Me revoilà cette semaine avec un nouveau chapitre ! J'ai vraiment mis du temps à réaliser celui-ci, mais il est clairement plus long que les autres alors j'espère que vous me pardonnerez pour cette attente. À propos, j'ai répondu à la fin du chapitre à une review qui m'a beaucoup touchée et j'espère que la personne qui me la écrite prendra elle aussi le temps de me répondre car j'ai vraiment envie de parler avec elle. Sur ce, bonne lecture !


Dedicated To You

Chapitre III

Quelques instants après m'avoir prononcé cette phrase, pour le moins équivoque, Levi retourna à sa contemplation évasive du tableau et ne me prêta plus la moindre attention durant le reste du cours. Quand à moi, j'étais resté ébahi. Mais qu'est-ce qu'il avait voulu dire ? Je n'avais pas compris le sens de sa phrase mais pourtant, sans que je sache pourquoi, mes joues prirent une légère teinte rosée. J'avais senti que pendant l'espace d'un court instant nous avions noué une légère complicité. Cette communion hâtive et inavouée me retourna le cœur dans tous les sens l'espace d'un instant. Celui-ci tambourina dans ma poitrine de manière désordonnée, mais ce ne fut qu'éphémère et je retournais rapidement le regard sur mon bureau afin qu'il ne perçoive pas ma gêne. D'habitude on me parlait rarement mais que quelqu'un de mon âge s'intéresse à moi de cette manière était totalement nouveau, c'en était presque effrayant. De plus, c'était la première fois que de simples paroles me faisaient cet effet. Il y avait pas à dire, Levi était vraiment quelqu'un de spécial.


La matinée passa avec une lenteur effrayante si bien que lorsque la cloche sonna, je sautais littéralement de ma chaise pour me rendre au réfectoire. Pendant les cours, je m'étais contenté d'observer passivement le ciel à travers la lucarne à mes côtés. Parfois j'enviais les gens qui vivaient à l'extérieur, car même si la vie n'était pas toujours rose, ils étaient libres. J'imaginais les pères de famille soulever leurs enfants dans leurs bras musclés et un peux plus loin, les sourires tendres de leurs mères préparant un bon souper. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour vivre ainsi...

Mais alors que je me perdais dans mes réflexions philosophiques en me dirigeant vers la sortie de la classe, je sentis une main me saisir violemment le bras.

Aussitôt ma béatitude laissa place à une vague de panique qui me submergea. J'essayais de me dégager le plus vite possible en tentant d'ignorer la phrase qui tournait en boucle dans ma tête : ils vont te faire du mal, ils vont te faire du mal, ils vont te faire du mal...

- Oï, calme toi.

Cette voix froide que je reconnus immédiatement me ramena à la réalité et je stoppais tout mouvement. Puis, très lentement, mon regard rencontra le sien. Levi avait les sourcils froncés et m'observait en tentant de comprendre ma réaction, mais je ne lui laissais pas le temps de dire quoi que ce sois.

- Lâche-moi, murmurais-je d'une voix sombre.

Sa main quitta lentement mon poignet et je pus de nouveau respirer correctement.

- Ne fais plus jamais ça, murmurais-je en massant la légère trace rouge qui c'était formée à cause de sa poigne.

Mes paroles semblèrent l'étonner quelques secondes mais il reprit rapidement constance et n'afficha qu'un air vaguement ennuyé.

- Je voulais te demander où se trouvait le réfectoire.

Je repris instantanément mes esprits. Mais qu'est-ce qui m'avait pris de lui dire un truc pareil ?! Maintenant il allait penser que j'étais un type hyper peureux qui ne supportait pas la présence des autres (ce qui, en sois, n'était pas totalement faux). En plus, j'avais presque oublié ma mission qui consistait à l'aider à prendre ses marques dans l'établissement. C'est sûr qu'il ne pouvait pas savoir où aller si je ne lui expliquais rien !

- Oh.. Excuse moi, c'est au rez-de-chaussée !

- D'accord.

Son ton neutre me rassura presque. Au moins il n'était pas fâché contre moi, parce que je détestais par-dessus tout avoir des ennuis. Il fallait que je sois le plus transparent possible car je savais les nombreux problèmes qui m'attendraient sinon.

