Chapitre 34 - A destination, 1 sur 2

La porte de la voiture claqua, Elsa soupira. Le vent balayait la cour devant la maison. Celle-ci n'avait pas vraiment changé, peut-être le bois était légèrement décrépi.

Anna portait Jan, endormi. Elsa, avec une certaine émotion, ouvrit la porte de chez ses parents.

Le voisin, qui avait les clefs, avait cligné des yeux plusieurs fois, ne reconnaissant pas Elsa, ni Anna sur le coup.

Il faisait froid dans la maison, ça n'était pas la Californie. Son soleil chaud, son sable fin, son ciel bleu étaient loin. Ici, il pleuvait faiblement.

La maison sentait le vieux et la poussière, malgré le fait que le voisin avait plus ou moins veillé sur l'endroit.

Elsa prit place sur un canapé prêt du feu, il était un peu défoncé et pas très agréable, il ne l'avait jamais été de toute façon.

Anna avait déposé le petit Jan sur l'autre canapé plus récent et mit un plaid sur lui.

Toutes les deux se dirigèrent vers la cuisine.

Helena était décédée il y a quelques mois d'une crise cardiaque.

Les gens de la congrégation étaient passés et avaient nettoyé et vidé le vieux frigo.

Il restait juste la dernière broderie d'Helena en cours sur la table, ainsi que deux ou trois numéros fichés dans le mur.

Rien de tout cela n'était vraiment beau ou intéressant. L'intérieur, comme toujours de la maison, était froid et triste.

La vie avait déserté la maison depuis un certain temps.

- Tu sais, les parents, ils savaient que tu étais en Californie avec Emma. Fit Anna rompant le silence soudainement.

- Je m'en doute, ils étaient en contact avec Ingrid, mais Ingrid...ne les aimait pas. J'étais plus ou moins au courant.

- Je l'ai su plus tard. Je pense... Ils ne voulaient pas que je te retrouve. J'ai fini par savoir qu'Emma était en Californie. J'ai mis... un privé sur le sujet et il a retrouvé sa trace grâce à internet.

- Ouais. La boucle est bouclée, on dirait. A15h, le gars de l'agence vient pour signer les papiers. La maison va être en vente. Paraît qu'il y a déjà deux acheteurs de la congrégation.

- Ils vont sûrement tenter de marchander avec toi.

- Ils iront se faire voir. Je ne tiens pas à rester plus de deux jours ici. Rétorqua Elsa sèchement.

- Je comprends. Répondit Anna, passant sa main sur le bras d'Elsa qu'elle savait tendue par la situation.

A l'heure dite, ce ne fut pas l'homme de l'agence qui arriva mais Finch Johansen qui vint frapper à la porte. C'était un homme d'une cinquantaine d'années, les cheveux blancs et les yeux bleus fatigués derrière une grosse paire de lunettes et qui fixa étrangement les deux femmes quand celles-ci ouvrirent la porte.

- Tu as grandi Elsa, fit-il en toussant.

- Euh ! Finch Johensen ? Dit Anna, incertaine, alors qu'Elsa ne le reconnaissait pas.

- Hey ! Lui-même, ma petite.

Finch prit Anna dans ses bras et la serra.

- Alors vous êtes venues finalement, fit l'homme.

- J'ai mis du temps à me souvenir de vous monsieur Johansen. Répondit doucement Elsa.

- Normal, après tout ce temps. Je ne portais pas de lunettes avant.

- Vous venez pour acheter la maison ? Demandait Elsa, de façon stoïque.

- Non, du tout... Cette ferme ne m'intéresse aucunement, à mon âge... et puis mes enfants n'habitent pas là, alors... Non, je suis venu vous parler d'autre chose.

- Je vous fais un thé ? Proposa Anna.

- Pas de refus. Je suis venu vous parler de vos parents adoptifs. Finch prit alors une chaise et s'installa comme par habitude autour de la table de la cuisine.

