Je m'appuie contre l'encadrement de la porte de la salle de bain et je regarde amoureusement James donner son bain à Harry. Bébé a grandi et parvient à se tenir assis dans la baignoire, ce qui lui permet de taper sur l'eau et d'en envoyer partout sur son père dans un éclat de rire sonore qui nous contamine tous les deux.
« Vous avez le même rire, c'est hallucinant, je souffle à l'adresse de James qui se retourne en souriant.
- Oh, mais il a ton sens de l'humour, me conforte t-il alors que le petit lui envoie un nouveau jet d'eau à la figure.
- Mon sens de l'humour ?
- Il aime bien martyriser son père, explique t-il en ricanant. »
Je pouffe, lève les yeux au ciel, secoue la tête, me poste derrière lui pour lui ébouriffer les cheveux pendant qu'il passe un gant de toilette tiède sur le visage de notre fils, puis je m'assois sur le rebord de la baignoire et pousse un cri aigu lorsqu'Harry me fait subir le même sort qu'à son père.
« Hé, tu t'attaques à ta mère, là. Tu te rends compte qu'elle a a souffert pendant 9 mois à cause de toi ?
- James ! Ne lui dis pas ça ! Je proteste en riant.
- Tant pis pour toi mon vieux, le bain est terminé ! Tranche t-il sans me prêter aucune attention lorsque le bébé réitère. »
Il sort Harry du bain et l'enveloppe dans une serviette beaucoup trop grande pour lui. J'éclate de rire quand il entreprend de lui sécher les cheveux et d'en profiter pour le coiffer, se mettant à pester contre l'héritage familial.
« Merlin, forcément, il fallait qu'il ait mes cheveux, ronchonne t-il.
- Je t'avais prévenu...
- Je sais, mais j'avais encore un petit espoir... Tu as modifié tellement de choses, pourquoi est-ce que ça n'a pas changé ? »
Je hausse les épaules en souriant et le regarde lui enfiler son pyjama, pensive, les bras croisés contre ma poitrine. C'est dans ce genre de moment, quand je suis plongée dans un quotidien banal que j'affectionne totalement, que je me souviens de ma discussion avec le professeur Dumbledore et que mes peurs viennent me prendre à la gorge.
Le destin. C'est le destin. C'est comme ça. Je vais mourir, il va mourir, et j'ai beau me dire et me répéter que je l'accepte, je n'arrive pas à lâcher prise, je n'arrive pas à prendre de la distance avec tout cela, je n'arrive pas à m'empêcher de m'accrocher à ce minuscule espoir à l'intérieur de moi.
Je n'ai rien révélé à James. Parfois, je me dis que je devrais peut-être. D'autres fois, je réalise que je ne peux pas lui faire subir ce que je vis. Je ne veux pas qu'il se réveille en sursaut toutes les nuits dès que le vent souffle un peu fort dans les branches d'arbre, dès que le moteur d'une voiture se met en marche dans la rue, dès que la pluie tape un peu fort contre les carreaux. De toutes façons, il a vu la prophétie dans la pensine, il doit se douter de ce qu'il peut arriver, mais peut-être qu'il pense que j'ai changé cela aussi.
Je ne veux pas qu'il sache que j'ai peur à chaque fois que l'on frappe à la porte et que je ne sais pas qui je vais découvrir derrière. Je ne veux pas qu'il sache que tous ses efforts sont vains et que même s'il parvenait à installer le fidelitas, nous n'aurions aucune chance de survie. Je ne veux pas qu'il sache qu'il ne peut rien faire pour nous parce que ça l'anéantirait.
Il m'est arrivée de retourner voir le professeur Dumbledore, de discuter avec lui, de parler de tout ce que j'ai fait et qui n'a servi à rien, de tous ces mangemorts que j'ai traqué en songeant que je pourrais sauver James, de Peter et de Severus Rogue, du fait que même si les deux situations ont été gérées, nous ne sommes pas en sécurité, du fait que je pourrais essayer de modifier cent fois l'histoire sans pouvoir pour autant en changer la conclusion.
Le plus dur là dedans, c'est sûrement de savoir que la seule chose que je puisse faire, c'est attendre que la mort vienne me cueillir. Être heureuse, et savoir que tout peut s'arrêter dans l'heure qui suit, dans la minute qui suit, dans la seconde qui suit. Parfois, quand je m'en rends compte, je respire profondément. J'essaie de ne pas céder à ma panique intérieure, je m'accroche à James et à Harry, et je me jure de ne pas partir sans m'être répétée cent fois que j'ai eu de la chance de les avoir.