Je partis donc en direction des escaliers suivis de Levi qui ne décrocha pas un mot du trajet. Ensuite, arrivés en bas, nous dirigeâmes vers le réfectoire. Le sentiment de complicité que j'avais cru ressentir entre nous avait laissé place à une gêne palpable. Visiblement lui non plus n'était pas un habitué des relations sociales. Mais ce silence me pesait alors pour une fois je voulus prendre la parole pour détendre l'atmosphère devenue trop lourde.

- Alors... Pourquoi es-tu venu à Sainte-Rose ? Demandais-je timidement.

Mes mots semblèrent l'interpeller et un fin sourire moqueur étira ses lèvres pâles alors qu'il continuait à marcher d'un pas nonchalant.

- Je me suis fais virer.

- Pardon ?!

Je me retournais immédiatement vers lui les yeux exorbités. Le pire c'est qu'il ne semblait pas perturbé et que son expression restait neutre, comme s'il n'en avait rien à faire. Je pouvais même percevoir son air légèrement rêveur à la mention de ce souvenir, la cause de son renvoi devait lui être plaisante. Personnellement rien que d'imaginer être renvoyé me donnait des sueurs froides, je ne pourrais jamais survivre seul et sans repère, impossible. Même si ma vie ici était monotone, je pouvais toujours compter sur les murs froids de l'établissement pour me fournir quelque chose auquel me raccrocher. Sans ça j'étais perdu comme un enfant dans le noir. Et puis, pourquoi avait-il été renvoyé ? Malgré son sourire cela devait être grave parce que ce genre de chose était rare par chez nous. Il avait peut-être été insultant envers un adulte, ou pire, il avait peut-être fait du mal à quelqu'un ?

Pendant ce temps, alors que des dizaines de questions farfelues se bousculaient dans ma tête, Levi m'observait juste avec son petit sourire en coin.

- Nous sommes arrivés, me fit-il remarquer d'une voix où l'on pouvait discerner une légère pointe de moquerie.

Il me tira de mes pensées et je remarquais qu'effectivement nous étions debout devant la grande porte en bois massif du réfectoire où mes pas m'avaient conduit instinctivement.

- Oh, c'est vrai, suis-moi !

Nous rentrâmes donc à l'intérieur de manière discrète (pour moi) et nonchalantes (pour lui). Mais bientôt, ce que je redoutais arriva et j'aperçus plusieurs regards inquisiteurs dans notre direction. Plusieurs élèves chuchotaient à voix basse sur notre passage et beaucoup se retournaient pour détailler Levi sans la moindre gêne. C'est vrai qu'avec son attitude à la fois rebelle et nonchalante, il avait tout du méchant garçon qui collectionnait les ennuies. Je me dépêchais donc de rejoindre la table de notre classe pour éviter les regards trop persistants à mon goût, toujours suivi de Levi qui ne prêtait pas la moindre attention aux autres élèves. Je soupirais lentement une fois arrivé car il était peu probable que d'autres personnes remarquent sa présence à présent. Je pouvais enfin souffler.

Je m'installais donc sur le banc à ma place habituelle mais je remarquais avec surprise que Levi s'asseyait à mes côtés. Je ne comprenais pas, pourquoi est ce qu'il voulait rester avec un type comme moi alors que tous les autres étaient mille fois plus intéressant ? Décidément, Levi était vraiment étrange.

Je décidais de l'ignorer, persuadé qu'il finirait bien par partir, mais ce ne fut pas le cas. Il était plutôt tenace. J'abandonnais rapidement car jouer à ce petit jeu avec lui ne me mènerait à rien. Alors je restais simplement assis à attendre que le déjeuner soit servit. Ici le repas se composait souvent d'un bouillon de légumes où trônaient parfois quelques morceaux de viande et d'une tranche de pain rassis. Pour des jeunes garçons en pleine croissance, c'était vraiment peu.

