantes.

- Je crois qu'on t'a jeté un sortilège d'Amnésie, Lucy.

Sortilège d'Amnésie. Les mots flottent dans mon cerveau, tellement évidents que je me demande comment j'ai fait pour ne pas le voir plus tôt. Sortilège d'Amnésie, vraiment ?

- Merde, quel con j'ai été ! s'écrie soudain Sirius. Je ne me suis rendu compte de rien !

Je secoue la tête, encore sous le choc.

- Tu... tu crois que… que c'est Rosier qui m'a fait ça ?

Je frissonne en songeant à tout ce qu'il aurait pu me faire avant de me jeter le sort. Un sortilège d'Amnésie… Je n'en reviens pas. Ce sort est si difficile à jeter ! J'aurais pu devenir folle, oublier des pans entiers de ma vie, mon propre prénom, s'il avait fait le moindre geste de travers. Combien de choses exactement ai-je oublié ?

- Je ne vois pas qui d'autre serait assez doué pour le faire, remarque Sirius en serrant les dents. Tu as dû te retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. Ou alors tu as découvert ce qu'il faisait et il a fait en sorte que tu ne parles pas… On ne saura jamais. Rosier a réussi à s'enfuir avec les Mangemorts.

Il a l'air furieux et se met à tourner dans la pièce comme un lion en cage en marmonnant des insultes. Sa baguette émet des étincelles mais il ne semble pas s'en rendre compte. Il est effrayant quand il est en colère.

- Sirius, je… ça ne sert à rien de…

Je m'aperçois que je suis en train de trembler et je prends une grande inspiration pour me calmer.

- Je veux dire, c'est trop tard maintenant, non ? Rosier est loin, on ne peut plus rien faire. Qu'il m'ait lancé ou non ce sortilège d'Amnésie, ça ne change rien...

Je dois vraiment avoir l'air pitoyable car Sirius semble se calmer instantanément et vient me prendre dans ses bras pour me réconforter. Je respire à plein nez son odeur, laissant la chaleur de son corps m'apaiser comme elle seule sait le faire.

- Tu as tort, murmure Sirius contre ma joue. On peut encore faire beaucoup. Rosier payera pour ce qu'il t'a fait. Lui et tous les autres.

Je frissonne. Non pas de peur cette fois, mais parce que les mots de Sirius résonnent d'une telle certitude, d'une telle détermination, d'une telle conviction, que je ne peux que les accepter pour ce qu'ils sont.

Une promesse.

OoOoOoOoO

Le coup d'éclat de Rosier a rapidement fait le tour de l'école et le lendemain, tout le monde ne parle plus que de ça, les examens complètement oubliés. Le hall d'entrée est dans un sale état, seul témoignage de la violence qui a eu lieu dans les locaux de l'école. Rosier est resté introuvable, bien sûr, tout comme les Mangemorts, pour la plupart non identifiés, qui ont participé à l'invasion. Chez les Serpentards, il est quasiment devenu un héros, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai entendu prononcer son nom avec admiration et respect. Chez les autres, les réactions sont plus partagées, mais un sentiment domine : la crainte. Rosier a réussi ce que personne d'autre n'avait réussi avant lui et, même si Dumbledore et ses alliés ont mis les Mangemorts en déroute, il est quand même parvenu à semer une sacrée pagaille et surtout, à instaurer le doute et la peur dans les esprits. J'ai le sentiment qu'il ne pensait pas réellement qu'il réussirait à faire envahir Poudlard, mais qu'il voulait plutôt montrer que c'était possible, que Poudlard n'était pas si bien protégé que ça et que eux, les Mangemorts, étaient encore plus puissants que ce qu'on croyait.

Cependant, son acte a eu une autre conséquence qu'il n'avait peut-être pas prévue. L'organisation secrète de Dumbledore qui lutte contre les forces de Vous-Savez-Qui a dû sortir de l'ombre. Si l'identité des personnes qui ont aidé Dumbledore à repousser les Mangemorts est restée à peu près secrète, les rumeurs concernant cette organisation plus si secrète que ça vont bon train. Désormais, un autre nom que celui de Rosier court sur toutes les bouches, inspirant l'espoir face à la peur : l'Ordre du Phénix.

