Seule. Elle était seule, absolument et indubitablement seule. Pas un bruit ni même un cri, rien hormis le son de sa respiration saccadée qui résonnait dans la Cage. Depuis combien de temps était-elle là ? Un mois ? Deux mois ? Six mois ? Il lui était impossible de se situer dans le temps, de savoir à quelle vitesse il défilait. Dans sa Cage tout était sombre, les murs semblaient se rapprocher inexorablement à moins que ce ne soit sa raison qui se fissurait de plus en plus. Peut-être était-elle en train de devenir folle ? Peut-être qu'elle était morte et que cette Cage de quelques mètres et sans lumière était son enfer ? Une damnation personnalisée pour toutes les erreurs qu'elle avait commise, c'était tout à fait probable.
Son oreille se dresse, des pas, quelqu'un qui s'approche. Le cliquetis d'une clé, une petite trappe qui s'ouvre, un plateau qui glisse vers elle.
Son unique réconfort, son petit plaisir une fois par jour. Un peu de lumière, de la nourriture et de l'eau, à rationner bien sûr, ce petit cadeau devait lui tenir toute la journée. Enfin c'est ce qu'elle croyait, étant donné qu'elle n'avait pas conscience des heures et des jours, comment savoir à quelle fréquence on la nourrissait ? La première fois qu'on lui avait déposé le petit présent dans sa Cage, elle s'était jetée sur le repas comme la misère le fait sur ce pauvre monde, se gavant telle une charogne sur un cadavre en décomposition. Quelle erreur ! Jamais elle n'avait eu autant faim de sa vie, son estomac criait tant famine qu'il lui semblait que ce dernier prenait plaisir à se tordre, lui offrant les plus douloureuses crampes qu'elle n'ait jamais connu. Mais surtout, elle avait crû mourir de soif, oui, la soif, il n'y avait vraiment rien de pire. Même le Doloris ne pouvait rivaliser avec la soif, et Merlin sait qu'elle y avait gouté à ce sortilège.
Comment était-elle tombée si bas ? C'était une guerrière, un génie, une battante, une héroïne. Dans les livres, les bons gagnent et les méchants perdent, c'était ainsi, c'était immuable, cela devait être la réalité. Mais pas sa réalité. Est-ce que les gentils avaient gagné ? Certainement pas. Est-ce que les ordures étaient vainqueur ? Peut-être pas non plus. Finalement la guerre ce n'était pas si simple, ce n'était pas seulement deux camps qui s'affrontent, hélas c'était bien plus compliqué. Des présumés gentils se révélaient mauvais, des présumés méchants se transformaient en bonnes personnes. Des héros mourraient. D'autres disparaissaient. Depuis qu'elle avait été capturée, elle était bien incapable de dire si la guerre était enfin terminée ou non. En fait la guerre ce n'est pas un duel franc et loyal de courte durée et où l'issue est claire et limpide. Non, la guerre est une salope pernicieuse qui anéantie tout espoir, qui dure des années, qui se banalise au point que plus personne ne sache si oui ou non on combattait toujours. Oui, la guerre n'était que désillusion, tristesse et mort. Mais pire que ça, la guerre était devenue banale au point les gens en oublient son existence.
Des pas précipités, un nouveau cliquetis, la porte qui s'ouvre libérant un halo de lumière aveuglant.
Déboussolée, la prisonnière se recroquevilla dans le coin de sa Cage, ses faibles petites mains sales couvrant ses yeux.
- Bordel… Allez bouge-toi ! Tu ne croyais pas qu'on te logeait gratis quand même ? fit une grosse voix en l'attrapant par le bras pour la jeter en dehors de sa prison.
Sa tête buta contre le sol gelé quand elle sentit qu'on l'agrippait par les cheveux.
- Mais tu vas te lever ! rugit-il en la secouant.
Un grognement de douleur traversa ses lèvres gercées et c'est le crâne endolori et les jambes flageolantes qu'elle parvint à se redresser péniblement. Son geôlier se décida alors à lâcher prise pour s'éloigner rapidement, lui intimant l'ordre de la suivre d'un bref mouvement de tête, ce qu'elle fit sans hésiter. Ses muscles étaient douloureux et contractés depuis le temps qu'elle ne s'était pas tenue debout. La vive lumière aveuglait ses rétines mais elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait à nouveau se permettre de les couvrir de ses mains, cela semblait agacer l'homme qui lui précédait le pas. Elle le suivit le long d'un couloir sinueux, trébuchant, mordant sa lèvre, la peur au ventre. La Peur, sa seule et unique amie depuis des années maintenant. Ou plutôt sa pire ennemie, à vrai dire elle la détestait. Mais elle restait sa fidèle compagne et sa seule alliée face au danger.