Quelques minutes plus tard, le réfectoire fut rempli et j'entendis le bruit des conversations résonner dans la pièce. Toute notre classe fut alors au complet sur notre table attitrée et les discutions allèrent bon train. Malgré tout, je pus sentir des regards peser sur nous. Ils devaient se demander pourquoi Levi persistait à rester avec moi, même à l'heure de midi. C'est vrai que depuis son arrivée il n'avait pas adressé la parole à qui que ce sois d'autre et, malgré que ce sois un peu égoïste, j'étais plutôt fier que quelqu'un comme lui s'intéresse à moi.

Mais la mère Sina arriva avec son éternel visage fermé et coupa court à mes pensées. À sa vue, mon corps se raidit instinctivement et je pâlis. Elle me faisait toujours cet effet.

Nous nous levâmes comme un seul homme pour l'accueillir comme il convient.

- Asseyez-vous.

Puis, comme pour ce matin, chacun récita la prière à la perfection. Enfin, sauf Levi. À la stupéfaction générale, il resta stoïque et ne fit même pas l'effort de faire semblant de parler, comme si tout cela était d'un ennuie mortel. Aussi, comme je m'y attendais, lorsque nous fûmes assis et que le déjeuner fut servi, les autres le bombardèrent de questions.

- Pourquoi tu n'as pas récité la prière, t'es malade ou quoi ?! Lança un premier.

- Ouai, si la mère Sina t'as vu, tu es mort !

- J'en ai rien à foutre, répondit-il d'une voix froide.

- Eh bah, je peux te dire que tu vas pas faire long feu ici si tu ne respectes pas les règles, s'exclama un autre, pas vrai Eren ?

Mon visage devint livide alors que toute la classe se mit à rire à gorge déployée en observant ma réaction. Je savais que la plupart des élèves qui étaient à Sainte-Rose depuis plusieurs années étaient au courant de mon passé, mais de là à ce qu'ils s'en servent contre moi me mit dans une rage folle. Car au-delà du fait que je m'étais fait battre par elle, il y avait autre chose dont j'avais honte : la raison de sa brutalité envers moi. Je ne voulais absolument pas en parler et encore moins que Levi soit au courant. Je devais vite étouffer le sujet. Alors au lieu de laisser ma colère éclater, je me tus et gardais le regard fixé sur mon assiette.

- Bah alors Eren, t'as perdu ta langue ?! S'exclama soudainement Jean.

Les autres l'accompagnèrent dans son hilarité alors que je ne protestais toujours pas. Pourtant sans que je ne le remarque, une autre personne ne riait pas. Levi. Il avait les yeux braqués sur moi et les sourcils plus froncés qu'à l'accoutumer. Il ne comprenait pas.

Alors pour le rassurer, je me composais un visage et tournais le regard dans sa direction.

- Ce n'est rien d'important, murmurais-je.

Mais Reiner, l'élève en face de moi, entendit mes propos et s'exclama d'une voix forte.

- Vous entendez ça, Eren a retrouvé sa langue ! Alors, si ce n'est pas important, tu ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on en informe notre nouveau camarade, pas vrai ?! Après tout, il ne faudrait pas qu'il traine avec un type dans ton genre !

Ses paroles me firent frémir et je tentais de l'empêcher de divulguer quoique se sois à Levi qui nous regardait suspicieusement.

- Non, Reiner arrête !

- Ferme là Eren, on sait tous pourquoi tu t'aies fait botter le cul par la mère Sina, cracha Jean, de nouveau intéressé par la conversation. Un de plus ou de moins, ça change quoi ?

- Je ne veux pas ! Hurlais-je soudainement.

Il y eut un silence durant lequel je tentais de retrouver mes esprits. La puissance de ma voix m'avait moi-même surpris et je restais complètement hébété. Mais Jean n'en resta pas là et se mit à rire sournoisement.

- Ah, je vois, tu ne veux pas parce que...

- Silence ! Cria soudainement l'une des surveillantes qui s'approchait à grands pas de notre table.

Nous baissâmes tous la tête sur nos assiettes et certains firent semblant de manger tranquillement. Je ne laissais rien paraître mais j'étais vraiment soulagé que Jean n'est pas eut le temps de dire quoique se sois. Pour une fois que quelqu'un s'intéressait à moi, je ne voulais pas que Levi me haïsse comme ceux avant lui. C'est pour ça qu'il ne devait rien savoir.