« Tout va bien ? »
Je sors de ma torpeur et retrouve James en face de moi qui m'observe avec curiosité. Harry n'est plus dans ses bras, il a dû aller le coucher, et je regrette d'être si absente mentalement que j'ai raté ce moment.
J'acquiesce simplement mais je sais que ce n'est pas suffisant, que ce n'est pas une réponse, que c'est un mensonge qui ne le dupe pas, mais je sais aussi qu'il ne me poussera pas à lui dire ce qu'il se passe dans ma tête. Il sait maintenant qu'il vaut mieux qu'il reste parfois dans l'ignorance.
« Etre enfermée... C'est plus dur que je ne le pensais. »
Il soupire, passe une main dans ses cheveux, acquiesce, puis parcourt les quelques mètres qui nous séparent et retire délicatement l'élastique qui retient ma queue de cheval, un léger sourire apparaissant sur son visage quand mes yeux rencontrent les siens.
« C'est vraiment ta réponse ? Je lui demande en riant.
- Quoi ?
- Faire l'amour dans la salle de bain pour me faire oublier que nous sommes cloîtrés ici, je lui explique en sachant très bien ce qu'il a derrière la tête.
- Est-ce que ça peut marcher ? »
Il balance mon élastique derrière lui et plonge ses yeux dans les miens en attendant une réponse mais je perds mes mots. Son sourire s'élargit, et il sait que je ne peux rien faire contre ça. Merlin. Mon cerveau est déjà en train de déboutonner sa chemise mentalement. Je rougis quand je réalise qu'il doit probablement deviner ce que je suis en train de penser, et je me demande à quel moment exactement je vais arrêter d'être intimidée à chaque fois qu'il se trouve à moins de deux pas de moi.
« Harry va sûrement se mettre à pleurer d'une seconde à l'autre, je lui fais remarquer en jetant un coup d'oeil coupable vers la porte entrouverte.
- Harry dort, tranche t-il en fermant la porte d'un coup de baguette.
- Harry ne dort jamais.
- Crois-moi, il dort.
- Quoi ? Tu lui as lancé un sort d'épuisement ou quelque chose comme ça juste pour pouvoir m'avoir pour toi tout seul ? »
Il arque un sourcil puis éclate de rire, secoue rapidement la tête et pose ses mains sur mes épaules.
« On a joué tout l'après-midi. Il est exténué.
- Oh. Je vois. Bien vu, Potter, je le félicite en posant mes mains sur les siennes. »
S'il y a bien quelqu'un qui peut fatiguer Harry, c'est son père. Qui de mieux placé qu'un maraudeur pour en épuiser un autre, aussi jeune soit-il ? Nous avons essayé des tas de technique pour qu'Harry fasse des nuits complètes, mais la seule qui fonctionne, c'est quand son père, Sirius, ou Rémus le font jouer toute la journée.
« Alors...
- Alors... Je répète en nouant mes mains autour de son cou.
- Qu'est-ce que tu veux faire ?
- Une bataille explosive ? »
Je me retiens d'éclater de rire quand je vois son air renfrogné, et je ne peux pas résister plus longtemps. Je me mets sur la pointe des pieds et je l'embrasse. C'est bizarre comme je me sens à la fois complètement heureuse et profondément anéantie. Tout cela, ça ne sera plus que du vent, bientôt. Nos baisers n'existerons plus. Les quatre murs de cette maison seront tout ce qui restera de nous, avec Harry si nous avons de la chance. Espérons.
Je l'espère du plus profond de mon cœur. J'espère que le professeur Dumbledore aura raison, que Harry survivra et que peut-être notre mort déclenchera quelque chose de bon pour l'Ordre. Si c'est supposé arriver, c'est que quelque chose d'immense doit en découler, non ? Nous devons changer la donne, et si nous n'y sommes pas parvenus de notre vivant, c'est peut-être parce que nous ne pouvons le faire qu'à travers notre mort.
Plus mes pensées s'assombrissent et plus notre baiser s'intensifie. Je retiens des larmes que je ne laisse plus couler depuis longtemps quand je pense que ça pourrait être la dernière fois, ça pourrait être la dernière fois que je l'embrasse comme ça, que je le tiens comme ça, que ses mains me touchent comme ça.
Ça pourrait être la dernière fois que l'on s'aime comme ça. Ça pourrait être la dernière fois qu'il défait la fermeture de ma robe avec autant de douceur et de prévenance. Ça pourrait être la dernière fois qu'il la fait glisser le long de mon corps avec une lenteur qui me permet de ressentir le moindre frottement sur ma peau.
