Je m'appelle William Henry Murdoch. Je suis inspecteur à la maréchaussée de Toronto.

Je suis un bon chrétien, du moins, je le crois. Je vais à la messe tous les dimanches, même si je reconnais avoir plus ou moins délaissé les confessions. Je crois en Dieu, mais pas en sa toute puissance, car je crois également en la science… Je demeure convaincu qu'un jour, elle nous permettra de répondre à toutes les questions que nous nous posons. Mais il arrive pourtant que mes connaissances, mes principes et ma foi soient mis à mal. C'est le cas actuellement, je suppose que c'est la raison pour laquelle j'écris ces lignes…

J'ai ressenti le besoin de coucher mes émotions sur le papier, car il s'agit de choses dont je ne peux parler à personne, et surtout pas à Julia. Bien qu'elle soit l'une des personnes les plus ouvertes d'esprit que je connaisse, ce genre de choses la ferait souffrir… En fait, j'ai l'impression de ne plus savoir qui je suis, car actuellement, mon éducation, ma foi, tous mes principes sont remis en cause, et même la science ne peut pas m'apporter de réponse… Je suppose qu'il est quelque part question de transferts chimiques au niveau des neurones, ou bien quelque chose dans ce genre-là, mais dans ce cas, l'interrogation ne fait que changer : pourquoi cette personne la ? Pourquoi est-ce cette personne qui est capable d'affoler mon cœur à ce point-là ? Plus exactement, pourquoi cette personne la précisément, est-elle capable d'affoler mon cœur ? Comment ? Comment réussit-elle à monopoliser mes pensées, allant jusqu'à me rendre moins clairvoyant dans mon travail ? Comment cette personne la peut-elle réussir à effacer Julia, qui était jusque-là la seule à occuper mon esprit ? Alors que même elle ne réussissait pas à me détourner d'un criminel ? Pourquoi ? Comment ? J'en viens à souhaiter –chose horrible- un meurtre particulièrement tordu et épineux, qui me permette de le revoir… De LE revoir… Oui, car même si j'en ai honte, il s'agit d'un homme… Et là encore, les questions demeurent…

Comment un homme peut-il affoler à ce point l'esprit d'un autre ? Qu'est ce qui peut permettre l'embrasement des sens entre deux êtres identiques, pour une étreinte non vouée à la procréation ? Est-ce Dieu ? S'il s'agit bien de lui, alors c'est toute mon éducation chez les papistes qui est remise en question. S'il s'agit de lui, alors cela rend la pédérastie, pardon, l'homosexualité, puisque c'est le terme en usage aujourd'hui, légitime…

Et si Dieu condamne réellement cela, alors qui l'autorise ? Peut-être que ces hommes du club de tennis de Taylor Creek auraient des réponses à mes questions ? Peut-être devrais-je tenter de demander à l'agent Higgins ou ils se réunissent… Malheureusement, je crains de ne pas être bien accueilli… Encore une fois, il s'agit d'un homme. C'est un homme qui me trouble, si fort, que je ne peux plus garder cela pour moi, si fort, que je suis contraint d'écrire ces lignes dans l'espoir d'alléger mon cœur… Et quel que soit le rôle de Dieu dans cette histoire, il y a tout de même un fait : le désir est bien là. Le désir existe, il est possible pour un homme de désirer un autre homme...

Et qui sait, peut-être pour une femme, de désirer une autre femme ?

Mais je crois que, pour que tout ce que j'écris soit compris, et cela même si personne n'est censé lire ces lignes, il faut que je revienne sur certains évènements, qui ont commencés voilà quelques semaines…