- Que se passe t'il ici ?! S'exclama la vielle femme aigrie.

Jean m'envoya un rapide regard mauvais et fut le premier à parler la femme qui attendait fermement une réponse.

- Excusez-nous madame, nous étions tous excité par l'arrivée de notre nouveau camarade mais cela ne se reproduira plus.

Charmée par l'air (faussement) désolé de Jean, celle-ci n'ajouta rien et repartit s'occuper d'autres tables. Voilà pourquoi Jean avait beau être le pire des tortionnaire, personne ne s'en prenait jamais à lui : son incroyable repartie et sa facilitée déconcertante à mentir était des atouts précieux qu'il maîtrisait à la perfection. Il était donc devenu au fur et à mesure une sorte d'icône ici, le genre de personne avec qui l'on veut rester pour protéger ses arrières. Mais dès le début, je n'étais pas rentré dans le moule. Depuis le jour de notre première rencontre, nous nous étions entendu comme chien et chat. Il me haïssait parce que je refusais de me soumettre et d'admettre son autorité. Je n'allais quand même pas me laisser mener par le bout du nez par un abruti fini !

Autrefois je l'avais souvent vu passer à tabac des pauvres petits rouges parce qu'ils lui étaient rentrés dedans sans faire attention. Ce type me répugnait, c'était viscéral.

- T'as de la chance cette fois-ci Eren, mais dis-toi bien que la prochaine sera la bonne, murmura faiblement Jean à mon attention.

Je l'ignorais et finissais mon repas sans un mot. Franchement je n'avais pas envie de parler après ça, surtout si c'était pour que Levi me pose des questions sur mon passé. Mais celui-ci resta muet et ne me jeta pas un regard, ce qui m'inquiéta d'ailleurs un peu. Après tout ce qu'il avait entendu sur mon compte, ça l'avait peut-être dégoûté ?

- Levez-vous en silence et rejoignez vos salles de classe ! Hurla soudain une surveillante qui me fit remarquer que le déjeuner était terminé.

Décidément j'avais vraiment la tête ailleurs ces derniers temps. Il vaudrait mieux pour moi que je me ressaisisse rapidement où mes notes risqueraient d'en pâtir. Je n'allais quand même pas gâcher toutes ces années de dur labeur pour quelqu'un, même si cette personne était Levi. Il fallait que je l'oublie quelque temps car, après tout, m'occuper de lui n'était que temporaire et il m'oublierait certainement d'ici quelques semaines.

C'est sur cette dernière pensée que nous nous levâmes avant de rejoindre nos classes respectives, mon âme encore tourmentée de questions sans réponses.


Les deux heures de mathématiques passèrent à une vitesse si lente que je crus un instant que j'allais m'endormir sur place. Je n'avais jamais aimé cette matière, mais je crois que cette fois-ci la fatigue avait eu raison de moi pour me plonger dans un état de semi-conscience. Le regard dans le vague tourné vers la fenêtre, j'avais de nouveau imaginé ma vie hors de l'orphelinat. Durant le fil de mes pensées le nom de Levi était apparu plusieurs fois, bien que je m'étais promis d'essayer de l'oublier, je me posais quand même des questions à son sujet. Tout d'abord le motif de son renvoi qu'il ne m'avait pas précisé, et puis sa vie d'avant en général piquait ma curiosité à vif. C'était la première fois que j'éprouvais ce besoin d'en savoir plus sur quelqu'un et que je m'intéressais à autre chose qu'à la lecture ou ma tranquillité. Pourtant il n'avait fait que débarquer en cours d'années dans ma classe, lui et son air constamment renfermé et froid, mais cela m'avait procuré un sentiment étrange, comme si ma vie allait être bouleversée.

- Il est l'heure, vous pouvez sortir, annonça la voix forte de notre institutrice.

Plusieurs exclamations de joie se firent entendre mais la nonne les balayait aussitôt d'un coup sec en claquant sa règle sur la table.

- Un peux de respect, jeunes hommes !

Le silence revint et elle afficha un air triomphant. C'était toujours la même chose ici. Les soeurs passaient constamment leurs nerfs sur nous, je pense qu'elles obtenaient ainsi un sentiment de satisfaction et s'amusaient à nous humilier encore plus.