L'homme devant elle s'arrêta brusquement et lui ordonna de pénétrer dans une autre pièce, minuscule cette fois-ci. La porte se referma brusquement derrière elle, la laissant seule et terrorisée. Elle prit tout de même le temps de regarder autour d'elle, les murs étaient gris, comme toujours, mais le sol était fait de carrelage blanc, recouvert de saleté. Elle se rendit alors compte que de l'eau gisait à ses pieds, où se mélangeait crasse et sang.
Un bruit sourd en face d'elle la força à relever la tête quand un jet d'eau glacé lui brula la peau. Un cri de surprise et de douleur lui échappa tandis qu'elle tentait de reprendre sa respiration, sans succès. La force du jet la fit se plaquer contre le mur derrière elle, sa peau à vif lui provoqua des spasmes de douleur dans tout le corps. Ils avaient inventé une nouvelle méthode de torture de toute évidence.
- Dégage-moi ces guenilles et tourne-toi maintenant ! beugla la voix qu'elle reconnut aussitôt.
Elle réussit à ouvrir péniblement ses yeux et y vit son geôlier, un tuyau d'arrosage entre les mains, la mine renfrognée, comme si la nettoyer était la tâche la plus avilissante au monde. La pression du jet l'empêcha de faire un mouvement, hormis celui d'hoqueter et de suffoquer.
- Tu te grouilles ou je te refous dans ta cellule !
La Cage ! Son ennemie la Peur refit son apparition avec force, au point de lui donner l'envie de vomir. Plus jamais elle ne voudrait retourner dans cette Cage, elle préférait encore mourir que de vivre ainsi, tel un animal prêt à l'abattoir. Fermant à nouveau les yeux, elle laissa tomber ce qu'il restait de sa robe, trouée et tâchée, avant de se retourner et d'exposer ainsi son corps totalement nu à son tortionnaire. Elle le détestait. Elle ne le connaissait pas, ne l'avait même jamais vu, mais elle le haïssait. Ça devait être de sa faute si elle était ici, cette prison devait lui appartenir, peut-être était-ce lui l'homme à la trappe. Mais surtout elle se détestait de devoir se montrer nue devant cet homme, cette bête qui la traitait comme du bétail. Elle qui avait été si fière par le passé, n'était plus transie que de peur et de froid à présent.
La torture prit fin, l'eau se coupa et avec elle ses morsures gelées sur sa peau. Elle pivota à nouveau mais l'homme n'était plus là, elle ne l'avait même pas entendu sortir. La prisonnière cacha pudiquement son faible corps de ses bras tandis que les gouttes d'eau froide ruisselaient sur son corps meurtri. La porte s'ouvrit à nouveau, mais c'était une femme à présent qui lui faisait face. La vieille dame lui lança une serviette pour qu'elle essuie son corps mouillé puis l'entraina par le bras et sans un mot dans le couloir. A présent, la prisonnière était habituée à la lumière et pouvait mieux discerner ce qui l'entourait. Des Cages, partout, des dizaines et des dizaines de Cages, identiques à la sienne, où d'autres pauvres âmes, tout comme elle, devaient croupir depuis Merlin sait quand. A cette vue, sa gorge se serra. Maudite guerre.
- Entre là-dedans, fit méchamment la dame âge en la propulsant dans la pièce.
Fermement agrippée à sa serviette pour ne plus dévoiler sa nudité, elle fit l'effort de se tenir droite tout en observant la femme taciturne fouiller dans un placard. Cette fois-ci elle était dans une petite chambre, rustre, où se trouvaient un tabouret en bois et une armoire. La vielle dame lui arracha alors sa serviette et lui jeta une serpillère au visage.
- Enfile ça rapidement, gronda-t-elle le regard assassin.
Ce n'était donc pas une serpillère. Mais peu lui importait, elle avait vécu bien pire que cela. D'un geste rapide, elle fit passer la serpillère par-dessus sa tête et l'enfila telle une robe sans manche. Le vêtement semblait humide et sentait la moisissure.
- Assied-toi !
D'un bond la prisonnière prit place sur le tabouret, les mains docilement posées sur ses genoux, attendant patiemment ce qui allait suivre et priant silencieusement de toutes ses forces pour qu'elle n'ait pas à retourner dans sa Cage. La vielle dame aigrie lui attrapa férocement les cheveux et y enfonça un peigne. Elle ne parvenait pas à y croire, elle était en train de se faire coiffer. Certes, le geste était brutal, cela n'en restait pas moins inédit. Depuis le temps quelle croupissait dans sa Cage, jamais elle n'avait osé imaginer que quelqu'un puisse un jour souhaiter démêler sa tignasse rebelle.
