Elle entendit le moteur de la Cadillac depuis la cuisine où elle essayait, sans succès, d'apaiser ses pensées et son c?ur battant au rythme effréné des pulsations de son sang, avec une décoction de camomille.

C'était sa dernière tentative. Ni le bain moussant, ni les exercices de relaxation que lui avaient conseillés Archie n'avaient eu un quelconque résultat.

Elle avait quitté la baignoire après quinze minutes à peine, son esprit dérivant vers des territoires qu'il ne valait mieux pas explorer en ce moment. La cuve composée de fibres de verre, installée dans un des angles de la pièce pour que Rumple puisse soulager sa cheville abîmée sans encombre, était assez vaste pour contenir leurs deux corps, petits et minces. Elle devait absolument éviter toute notion de luxure.

Quant au tapis de yoga, elle l'avait abandonné après cinq minutes. Elle était incapable de focaliser son attention sur sa respiration pour, même dix secondes. La seule chose qui occupait son esprit et y tournait comme un hamster dans sa roue, était le fait que son mari avait complété et signé une demande de divorce en bonne et due forme.

Elle avait passé les dernières heures à cogiter et ça n'avait pas été pour la rassurer.

Peut-être qu'elle se trompait du tout au tout.

Peut-être qu'il attendait l'instant où il serait libéré de son fardeau.

Leur amour était indéniable, mais après tout ce qui s'était passé entre eux, elle n'était plus sure de rien et ça la rendait folle.

La porte de la cabane tourna sur ses gonds et elle bondit comme un chat sauvage avant même qu'il ait pu s'avancer dans la pièce principale.

- Il faut qu'on parle ! asséna Belle, sans lui laisser l'occasion de s'échapper.

Elle connaissait son caractère fuyant. Lui-même reconnaissait qu'il était un lâche et elle ne lui permettrait pas d'opérer une retraite stratégique, cette fois. Même si elle avait eu recours à la même supercherie, pas plus tard qu'à leur réveil.

Le palpitant de Rumple s'émietta à la vue de la grande enveloppe brune qu'elle tenait à la main, qu'il reconnut sur le champ. Elle avait dû s'aventurer dans le hangar.

Ses bonnes résolutions fondirent comme neige au soleil et la couardise en lui en profita pour montrer son affreuse face.

Il déglutit péniblement. Ça y était. Son mariage venait à son terme, maintenant. Belle ne lui donnerait jamais l'opportunité de le laisser lui prouver qu'il pourrait la rendre heureuse.

Il pouvait dire adieu au bonheur qui était passé à portée de sa main, mais qu'il n'avait pas su saisir. Trop loin pour qu'il puisse s'y agripper. Ainsi qu'à cet enfant aux iris aussi limpides que l'océan et au nez légèrement bosselé, un peu trop proéminent, qui n'existerait jamais.

Juste un frôlement pour lui donner un avant-goût de ce qu'il n'aurait pas.

Une famille qu'il pourrait entretenir convenablement, dont il pourrait prendre soin et qui l'aimerait en retour.

Pour lui, tout simplement.

Non pas qu'il y ait jamais réellement cru pour commencer. Il n'avait aucune prérogative pour réclamer quoi que ce soit après la façon déplorable dont il avait agi avec Bae et avec Belle. Il avait démontré qu'il n'était digne de cet honneur. Mais, parfois, il se prenait à en rêver quand même. Et le songe était des plus agréables.

Le baiser d'amour véritable avait fonctionné, témoignage des sentiments qu'ils se portaient l'un à l'autre.

Mais l'amour n'était pas toujours suffisant.

Et tout le monde savait que les Vilains n'avaient pas droit à une fin heureuse, se répéta-t-il pour la millième fois au moins pour s'en convaincre.

Les prunelles de Belle étaient étincelantes de colère, d'un bleu acier, et le glacèrent jusqu'au sang.

D'un geste de la main, elle brandit dans les airs les documents qui relataient la fin de leur union, ulcérée.

- Tu as rempli une demande de divorce, l'accusa-t-elle d'un ton bien plus agressif que celui auquel il s'attendait.

Pris au dépourvu, il la regarda, béat.

Pourquoi était-elle en colère contre lui ?

Après tout, il lui apportait sa liberté sur un plateau.

C'était ce qu'elle souhaitait, non ?

Décontenancée devant le visage interloqué de son mari, Belle sentit la tempête d'émotions qui bouillonnaient en elle retomber.

- C'est vraiment ça que tu veux ? questionna-t-elle.

Si sa première hypothèse était la bonne ...

L'espoir renaissait de ses cendres dans le c?ur de la Princesse d'Avonlea.

- Tu as le droit d'avoir ta vie... De vivre tes rêves, balbutia-t-il. Quand ... Quand tu t'es enfuie, ce matin... J'ai compris que j'avais eu tort... Je suis désolé... d'avoir trahi ta confiance une nouvelle foi… D'avoir profité du fait que tes émotions étaient sans dessus-dessous ...