- Euh ! Monsieur Johansen... Le sujet... Enfin, ne nous intéresse guère. Vous savez, mes parents et moi... on avait plus de liens.

- Je suis au courant. Affirma l'homme se réchauffant les mains en soufflant dessus.

Anna s'affaira alors à faire le thé tout en écoutant la conversation qui se tenait entre Elsa et leur visiteur.

- Je suis venu... pour me soulager la conscience, déclara t-il.

- Comment ça ? Emit Elsa, en prenant place.

Le vieil homme sortit alors un dossier, puis le plaça devant Elsa, qui l'ouvrit et regarda le contenu, quel que peu surprise.

- Vous étiez fâchées avec vos parents, hein... Bah ! Je comprends. Les Andersen n'ont jamais été très sympathiques. J'ai connu votre tante Ingrid, elle est partie, elle aussi... Elle a eu raison.

- Je ne comprends pas... Ce dossier, ce sont des coupures de journaux en suédois, je ne lis pas cette langue. Lâcha Elsa.

- Pour sûr... En fait, les Andersen sont venus aux USA dans les années 60. Ils ont créé cette communauté et nous étions quelques uns à être issu d'une migration scandinave... plus tardive... Vos parents étaient des militants dans leur pays d'origine.

- Oui. Et ? Je ne savais pas tout ça... Mais je pense l'avoir deviné à un moment. Parfois, ils parlaient en suédois entre eux, je ne comprenais pas grand-chose.

- C'était des militants d'extrême droite, Elsa. Ils sont partis car leur parti s'est trouvé interdit. Ils sont venus ici avec leurs idées. Moi, j'étais jeune... et con. Je venais d'épouser Emy... J'étais en quête de moi-même et quand Andersen a débarqué, nous a proposé de devenir propriétaire ici, tu parles d'une aubaine... On a tous signé, nous et les Olsen et les Jansen. Au début, on se regroupait. Le but était de faire une communauté forte et soudée, fière de nos racines « les fils d'Odin » que ça s'appelait. Bref, une connerie... Je suis parti de la communauté tardivement, quand mes enfants sont nés, j'ai mis quelques temps à comprendre que nous vivions un délire collectif. Les Andersen avec le pasteur Erickson se sont mis en tête d'adopter des gamins, tous blancs, dont on savait qu'au moins un parent avait une souche scandinave... Pour ça qu'Emma puis Anna ont été adoptées.

- C'est dégueulasse ! S'écria Elsa, dégoûtée.

-Helena, ta mère, n'y croyait plus depuis longtemps. Quand Emma est partie et a repris son nom de famille, ça a été le début de la fin... Et puis, toi. Elle s'est recroquevillée sur elle-même. Elle a su pour la naissance de Jan, mais le vieux lui avait interdit de donner des nouvelles alors,... enfin voilà. Faut pas que tu sois triste... de... tes histoires avec tes parents. Ils vivaient dans un délire, j'te dis... Y a pas de regrets à avoir, t'as bien fait de partir, vous avez toutes bien fait... Moi, j'ai choisi mes fils, j'ai pas fait la même connerie et je m'en réjouis...

- Pourquoi nous dire tout ça maintenant ? s'exclama Anna.

Le vieux Johansen but son thé du bout des lèvres et renifla.

- Pour que vous vous sentiez libérées du passé. Vendre cette maison sera pas compliqué. N'ayez pas de regrets... Trop de gens ici ont perdu leur temps, leur vie ... à se raconter un conte. L'Amérique blanche et toutes ces conneries de blancs s1uprématistes. Je vous dis, on était jeunes et cons... Ah ça, sacrément cons. Ingrid, elle, avait tout compris et s'est vite tirée de ce pétrin.

Johansen partit, laissant Elsa abasourdie. Ses parents étaient tout ce qu'elle détestait le plus. Bien entendu qu'ils n'auraient jamais accepté son homosexualité ni ses pensées qui allaient radicalement à l'encontre des leurs. Elle se senti terriblement vide.

Anna posa sa main sur son bras et le pressa doucement.

