3 Novembre 1995
12 Square Grimmaurd, Londres, Royaume-Uni.

La réunion se termina dans l'effervescence. Dumbledore venait de clore son compte-rendu sur le voyage de Hagrid à la recherche des géants. Le constat était mitigé, les mangemorts, comme on pouvait s'en douter, avait su persuader les mastodontes de chairs plus que les deux demi-géants. Voldemort en était particulièrement satisfait. Ils seraient un appui physique de choix dans les prochains conflits.

Cependant, même à cet instant, Dumbledore gardait espoir. Pour lui rien n'était perdu, Mara en doutait de plus en plus. Mais pour Sirius, elle préférait croire que Voldemort disparaitrait une bonne fois pour toute. Ils le méritaient.
A cet instant, elle voulut lui parler du médaillon. Peut-être le fixa-t-elle de manière trop appuyé car il se tourna vers elle et la regarda par dessus ses lunettes en demi-lunes. Il avait compris, évidement, qu'elle souhaitait lui parler. Il attendait qu'elle s'avance vers lui. Il ne la forcerait pas. Mais il y avait trop de monde autour d'eux. Ce n'était pas le moment. Elle ne pouvait pas lui dévoiler ça, après tant d'années de silence et si peu de temps d'enquête… Elle se détourna. Quelques minutes plus tard, le directeur de Poudlard était sorti avec les autres membres de l'Ordre du Phénix. Sirius était le seul resté.

Ils se retrouvèrent seuls dans le salon. Sauf que Trajan était là, et même si ce n'était pas lui, que Sirius ne pouvait le voir, Mara savait qu'ils étaient trois. Sirius l'embrassa. Elle l'embrassa.

« Tu ne dois pas faire ça. »

Elle détacha brusquement ses lèvres. Elle regarda par-dessus son épaule, il était là.

« Qu'est-ce qu'il y a ? souffla Sirius.

— Tu sais qu'il va souffrir.

— Rien.

— Tu ne penses qu'à toi. »

Elle s'écarta de Sirius. Non, c'était faux, elle ne pensait pas qu'à elle. N'avait-elle pas le droit ? Cela ne le rendait-il pas heureux ? Qu'elle était sotte. Elle savait bien. Que tout ceci n'était qu'éphémère, oui elle était égoïste. Tellement. Tout allait s'effondrer, elle le savait, ce n'était qu'une question de temps. Sa situation était de plus en plus précaire : sa mission d'espionne n'était guère brillante, son immersion dans les deux camps ne semblait servir ni à l'Ordre, ni au Pacte, Victor la surveillait et n'attendait que l'instant où il pourrait lui faire rendre son dernier souffle, la piste du médaillon était infructueuse, et pire que tout, sa raison la lâchait peu à peu.

Tu n'auras qu'à te cacher ici. Elle la savourait encore cette parole de Sirius, même si elle ne se concrétiserait jamais. Elle pouvait s'y réfugier quand elle voulait s'échapper. Le visage gris de Trajan lui rappelait qu'elle n'était qu'une funambule en équilibre précaire sur le fil d'une lame. Une lame lourde de sa culpabilité. Elle aurait dû tout dire à Dumbledore, pourquoi ne s'était-elle pas approchait de lui ? Pourquoi n'était-elle pas allée le retrouver il y a de cela des jours pour l'informer ? Sirius posa une main sur sa cuisse. Elle le savait. Elle voulait encore essayer par elle-même, elle savait qu'elle arriverait à découvrir les secrets du médaillon si elle persévérait. Seule.

C'était stupide, elle était imbue, elle s'en rendait compte, mais c'était trop tard… Idiote. Elle ne voulait emporter Sirius dans sa chute. Alors avait-elle le droit de profiter de sa présence maintenant ? Une voix lui soufflait oui, le regard mort de Trajan hurlait non. Elle s'écarta définitivement de son amant tout juste retrouvé.

« Je suis désolée… Les choses se compliquent.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Arrête avec tes secrets ! »

La douleur explosa dans sa tête. Sirius s'écarta. Elle grimaça et lui fit un geste de la main pour qu'il se calme. Son autre main se tendit vers sa poche puis retomba, elle ne voulait pas prendre de potion devant lui.

« Je ne peux pas tout t'expliquer mais… Je crois que je suis sur la sellette. Le Pacte, je pense, non j'en suis certaine, ils vont m'éliminer.

— Comment ça ? Ils ne peuvent pas, tu es leur espionne infiltrée, tu …

— Et je ne suis certainement pas la seule. Je sers peu ici, comparé à d'autres de leurs agents… Mais surtout, ils n'ont aucune confiance en moi. Ils me croient comme Trajan, ils pensent que je vais les trahir et m'enfuir.