Ça pourrait être la dernière fois que j'entends le bruissement de mon vêtement qui tombe à mes pieds, ce son particulièrement agréable à mes oreilles, et encore plus aux siennes. Ça pourrait être la dernière fois que je suis soulagée qu'il porte une chemise et que je ne sois pas obligée d'arrêter de l'embrasser pour la lui retirer. Ça pourrait être la dernière fois que sa langue et la mienne se rencontrent sans jamais vouloir se quitter.
Ça pourrait être la dernière fois qu'il me hisse sur le meuble de salle de bain et que le contraste de son corps bouillant et de la faïence froide me fait frissonner. Ça pourrait être la dernière fois qu'il choisit de me toucher là où il sait que j'aime qu'il me touche plutôt que de simplement retirer mes sous-vêtements et de finir sans attendre ce que nous avons commencé.
Ça pourrait être la dernière fois que je ressens jusqu'au plus profond de moi des trémolos, un chamboulement, une musique désordonnée mais addictive que le plus grand brouhaha du monde ne saurait couvrir. Ça pourrait être la dernière fois que je réalise qu'il me connaît mieux que personne quand il fait courir son index le long de ma colonne vertébrale en me provoquant un violent frisson.
Ça pourrait être la dernière fois que nous oublions de respirer pour mieux nous embrasser, que nous nous en rendons compte simultanément, et que nous sommes obligés de nous séparer rien que pour pouvoir éclater d'un rire fou parce que tout cela est dingue et que nous ne l'ignorons plus.
Ça pourrait être la dernière fois que nous sommes aussi conscients de l'amour que nous nous portons. Ça pourrait être la dernière fois que ses yeux noirs épinglent les miens et que je sais qu'il donnerait tout pour que ce moment dure une éternité. Ça pourrait être la dernière fois que je n'ai pas besoin de laisser les mots dévaler le seuil de mes lèvres pour lui avouer que moi aussi.
Ça pourrait être la dernière fois que je m'écarte légèrement de lui quand il essaie de m'embrasser juste pour pouvoir encore le regarder et m'assurer de garder en mémoire son visage parfait. Ça pourrait être la dernière fois que je laisserais mon pouce glisser sur ses lèvres avant d'y reposer les miennes, ça pourrait être la dernière fois que je ferme les yeux pour ne ressentir que lui, imprimer la sensation de sa langue contre la mienne et de sa bouche sur la mienne.
Ça pourrait être la dernière fois que son odeur me rend ivre, se mélange à la mienne, que je me rapproche de lui pour qu'elle s'incruste sur mon corps et ne le quitte jamais. Ça pourrait être la dernière fois que j'oublie l'injustice de la vie. Ça pourrait être la dernière fois que je ne suis plus moi et que l'océan de tristesse est à sec.
Ça pourrait être la dernière fois qu'il m'attrape habilement pour m'emmener dans notre chambre et que je souris contre sa bouche parce que je réalise que nous avons fait cela tellement de fois qu'il connaît le chemin par cœur et qu'il n'a même pas besoin d'arrêter de m'embrasser pour parvenir jusqu'au lit sur lequel il m'allonge précautionneusement.
Ça pourrait être la dernière fois que je proteste quand sa bouche quitte la mienne et que mes contestations se transforment en soupirs de plaisir quand il descend le long de mon ventre jusqu'à mon entrejambe. Ça pourrait être la dernière fois que j'entends son rire limpide, que je le sens glisser sur mon corps et s'y accrocher comme un tatouage. Indélébile, indestructible, inusable.
Ça pourrait être la dernière fois que je tire sur ses cheveux pour le supplier de revenir m'embrasser, qu'il m'envoie un sourire narquois en prenant le temps de déposer des baisers par ci par là parce qu'il sait que ça m'énerve autant que ça me transporte.
Ça pourrait être la dernière fois que, morte d'impatience, je profite d'une demie seconde d'inattention de sa part pour le faire basculer sur le lit et prendre le contrôle. Ça pourrait être la dernière fois qu'il lutte pour essayer de retrouver sa place initiale, ça pourrait être la dernière fois que je me rends compte qu'on s'est toujours battus pour avoir le dessus et que nous avons toujours eu la sensation de gagner peu importe l'issue de notre querelle.
Ça pourrait être la dernière fois que nous roulons, roulons, roulons, et finissons sur le sol en éclatant de rire, moi au dessus de lui, mes mains lâchant ses poignets, abandonnant toute lutte pour venir se loger dans les siennes en même temps que ma bouche s'écrase sur la sienne et que mes hanches bougent impatiemment contre les siennes. Ça pourrait être la dernière fois. Ça pourrait être la dernière fois que nous faisons l'amour.
« Si je meurs demain, comment est-ce que tu te rappelleras de moi ? »
Nue dans notre lit, les cheveux éparpillés autour de moi, je fixe le plafond, pensive en attendant une réponse à ma question.