- Bien, vous pouvez y aller.

Nous nous levâmes en silence pour ne pas attirer ses foudres et préserver le peut de temps de récréation dont nous bénéficions. Car en effet, nous n'avions qu'une pause le matin et l'après-midi, suivit d'un court temps libre le soir. Toute cette rigidité, ce maintien de l'ordre au prix de douloureux apprentissage, pour préserver l'équilibre précaire de ce lieu me paraissait arbitraire. Nous n'avions aucune liberté et j'avais constamment ce sentiment de n'être que du bétail enfermé dans une cage.

Laissant mes pensées divaguer une fois de plus, je suivis machinalement le groupe sortir de la classe et se diriger vers l'extérieur. Arrivés dehors, certains poussèrent des exclamations de soulagement et partirent dans tous les sens. Quand à moi, je m'approchais lentement de mon banc favori à l'autre bout de la cour, près d'un magnifique saule pleureur. De là, j'avais une vue imprenable et aucun détail ne m'échappait. Mais c'était aussi un endroit calme et paisible où je pouvais lire sans crainte d'être dérangé par les autres. Mais parfois, lorsque j'étais las de lire, je m'amusais à observer les autres jouer au ballon sans que ceux-ci ne puissent me voir. J'avais ainsi l'impression que malgré le fait que je ne sois pas avec eux, je pouvais me tenir informé en les observant. J'oubliais totalement Levi, qui avait mystérieusement disparu à la sortie de cours, et avançais d'un pas tranquille vers mon petit coin de paradis.

La cour extérieure était plutôt vaste et bien entretenue comparée à notre bâtiment décrépit. La pelouse était verte et bien taillée et au printemps les fleurs nous embaumaient d'une délicieuse odeur qui ajoutait une petite touche de douceur à nos sorties. De plus, quelques arbres parsemés ici et là agrémentaient le tout de manière très agréable. C'était vraiment un endroit que j'affectionnais particulièrement et j'aimais y venir le plus souvent possible avec un bon livre pour profiter de ce cadre enchanteur. Au fil du temps, mon petit banc était devenu mon seul lieu de réconfort où je pouvais me retrouver en paix. C'était réellement mon paradis.

Pourtant ce jour-là, alors que je m'asseyais comme à mon habitude, un étrange sentiment s'empara de moi. Une sorte d'instinct me fit frissonner désagréablement et mes muscles se contractèrent. J'avais un mauvais pressentiment. Il allait se passer quelque chose. Alors, sur mes gardes, je jetais un regard anxieux tout autour de moi dans l'espoir de mettre la main sur ce qui me tracassais.

Soudain, une voix apparut dans mon dos et déchira le silence angoissant dans lequel j'étais plongé. Et cette voix, j'aurais préféré ne jamais l'entendre.

- Alors Eren, tu pensais pouvoir t'en sortir aussi facilement ? Murmura froidement Jean.

Je sautais sur mes deux pieds, prêt à prendre mes jambes à mon coup, mais plusieurs garçons se jetèrent sur moi et m'immobilisèrent. Je fus violemment agrippé de tous côtés, si bien qu'il m'était impossible de faire le moindre mouvement, et agenouillé par terre de force. Je tentais de me débattre comme un fou mais ils étaient plusieurs et ils avaient une poigne de fer, ces gars devaient être à la solde de l'autre abruti. Je relevais alors difficilement la tête pour fixer Jean avec mépris.

- Oh, mais on dirait qu'Eren n'est pas content à ce que je vois ! Ricana-t-il malicieusement. Ça m'arrange que tu affectionnes un coin si reculé de la cour, comme ça je n'ai même pas à venir te chercher !

Ses amis éclatèrent de rire alors que j'essayais tant bien que mal de m'enfuir le plus vite possible. Mon coeur cognait douloureusement dans ma poitrine et ma respiration devenait de plus en plus saccadée.

- Ils vont te faire du mal, ils vont te faire du mal, ils vont te faire du mal...

Mon instinct de survie pris immédiatement le dessus et je mordis rageusement la main de l'un de mes tortionnaires.