— C'est le cas, non ? Je te l'ai dit, viens habiter ici, il n'y a pas de meilleure cachette, j'en sais quelque chose !

— Tu ne comprends pas.

— Qu'est-ce que je ne comprends pas ?! Tu veux rester leur esclave toute ta vie, c'est ça ? »

Il ne pouvait pas comprendre. Le Pacte Ecarlate était toute sa vie. C'était tous ses sacrifices. Elle avait lutté pour être ici aujourd'hui. Le Pacte, elle ne le quitterait jamais. Il ne pouvait pas comprendre. Elle ferait tous les efforts possibles pour le Pacte.

« Je ne peux pas tout renier, comme ça.

— Mais tu l'as dit toi-même, ils vont te tuer !

— Je ferai tout pour que ça n'arrive pas ! Ils vont comprendre qu'ils ont besoin de moi. Ils vont voir tout ce que je peux leur apporter !

— Et si ça ne marche pas ?

— Ca marchera. Je ne me laisserai pas faire. »

Non, elle ne les laisserait pas la tuer, pas sans lancer une offensive, pas sans se défendre. Victor avait peut-être menti sur les intentions du Pacte, même si tout poussait à le croire. Son oncle ne l'avait plus contactée depuis des mois, les autorités du Pacte ne s'étaient pas montrées non plus. Il ne restait que ses rapports et ses conflits avec Victor. Le plus angoissant.
Mais elle ne baisserait pas les bras, elle regagnerait ses galons. Victor et Virgile mordraient la poussière, le Pacte la respecterait. Elle contrebalancerait l'image de traître de son frère, on n'oserait plus parler de lui ainsi. Elle ne mourrait pas. Sa migraine se transforma en nausée. Elle voulait partir, dans cette situation, elle avait envie d'étreindre Sirius mais en avait-elle encore le droit ?

« Sirius, je...

— Tu veux quoi exactement Mara ? Qu'on ne se voit plus en dehors des réunions, c'est ça ? Recommencer tes combines comme à Poudlard ?! J'en ai assez que tu joues avec moi.

Elle aurait voulu lui dire qu'elle l'aimait. Mais il restait prisonnier de son passé, celui où tous ses amis étaient en vie et heureux, l'époque où ils vivaient un amour adolescent cruel et donc presque normal. Et elle restait captive de l'immuable, ce que le Pacte avait fait d'elle et ce qu'ils voulaient d'elle. Ce qui était plus fort qu'elle et qu'elle désirerait toujours, malgré tous les autres. Malgré son amour pour lui.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire, ce n'est pas ce que je veux.

— Mais tu vas le faire ?

— Oui, pour un temps, il faut que je règle cette affaire avec le Pacte.

— Tu ne viendras pas vivre ici alors ?

— Je ne peux pas me terrer ici.

— Tu veux dire que c'est ce que je fais ?!

— Non, bien sûr que non ! Ne dis pas ce que je n'ai pas dit.

— Tu sais quoi ? Dégage d'ici ! Je ne veux plus te voir avant la prochaine réunion et encore.

— Sirius, arr… »

Il claqua la porte du salon, le silence s'abattit derrière lui. Il s'était emporté, elle n'avait rien pu lui dire. Elle aurait voulu lui dire. Mais c'était trop tard. Pourtant, elle avait essayé… Trajan la fixait toujours. Elle le foudroya du regard.

« C'est ta faute.

— Tu sais bien que c'est faux. »

Tu n'auras qu'à te cacher ici. Elle regrettait déjà, c'était trop tard. C'était mieux ainsi.

13 Novembre 1995
Little Hangleton, Royaume-Uni.

Elle avait fini par la trouver la bicoque des Gaunt. Insalubre, vestige de temps de misères. Une odeur de mort et de moisissure l'avait saisie dès qu'elle avait pénétré dans la masure. Malgré les fenêtres crasseuses partiellement brisées et la toiture défoncée, l'air semblait stagner. Mara avait fait un tour rapide dans les décombres. Elle avait tracé sa route dans des ordures presque dissoutes. De la poussière et aucun indice. Elle fouilla dans les armoires pourries, éventra le matelas humide, retourna chaque coin du taudis. Rien. Elle lança des sorts, chercha l'emprunte de la magie noire. Elle l'avait ressentie si fort dans le Manoir Jedusor… Mais ici, rien, le silence, parfois brisé par les bruits du sous-bois. N'y avait-il rien ? Ou avait-elle atteint ses limites ?