« Sirius a raison quand il dit que tu sais comment tuer l'ambiance, plaisante t-il. »
Je tourne la tête vers lui et lui lance un regard désolé. Il m'observe sans ciller, appuyé sur un coude, et je constate que ses yeux n'ont plus du tout la teinte sombre qu'ils avaient tout à l'heure, bien que tout son visage se soit tendu. Ils ne sont pas moins graves, au contraire, et je regrette amèrement la légèreté des minutes qui ont précédées ma question.
« Je n'aurais jamais dû te demander ça. Excuse-moi. »
Il ne répond pas, son regard se perd dans le vide quelque part au dessus de mon corps pendant que ses mains caressent machinalement mes cheveux, puis il fronce les sourcils et je le sens revenir vers moi.
« Est-ce que tu as retenu une image précise de moi quand je suis mort ? Est-ce que c'est comme ça que ça fonctionne ? M'interroge t-il.
- Tout un truc m'a sauté à la tête quand tu es mort, James. Une bombe remplie de souvenirs. Le plus fort, la première fois que tu m'as ramené chez toi et que tu m'as touchée comme personne ne m'avait jamais touché. Je n'ai même pas besoin de fermer les yeux pour me rappeler des détails, de ta main sur ma gorge, du soulagement que j'ai ressenti quand tu m'as embrassé, quand tu m'as bandé les yeux et que tu m'as montré en me traitant mieux que quiconque qu'il n'y avait que du bon dans notre relation que je considérais folle. C'était la première fois que quelqu'un me faisait ressentir quelque chose d'aussi fort. Je n'ai jamais été capable d'oublier la sensation de ton corps sur le mien après cette nuit là. Jamais. »
Il plonge son visage dans le creux de mon cou où il dépose un baiser, et il reste lové contre moi un long moment pendant lequel j'écoute avec attention sa respiration, grisée par les effluves de son parfums, par ses caresses, par la chaleur qu'il dégage. Je l'ai dans la peau.
« S'il devait me rester une seule image de toi, ce serait au manoir, quand tu es rentrée de Sainte-Mangouste et que tu t'es assise sur le bord de la baie vitrée. Tu avais l'air irréelle. Tout avait l'air irréel. Tu te souviens ? Tu m'avais demandé de faire apparaître mon patronus. Tu savais que je comprendrais en me montrant le tien. C'est la première fois que tu m'as avoué que tu m'aimais. Tu n'as pas eu besoin de le dire. Je n'avais jamais ressenti autant de sentiments venant d'une personne, m'avoue t-il. »
Mes yeux restent plongés dans les siens pendant plusieurs minutes et je finis par l'embrasser doucement, comme ce soir là. Moi non plus, je n'ai pas oublié. C'était comme si on me libérait enfin de mes vieux démons.
« On devrait dormir pendant qu'Harry nous y autorise... Commente James juste après avoir lâché mes lèvres.
- Est-ce que j'ai bien entendu ? Tu deviendrais donc raisonnable ? Je le taquine.
- Ce bébé me tue, me répond-il en me serrant contre lui. »
Je pouffe et je me laisse faire tout en fermant les yeux peu après lui. Harry n'est pas le seul facteur de mon manque de sommeil. J'ai peur, tellement peur que je me délecte de chaque instant passé avec James, et chaque nouvelle nuit est un cadeau que je ne veux pas gâcher en m'endormant.
Alors je reste allongée contre lui, j'écoute sa respiration, je respire son odeur, je profite de ses bras autour de moi, et j'essaie d'oublier que j'ai été obligée de m'en passer pendant longtemps. Mes doigts passent sur sa joue, glissent dans ses cheveux, s'y arrêtent, je jette un coup d'oeil par la fenêtre et je constate la nuit est tombée depuis quelques minutes, les étoiles brillent, et mes rêves sont de plus en plus clairs.
C'est cette petite mélodie que je veux pour toujours, celle qui me traverse le corps quand je suis avec James ou avec Harry, celle qui me redonne espoir même quand je sais qu'il n'y en a plus, celle qui m'obligera à me battre même quand je saurais que le combat est perdu d'avance.
Je sursaute quand j'entends un bruit en bas, et je me défais difficilement des bras de James pour enfiler rapidement un jean et un tee-shirt laissés à l'abandon sur une chaise la veille. La maison est plongée dans l'obscurité mais ma baguette me permet de voir devant moi.
Je m'avance prudemment dans le couloir, descend les escalier, et j'entends des chuchotements en bas, comme des incantations. Sur mes gardes, j'essaie de ne pas faire craquer les marches mais j'échoue lamentablement arrivée à la moitié, et une silhouette sombre se retourne rapidement sur moi.
