- SBAM -
SOURIRE - BONJOUR - AU REVOIR - MERCI
...
JOUR 1
« Bien le bonjour Régina ! »
La brune leva ses yeux sombres, emplis d'étonnement, sur l'individu lui faisant face. Qui osait s'adresser ainsi à elle ? Personne ne lui adressait la parole, jamais personne, les clients se rendant assez vite compte qu'ils n'avaient pas choisi la meilleure caisse en prenant la sienne. C'était selon elle, un des privilèges qu'offrait la beauté, une caissière jolie pouvait se permettre d'être désagréable, peu avenante voire insociable, cela lui était pardonné justement parce qu'elle était jolie et, elle faisait tout pour appliquer cette règle à la lettre, allant même jusqu'à ne pas réellement regarder les clients lui faisant face.
« Je vous connais ? » Demanda-t-elle, sur la défensive, d'un ton pinçant.
« Pas que je sache, » répliqua la jeune blonde, tout sourire, avec un peu trop d'entrain à son goût.
Que pouvait-elle répondre à cela ? Pourquoi sa mauvaise humeur n'arrêtait pas cette fichue cliente ?
« Alors… ? »
« C'est écrit sur votre badge Régina, à quoi bon porter un badge avec son prénom si ce n'est pour qu'il soit utilisé ? »
« A nous dénoncer à nos supérieurs lorsqu'on se trompe d'à peine deux centimes. Certainement pas pour nous saluer. »
Régina venait d'adopter une voix froide, monotone, sans nuance.
« Ah. C'est fort dommage. »
Pourquoi cette cliente souhaitait-elle faire la causette avec elle ? Etait-elle aveugle pour ne pas remarquer qu'aucune discussion ne l'intéressait ?
« Oui, si vous le dites… » Finit par répondre Régina, après quelques secondes de flottement.
« …c'est que c'est vrai. Vous avez un bien joli prénom. »
La brune passa mécaniquement les articles devant le scanner, n'ayant depuis bien longtemps plus conscience du fort bip, désagréable et sonore, qui résonnait avec force à chaque passage de produits. A peine eu-t-elle fini de tout comptabiliser que cette cliente blonde lui tendit le montant exact permettant de régler ses achats, souriante, bien trop souriante.
Elle lui remit le ticket de caisse d'un air désabusé, presque blasé.
« …j'imagine que je dois vous remercier. »
« Pour mon bonjour et pour trouver votre prénom joli ? Vous imaginez bien en effet, c'est ainsi que fonctionnent les personnes civilisées. »
La blonde récupéra ses achats.
« Vous me remercierez la prochaine fois, » dit-elle après un léger clin d'œil, se détournant rapidement sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit.
Régina fronça les sourcils d'incompréhension, que venait-il de se passer avec cette femme ? Elle haussa les épaules, replaçant un masque terne et empli de froideur sur son visage, quelle importance ? Elle n'en avait rien à faire.
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JOUR 2
« Bonjour Régina, » dit la cliente, de nouveau cette cliente, posant ses courses sur le tapis roulant.
« Encore vous. »
La blonde sourit sous la remarque quelque peu acerbe.
« Vous vous souvenez de moi ? »
Pourquoi cet engouement dans la voix ? Etait-elle heureuse de cette nouvelle rencontre ? Pourquoi donc ? Elles ne se connaissaient même pas. Régina allait lui faire passer l'envie.
« Il semblerait, malheureusement. »
« Dites, puis-je vous poser une petite question ? »
« Comme si vous alliez vous gêner pour le faire. »
Le sourire de la blonde s'élargit, elle prit une légère inspiration avant de demander, un brin sarcastique :
« Le SBAM, on ne vous a jamais appris ? Vous savez, Sourire – Bonjour – Au revoir – Merci ? »
« Vous avez financé ma formation ? »
« Quelle question, évidemment que non. »
« Alors cela ne vous regarde en rien. »
« Vous avez sans doute raison mais… »
« Pizza, pizza, pizza, pizza… Oh et étonnant, encore pizza ! Quelle alimentation variée. »
« Tout à fait, vous ne faites juste pas attention aux détails. Pizza quatre fromages, pizza poivrons-chorizo, pizza jambon, pizza… »
« Les légumes vous ne connaissez donc pas ? » La coupa méchamment la brune, « on ne vous a jamais appris à en manger ? »
« Apparemment ce n'est pas encore aujourd'hui que vous me remercierez. »
« En effet. »
« Bien, pensez à le faire la prochaine fois. »
La cliente, après avoir réglé ses achats, les fourra rapidement dans son sac avant de sourire, lui lancer un clin d'œil amusé et de tourner les talons. Laissant une Régina seule et incertaine.