Trajan était resté dans l'embrasure de la porte. Il lui cachait la lumière du crépuscule. Depuis combien de temps avait-elle atteint ses limites ?

Elle soupira, sa quête était inutile. Si Voldemort était venu prendre le médaillon aux Gaunt, il n'avait laissé aucune trace. Comme les Jedusor, les Gaunt n'avait laissé pour seul héritier que Voldemort. L'héritage. Et si le Mage Noir avait récupéré d'autres objets de valeur ? Des objets ayant appartenu aux Gaunts ? En tant qu'ancienne riche et glorieuse lignée, qu'avait-il pu leur rester de ces siècles de faste ? Des artefacts peut-être plus puissants que le bijou poli par les ans ? Le pendentif ne semblait être qu'un emblème… et pourtant Voldemort l'avait caché, il avait pris des précautions drastiques… Qu'avait-il fait ?

Mara ne comprenait plus rien. Elle ne connaissait pas assez Voldemort et les méandres de son esprit et de son passé. Depuis combien de temps se voilait-elle la face ? L'évidence encore une fois, Dumbledore. Elle devait aller lui parler. Maintenant.

« Tiens, tiens, tiens. »

Mara se retourna lentement vers la porte. Ce n'étais pas Trajan qui avait parlé, il n'avait pas ce timbre méprisant. Le sorcier avança vers elle. Elle plissa les yeux, la nuit tombait et celui qu'elle avait pris pour Victor était manchot. Virgile. Trajan s'était positionné à côté de lui et le fixait, les lèvres dans un rictus haineux.

« On ne dit rien ?

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

— On est venu te chercher, bien sûr ! répondit Victor en entrant à son tour.

— Il ne fallait pas vous donner cette peine… »

Ses ennuis allaient maintenant être double. Ils tournèrent autour d'elle, furtifs. En chasse. Ils voulaient savoir ce qu'elle tramait.

« Alors ? Ta réponse ?

— Que veux-tu que je fasse ici ? Je cherche des infos sur Voldemort bien sûr !

— Ne me parle pas sur ce ton !

Il se rapprocha d'un bond, le visage à quelques centimètres du sien. C'est là que Mara le vit vraiment. On pouvait dire ce qu'on voulait d'elle. Mais elle n'était pas l'unique désaxée que le Pacte couvait. Les yeux de Virgile avait cet écarquillement propre aux fous. Ce regard néant, prêt à tout et à rien. Ne me provoque pas, c'est-ce qu'ils disaient. Devant elle, c'était le plus dangereux spécimen. Elle le savait. Ca ne l'empêcha pas de lui cracher au visage.

Elle recula pour éviter son coup de pied, pas assez vite, il l'atteint dans les côtes. Elle tomba à terre, le souffle court, elle n'eut pas le temps de bouger qu'il avait déjà saisi le col de sa robe. Il l'étranglait, il la releva de force. Elle lui envoya sa main en pleine face, il l'assomma à moitié avec un violent mouvement du front. Son arcade sourcilière se fissura, du sang. Du coin de l'œil, elle vit Victor impassible et Trajan qui criait quelque chose qu'elle n'entendait pas.

« Ne refait jamais ça, je suis plus fort que toi. Tu ne vaux rien. »

La salive de Mara avait coulé le long de son visage. Il la lâcha enfin. Elle s'affaissa. Elle massa sa gorge, passa sa manche sur sa blessure pour éponger le sang et après quelques secondes, elle se remit sur ses deux pieds. Elle ne tremblait pas.

Il était plus fort qu'elle ne le pensait. Au Pacte, on parlait de lui avec une déférence qui lui donnait la nausée. Il avait refusé une attèle magique, il avait appris à être un combattant au bras unique. Il s'était entraîné sans relâche pour avoir ce regard animal, cette rage au coin des lèvres. Et maintenant il mettait Mara, sa Némésis, la sœur de son ennemi bourreau, à terre, dans la cendre. Quel plaisir pour lui.

Elle sortit en hâte de la maison des Gaunt, eux sur ses talons, Trajan à son côté.

« Je cherchais des informations qui nous aurait échappé la dernière fois. Comme ce trou puant par exemple. Mais il n'y a rien. »

17 Novembre 1995

Des nuits qu'elle est bloquée ici. Dans le noir, il fait froid, elle sent l'humidité, des gouttes tombes. Elle croit, elle sait qu'elle est dans la caverne. Qu'attend-t-elle ? Qui ? Il n'y a personne. Elle hurle, elle n'entend rien, elle n'a plus de voix, elle serre ses bras autour d'elle, elle ne sent même pas la chaleur de son propre corps.