« Sirius ? Je chuchote en l'éclairant.
- Qu'est-ce que tu fais debout ? S'exclame t-il, la voix tremblante.
- Qu'est-ce que TU fais debout ? Comment es-tu rentré ? Et qu'est-ce que tu fais là, au beau milieu de la nuit ? »
Je termine de descendre l'escalier pour me rapprocher de lui, mais il ne me répond pas. Il se contente de jeter tout un tas de sort sur les pièces de la maison, et ce, à toute allure. Il a l'air profondément angoissé, et je crois que je sais pourquoi.
« Ils sont après nous, n'est-ce pas ? »
Il s'interrompt juste pour me lancer un regard grave. Le mien dévie vers l'escalier et je pense à ce que j'ai laissé là haut. Je pense à l'étreinte chaude et rassurante de James qui m'enveloppait quelques secondes plus tôt, je frissonne, et je me frictionne les épaules. Je suis juste glacée de terreur.
« Vas réveiller James, m'ordonne t-il immédiatement. »
Une boule se forme dans ma gorge quand j'acquiesce, puis je remonte les marches avec difficulté. J'ai l'impression d'avoir un boulet accroché à chaque pied. Je retiens un sanglot quand je passe devant la chambre d'Harry. J'entrouvre la porte juste pour le regarder un peu. Il est si paisible. Il n'a aucune idée de ce qui est en train d'arriver. Il n'a aucune idée que sa mère est en train de perdre tout son courage, de se sentir défaillir.
Je le quitte à contrecoeur pour aller réveiller James. Il grogne un moment que c'est mon tour de m'occuper de notre bébé, et encore une fois, je dois mobiliser toutes mes forces pour retenir mes larmes. Je commençais à m'habituer à tout cela, je commençais à m'habituer à me battre avec lui pour décider lequel d'entre nous se lèverait pour le biberon de la nuit.
« Il y a un problème. Sirius est en bas. »
Mes mots ont l'effet escompté. Il se redresse aussitôt, balance la couette par dessus le lit et se dépêche d'enfiler quelques vêtements tout en attendant que je parle, mais je ne sais pas quoi lui dire de plus. S'il se précipite autant, c'est qu'il sait ce qui est en train d'arriver. Il se doute que la prophétie qu'il a vue dans la pensine quand il a plongé dans mes souvenirs est susceptible de se reproduire. La tension qui règne soudainement rend l'air irrespirable.
« Je t'aime. »
Mes mots lui font froncer les sourcils. Il sait exactement ce qu'il se passe dans ma tête. Vêtu, il hésite un instant entre descendre rejoindre son meilleur ami et rester avec moi. Il fait finalement plusieurs pas dans ma direction, pose ses deux mains le long de mes bras et me regarde droit dans les yeux avec une infinie tendresse.
« Tout ira bien. »
Je lui souris pour lui faire croire que ses mots me rassurent, mais ce n'est pas le cas parce que je sais pertinemment que tout n'ira pas bien, et il le sait aussi. Nous nous étreignons brièvement et nous descendons les escaliers pour retrouver Sirius qui est toujours en train de lancer des sorts de protection sur la maison.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? Lui demande James.
- J'ai surpris une conversation au bureau des aurors. Pettigrow s'est échappé d'Azkaban. Il a subtilisé la baguette d'un stupide auror qui venait l'interroger une nouvelle fois sur les plans de Voldemort, explique Sirius à toute allure. »
Cette fois, je vois James pâlir. Ses yeux se perdent dans le vague une minute, puis il brandit sa baguette et renforce les sorts de Sirius. Nous savons ce que cela signifie. Peter va vouloir se venger, et pour se venger, il va falloir qu'il regagne la confiance de son maître. Il n'a qu'une façon de le faire, l'aider à nous attraper. Il sait qui contacter. Il connaît tous les membres de l'Ordre. Il connaît...
« Rémus ? Est-ce que Rémus est en sécurité ? Je demande soudainement pendant que Sirius acquiesce.
- Ils sont tous en sécurité, sauf Victorius, Alice, et Frank. Je n'ai pas pu les trouver. »
Il lance des sorts entre chaque phrase qu'il prononce, il n'a même pas le temps de nous ménager. Alice est peut-être morte à ce moment précis. Victorius aussi. J'ai soudainement le vertige, l'impression de retomber dans le cauchemar qu'était ma vie quelques années plus tôt, dans l'horreur de cette nuit d'automne que je m'apprête à revivre.
« Ils ne nous trahiront pas, papa n'a rien à perdre, affirme James.