Avec Sirius, on a repris tout le fil de cette histoire pour tenter de combler les blancs dans mes souvenirs. Il semblerait que tous mes souvenirs concernant Rosier en particulier ont été effacés, remplacés par un fort instinct de peur qui survenait à chaque fois que je le voyais ou qu'il était évoqué, ce qui lui permettait de me garder à distance de lui. Sirius m'a raconté tout ce dont il se souvenait de nos discussions et de nos soupçons sur lui, mais j'ai le sentiment qu'il manque encore beaucoup des choses, des choses que Sirius ne sait pas. Des choses que je ne saurai sûrement jamais. Rosier a fait du bon boulot et cela me glace le sang de l'admettre. A chaque fois que j'y pense, je me sens souillée de l'intérieur, tremblante à l'idée qu'il ait pu manipuler mon cerveau comme ça.

Avec tout ça, et la mort de Giorgio qui continue à me hanter, je passe mes derniers jours à Poudlard dans un état particulièrement trouble. J'ai l'impression que des portes se sont ouvertes dans mon petit monde jusqu'à présent si confortable, des portes qui mènent vers un autre monde, plus grand, plus sombre, plus dangereux. Des portes qui, une fois ouvertes, ne peuvent plus jamais être refermées. Je n'aime pas le monde qui se trouve derrière ces portes et pourtant, je sais qu'il m'attend, que je ne pourrai pas y échapper, que j'y ai déjà, malgré moi, posé un premier pied.

Alors, je profite de mes derniers instants dans ce monde qui n'est déjà plus vraiment le mien, comme un dernier répit avant la tempête. Je parcours les longs couloirs de Poudlard pour saluer mes tableaux préférés et les fantômes que je croise. Je rends mes derniers livres à la bibliothèque sans retenir un sourire nostalgique quand Mme Pince me fusille du regard parce qu'il y a une minuscule tache d'encre sur l'un d'eux. Je savoure mes derniers repas dans la Grande Salle, même si c'est du ragoût de mouton et que je déteste ça. J'offre mon livre de duel pour les nuls à Barry en lui faisant promettre de les apprendre cet été. Je me paye même une visite chez Hagrid pour lui demander de veiller sur Barry en mon absence, soulagée d'entendre le garde-chasse m'assurer qu'il ne manquera pas de mettre une raclée à tous ceux qui voudraient lui chercher des noises.

Le reste du temps, je profite du temps que j'arrive à glaner avec Sirius. On ne se parle pas beaucoup, quand on se voit. On passe de longs moments dans les bras l'un de l'autre et je suis juste contente de le sentir près de moi, consciente que chaque instant avec lui est précieux. Consciente que chaque instant pourrait être le dernier.

Et, tout ce temps, je réfléchis. Je réfléchis jusqu'à ce que, quelques heures avant le départ du Poudlard Express, alors que je referme les attaches de ma malle de voyage, il n'y ait plus qu'une seule chose à faire.

Évidente.

Inévitable.

Et pourtant si difficile.

Je me lève de mon lit et me mets en marche. Je sors du dortoir, traverse la salle commune, descends les escaliers de la tour Serdaigle, sans la moindre hésitation. Je sais parfaitement où le trouver et mes pas m'y guident tous seuls.

Ce n'est qu'une fois arrivée à destination que je marque un temps d'arrêt.

Je prends une grande inspiration, consciente que je m'apprête à prendre la décision la plus difficile de ma vie, et consciente en même temps qu'aucun autre choix n'est réellement envisageable. Plus maintenant.

Je frappe trois fois à la porte.

- Entrez.

Dumbledore, assis à son bureau, relève la tête de ses parchemins quand je pousse la porte. S'il semble étonné de me voir (après tout, je ne suis pas censée connaître le mot de passe de ses gargouilles), il n'en montre rien et m'accueille avec un sourire chaleureux.