19 Novembre 1995
Manoir Rosier, Hayshire, Ecosse.

Depuis que les jumeaux étaient réunis, la situation de Mara était devenue instable, plus qu'incertaine. C'était bien simple. Elle avait ordre de ne pas sortir du manoir et Virgile la suivait partout sans jamais lui parler. Trajan ne disait plus rien, un silence de mort régnait. Elle ne savait pas quand elle pourrait retrouver Dumbledore, il fallait qu'elle le voit au plus tôt, elle le sentait.

Victor n'était pas au Manoir, il travaillait, couverture oblige. Mais Virgile était là, mission inconnue. Quoique Mara se doutait du pourquoi de sa présence, les agents ne se baladaient jamais sans but. Le Pacte l'avait envoyé en mission et tout portait à croire qu'il devait la surveiller plus étroitement encore que Victor.

Deux jours qu'elle ne sortait plus, les deux frères avaient verrouillé les cheminées et contrôlaient les transplanages. Qu'elle ne s'enfuit pas. Qu'elle leur dévoile elle ne savait quoi. Virgile attendait qu'elle craque, peut-être. Elle se rendait compte dans cette prison de promiscuités que ces derniers mois étaient les preuves flagrantes de son incapacité, elle n'était plus l'espionne d'avant, elle n'avait rien fait, rien découvert, servi en rien les ambitions du Pacte Ecarlate. La chute était dure. Elle s'était perdue dans des batifolages stupides. Dans sa folie, elle était folle. Le Pacte le savait, elle avait juste été trop désaxée pour s'en rendre compte à temps.

Ses tempes tambourinaient, ses yeux la brûlaient, elle n'avait qu'à saisir la fiole dans sa poche et la boire pour que la douleur disparaisse, mais Virgile aurait su. Des choses qu'elle cachait, que Victor n'avait su déceler. Tu es souffrante ? Tu es inapte ? Tu le vois ton frère ? Ton connard de traître de frère ? Je le sais, on le sait, tu croyais que ça resterait secret ?

« Ne pense pas à ça Mara. Ne te fais pas souffrir pour rien, il ne saura rien. »

Elle serra les mâchoires, Trajan parlait enfin pour lui dire des inepties, elle n'y croyait pas. L'étau se resserrait, ils découvriraient la vérité. Elle aurait voulu le crier au visage de son frère. Mais le souffle de Virgile dans sa nuque. L'ombre derrière elle. Trajan murmurait des mots qu'elle ne comprenait pas. Qu'il se taise.

Ce soir là, Berry servit un repas où Mara fut forcée de se rendre. Si elle avait jusque là, réussi à éviter ces têtes-à-têtes, fumisterie du couple qu'ils étaient censés représenter avec Victor, ce n'était plus le cas, les rapports de force avait changé, elle était dominée. Elle était en danger.

« Alors cette journée ?

— Ta femme n'est pas très causante. Aucune qualité pour briller en société.

— Je suis bien d'accord, une vraie plaie.

— Vous vous amusez bien j'espère… »

Ils la regardèrent, sadiques. tous les deux assis en face d'elle, dans cette salle-à-manger immense, pleine d'échos. Oh que oui, ils se délectaient. Elle ne toucha pas à son assiette.

Plus tard, dans sa chambre, elle ne put qu'être soulagée d'être enfin débarrassée d'eux. Elle lança des sorts de détection, mais elle doutait même de ses capacités à déceler correctement. Qu'allait-elle faire ? Que devait-elle faire à part attendre ? Attendre quoi ? Elle s'écroula sur son lit. Elle était épuisée, balader Virgile sans rien laisser paraitre était éreintant. Trajan s'assit à côté d'elle, elle aurait voulu le frapper. Elle était seule.

« C'est faux.

— C'est vrai, plus que jamais. »

Elle sombra dans le sommeil sans s'en rendre compte, sans avoir pris de décision salvatrice.

21 Novembre 1995
Manoir Rosier, Hayshire, Ecosse.

Son pied s'enfonça dans son estomac. Il était à terre et elle n'avait aucun regret à le frapper. Une petite revanche. Il se débattit, elle s'écarta. Le visage de Mara enflait déjà. Virgile se releva d'un bond sans utiliser son unique bras. Voilà quel genre d'espion entraîné elle aurait dû être. Il ne fit aucun pas vers elle. Ils se jaugèrent. Il cracha.