- Non. Mais Alice et Frank sauveront Neville coûte que coûte, je lui confie, songeuse. Si Voldemort les a vraiment, il va leur donner le choix. Il va leur dire de choisir entre lui et nous, et ils choisiront Neville parce qu'il ne peut pas se défendre contrairement à nous. »
Une détonation nous fait sursauter à ce moment là, et nous comprenons tous que d'une façon ou d'une autre, ils nous ont trouvé. James hurle à son meilleur ami de m'emmener en haut, de protéger Harry, et je sais, quand Sirius me tire par la manche et que mon regard croise celui de James, que c'est la dernière fois que mes yeux se suspendent aux siens.
Nous montons les escaliers quatre à quatre, Sirius me traîne presque derrière lui, je ne veux pas laisser James. Je ne veux pas, mais en même temps, je ne veux pas laisser Harry non plus. Ce n'est que lorsque nous pénétrons dans la chambre de mon bébé que je réalise que j'ai un autre problème, qu'en utilisant le retourneur de temps, j'ai ajouté une nouvelle victime potentielle à l'attaque dans laquelle je suis supposée mourir.
Sirius est là. Sirius n'était pas censé mourir. Sirius doit vivre. Il est censé s'occuper d'Harry. Il est censé le voir grandir, il est censé lui donner tout l'amour que nous ne serons plus capable de lui donner, James et moi. Il est censé l'aider à avancer dans sa vie comme il m'a aidé à avancer dans la mienne, il est censé être sa béquille, celle qu'il a été pour moi.
« Sirius... Je suis désolée, je lui souffle doucement.
- Pourquoi ? »
Il ferme la porte à clé bien que nous sachions tous les deux que ça n'arrêtera pas les mangemorts. Pendant ce temps là, mes yeux balayent la pièce, tombent sur la cape d'invisibilité de James, lâchée négligemment sur le fauteuil sur lequel il s'endort souvent en regardant Harry dormir, et sur l'immense armoire contenant tout un tas de vêtements pour enfant et aussi les quelques balais que nous n'avons pas pu ranger dans le débarras.
« Tu n'es pas supposé mourir ici, je murmure en frissonnant d'effroi lorsqu'une nouvelle détonation m'indique que les mangemorts ont réussi à passer outre les protections.
- On ne va pas mourir Lily ! Proteste t-il en s'affairant, baguette à la main.
- Toi non, moi oui. Petrificus Totalus. »
Mon sort le frappe en pleine poitrine. Il tombe raide sur le sol, des larmes s'agglutinent dans mes yeux et commencent à m'aveugler quand je m'avance vers lui. Je serre sa main dans la mienne, il m'observe avec panique, je sais ce qu'il pense.
« La prophétie existe toujours. Harry s'en sortira. Je le protégerai jusqu'au bout, jusqu'à la fin, jusqu'à ce que je meure, et quand ce sera le cas, il faudra que tu sois là pour lui. Je ne peux pas te laisser mourir maintenant, Sirius. Tu as été un ami incroyable. Tu seras un parrain formidable. Il a besoin de toi. Merci pour tout. Les aurors te trouveront lorsqu'ils perquisitionneront les lieux. »
Je l'attrape par les bras et je le traîne péniblement dans le bas de l'armoire avant de jeter la cape d'invisibilité de James par dessus son corps recroquevillé, m'assurant qu'aucun de ses membres ne dépasse, puis je me retourne et avance jusqu'au lit d'Harry. Il dort toujours malgré les bruits, malgré les voix que l'on entend à présent en bas, malgré les échanges de sort entre James et les mangemorts qui font des dégâts au rez-de-chaussée.
Ma main se pose sur sa joue rebondie, je la caresse en souriant à travers mes larmes. Je ne sais pas comment j'arrive encore à tenir sur mes jambes quand j'entends des pas monter les escaliers. Il y en a tant que je sais ce que ça veut dire. Je sais que cela signifie qu'ils ont eu James, qu'il est probablement étendu en bas, au beau milieu du salon, les yeux dans le vide.
Un violent sanglot s'empare de moi et je réveille Harry contre ma volonté. Ses grands yeux se fixent aux miens, et comme s'il comprenait ce qu'il se passe, il se met à pleurer lui aussi. L'espoir disparaît à ce moment là, au moment où je réalise que tout repose sur lui alors qu'il n'est qu'un bébé, un bébé qui ne se rend pas compte du fardeau qu'il porte sur ses épaules. Je m'empresse de l'attraper et de le serrer dans mes bras, de respirer son odeur, la combinaison parfaite de la mienne et de celle de James, et je lui murmure toutes les plus grandes vérités qui ont dictées ma vie.