Elle fut momentanément incapable de respirer, abasourdie par ses propos.

- Tu n'as profité de rien du tout, se récria-t-elle en retrouvant sa capacité pulmonaire. Au contraire, c'est moi qui n'aie pas respecté notre marché. Nous avions convenu d'attendre et ...

Elle baissa les yeux sur ses doigts qui froissaient l'enveloppe contenant l'avenir de son mariage. Honteuse de la manière dont elle s'était comportée. Les reproches de la gouvernante qui l'avait éduquée en lieu et place de sa propre mère ricochant à ses oreilles cramoisies.

- Et d'habitude c'est toi qui prend les initiatives, continua-t-elle courageusement, bravant le rouge qui empourprait également ses joues en feu.

Autant allez au fond des choses, à présent et appeler un chat, un chat !

Rumple ne put réprimer un rire presque hystérique, ressemblant à s'y méprendre à celui du farfadet à la peau dorée et aux yeux de lézard de la Forêt Enchantée.

- C'est pour ça que tu as disparue aussi rapidement dans ton terrier qu'un lapin traqué par un renard ? s'ébahit-il, estomaqué.

Elle répondit par l'affirmative d'un hochement de tête.

Il posa des yeux écarquillés sur celle qui représentait sa fin heureuse.

La conversation prenait un tour complètement surréel.

Comme s'il lui était jamais possible reprocher à la plus magnifique des femmes qu'il ait jamais rencontrée de vouloir de son corps chétif et disgracieux et de le couvrir de caresses et de baisers.

- Belle, je me fiche d'être le dominant ou le dominé dans ce genre de situation. Le problème ne réside pas là, et tu le sais, indiqua-t-il.

Elle acquiesça. Il avait raison. Leur relation ne se résumait pas à l'intensité de leurs relations sexuelles, ni à l'ardeur qu'ils pouvaient chacun démontrer dans ces instants-là. Même si son éducation lui avait donné un aperçu stricte de la chose, le tisserand à la naissance plus que modeste, avait su étendre ses connaissances et lui prouver l'insignifiance et la stupidité des tabous qui lui avait été imposés en tant que femme de la Noblesse.

- Si c'est vraiment ce que tu souhaites, je signerai ces papiers, reprit-elle sur un ton plus posé, s'efforçant d'éloigner les pensées impures qui fleurissaient à son esprit.

Le c?ur de Rumplestiltskin se mit tout à coup à cogner comme un fou dans sa cage thoracique, à la compréhension qu'elle ne s'était pas empressée d'apposer son nom au bas des documents qui devaient réduire à néant leur mariage.

Un onde de soulagement se distilla dans ses veines à la réalisation qu'elle n'avait peut-être pas encore totalement arrêté son choix.

La petite flamme de l'espoir s'embrasa à partir de l'étincelle qu'elle venait de faire jaillir au centre de la perspective de son avenir gris et lourd comme la pierre.

Non, il ne renoncerait pas si facilement !

Il se refusait de la perdre sans livrer une dernière bataille. Même s'il savait pertinemment qu'il ne la méritait pas et qu'elle méritait bien mieux.

Personne ne décidait de son destin à part elle.

Pour le meilleur ou pour le pire.

Et s'il pouvait l'y aider, la pousser dans la bonne direction - celle de ses bras - Il n'hésiterait pas.

Il était un être égoïste, après tout.

Il ne comprendrait jamais pourquoi une telle enchanteresse s'intéressait à lui, ni comment elle avait pu tomber amoureuse d'un être tel que lui, mais il n'en n'avait cure en cet instant.

Il ne laisserait pas le bonheur lui échapper encore une fois. C'était sa dernière chance d'être heureux. Et s'il y avait une seule qualité que d'aucun lui avait toujours reconnu, c'était qu'il était loin d'être idiot. Son esprit avait toujours compensé pour le reste.

Malgré tout, il devait aller jusqu'au bout. Il avait besoin d'être certain qu'elle avait conscience des opportunités qui s'offraient à elle.

Et qu'elle semblait vouloir décliner, s'émerveillait-il sans oser y croire vraiment.

Par ce qu'il ne pourrait pas savourer pleinement le bonheur avec l'arrière-pensée qu'elle soit restée par ce qu'elle pensait qu'elle n'avait pas d'autres possibilités. Son bonheur ne pouvait exister que s'il était aussi celui de Belle.

Car, oui, il était égoïste. Et ces derniers mois lui avait appris qu'il valait quelque chose. Qu'il n'était pas un moins que rien, après tout.

Il voulait être choisi.

Il avait besoin qu'elle le choisisse.

Lui.

Parmi toutes les autres opportunités qui s'offraient à elle.