- Bonjour, Miss Picotti. Que me vaut le plaisir ?

La gorge nouée, je m'avance dans la pièce, me rappelant la dernière fois que je me suis trouvée ici, le jour où j'ai appris la mort de Giorgio. C'était i peine deux semaines et pourtant, j'ai l'impression que ça fait une éternité. Je sais alors avec certitude que je ne serai plus jamais la personne que j'étais avant ce jour.

Comme pour approuver mes pensées, un trille mélodieux se fait entendre dans la pièce. Je tourne la tête vers l'origine du bruit et découvre un splendide oiseau de feu perché sur une étagère, occupé à lisser les plumes de sa longue queue dorée.

- Voici Fumseck, dit Dumbledore comme s'il me présentait à une vieille connaissance.

Je cligne des yeux, fascinée par la beauté de l'oiseau. Non, pas de l'oiseau. Du Phénix. Qui d'autre que Dumbledore pour avoir un Phénix comme animal de compagnie ?

Comme un signe du destin, la vision du majestueux Phénix qui déplie ses ailes balaye mes dernières incertitudes. Je ne pense plus à la peur, plus au danger. Je ne vois plus que l'espoir qui brille au loin.

Le sacrifice de Giorgio, l'adieu à ma famille moldue, la détermination de Barry, les révélations sur Rosier, la promesse de Sirius... Tout se rejoint et j'ai soudain la certitude absolue que la décision que j'ai prise est la bonne.

Je me tourne vers Dumbledore qui fixe sur moi un regard bleu perçant, patient, confiant.

C'est profondément sereine que je prononce les mots qui scelleront mon avenir :

- Je souhaite rejoindre l'Ordre du Phénix.

OoOoO FIN OoOoO


N/A de Fin avec un grand F : Quelques explications sur ce dernier chapitre avant de passer aux adieux déchirants et larmoyants…

Concernant Giorgio : Il ne faisait pas partie techniquement de l'Ordre du Phénix, Dumbledore a fait appel à lui parce que c'est un spécialiste des objets magiques et que c'est l'époque où Dumbledore commence à soupçonner Voldemort de vouloir se rendre immortel. Donc il a demandé à Giorgio de faire des recherches pour trouver par quels moyens pourrait passer Voldemort. J'aime bien penser que Giorgio a fini par découvrir l'option des Horcruxes, à la dernière minute sur un éclat de génie, et qu'il a réussi à en dénicher un pour l'étudier (appartenant à un autre mage noir que Voldemort, évidemment). C'est en manipulant l'objet que celui-ci a tout fait exploser, tuant Giorgio au passage avant qu'il ait pu faire part de sa découverte à Dumbledore, qui n'apprendra donc que bien plus tard l'existence des Horcruxes.

Concernant la relation Sirius/Lucy : Je sais que beaucoup d'entre vous espéraient un happy ending en fanfare, voire pour certaines une fin à la Titanic, mais la réalité se situe bien plus souvent entre les deux, et c'est celle que j'ai choisie pour terminer cette fic. Lucy a compris que l'amour pouvait prendre différentes formes, différents degrés aussi, et que c'était les actes qui comptaient avant tout. Elle aime trop Sirius pour pouvoir se passer de lui, même s'il ne lui donne pas la relation parfaite dont elle rêvait. Quant à Sirius, je vous renvoie à ce qu'il explique à James : la guerre imminente prend trop de place dans son esprit pour qu'il puisse s'engager émotionnellement dans une histoire d'amour, mais c'est quelqu'un de très fidèle donc il est là pour Lucy, à sa façon un peu égoïste mais sincère malgré tout. Son indépendance fait qu'il n'a pas envie d'une relation fusionnelle à la James/Lily, ce qui n'empêche pas qu'il soit attaché à Lucy. Il se fiche bien, au fond, de savoir si ça s'appelle de l'amour ou pas et je serais bien en peine de le dire moi-même !