« Je t'aime. J'aime ton papa, et nous ne serons jamais séparés. Je veillerai sur toi. Je te promets Harry, papa et moi, on veillera sur toi. Je n'abandonnerai jamais. Il faut que tu sois fort. »
La porte s'ouvre à la fin de ma phrase, je ne regarde pas, je me retourne pour protéger Harry, je me ferme aux sons qui m'entourent, je me concentre sur lui, sur le résultat d'un béguin qui s'est transformé en véritable passion, sur des désirs dérangés basés sur des sentiments purs qui ont transcendé mon existence, et je réalise quand une lumière verte éclaire la pièce que c'était la dernière fois. C'était la dernière fois que j'aimais James avec tout mon corps.
On naît, on pleure, on rit, on aime, on meurt. J'ai eu la chance de tout refaire, et maintenant je me rends compte que la dernière étape n'est pas de mourir, c'est de l'accepter. Je l'accepte. Je me laisse manger par la lumière verte, mes bras libèrent Harry juste au dessus de son petit lit, et mon corps rejoint celui de James dans l'inertie de ce monde parallèle qu'on appelle la mort.
« Avada Kedavra ! »
C'est le deuxième que j'entends depuis que Voldemort est entré dans la chambre d'Harry. J'ai beau essayé de me libérer, je n'y parviens pas. De grosses larmes roulent sur mes joues et obstruent ma vue parce que je sais ce que tout cela signifie. Le premier était pour Lily, le second était pour Harry. Ils sont morts. Ils sont tous morts, et je n'ai rien pu faire.
Plusieurs cris de mangemorts me parviennent peu après le second Avada Kedavra, c'est comme une vague d'excalamations, pas des exclamations de joie, des hurlements de terreur. Je ne sais pas ce qu'il se passe, je suis plongée dans le noir de l'armoire dans laquelle Lily m'a enfermé pour me protéger.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!
- Le bébé est en vie ! L'enfant est toujours en vie !
- Comment c'est possible ?
- Il est... Il est vivant. Il a tué le maître.
- Élimine-le !
- Pourquoi moi ?! Faites le, vous !
- Je savais que nous aurions dû prévenir Rogue ! Lui, au moins, il aurait fait le sale boulot !
- Les aurors ne vont pas tarder à débarquer ! Qu'est-ce qu'on fait ?
- On le tue !
- Fais ce que tu veux Carrow, mais je ne touche pas à cet enfant ! Le maître vient de se désintégrer devant nos yeux ! »
S'ensuit une vague de protestations inaudibles pendant lesquelles je reconnais la voix de ma cousine et celle de Peter, à demie masquées par les pleurs d'Harry, et puis bientôt plusieurs « pop » successifs m'indiquant qu'ils ont transplané, me laissant seul dans un silence de mort mais avec une pointe d'espoir. Harry a survécu.
Je suis recroquevillé dans ce placard et je sais qu'à quelques mètres de moi se trouve le corps inerte de Lily, je sais que celui de mon meilleur ami n'est pas loin non plus, et les pleurs d'Harry ne font que briser un peu plus mon cœur déjà en morceaux. Le fait d'être bloqué me rend malade. J'ai la nausée mais je ne peux même pas vomir.
J'entends finalement des pas arriver sur les lieux au bout d'un long moment de silence, un silence horrible pendant lequel je suis toujours paralysé. Des pleurs retentissent derrière la porte de l'armoire après un bruit sourd, et je devine que la personne s'est agenouillée devant le corps de Lily. Je n'arrive pas à savoir de qui il s'agit jusqu'à ce que sa voix me parvienne clairement aux oreilles.
« Hominum Revelio »
La porte du placard dans lequel je suis caché s'ouvre à la volée et la cape d'invisibilité s'arrache de mon corps pour retourner s'échouer sur le fauteuil sur lequel elle reposait quelques minutes auparavant. Les yeux noirs de Severus Rogue tombent sur moi avec dégoût et je crois un instant qu'il va me laisser ici, mais il agite sa baguette dans ma direction pour me libérer de mon étreinte.
Je me hâte aux côtés de Lily sans faire attention à lui. Ma main touche son poignet à la recherche d'un pouds, mon regard essaye de capter une lueur dans le sien, mais il n'y a rien. Il n'y a rien et Rogue et moi le savons tous les deux. C'est fini. Terminé.
« Tu n'as rien fait, m'accuse t-il entre ses larmes. »
Mon sang ne fait qu'un tour, je lui subtilise rapidement sa baguette que je balance dans un coin de la pièce, puis je l'attrape par le col de sa cape de sorcier et je le cloue au mur, mon visage haineux à seulement quelques centimètres du sien.
« Ce n'est pas mon maître qui a fait ça, j'aboie en pointant le corps inerte de Lily du doigt.