- Aie putain ! s'exclama-t-il.

Aussitôt le pied de Jean s'écrasa dans mon abdomen sans que je puisse faire quoi que ce sois et je m'effondrais au sol le souffle coupé. Après quelques secondes je pus de nouveau reprendre ma respiration mais une toux déchirante s'empara de mes poumons. Malgré la folie ambiante je pus discerner une tache rougeâtre s'écoulant de la main que j'avais plaquée contre ma bouche. Du sang.

- Bah alors Eren, c'est tout ce que t'as dans le ventre ?! S'exclama Jean qui, visiblement, prenait son pied. Ne me dit pas que c'est déjà fini !

Je relevais mon regard haineux pour le toiser avec mépris, mais ne répondais pas à la provocation. Si j'insistais, ce serait pire. J'avais déjà eu affaire à Jean par le passé et la meilleure solution avec lui était d'attendre qu'il se lasse car plus nous nous débâtions, plus il prenait du plaisir à continuer sa torture. Et ce petit jeu pouvait durer longtemps.

- C'est bien, je vois que tu comprends dans quelle situation tu es, murmura-t-il en s'agenouillant pour arriver à ma hauteur, alors laisses-toi faire, d'accord ?

Je baissais les yeux, résigné. Alors il attrapa violemment mes cheveux et repoussa ma tête en arrière pour me planter un direct du droit au même endroit que précédemment. Un long râle rauque s'échappa de ma gorge.

- Parfais, me susurra-t-il a l'oreille, j'aime entendre le supplice dans ta voix.

Alors que je tentais de reprendre mon souffle, un autre coup de poing s'abattit sur ma tempe droite et je fus propulsé au sol. Je pouvais sentir le sang dégouliner de mon arcade sourcilière et se rependre le long de mon visage. Ma tête me lançait affreusement et je ne pouvais plus me relever, je ne pouvais plus bouger tout court. Des gémissements plaintifs peinaient à sortir de ma bouche et mon souffle était toujours aussi haché. Cette fois j'étais vraiment mal, il allait littéralement me buter.

Mais soudain, alors que je perdais tout espoir, une voix froide s'éleva dans l'air.

- Oï, qu'est-ce qui se passe ici ?

Même malgré la douleur et l'agitation, je pus discerner le visage furieux de Levi. Les lèvres pincées, les sourcils froncés et l'aura menaçante qu'il dégageait eurent raison de l'euphorie générale et un silence de mort s'installa. Ses deux orbes grises ne me lâchèrent pas une seule seconde. Il sembla analyser la scène un instant avant de s'avancer d'un pas décidé vers Jean qui riait beaucoup moins depuis son arrivée. Malgré tout, il tenta de sauver la face en se composant un rictus moqueur qu'il eut du mal à conserver devant le regard noir de Levi.

- Alors le nouveau, toi aussi tu veux profiter de la fête ? Ricana-t-il sans grande conviction. On t'en laisse un bout, si tu veux !

Ses paroles n'eurent aucun effet sur Levi qui continua à avancer droit devant lui avec son air fermé, ce qui échauffa encore plus les nerfs de Jean.

- Réponds quand je te parle !

Il l'ignora superbement et s'agenouilla tranquillement près de moi. On aurait dit que sa colère s'était transformée en une rage sourde qu'il contenait derrière un masque d'impassibilité. Malgré tout je ne pouvais toujours pas bouger, ma tête me faisait un mal de chien et j'allais certainement avoir plusieurs hématomes sur le torse.

- Ça va aller ? Me demanda-t-il le plus calmement possible.

J'eus de la peine à ouvrir ma bouche pour laisser sortir quelque chose de cohérent tant ma gorge était serrée.

- J'ai mal, murmurais-je.

Il inspira lentement, puis, se redressa.

Quelques secondes plus tard un craquement sinistre se fit entendre mais je ne pus discerner la scène. J'entendis simplement de grands cris s'élever, certains de douleurs et d'autres de peur.

- Enfoiré, tu me le paieras ! Toi et l'autre minus vous êtes des hommes morts ! Cria Jean. Mais sa voix était étrange, comme déformée par la douleur.