- Écoute, ce type a raconté tout ça, bon... N'empêche qu'on a vécu tout de même de bons moments ici. Je ne dis pas qu'ils furent nombreux mais ... C'est le passé tout ça, Elsa. Tentons juste de nous remémorer les souvenirs les moins pesants...

- Facile à dire. Soupira la blonde, abattue.

Anna glissa ses doigts sur la mâchoire d'Elsa, la forçant légèrement à la regarder dans les yeux.

- Je suis là maintenant, tu n'es pas seule... Il y aussi Emma, Jan et ton amie Regina. Regarde devant toi Elsa, ne te laisse pas submerger par ce qu'étaient ou non tes parents, parce qu'aucune de nous savait vraiment ce qui se tramait mais, au fond, est-ce qu'on est surprises ?

- Non. Admit simplement Elsa dont l'intonation de voix devint plus basse.

- Allez ! Viens manger un peu, en attendant. On va signer tout à l'heure l'acte de vente et on sera débarrassées de tout ça.

La signature se fit. L'agence prenait en charge la vente de la maison, Elsa soupira d'aise.

Dehors, Anna regardait Jan s'ébrouer dans les feuilles éparses. Le jardin était laissé à l'abandon mais quelqu'un avait eu l'idée saugrenue de faire un tas de feuilles ce qui fit plaisir à Jan tout spécialement.

Le soir, Elsa fit des cartons de diverses choses. Dans quelques jours, des déménageurs viendront et certaines affaires partiront pour la Californie tandis que le reste serait donné à une œuvre de charité.

Elsa ne garda que le vieux châle de sa mère, elle en gardait un bon souvenir enfant, elle le mettait souvent près du feu, les rares moments où sa mère se montrait affectueuse et non absente.

De son père, elle ne garda rien, ni même les photographies d'arrières grands parents, tout ça lui paraissait maintenant écœurant. Elle fit un grand feu dans la cheminée et balança les photos hors de leurs cadres.

Anna, qui avait couché Jan, regarda Elsa faire, sans intervenir, ça n'était plus vraiment son histoire néanmoins, elle ressentait l'aversion d'Elsa envers ce qui fut ses parents.

Elle savait Elsa bouleversée mais comme à son habitude, très froidement, elle réglait les problèmes et de façon quelque peu expéditives, mais elle savait que la blonde ne nourrissait pas de regrets, les choses étaient faites. C'était ainsi.

Elle s'approcha d'Elsa qui, le visage éclairé par le feu, semblait bien chavirée par des émotions diverses et contradictoires, des larmes coulaient. Anna fut totalement surprise. Elle pensait qu'Elsa « gérait », elle ne l'avait jamais vu aussi vulnérable.

- Oh ! Elsa ! Fit-elle en la tirant vers elle.

- Pourquoi, Anna ? Pourquoi ils étaient comme ça ? Elle éclata en sanglot dans les bras d'Anna.

Anna réconforta la blonde, bien que plus petite, elle semblait protéger Elsa, plus mince, qui semblait plus chétive et donc plus fragile.

Elles ne savent plus très bien où elles en sont, mais quand les lèvres de la rousse trouvent celles d'Elsa, il y a une réponse immédiate, un besoin pressant.

Jan dort depuis une petite heure, elles ne seront pas interrompues. Anna le sait et emmène Elsa dans leur chambre. Celle-ci est restée intacte elle a juste changé les draps et aéré la pièce.

Elsa tombe sur le lit à la renverse, Anna la déshabille.

La blonde balbutie alors : « Tu es sûre ? »

Anna lève un sourcil et lui répond : « Elsa ! Je ne serais pas là, si je ne l'étais pas ».

Elsa sentit le poids de l'autre jeune femme sur elle, les lèvres douces qui quémandaient de l'attention. Elle se laissa porter par les sensations et la chaleur. Elle s'abandonna aux mains d'Anna, les caresses sur ses seins, son corps entier s'éveilla et elle sentit en elle un besoin vital d'aller plus loin avec Anna...