- Maintenant, tu es libre, continua-t-il. Plus rien ne te retient, ici. Pas même une Malédiction. Tu n'es plus condamnée à partager ta vie avec moi. Tu n'as plus besoin de moi. Et si c'était le cas, je t'offrirais mes services gratuitement. Que tu sois ma femme ou pas. Le choix t'appartient. Storybrooke est une petite ville. Tu as le monde entier à explorer.

Une vie au milieu des bois, retiré de la majorité de la population, lui convenait parfaitement mais sa princesse héroïque, elle, avait toujours rêvé d'aventure.

Il ne serait plus son geôlier.

Plus jamais.

- Je suis libre, acquiesça-t-elle. Et je suis la seule à décider de mon destin.

Le c?ur de Rumple se stoppa net dans sa poitrine.

Il était temps d'être brave. D'être honnête et courageux. Il se devait d'être intègre et entier. Il lui devait la vérité. Toute la vérité.

Avec ses paroles, il allait sceller leur avenir.

Il déglutît sa salive et puisa dans son amour pour elle et jeta les dès du destin.

De leur destin.

- Tout ce que je souhaite, c'est ton bonheur, plaida-t-il sincèrement. Et si tu me laisse encore une chance, la dernière, je te promets que cette fois, tu ne le regrettas pas. Je ferai tout ce qui m'est possible sans magie pour te rendre heureuse. Je sais que je t'ai souvent déçue et que tu n'as aucune raison de rester. Je te demande juste de me laisser l'occasion de t'en donner une. Par ce que je sais aussi que tu m'aimes, même si je ne comprends toujours pas pourquoi, ni comment. Le baiser n'aurait pas fonctionné sans cela.

Une fanfare se mit à jouer dans la tête de la brunette et son c?ur, soudain aussi léger que le vent, à danser dans sa poitrine au son des tambours.

- Dans ce cas, je n'ai pas besoin de ceci, dit-elle en se saisissant de l'enveloppe de papier Kraft et en la déchirant en deux, pour mieux appuyer ses propos.

D'un pas, elle franchit la distance qui les séparait et passa ses bras autour de son cou pour mieux se coller contre lui, tandis que ses lèvres cherchaient celle de son époux.

- Le seul moyen pour moi d'être heureuse, c'est avec toi, idiot ! commenta-t-elle le souffle court, lorsqu'elle relâcha quelque peu son éteinte.

- Je ... je pensais que ... que tu voulais voir le monde. Que ... que tu pourrais ... commencer une nouvelle vie. Trouver ... trouver un prince charmant, bégaya-t-il, sous le choc.

Tout son corps tremblait de joie et son esprit avait du mal à accepter qu'elle revienne vers lui, maintenant qu'il n'avait plus rien à lui apporter. Ni pouvoir, ni magie. Il n'avait que lui-même à offrir et ce n'était pas grand-chose de son propre point de vue.

Ses pupilles saphir plongées dans celles, couleur ambre, de Rumplestiltskin, Belle sentit son c?ur vaciller. Il ne intégrait toujours pas réellement que quelqu'un puisse l'aimer pour ce qu'il était, tout simplement. Mais elle avait bien l'intention de lui démontrer le contraire. Elle s'y emploierait jusqu'à la fin de leur vie, si nécessaire.

Jamais plus, elle ne cesserait de se battre pour lui, pour eux. Contre vents et marées, et tous les Supers Héros de la galaxie, s'il le fallait.

- C'est ce que je veux, confirma-t-elle. Avec toi, à mes côtés. J'ai déjà mon prince charmant. Celui qui a terrassé le plus terrifiant de tous les dragons et qui m'a libérée de l'emprise de la Bête. C'est toi qui m'as sauvée. Tu es mon héros. Celui qui a le c?ur le plus pur. Tu es le seul que je veux. Celui que je choisis. Tu es le seul dont j'ai besoin pour être heureuse.

Sans lui laisser le temps de riposter, elle posa à nouveau sa bouche sur la sienne, sa langue cherchant à caresser son palais.

Rumple y répondit avec fièvre. Il avait failli la perdre bien trop souvent pour dénigrer la nouvelle chance qui s'offrait à lui. La dernière. Et cette fois, il ne permettait plus à rien, ni personne de s'interposer entre eux.

Leur amour avait désintégré les Ténèbres. Si les forces maléfiques les plus noires n'étaient pas de taille à rivaliser, rien ne le serait jamais.

- C'est pour toujours, Chérie, murmura-t-il, entre deux baisers enflammés.

Il sentit un sourire se dessiner sur son visage d'ange, au rappel de leur première rencontre, de leur première promesse.

- Tu as ma parole, chuchota-t-elle, tout en déboutonnant sa chemise pour insinuer ses mains sous le tissus qui recouvrait sa peau nue.

Il venait bien de déclarer que ses ardeurs étaient appréciées, sinon encouragées !

Histoire Éternelle, qu'on ne croit jamais ...