Je pus discerner les pas et les exclamations des élèves qui s'éloignèrent en courant et même Jean prendre lui aussi la fuite. Nous nous retrouvâmes bientôt seuls, Levi et moi. À cet instant je compris se qu'il venait de ce passer. Levi venait de déboiter la mâchoire de Jean en un coup de poing et en voyant ça, ils avaient tous pris peur et c'étaient enfouis. Mais à vrai dire, je m'en fichais. Plus rien n'avait d'importance car Levi était là et rien d'autre ne comptait. Sa présence à elle seule avait suffi à apaiser la douleur qui se propageait en moi. Avec lui, rien ne pouvait m'arriver. Bizarrement ce sentiment me fit autant de bien qu'il m'effrayât, après tout, c'était la première fois que l'on prenait autant soin de moi et ça avait quelque chose... d'étrange.

- Oï Eren, tu m'entends toujours ?

Mon corps m'interdisait tout mouvement mais je fis un effort surhumain pour hocher lentement la tête. Alors il s'agenouilla de nouveau près de moi puis relâcha un profond soupire qui me sembla être à cause de mes dégâts. Un léger gémissement de douleur m'échappa lorsqu'il me souleva pour reposer ma tête sur ses genoux. Ainsi je n'étais plus à même le sol et je pus voir son visage penché au-dessus de moi. Il me contemplait d'un air triste en caressant distraitement mes cheveux. Je devais vraiment faire peine à voir. Ses doigts glissèrent le long de mon visage et effacèrent au passage quelques traînés de sang. Je fermais lentement mes yeux pour profiter encore un instant de ce contact éphémère. Jamais personne n'avait été ainsi avec moi. Son pouce caressa doucement ma joue et il prononça ces quelques mots :

- Tout va bien maintenant, je ne laisserais plus personne te toucher.

À cet instant, sans savoir pourquoi ni comment, quelques gouttes d'eau salées s'échappèrent de mes paupières closes. Il les balaya d'un revers du pouce. Juste une phrase, une petite phrase, avait déclenché un torrent d'émotions en moi. Des dizaines de sensations contradictoires se bousculaient dans mon esprit, jamais autant qu'à cet instant, je ne fut plus bouleversé. Mais malgré tout, pouvais-je lui faire confiance ?

Je rouvris lentement mes yeux émeraude et nos deux regards se nouèrent pendant une fraction de seconde qui sembla durer une éternité.

Oui. Oui je pouvais avoir confiance en lui car quoique je fasse, quoi que la vie nous réserve, il ne m'abandonnerait jamais. Alors, pour la première fois de ma vie, j'eus une épaule sur laquelle reposer ma tête.

- Merci, murmurais-je.

Ce fut les dernières paroles que nous échangèrent car une seconde plus tard, un profond sommeil s'empara de moi.


Merci d'avoir lu ce troisième chapitre !

J'espère qu'il vous aura plu car j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire,

Rendez-vous au chapitre IV,

Et gros bisous à tous !

PS : Une petite review pour partager vos impressions sur ce chapitre me serait très bénéfique car j'hésite un peu sur le chemin à suivre pour la suite de notre histoire. Alors si vous avez un avis, des idées ou quoique ce sois d'autres, je vous serais très reconnaissante de me le partager. Et puis, un encouragement est toujours le bienvenu pour une auteure pas trop sure d'elle...

Ninu : Je voulais te dire que ton commentaire m'avait vraiment énormément touchée. Je ne sais pas si tu t'en rend compte mais quand je l'ai lu j'avais les mains qui tremblaient et j'ai été parfaitement incapable de me concentrer sur quoique ce sois d'autre pendant au moins une heure. Ton histoire m'a vraiment chamboulée et je ne pensais pas qu'en écrivant ma fanfiction je pourrais rencontrer des gens comme toi, franchement tu as tout mon respect. Pour répondre à ta question je dois te dire que je n'ai, moi-même, jamais subit ce genre de persécution mais je m'y connais pas mal sur le sujet grâce à de nombreuses recherches préalables. Je serais heureuse de recevoir de tes nouvelles si tu en as envie et, si tu y consens, parler de ton ressentit face à ça. Merci beaucoup et, j'espère, à bientôt.