- Quelle horreur… Je n'ai jamais vu des cheveux pareils…, pesta sa coiffeuse en tirant implacablement sur sa chevelure bouclée.
Cette remarqua la fit sourire, intérieurement du moins. Tout ce temps passé dans cette Cage lui avait ôté l'envie de sourire à tout jamais. Les minutes passèrent, le temps défila, et enfin la séance de coiffage prit fin.
- Tu vas attendre qu'on vienne te chercher, compris ? grogna sa coiffeuse et habilleuse du jour avant de partir sans même attendre sa réponse.
La porte claqua derrière elle. La prisonnière était à nouveau seule. Et si elle en profitait pour s'évader ? Cette idée lui traversa rapidement l'esprit avant d'être anéantie par son amie la Peur. Prendre le risque de s'enfuir pour finalement retourner dans sa Cage, petite et lugubre, était un pari bien trop risqué. Il fallait qu'elle sorte de cette prison, par tous les moyens, mais pas comme ça. Elle se ferait prendre à peine sortie de cette chambre, c'était perdu d'avance. Elle n'eut pas le temps de regretter sa décision quand la porte s'ouvrit à nouveau avec fracas.
Encore une nouvelle tête, un petit homme au crâne dégarni et au sourire perfide lui faisait face. Il lui demanda d'une voix doucereuse de se lever, ce qu'elle fit rapidement. Sans un mot, il tourna autour d'elle, la jaugeant de haut en bas, lui palpant les bras, touchant délicatement ses cheveux puis effleurant ses mains. A chaque touché, le corps de la prisonnière se raidit, un haut le cœur la menaçant. Elle se força à regarder droit devant elle, s'imaginant dans une magnifique bibliothèque, entourée de livres, bien loin de cette pièce sordide avec cet homme venimeux.
- Tu feras l'affaire jeune fille, suis moi ! susurra-t-il en souriant sournoisement.
Elle ne savait pas qui était le pire. Son geôlier, sa coiffeuse ou ce petit homme. Finalement, est-ce que cette prison était à lui ? Est-ce que cet endroit était bel et bien une prison ? Mais où était-elle ? C'est sans un mot qu'elle suivit le petit homme, arpentant des couloirs, descendant des escaliers, traversant une cour. Malgré ses yeux qu'elle gardait constamment baissés, elle discerna des hommes, forts et solides comme l'était son geôlier, baguette en main, parcourant le bâtiment de-ci de-là. Un cri perçant retentit alors dans la cour qu'elle traversait rapidement. Curieuse, elle releva doucement la tête et aperçut une femme au sol, trainée par un de ces hommes terrifiants, portant la même serpillère qu'elle sur le dos. On la traina jusqu'à une immense porte où un homme apparut, bien habillé, le sourire crispé et l'allure hautaine. D'un coup de poing il la fit tomber au sol avant de s'agenouiller face à elle pour lui mettre un collier au cou. Non pas un collier, une laisse.
Le sang de la prisonnière se figea. Une laisse, comme à un chien, comme à un animal, comme à une esclave. Elle n'était pas dans une prison, c'était bien pire, elle était dans un élevage d'esclaves. Elle était une esclave. C'était pour ça qu'on l'avait lavé et habillé, car elle allait rencontrer ses futurs maitres et qu'il fallait qu'elle soit présentable. De dépit, elle voulut sauter à la gorger de l'homme qui marchait d'un pas décidé devant elle. Un nouveau bâtiment leur faisait face, si elle passait la porte, elle serait foutue. Il fallait qu'elle se révolte, qu'elle combatte, au péril de sa vie.
Mais il y a pire que la mort, murmure perfidement la voix de son ennemie la Peur, il y a la Cage. Est-ce que tu veux retourner dans la Cage ?
Non ! Pas la Cage ! Tout sauf cette satanée Cage, ça elle ne pourrait jamais le supporter à nouveau. Et c'est sans même s'en rendre compte qu'elle pénétra dans la bâtisse, échappant ainsi aux terribles cris de l'esclave enchainée tandis que la porte se refermait derrière elle.
Ce bâtiment-ci ne ressemblait en rien à une prison, la froideur des murs gris avaient laissé place à la chaleur des poutres en bois. L'ensemble faisait plus chic, plus accueillant.
« La Cage pour les esclaves et le chalet pour les maitres » pensa rageusement la prisonnière.