Comme Victor avant lui, il l'avait provoqué, elle avait craqué. Il avait testé son contrôle d'elle-même et maintenant il savait qu'elle n'en avait aucun. Quels rapports secrets Victor avait-il envoyé au Pacte pour que Virgile soit mandaté pour vérifier ses compétences ? Quelle farce ! Envoyer le jumeau qui confirmerait d'office les dires de son cher frère…

Le piège était là et se refermait. Et elle y aidait avec ce comportement de démente. Mais quand il avait proféré ses insultes, elle avait tout oublier et elle avait frappé. Virgile n'avait jamais rien vécu, il ne connaissait rien des êtres chers qu'elle avait perdu. Et qu'elle continuait à perdre pour le Pacte Ecarlate.

« Tu m'empêches d'agir librement…

— Exactement.

— Tu ne le nies même pas. Que penserait le Pacte de ça ?

— Peut-être que je suis là pour ça ?

— Ne me prends pas pour une idiote, je suis la seule qui est infiltrée à la fois l'Ordre et les proches de Vold…

— Et tu ne t'es pas encore rendue compte que tu ne servais à rien. Les informations sont censé être utiles. Les tiennes sont juste risibles. »

Elle déglutit. Le Pacte en voulait toujours plus, toujours trop. Si elle était un poids inutile, c'est qu'ils n'avaient plus besoin d'elle, que sa mission ne servait à rien, pire qu'elle les entravait. Pourquoi ? Avaient-ils choisi de rallier un camp ? Lequel ? L'Ordre ? Impossible, elle l'aurait su. Voldemort ? Soudain, elle eut un déclic. Le Ministère. Tellement aisé à infiltrer, tellement facile à manipuler, tellement bon et naïf payeur. Les Etats avaient toujours payé comptant leurs services, alors pourquoi pas ? Fudge refusait de croire au retour du Lord Noir, mais il avait d'autres ennemis, Poudlard à contrôler, l'Ordre à démasquer.

Ses pensées défilaient à toute allure. Tout lui semblait logique, elle espérait ne pas se tromper. Si tout était vrai, elle devait prévenir Dumbledore. Car le combat de l'Ordre du Phénix allait s'avérer vain. Et elle serait éliminée comme elle le craignait. L'homme en face d'elle le confirmait dans son regard de pitié dégoûtée, le Pacte la reniait. Elle n'était qu'un déchet.

« Je vais me soigner.

— Fais donc. »

Elle remonta lentement les escaliers.

Si son raisonnement… Elle devait voir Dumbledore. Elle réfléchit. L'Ordre ne l'avait pas recontacté depuis sa dispute avec Sirius. Il avait dû leur expliquer sa version des faits, qu'ils ne pouvaient lui faire confiance, qu'elle était à la solde du Pacte. Mara ne savait pas ce que Sirius aurait pu dire par colère. Si elle était instable, Sirius l'était aussi. Si seulement il l'avait écoutée. Mais Dumbledore ? Savait-il qu'un autre membre de son organisation était maintenant là ? Était-ce pour cela qu'elle n'avait aucune nouvelle ? Elle l'espérait. Dumbledore savait tellement de choses. Mais pas ce qu'elle avait découvert. Ou bien s'était une hypothèse à laquelle il ne manquait qu'une confirmation. La sienne. Elle ne pouvait le contacter, les frères De Layan réceptionneraient son hibou avant qu'il ait quitté la propriété. Par cheminée, l'idée était risible tellement il était aisé d'être sur écoute. Il lui fallait un plan.

C'était une guerre silencieuse. Si le Pacte était du côté du Ministère et décidait d'agir réellement… Si ils décidaient que l'Ordre était une menace pour eux… Tous ses membres seraient retrouvés. Mara gardait l'espoir que le Pacte n'agisse pas. Payer grassement par le Ministère de la Magie, ils attendraient pour agir d'avoir toutes les cartes en main. C'était plus leur genre. La situation au Royaume-Uni était trop instable pour choisir définitivement son camp. L'Ordre avait peu de ressources, Voldemort avait exécuté l'une de leur brillante agent, mais il avait des pouvoirs exceptionnels. Le Ministère restait un choix judicieux en attendant que les combats croissent. Si c'était vraiment ce qu'il se passait…

« Et si tu trompes…

— Qu'est-ce que je risque ?

— Ta vie.