Concernant un éventuel épilogue : En commençant à écrire cette fic, j'avais effectivement prévu qu'il y aurait un épilogue, un chapitre post-Poudlard qui montrerait comment évolue et se finit la relation entre Sirius et Lucy (qui doit bien se finir un jour, canon oblige !). Finalement, après moultes hésitations, j'ai préféré ne pas mettre cet épilogue et garder une fin ouverte. Cependant, j'ai une idée très précise de ce qu'il se passe après, donc si vous voulez savoir ce qu'il en est, n'hésitez pas à me le demander et je vous répondrai par MP ;)

Voilà, à part ces quelques points, je pense avoir refermé dans ce chapitre la plupart des portes qui étaient restées ouvertes… Pour les autres, je vous laisse vous faire vos propres idées ! Mais si certaines choses ne vous semblent pas résolues, confuses ou décevantes, j'aimerais beaucoup que vous me le fassiez savoir (comme ça je pourrai m'améliorer la prochaine fois).


Place maintenant aux adieux larmoyants… En fait, bizarrement, je ne suis pas triste de clôturer cette fic. J'ai commencé à la poster il y a quatre ans, ça fait encore plus longtemps que j'ai commencé à l'écrire, et elle est encore plus longue que le tome 5 d'HP, alors je suis surtout contente d'être arrivée au bout, parce que c'était pas gagné ! Le fait d'avoir enfin terminé cette fic sur laquelle j'ai passé tellement d'heures va me permettre de me concentrer sur d'autres projets d'écriture et ça, je suis pressée de m'y mettre.

C'est la première fois que je réussis à achever un projet d'écriture aussi abouti et honnêtement je suis surprise d'en avoir été capable… Ça me donne beaucoup d'espoir et de motivation pour la suite. Evidemment, je sais que je ne serais jamais allée au bout sans vous, sans savoir qu'il y avait des gens qui lisaient mon histoire, qui l'aimaient bien et qui avaient envie de connaître la fin.

Pour être tout à fait honnête, il y a un truc qui me rend triste de finir cette histoire, et c'est vous… Je sais, ça a l'air méga cliché dit comme ça, mais vu que cette fic démarre par un cliché, se développe avec des clichés et finit par un cliché, je me dis que c'est plutôt approprié en fait hahaha. J'aurais jamais pensé que j'aurais autant de mal à me dire que je ne pourrai plus lire vos commentaires, y répondre avec des messages encore plus longs et échanger avec vous par MP. J'ai toujours mis un point d'honneur à prendre le temps de faire ça (y compris en tant que lectrice) parce que je trouve que c'est toujours chouette de voir le nombre des vues grimper, mais c'est encore mieux quand on découvre les personnes derrière. C'est l'un des trucs les plus magiques qui soit dans les fanfics !

Certaines m'ont suivie depuis le début (Malh, Mireillelabeille, faolbee, INeedAHero, La Bgard, caro-hearts, Ankaaa, miss lolote, Shiriliz…)... et jusqu'à aujourd'hui pour certaines, je ne sais pas comment vous avez tenu ! (Sirya toujours là pour me relancer quand je faiblissais, Sun Dae V et tes longues reviews au chocolat, mais aussi Miisss, Manifestement-Malefoy, Dedellia, paixauxchocolats, Yummi…). Puis il y a celles qui sont arrivées en cours de route et qui m'ont régalée de leurs reviews et de nos discussions sans fin en MP : HarpaPhoenix, Machurida, rina-greeneyes, Ysalyne, Maartha… D'autres qui ont eu le courage de tout commenter chapitre par chapitre (feufollet, Sakhina, Eve et Zod'a..) et d'autres encore qui ont commenté au bon moment, pile pour me remettre dans le bain (surtout qu'avec mes absences récurrentes, j'en avais souvent besoin d'un bain...). Bref, j'ai sûrement pas cité tout le monde mais sachez que ça me fait vraiment bizarre de vous dire au revoir et que vous allez me manquer ! T_T

(Je vais arrêter maintenant sinon je vais devenir une pleureuse moi aussi)

Continuez de faire vivre le monde merveilleux des fanfictions ! J'vous embrasse !