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JOUR 3
« Bonjour Régina ! »
La brune releva la tête.
« Comme c'est étonnant, encore vous tout sourire. »
« Eh oui, » répondit la cliente avec entrain.
« Vous n'aviez plus de pizza ? »
« Et de légumes apparemment. »
« Oh, » ne put s'empêcher de s'exclamer avec étonnement la caissière en soulevant un sachet de tomates, « vous ne les avez pas pesées, » poursuivit-elle dans un reproche.
« Il fallait ? »
« Evidemment, c'est vendu au kilo. »
« Ah. »
« Vous n'avez pas lu les affiches ? »
« Je ne pensais pas, dans certaines grandes surfaces c'est pesé en caisse. »
« Eh bien pas ici. »
« Je fais quoi du coup ? »
La brune lâcha un profond soupir.
« Soit vous retournez vite fait les peser, soit vous dites adieu à vos tomates. »
« J'imagine que je devrais y retourner sinon une certaine personne risque de me reprocher ma vénération pour la pizza. »
« Vous m'en direz tant. »
« N'est-ce pas ? Comment peut-on critiquer les pizzas ? »
« Bon, vous faites quoi ? »
« J'y vais, j'y vais. »
« Et bien pressez un peu le pas, vous n'êtes pas seule cliente à cette caisse. »
« Très bien, je vais faire vite. »
« Je vous attends. »
« Merci Régina, » déclara la blonde avant de détaler en courant, sortant au plus vite de la file d'attente.
Les clients derrière celle-ci commencèrent à s'impatienter, mais elle revint, essoufflée, déposant rapidement le sachet de tomates devant la caissière.
« Et voilà ! » S'exclama-t-elle en souriant, fière d'elle.
« Vous avez sélectionné des courgettes rondes au lieu des tomates rondes. »
« Oh. »
« Mais à quoi vous pensiez ? »
« C'est préoccupant ? »
« Vous allez payer plus cher. »
« Vraiment ? »
Régina secoua la tête en signe de mécontentement.
« Retournez-y si vous voulez. »
La blonde se tourna vers le tumulte qui commençait à se faire entendre derrière elle pour lancer un regard noir aux autres clients, mécontents de leur attente.
« Non, » finit-elle par dire, se retournant vers Régina. « Tant pis, je vais les prendre comme ça. »
« Comme vous voulez. N'allez pas vous plaindre de vous être faite avoir après. »
« Certainement pas. »
« Bien. »
Régina encaissa le montant des achats tandis que la blonde les récupérait pour les fourrer avec empressement dans son sac. Puis, elle salua la caissière… ou du moins voulut la saluer. Régina ne lui en laissa pas le temps.
« Ce n'est semble-t-il pas non plus aujourd'hui que je vais vous remercier, » lança-t-elle sur le ton de la conversation, « mais, j'y réfléchirai. Peut-être aurai-je envie de le faire la prochaine fois. »
La blonde sourit, attitude qui ne la quittait que trop rarement pensa la caissière, ne pouvant s'empêcher d'étirer à son tour légèrement les lèvres.
« Ce serait bien, » finit-elle par répondre, une fois la surprise passée, dans un clin d'œil complice.
Régina la regarda partir avant de se reprendre. Effaçant l'esquisse qui demeurait sur son visage, furieuse de commencer à apprécier l'intéraction qu'animait cette femme avec elle. Il ne manquerait plus qu'elle se mette à attendre qu'une semaine passe pour la voir en caisse.
Elle lâcha un faible soupir, plissant des yeux, trop tard. Elle souhaitait déjà être à la semaine suivante.
...
Merci de votre lecture. J'espère que ce début semble prometteur et qu'une suite ne vous laisserait pas indifférent.
Merci à Not gonna die, pour sa précieuse correction.