— Je ne mourrai pas. Je ne compte pas crever maintenant. Je te le jure Trajan, tu peux me faire confiance. »

25 Novembre 1995
Manoir Rosier, Hayshire, Ecosse.

Onze jours. Onze jours de trop, elle allait sortir d'ici. Elle n'allait pas s'enfuir, elle reviendrait. Mais elle avait pris sa décision, elle devait parler à Dumbledore.
Invoquerait-elle une réunion au 12 square Grimmaurd ? Ils la suivraient sûrement. Et elle ne voulait pas aller dans la demeure des Black. La situation continuerait à dégénérer, Sirius ne devait pas y être mêlé… Alors, où irait-elle ? Poudlard, Pré-au-Lard ? Abelforth ? Daignerait-il contacter le directeur pour elle ? Le pourrait-il ? Mais les jumeaux seraient là, à la traquer, à écouter pourquoi elle était partie retrouver Dumbledore. Si ils ne l'apprenaient pas sur place, il la ferait parler plus tard.

Tant pis, elle devait prendre ce risque, cette décision.

« Je sors.

— Pourquoi ça ?

— L'Ordre. Je ne vais pas rester en quarantaine plus longtemps. J'ai une mission que ça vous plaise ou non.

— Ecoute moi bien Mara, ici, nous sommes tes supérieurs…

— Attends Virgile, laisse là faire… »

Virgile se retourna vers son frère, celui-ci le regarda, l'autre haussa les épaules et jeta un regard goguenard à Mara. Que s'étaient-ils dit ? Victor fit un mouvement compliqué avec sa baguette. La barrière anti-transplanage était levée.

« Tu as une heure. »

Elle partit. Elle atterrit dans une ruelle sombre de Londres et disparut aussitôt. Elle passa ainsi dans différents quartiers, elle ne voulait pas qu'ils la suivent. Avec cette technique et malgré la marque dans son dos, elle gagnerait plusieurs minutes. Elle transplana le plus vite qu'elle put et apparut finalement devant la porte de service de La tête de Sanglier. Il bruinait en Ecosse. Aucun des passants pressés dans la rue adjacente ne pouvait la voir. Seul Trajan la lorgnait, mais elle ne fit pas attention à lui. Elle toqua avec la pointe de sa baguette. Au bout de longues secondes, Abelforth ouvrit. Ils ne s'étaient rencontrés qu'une fois à une réunion de l'Ordre. Il n'était pas resté longtemps, il était bourru, bien plus rustre que son frère. Mais, il avait les mêmes yeux qui semblaient tout voir. Il s'écarta pour la laisser renter.

« J'ai besoin de voir le Directeur de Poudlard. »

Il renifla.

« Rapidement. Pouvez-vous m'aider à le contacter ? C'est urgent. J'ai…

— Il n'est pas là.

— Où est…

— Je n'en sais rien. »

Elle se tut. Son plan s'écroulait. Elle ne tirerait rien du tavernier et il ne savait sûrement rien. Il n'aimait pas son frère et Albus Dumbledore n'avait pas pris la peine de lui faire part de son emploi-du-temps. Ce qui signifiait que le vieil homme pouvait être n'importe où. Elle blêmit. Abelforth semblât s'en rendre compte. Mais il ne lui demanda rien. Elle se retourna vers la porte, s'arrêta.

« Il faudra lui dire, vous devrez lui dire… Il y a beaucoup de monde chez moi, ces temps-ci… Mais que je pourrais réussir à me dégager.

— C'est ça , grogna-t-il, et bien bonne fête en famille, moi j'ai du boulot ! Allez ! »

Il claqua à moitié la porte sur elle. Mara se retrouva dans la rue. Ce vieil homme buté allait-il transmettre son message ? Si il le faisait, au moins Dumbledore serait au courant d'une chose. Il saurait comprendre ce qu'elle avait voulu dire. Quant au reste, elle ne voulait lui en parler que de vive voix. Elle attendrait qu'il la retrouve. Si il lui envoyait un hibou avec une lettre codée...

Voilà. Elle était sûre qu'il comprendrait. Il fallait qu'elle rentre maintenant. Depuis combien de temps était- elle partit ? Mara hésita à transplaner place Grimmaurd. Dumbledore y était peut-être. Elle secoua la tête, elle n'y trouverait que Sirius. Elle avait tant envie de le voir, et lui transmettrait son message à Dumbledore.

« Tu n'iras pas là-bas.

— Je sais déjà ce que tu penses de tout ça, merci.

— Ca fait déjà trois heures que tu es dehors.

— Trois ? »

Comment avait-elle pu perdre autant de temps ? Il fallait qu'elle reparte au Manoir rapidement. Les jumeaux avaient été libres de fouiller et de saccager pendant qu'elle était dehors. Malgré ses sorts de protection, elle ne savait pas… Elle serra les poings et regarda Trajan avec colère. Il resta impassible, évidement.