Le petit homme, qu'elle devinait maintenant être le directeur de l'élevage, stoppa sa course folle devant une porte vitrée et se retourna lentement. Son sourire avait à présent disparu et c'est avec force qu'il lui empoigna le poignet avant de la plaquer contre le mur.
- Écoute-moi bien petite sang-de-bourge, murmura-t-il le front presque collé au siens, son haleine nauséabonde pervertissant l'air autour d'elle. Tu as intérêt à te montrer gentille une fois que tu seras dans ce bureau. Pas de coups fourrés où c'est direction ta petite cellule et je peux te jurer que je t'y laisserai croupir jusqu'à ce que tu y crèves !
Incapable de parler, elle hocha lentement la tête afin de lui faire comprendre que non, elle ne se rebellerait pas. De toute façon il était bien trop tard pour ça, tout son esprit de sédition était mort, elle n'était à présent plus qu'une carapace vide.
- Très bien, chuchota-t-il à nouveau tout sourire.
Il s'approcha alors près de la porte, lui fit signe de s'avancer et l'ouvrit. Une jeune femme l'y attendait, une tasse de thé à la main. Elle était belle, gracieuse et riche bien sûr. Une magnifique robe tombait sur ses épaules, un manteau en fourrure était posé non loin d'elle, ses bijoux semblaient capter la lumière du soleil. Elle était belle autant que la prisonnière était laide, dans ses haillons qui lui servaient de vêtement. Le pas timide et la tête baissée, elle prit place dans le petit salon et se fit aussi transparente que possible, tandis que le directeur conversait avec la demoiselle. L'homme flattait, la femme souriait, l'homme la complimentait, la femme riait. Mais tout était joué, leurs regards étaient froids, leurs ronds de jambe étaient pathétiques. Ils parlèrent de la pluie et du beau temps quand la conversation glissa vers elle. L'esclave.
A présent, on l'étudiait, le directeur prônait ses qualités, après tout disait-il, elle avait survécu neufs mois dans la Cage alors que d'autres devenaient fous au bout de trois mois à peine. Neufs mois. La folie, elle l'avait frôlé, et plus qu'une fois. La femme riche, elle, mettait en exergue ses défauts, trop laide pour représenter sa maison et son nom. Oui, ils marchandaient sa vie comme d'autres l'auraient fait pour un tapis ou un vase. A présent elle n'était plus un animal, elle ne pouvait même plus se targuer d'être un être vivant. Elle était tout bonnement reléguée au rang d'objet.
- Et comme s'appelle-t-elle ? demanda la femme aux cheveux couleur acajou.
- Pour être sincère ma dame, je n'en sais rien, répondit-il de sa voix mielleuse avant de se retourner vers elle et de reprendre plus durement. Ton nom ?
Interdite, la prisonnière avala péniblement sa salive. Son nom, pouvait-elle le leur confier ? S'ils savaient qui elle était, elle risquerait bien pire que la Cage.
Il y a vraiment pire que la Cage ? siffle perversement la Peur.
Non, il n'y a rien de pire que la Cage, néanmoins, elle ne pouvait prendre le risque de dévoiler son identité.
- Alors ? s'impatienta la jolie dame en levant les yeux au ciel. Elle est demeurée ou quoi ?
Le directeur lui lança un regard noir, la menaçant ainsi silencieusement de ce qu'elle encourait si elle ne répondait pas rapidement à sa question. Prenant son courage à deux mains, elle tenta de parler.
- Je… je…, quand une quinte de toux l'empêcha de poursuivre.
Sa voix était enrouée, depuis combien de temps n'avait-elle pas émit un seul mot ? Parler lui semblait presque douloureux. Voyant que les deux personnes en face commençaient à perdre sérieusement patience, elle refit un essai.
- Je m'appelle Helia Galicia…, chuchota-t-elle en baissant docilement les yeux.
Mais au fond d'elle, et malgré sa soumission feinte, une lionne rugissait sa colère et sa rage. Son nom n'appartenait qu'à elle et sa garce de Peur pouvait bien la fermer. Son nom, elle le garderait jusqu'à sa mort, personne ne le connaitrait jamais, et surtout pas eux. Il ne lui restait que son nom en souvenir de son ancienne vie.
« Mon nom est Hermione Granger, de la maison des Gryffondor, bande d'enfoirés », songea-t-elle hargneusement, des bribes de sa fierté passée ressuscitant du plus profond de son être.
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Et voilà ma nouvelle fiction que j'espère vous suivrez avec plaisir ! Drago Malefoy entrera dans la danse au prochain chapitre ! J'espère vraiment lire des reviews de soutien !