- Je... Je ne savais pas. Je pensais que... Je croyais pouvoir l'arrêter. Ils ne m'ont pas... Ils n'ont pas...
- Ils ne t'ont pas prévenu, hein ? Alors qu'est-ce que tu fais là, Rogue ? Je lui lance avec un rire dément.
- Il n'y avait personne au quartier général. J'ai eu un mauvais pressentiment. Je pensais que... Je... »
Il s'arrête, déglutit difficilement, et se noie dans ses sanglots. Je devine la fin de sa phrase. Il pensait qu'il arriverait à temps. Il pensait qu'il pourrait la sauver. Il croyait être celui qui ferait la différence. Peut-être que nous nous ressemblons plus que je ne le pensais.
Je l'agrippe toujours fermement lorsque des pleurs parviennent à mes oreilles. Je me retourne vers le lit de bébé et je lâche Rogue avant d'enjamber le corps de Lily et de me pencher par dessus les barreaux pour regarder le fils de mes meilleurs amis me tendre les bras.
Une violente nausée me prend, et je sais que c'est aussi le cas pour Severus car je l'entends courir vers les toilettes et vomir tout son être. Cet enfant est seul. Il n'a plus personne. Il aurait pu m'avoir, mais je suis fou de rage, incapable de m'occuper de ce petit bonhomme innocent qui n'a rien demandé à personne et qui a survécu je ne sais comment à une attaque qui était supposée causer sa perte.
« Je le prends, affirme Rogue en arrivant derrière moi.
- Non.
- J'ai promis à Lily que je le protégerai.
- Et que crois-tu qu'il lui arrivera quand tes petits camarades découvriront que tu l'as ramené chez toi ? »
Il reste sans voix. Moi aussi. Je me penche simplement, j'attrape Harry, et mes yeux parcourent rapidement son visage. James. Je réprime un nouveau sanglot et je garde le petit calé contre mon torse. Ses pleurs ne cessent pas. Comment pourrais-je lui en vouloir ? Les miens non plus.
« Tu ne peux pas le prendre si tu comptes les chasser et les tuer, me fait remarquer Rogue alors que je me maudis d'être aussi prévisible.
- Je sais, je rétorque sèchement. »
Nous sommes à la recherche d'une décision lorsque la brigade d'auror arrive avec le professeur Dumbledore. Je les entends parler, je les entend dire qu'il y a eu trois attaques simultanées. Une sur la maison de Victorius, une sur celle d'Alice et Frank, et une sur celle de Lily et James. Je les entends dire que le seul survivant est Harry, je les entends dire à quel point c'est triste, à quel point c'est horrible. Je les entends parler d'Harry, je les entends l'appeler « l'orphelin », le « survivant », et les larmes sur mes joues imbibent ma chemise quand on me le prend des bras.
C'est aussi à ce moment là que je sens toute mon humanité me quitter. Titubant, je descends les marches de l'escalier, contourne le corps de James sans même le voir, et je me rue hors de la maison avant de me transformer en chien en et de me mettre à hurler ma peine. James et Lily sont morts et ils n'ont pas laissé qu'un orphelin derrière eux. L'Ordre du Phénix entier pleurera leur mort jusqu'à ce que justice soit faite.
Ma première pensée est de retrouver l'armée de mangemort et de les tuer, alors je erre dans la nuit. Je erre en songeant à tout le mal qu'ils ont fait, à tout ce qu'ils ont détruit, à la vie d'Harry qui n'est plus qu'une immense ruine impossible à reconstruire, et je jure sur ma propre tête qu'il sera vengé. Si je dois courir pendant un an, dix ans, cinquante ans, pour retrouver tous les fautifs, je le ferai. Je soulèverai la communauté magique, je remuerai ciel et terre pour qu'ils payent, et un jour, ils payeront.
THE END
Coucou tout le monde ! Merci à ceux qui ont lu LDD et LDD2 en entier, je n'ose même pas imaginer le temps que vous m'avez consacré et je ne saurais jamais vous remercier, notamment ceux qui m'ont laissé des petits mots gentils auxquels je n'ai pas toujours pu répondre (damn, les guests ! Pas de bouton "réponse".) Sachez en tout cas que j'ai lu toutes vos reviews et qu'elles m'ont largement aidé dans l'écriture. Les fois où je n'avais pas envie de m'y mettre, je me disais "allez, il y a du monde derrière toi", et je réussissais finalement à pondre mon chapitre.
Pour ceux qui veulent continuer à me suivre, je poste le plus souvent sur h p fanfiction . org et je pense qu'il y a deux ou trois fics là bas qu'il n'y a pas sur ce site là.
En tout cas, encore merci à tous et à très bientôt j'espère :)