En un mouvement elle réapparut dans le hall de sa demeure. Il n'y avait aucun bruit. Elle se rua en haut. La porte de son bureau était ouverte, elle rentra en trombe dedans. Rien n'avait bougé. Ou plutôt, ils avaient fait en sorte que tout soit identique après leur fouille. Et en signature, ils avaient pris le soin de laisser sa porte ouverte. Une provocation de plus, elle inspira profondément.

« Regarde ton tiroir. »

Mara referma la porte derrière elle, lança des sorts de détection qui sifflèrent dans les airs. Ils avaient truffé la pièce de sort d'espionnage. Elle jura, tant pis, ses précieuses potions attendraient, elle allait leur dire ce qu'elle pensait.

« Ne fait pas ça…

— Ta gueule, Trajan… Je sais ce que je fais, j'en ai assez.

— Ca ne sert à rien. »

Et elle le savait, elle était lasse de ce cirque, de ces sorciers puérils et cruels qui se croyaient encore en salle d'entraînement quand ils avaient dix ans. Il fallait que cela cesse une bonne fois pour toute. Qu'est-ce qu'ils voulaient à la fin ?! Ses tempes la brûlaient, elle les massa un peu trop fort. Une douleur pour une autre.

« Garde ton calme.

— Je suis plus que calme.

— Tu leur réponds.

— Et avec plaisir. »

Elle descendit le grand escalier rapidement. Elle ne laisserait jamais plus les jumeaux De Layan se croire les plus forts. Une fois, elle avait laissé faire, et son frère… Elle se retourna, il était toujours là. Il la comprenait évidement, il la comprenait toujours. La porte du salon était fermée. Inhabituel, elle l'ouvrit à la volée. Elle se moquait de paraître hystérique, elle était en rage. Contre ce manège grotesque qu'était le Pacte et ses pantins prédateurs, l'heure de sa Vendetta. Elle s'arrêta sur le seuil.

D'abord elle vit Victor assit nonchalamment dans un fauteuil.

« Tu as été longue.

— Mais je vois que vous vous êtes occupés.

— Qu'est-ce que tu croyais ?

— Où est Virgile ?

—…

— Où est-il ?!

— Il a dû repartir au Pacte. Disons qu'il a recueilli ce qu'il voulait. »

Elle se tendit. Quelles enflures. Victor semblait attendre quelque chose, il se redressa soudain, croisa les bras sur ses cuisses et se pencha vers elle :

« D'ailleurs, comme il s'ennuyait, il a pris le temps de te laisser un petit présent avant de partir. »

Il fit un signe de tête vers le fond du salon, à moitié dissimulé par le mobilier imposant. C'est là, qu'elle la vit à travers le reflet du miroir au-dessus de la cheminée, au-dessus de Victor. Le corps de Berry, le visage caché dans l'épaisseur du tapis, immobile, le torchon entourant son buste tâché, noir. Elle sentit son sang se liquéfier, elle avança lentement vers son Elfe, elle se pencha vers le cadavre, car c'en était un, Berry était morte. Elle se tourna vers Victor. Il s'était relevé, il savait très bien ce que Mara allait faire, lui et son frère l'avait assez traquée pour cela.

Elle ne vit plus que ce sorcier en face d'elle qui l'attendait. Elle allait le tuer.

« Qu'est-ce que tu attends Mara ? »

C'était leur dernier piège. Craquerait-elle ? Attaquerait-elle des membres du Pacte ? Dépasserait-elle la limite ? Elle allait le tuer. Elle se rua sur lui.

Il l'esquiva et lui envoya son poing dans l'estomac. Elle se mordit la langue, cracha un filet pourpre. Ses dernières barrières craquèrent. Elle allait le détruire. Toute la haine et la frustration qu'elle retenait, toute la folie brutale qu'elle contenait en elle depuis la mort de son frère se déversèrent dans le salon. Elle le frappa. Le sang gicla. La lumière grise se teinta de rouge.

Un uppercut en plein dans sa mâchoire et il trébucha en arrière. Il jura et sortit sa baguette. C'était fini de rire et de se battre comme un moldu, Mara sortit sa baguette mais en un geste qu'elle ne put parer il l'envoya valdinguer au dessus de la cheminée. Elle rentra en plein dans le miroir, elle l'explosa, retomba au sol, une pluie d'éclats coupants avec elle. Sa chair était entaillée, elle poussa sur ses avant-bras et jeta un regard par dessus son épaule, un morceau de miroir s'était fiché dans sa cuisse droite. Sa baguette avait roulé jusque dans l'entrée. Victor s'approcha d'elle, victorieux. Il lui donna un coup entre les omoplates, elle retomba face contre sol, un bris s'enfonça dans sa joue, elle retint un cri et tenta de se redresser. C'est là que Victor posa son pied sur le morceau incrusté dans sa jambe, il enfonça le pieu de verre d'un coup. Elle sentit son muscle et ses nerfs sectionnés. Elle cria. Il rit.

« Lacerare! »

Elle hurla. Des stries se creusaientt dans son dos, la griffaient jusqu'à l'os. Son corps se cabra, spasmes pour arrêter la torture. Dans la douleur, tout devient flou. Sous sa main droite elle sentit un éclat de miroir, court mais effilé. Elle le saisit, déchirant ses doigts et, sans réfléchir, dans un mouvement, dans un cri, elle se retourna le plus qu'elle put, agrippa la cheville gauche de son ennemi et lui entailla le talon.

Elle sut qu'elle lui avait coupé le tendon d'Achille quand il s'effondra subitement à terre, la frappant dans les côtes. C'était sa chance, elle poussa de toutes ses forces sur sa jambe valide et se laissa retomber sur Victor. Elle lui coupa le souffle. Son dos la brûlait, du sang partout. Elle lui enfonça la lame miroir dans la gorge. Elle rata son coup et ne fit que l'entailler. Elle lui flanqua un coup de tête qui les assomma tous les deux à moitié. Mais elle était en transe. Elle enfonça profondément le miroir dans sa trachée. Il eut un regard surpris, un borborygme noir. Elle arracha et renfonça dans une jugulaire, le sang coula en longs flots de ses plaies et de sa bouche. Elle continua à l'empaler furieusement.

Son cou fut rapidement en charpie mais elle sentait encore son corps décapité tressauter. Elle lui creva un œil. Elle n'arrivait plus à respirer. Il arrêta de bouger. Alors, Mara s'affaissa, elle tomba de côté, elle roula sur le dos, elle haleta, aucun son ne parvenait à franchir ses lèvres. Elle avait froid mais le sang autour d'elle était chaud. Elle devinait le sien, brûlant. Elle leva une main et essuya son visage, elle ne fit qu'étaler le sang. Son bras retomba. La tête penchée, un voile rouge la faisait voir plus clairement que jamais. Victor déchu, le débris de miroir toujours fiché dans sa paupière. Le mobilier renversé, le corps de Berry… Il n'y avait personne d'autre. Morts ou en sécurité. Très loin. Elle essaya de bouger, elle cracha du sang. Ou autre chose. Elle essaya d'appeler son frère, lui seul pouvait l'aider maintenant. Sa tête était lourde, l'odeur du fer.

Il était là. Il avait tout regardé de loin, sans intervenir, ce n'était pas son combat. Il devait l'aider maintenant, la soigner et ils partiraient. Comme ils auraient dû le faire. Elle n'arrivait pas à cligner des yeux. Il s'approcha d'elle, s'agenouilla, elle crut qu'il la regardait. Il avait le teint rosé. Elle tremblait, peut-être. Elle voyait sa poitrine se soulever, vide, erratique. Elle n'entendait pas son souffle ni le sien. Il sourit et se glissa derrière elle.

Il souleva doucement la tête de sa sœur et la cala sur ses cuisses.

Comme l'aurait fait Trajan.


Fin.
Et voilà le mot fatidique. En me relisant, j'ai eu quelques frissons. Pas que je trouve la fin ou mon "style" incroyables, mais plutôt que j'étais avec mes personnages, qu'on a fait une grande ballade ensemble et que ça a été chouette. Même si ça a plutôt mal fini !
Quelle fin auriez-vous imaginé de votre côté ? J'espère que vous n'êtes pas trop déçus !
J'ai pensé à pleins de fins différentes, du happy end au maxi carnage sanglant (ce qui n'est pas le cas ici je vous assure, ah, ah), mais cette fin me semblait cohérente avec les personnalités et les choix de chacun des personnages.

Je trouve même que la fin est douce, les dernières phrases laissent penser que tout est pardonné, que tout est réparé, enfin comme il faut.

Sauf pour Virgile mais bon ! xD

N'hésitez pas à commenter ! Et je vous dis à bientôt dans ma nouvelle fanfiction que je suis en train d'écrire : "Magdalena" (musique promotionnelle), bientôt dans votre rayon Mauraudeurs (forever !).